Lundi 23/01/17
Je suis en retard mais je m'en branle. C'est toujours la même histoire, toujours les mêmes personnes et toujours les mêmes discussions. Si à un moment dans votre vie vous vous êtes demandé ce que faisait vos chefs tous les lundi matin en salle de réunion, je vais vous le dévoiler assez rapidement.
De la merde.
Je me demande même quel est le con qui a décidé que le lundi devait être fait pour faire une réunion matinale. C'est sûrement une idée venue d'Asie pour ne pas citer les acharnés du travail. Enfin, c'est ce que je pense. Je me demande quand même quel genre de mec type européen, qui a eu son diplôme sans trop forcer aurait décidé de créer ce point entre les grands de l'entreprise. Sûrement pas un Français.
Il faut arrêter de se leurrer, ça ne sert à rien et ça fait chier tout le monde. Un français l'aurais compris j'imagine. Sauf que le Français moyen est un mouton, un gamin qui apprend bien ses leçons de ses voisins.
Quelle connerie.
C'est tout ce que je pense en poussant la porte de l'entreprise. Ce n'est qu'une connerie matinale qui m'empêche simplement d'avoir quelques minutes de sommeil en plus. Mais bon, vu que je suis dans cette entreprise depuis un moment et que j'ai gravis des échelons, me voilà obligé de m'assoir sur cette chaise avec mon café pour faire ce qu'on appelle une réunion hebdomadaire. Si ça tenait qu'à moi elle devrait être annuelle, on avancerait peut-être même plus. Mais j'ai trouvé une parade à tout ce merdier, chaque lundi je m'éclate autrement pour que ça passe plus vite. Et je souris encore plus bêtement en prenant mon compte rendu envoyé au PDG vendredi soir. Ah oui, parce que en salle de réunion il faut parler aussi. Ça, c'est un peu plus emmerdant. Je me fais à chaque fois avoir et on me réveille. Je suis toujours en train de compter les points du faux plafond en carton. À mon dernier décompte j'étais à cent quatre-vingt douze. Ouais, c'est un bon score mais n'allez pas vous méprendre c'est compliqué de garder le fil, et tous les lundis c'est pareil. J'essaye de me souvenir où est ce que je me suis arrêté lundi dernier. J'imagine bien que mon compte n'est pas tout à fait correct mais bon. Il faut bien s'occuper non ?
Je souffle et saisie mon stylo quatre couleur, celui-là c'est celui que je préfère et vu que je me fais bien chier je n'hésite pas à le faire partager à tout le monde. Voir le regard de Martine fixer mon stylo pendant que je joue avec est mieux qu'un orgasme parfois. Elle doit s'imaginer me l'enfoncer dans l'œil au moins vingt fois en une minute. Mais je n'arrête pas. Je l'emmerde.
J'entre dans la salle et Julie me sourit déjà jusqu'aux oreilles, un bonjour est de rigueur parce que même les chefs se disent bonjour et ça même s'il s'en mettent plein la gueule toute la semaine. C'est comme si on déposait les armes le temps d'une minute, alors un bonjour est ce qu'il y a de plus normal. Je prends comme d'habitude la même place. Toujours la deuxième à côté de Julie. De temps en temps je me fais du suspens et je m'assois au pif. C'est dans mes périodes Koh Lanta. J'ose.
Mais aujourd'hui je suis fidèle à mes habitudes. Je tire la chaise et m'installe. Ou plutôt je m'affale, mes yeux ne sont pas encore bien conscients et ma tête a décidé d'en avoir rien à foutre jusqu'à au moins 11h. Après on verra.
Je souffle et les grand de ce monde font leur entrée. Les voilà, les costars, chemises blanches qui s'avancent comme s'ils allaient sauver le monde de la famine. C'est pathétique, exaspérant mais drôle aussi. Je les vois tous en pingouin marchant joyeusement. Le premier à faire son entrée c'est José, lui, il n'a toujours pas compris le principe d'une réunion. Enfin, quand j'y pense, Jean-Michel non plus. Mais ça ne m'étonne pas. Ils ont les mêmes fonctions sauf à deux endroits différents. L'un est dans l'aile Ouest et l'autre dans l'aile Est. Autant dire que c'est surtout une guerre froide. Toujours à râler l'un contre l'autre mais le plus amusant c'est que je suis la frontière. Je vous ai parlé de ma fonction ? non ? J'y reviendrais.
Le bonjour est toujours de rigueur quand Sandrine, Stéphanie et Alexandre font leur entrée. Voilà les charognards, les vampires et bêtes sanguinaires. A quel moment dans sa vie on décide d'être commercial ? Il faut avoir un penchant pour la viande fraiche et la sournoiserie. Ils ont toujours raisons et ce n'est jamais de leur faute mais on doit les supporter parce que sans eux on n'aurait pas de paye. Alors ils se prennent pour les rois du monde. Ou du moins les rois de leur monde. Il suffit de les mettre en concurrence et c'est un vrai combat de coq. Tiens, par exemple, Marie-claire s'est un jour trompé de commercial en associant une commande importante. Un autre a donc eu une très bonne commission et quand Stéphanie s'en ai rendu compte elle a attendu Lundi pour en parler. J'aurais aimé avoir une GoPro sur la tête pour filmer ça. Le meilleur lundi de toute ma vie. Vous vous souvenez de Tchernobyl ? Et bien voilà, la même chose mais dans dix mètre carré. Un moment magique. Dommage qu'elles ce soit réconciliées j'aurais aimé voir la suite de la guerre.
