Chapitre 13 :
Le groupe, dont l'effectif avait doublé, ne resta pas dans le pub. Ainsi, Léonce mena son équipe en direction du château royal. Béatrice le talonait et les trois nouvelles recrues étaient plus en arrière, en ligne. Enfin, il y avait Forrest, intimidé par les figures imposantes qu'incarnaient Valério, Antonella et Hagen. Il avançait lentement et gardait la tête baissée. D'un côté, il voulait s'enfuir. De l'autre, ces cinq-là seront très utiles pour sa vengeance.
— Tu m'as l'air bien pensif, fit remarquer Hagen, sans s'arrêter, en tournant simplement la tête.
— Hmm ?
— Pourquoi tu te préoccupes de ce petit ? demanda Valério.
— Sa présence m'intrigue. Pourquoi Léonce se le trimballerait ?
— Tu sais très bien que personne n'arrive à le cerner, rappela Antonella.
— D'ailleurs, commença Forrest, pourquoi l'avez-vous suivi sans en savoir tant que cela sur son but ?
Les trois rirent.
— Tu ne connais pas Léonce, toi, conclut Hagen. Ne te fie pas à ses cheveux gris. Il est aussi vigoureux que toi, voire plus. C'est le plus grand bandit de ces dernières années. On ne compte plus ses crimes et on préfère oublier leur gravité. De toute manière, cela n'importe plus. Ses actions lui ont permis d'être enfermé dans la prison de Conleth Glenis. Cela suffit largement à prouver sa notoriété dans le milieu.
— Ce nom me dit quelque chose, lâcha le jeune homme, pensif.
— D'où sors-tu ? se moqua Valério. Tout le monde connaît Conleth Glenis. Cet homme est une légende ! Bon, sa gloire n'est... pas fameuse, dans le sens admirée par tous, mais il a mérité son titre.
Forrest prit un air interrogateur.
— Mieux vaut préserver ton innocence, conseilla Hagen.
— Eh oh ! s'exclama Léonce. C'est fini les chuchotements ?
Tous se turent.
— On va installer un camp à côté de ce lac, là-bas.
Ils y arrivèrent une dizaine de minutes plus tard. Le soleil se couchaient lorsque chacun s'activait à ramener du bois et à faire du feu. Seul Forrest restait dans son coin, à ne rien faire. Béatrice et Valério étaient revenus avec un sanglier et ce dernier boîtait légèrement.
— Il m'a foncé dessus ce bougre. C'est que ça pèse, se justifia-t-il.
Il s'occupa ensuite de découper la pauvre bête et de la faire cuire. Pendant ce temps, Hagen s'approcha du jeune homme.
— Tu n'es pas à l'aise, toi.
— Je n'ai simplement pas l'habitude d'être livré à moi-même.
— Ça se comprend. Tu es encore jeune.
— Vous avez déjà...
— Ne me vouvoie pas. Ça me gêne.
— Pardon. Donc... as-tu déjà été affecté par la mort de quelqu'un qui... t'était cher ?
— Drôle de question. Laisse-moi réfléchir. Ma femme a fait une fausse couche alors... en quelque sorte...
— Une fausse couche ?
— À table ! s'écria Valério.
La conversation s'arrêta brusquement et tout le monde se regroupa autour du feu et se servit du sanglier. Forrest était plus réticent et les autres le remarquèrent. Le dîner englouti, aucun n'attendit avant de se coucher. Ils s'allongèrent sur le sol, hormis Valério et Forrest.
— Tu n'es pas fatigué ? demanda le plus âgé.
— Pas trop.
— Sincèrement, qu'est-ce que tu fais là ? Pourquoi es-tu seul ?
Le jardinier de formation ne souhaitait pas répondre à cette question.
— Qu'est-ce qu'une fausse couche ? interrogea-t-il à son tour.
— Tu es vraiment étrange comme gars. Mais si tu veux vraiment savoir. Une fausse couche, c'est l'arrêt précoce de la grossesse. La différence avec un accouchement prématuré, c'est que là, le fœtus ne survit pas.
— Je vois...
— Ça te concerne ?
— Pas du tout.
— Qu'est-ce que je raconte ? Tu ne me le dirais pas si c'était le cas. Allez, va te coucher. Le rêveil sera dur demain.
Valério se leva et s'étira.
— Et toi ?
— Je vais courir un peu, dit-il en commençant à s'échauffer. J'ai besoin de faire du sport un peu tous les jours. Je te dis bonne nuit.
Il partit donc en petites foulées tandis que Forrest le regarda partir et disparaître dans la nuit. Il fit un pas en avant puis s'immobilisa. Finalement, il recula son pied et leva la tête. D'où ils étaient, on voyait parfaitement les étoiles. Le jeune homme avait tendance à se perdre, mentalement, dans cet espace infini. Il serra soudainement ses poings, si bien que ses ongles s'enfonçaient dans la paume de ses mains.
— Hop hop hop ! On se lève ! hurla Léonce. Ne traînons pas ici !
Il faisait encore nuit. Les cinq autres vagabonds se levèrent à leur rythme, Forrest étant toujours à la traîne.
— Ça m'étonne qu'il ne lui ait encore rien dit, murmura Hagen à l'intention de Valério.
— Oui, c'est vraiment bizarre.
— Bon, vous deux, lança le meneur du groupe, vous avez fini vos cachotteries ?
— Oui, pardon, on arrive.
De son côté, Béatrice éteignit le feu, signifiant qu'ils partaient pour de bon. En effet, il reprirent immédiatement leur périple jusqu'au château.
Aucun d'entre eux ne savaient réellement où ils étaient. Ils tentaient de se repérer à l'aide des voyageurs, mais entre ceux qui les ignoraient et ceux qui n'en avaient pas la moindre idée, ils n'étaient pas prêts d'arriver à destination. Toutefois, lorsqu'ils passèrent devant un village désert, au beau milieu de nulle part, les yeux de Léonce s'éclairèrent.
— Enfin un endroit que je connais bien !
La petite commune était complètement vide et il y avait un silence de mort. Les six voyageurs y pénétrèrent et se retrouvèrent aussitôt au centre du village. Les habitations autour d'eux étaient, pour la plupart, effondrées, mais les autres n'allaient pas tarder à connaître le même destin. Un robuste beffroi et une magnifique fontaine, asséchée et fissurée, représentaient le cœur de ce lieu. Forrest décida de s'appuyer contre celle-ci. Le reste du groupe longeaient les bâtiments, dont certains affichaient des enseignes de boutiques en tout genre.
— La vie semblait prospère, en conclut Hagen.
Tandis que tous explorèrent, Léonce se précipita d'entrer dans un ancien magasin de bricolage et en sortit avec des pelles.
— Aidez-moi à creuser.
Tout le monde obéit, sans poser de question. Ils creusèrent donc au pied de la fontaine. Après quelques minutes, Valério percuta une caisse avec son outil. Ils le sortirent rapidement de terre et Antonella s'empressa de le crocheter, sous ordre de Léonce. Le coffre de métal ne semblait pas avoir de valeur en soi. Ce que la plupart espérait, c’est que le contenu en ait, de la valeur. Alors que l’impatience était insoutenable pour certains, le chef de la bande l’ouvrit d’un geste brusque. Énorme déception, c’était vide.
— Super, lâcha Antonella en levant les yeux au ciel.
— Attend un peu, répondit Léonce.
Ce dernier tâta le fond du coffre puis souleva aisément une latte.
— Un double fond ? s’étonna Forrest.
Cette fois, il y avait quelque chose : un poignard.
— Ça fait longtemps que j’attendais de l’avoir de nouveau dans mes mains.
Il fut alors interrompu par un tir. On leur tirait dessus. Ils se mirent donc à l’abri dans un bâtisse afin d’observer la place.
— Je crois qu’il est ou sont au sommet du beffroi, supposa Béatrice. Seulement, je ne vois pas comment le rejoindre sans se faire toucher. Si nous sortons, nous serons des proies faciles.
— Les enflures ! grogna Léonce. Ils se doutaient que j’allais revenir.
— Revenir ? répéta Hagen.
— Nous parlerons de ça plus tard. Pour le moment, nous devons nous extirper de ce pétrin.
L’homme aux cheveux gris tint son menton et prit une expression pensive.
— Je sais. Petit, tu vas faire diversion. Cours en direction de la sortie du village. Pendant ce temps, vous trois, vous nous débarassez du ou des tireurs. Béa', reste là avec moi.
— Je... Je dois... partir en premier ? s’inquiéta Forrest. Mais je vais me faire tuer.
— Ne t’en fais pas. Avec ton jeune âge, on pourrait te considérer comme un simple otage. Allez, maintenant, fais ce que je t’ai dit.
Peu confiant, pour ne pas dire pas du tout, par ce qu'on lui demandait et surtout qui le faisait, le jeune homme serra ses poings et courut aussi vite qu’il pouvait. À peine à découvert, il sentit une balle lui frôler la nuque. Dorénavant en panique, il ne s’arrêta pas pour autant. Il évita de justesse une seconde balle, puis une troisième, une quatrième, une cinquième. Tandis qu’il pensait être bientôt à l’abri après se cacher derrière un mur, son prédateur avait anticipé ses déplacements. Ainsi, le tir allait l’atteindre dans la tête. Forrest ne s’en aperçut qu’au dernier moment et, par réflexe, plaça ses bras croisés devant son visage, ferma les yeux et crispa son visage. On avait bien entendu l’impact. Toutefois, le jardinier n’avait rien senti.
— Ouf, au moins, cela n’aura pas été douloureux. Je vais bientôt te revoir Linwood...
Lorsqu’il rouvrit ses paupières, il ne vit qu’une fine plaque blanche.
— Quoi ? Qu’est-ce que...
Il abaissa les bras, et cela disparut instantanément. Ensuite, il vit le projectile tomber au sol. Les tirs cessèrent tandis que Léonce et Béatrice fixait le jeune homme et les trois dernières recrues gravirent le beffroi.
— Pourquoi ? Pourquoi moi ? hurla-t-il, les larmes aux yeux.
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1473 mots.
Publié le 10/04/2021
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