Ils s'installent tous les un après les autres et Claudine me lance un sourire radieux, Je lui rends en voyant qu'elle a bien changé de chandail. Elle a mis son chandail « je suis de bonne humeur » comme si un stupide bout de tissus pouvait l'aider à ne pas craquer à nouveau. Après son burn-out on a dû tous relâcher le pied craignant qu'il arrive la même chose aux collègues. Ouais, des fois, la direction ce soucis de nous. Mais pas de vous, non, les employés ne sont que de la chair à saucisse. Rien de plus.
Mais ne nous en voulez pas, on a aussi été employé avant d'être là dans ce bureau pour une putain de réunion qui n'a toujours pas commencé. Je regarde ma montre et voilà la venue du maestro. C'est le bras droit du PDG, son larbin, son jouet, sa merde. Il est fier d'être un caca de premier rang. On lui sourit tous pendant qu'il s'installe gaiement. Ça me fait toujours autant chier alors je lève le regard et essaye de retrouver mon petit point. Je te tiens. Cent quatre ving treize, Cent quatre ving quatorze, Cent quatre ving quinze...
- Bonjour à tous, qui veut commencer ?
Cent quatre ving seize
- Hum.. hum.. on fait dans le sens des aiguilles d'une montre. Martine, On t'écoute.
Cent quatre ving dix-sept, Cent quatre ving dix-huit, Cent quatre ving dix-neuf, deux cent ! Putain ! Je fixe bien mon objectif sous un bruit de fond de Martine pour le garder en mémoire. Ce petit point devient très important en une fraction de seconde. Cela fait quelques semaines que je compte au plafond et il est pile au centre de la pièce. A vu d'œil je dirais que la largeur de la pièce est de cinq mètre, la longueur doit être proche de trois mètre, si j'enlève un, que je multiplies par deux et si je trace un cercle de diamètre dix. Il est pile au centre. Bordel ! C'est génial !
Je griffonne sur mon calepin l'emplacement exacte et prend toute les notes nécessaires pour le retrouver lundi prochain. Je savais bien que j'avais manqué ma voie, j'aurais dû être architecte. J'adore griffonner tout un tas de plans. Je fais un plan pour t'expliquer où se trouve la machine à café ou les wc du cinquième. J'en ai eu plus d'un comme ça en les orientant vers la pire machine. Il faut savoir qu'il y a plusieurs machines à café dans une entreprise mais qu'une seule réalise un pur arabica. Le jour de sa découverte j'ai cru que mon cœur allait se décrocher. Mes yeux brillaient d'admiration et le comble c'est que je crois être la seule personne au courant. C'est mon secret et je ne dirais absolument RIEN. Plutôt mourir.
Je vous disais quoi ? Ah oui, si je devais reprendre mes études j'aurais choisi un autre métier. C'est évident que si je savais que tous les lundi matin serait comme ça. D'un ennuis à mourir attendant le moment tant attendu j'aurais préféré faire juge, quitte à rien foutre autant être bien payé. Et je ne vous parle même pas de la semaine, de quoi s'ouvrir les veines. Mais encore je m'en tire bien, s'il y a bien un boulot qui mériterai de faire un test psychologique une fois le diplôme en main c'est comptable. Sérieusement. Qui veut être comptable toute sa vie ?
Est ce que vous savez que le taux de Burn-out est plus élevé chez les comptables ? Les chiffres ça grille la cervelle. Bien heureusement ce n'est pas mon problème et même si mon métier me gonfle je m'en sort plutôt bien.
- Luc ?! oh oh ! Luc ?!
Merde. C'est à moi qu'il parle.
- Euh... ouais, semaine normale, rien à signaler.
- Moi, j'ai quelque chose à te signaler Luc.
Pourquoi tu ouvres ta gueule ? Voilà que Martine me cherche des noises.
- Oui ?
- Concernant le dossier Tartenpion, je tiens à signaler que ton équipe a prit du retard, je m'attendais à avoir un retour bien plus rapide. Comment cela est -il possible ?
Soit cool... En un instant je m'imagine lui balancer mon stylo quatre couleur dans l'œil comme si je lançait un javelot mignature, puis je bondirai par-dessus la table et l'enfoncerai encore plus profondément. Le sang fera sûrement crier Julie mais rendre Martine aveugle sera d'une bien plus grande joie. Ok. Dégomme la...
- Effectivement, il y a eu du retard mais je pense c'est à cause des dix dossiers urgent que tu as donné à la dernière minute.
Bombe en E6. Touché... coulé ! Elle ne dit plus rien et je jubile intérieurement. Vous vouliez savoir ce que faisaient vos chefs tous les putains de lundi ?
Ils se font la guerre sans bouger de leur chaise.
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