Chapitre 9
Dans le repaire des loups-garous, le temps semblait s'être arrêté. Impossible de savoir s'il faisait encore jour ou si la nuit venait tout juste de tomber.
Roman et Grégoire avaient écoutés attentivement les conseils de Marcus, afin que le noiraud puisse se contrôler.
Quelques temps après, alors que le soleil avait disparu derrière les arbres, les deux garçons quittèrent la caverne pour rentrer chez eux. Toutefois, Marcus leur avait proposé de passer la nuit dans la grotte, certainement pour surveiller Roman.
Ce dernier et son ami déclinèrent généreusement l'offre et, avec grand étonnement, le vieil alpha comprit leur choix et les laissa partir. À la seule condition que Sandra les raccompagne.
Malgré le fait que l'idée ne leur plaise pas, les garçons acceptèrent. Ils suivirent alors la brune qui les amena à la voiture, qui se trouvait toujours à l'aire de repos.
Roman, se souvenant que sa mère serait passée le chercher, il se précipita à prendre son téléphone. Plusieurs messages étaient affichés sur l'écran et le noiraud leva les yeux vers le ciel.
- Oh génial ! Maintenant je suis mort, lança-t-il en tapotant rapidement sur le clavier.
Grégoire quant à lui, resta en retrait, observant d'un regard amusé la situation dans laquelle se trouvait son ami.
Alors qu'il se rapprocha de la voiture, il fut stoppé par Sandra qui lui attrapa le bras et le regarda intensément dans les yeux.
- Dis donc, ça va devenir une habitude ? demanda sarcastiquement Grégoire, même s'il semblait exaspéré.
- Je vais être direct avec toi humain ! rétorqua la brune d'un ton dur. Ton ami est un loup-garou maintenant et même s'il n'est pas un des membres de notre meute, Marcus tient quand même à lui venir en aide. Par conséquent, s'il devait lui arriver quoi que ce soit, je viendrais te chercher et je me ferai un plaisir de te montrer mes crocs. C'est clair ?
Croyant l'avoir intimidé, Sandra le relâcha et s'avança pour rejoindre le véhicule. Cependant, alors qu'elle ouvrit la portière, Grégoire la referma subitement.
Roman était encore au téléphone, donc il n'avait pu voir ce qu'il venait tout juste de se passer.
- Laisse moi te dire une chose, dit-il. Roman est mon meilleur pote et quoi qu'il puisse être devenu je m'en moque. Il est comme mon frère.
Le brun se retourna un bref moment pour voir si son ami était encore occupé à répondre à sa mère.
- Au moindre problème, j'hésiterais pas à lui venir en aide, parce que je sais qu'il en ferait autant pour moi. Alors, j'ignore quelle dent tu as contre moi, mais sache ceci: quoi qu'il arrive, je suis et je serai toujours du côté de Roman! J'espère que cela te suffit.
Sandra resta bouche bée face à cela, car jamais elle n'aurait cru voir un humain lui faire face. Même après qu'il est découvert qui elle était vraiment.
Roman, qui finissait de répondre au message de sa mère, avait tout entendu grâce à son ouïe développée. Il ne put s'empêcher d'esquisser un sourire de fierté, mais il n'en dit rien à son ami.
Sandra monta en dernière dans le véhicule et, au moment où la fine ligne orangée du crépuscule disparut à l'horizon, la brise se leva.
Malgré cela, elle ramena les garçons en ville, toujours stupéfaite par la réaction du jeune brun.
***
Le trajet se déroula dans un silence de mort, aucun des trois jeunes ne parlait. Curieusement, sans savoir comment, Roman sentit une étrange sensation de malaise venant de la jeune femme.
Grégoire fut le premier à être déposé chez lui, sa maison se trouvant à la limite de la forêt. Tout comme son ami, il avait envoyé sur le chemin du retour un message à ses parents.
Arrivé devant sa maison, le jeune homme descendit de la voiture et salua son ami avant de se diriger vers la porte. Il s'éloigna sans dire le moindre mot. Sandra attendit qu'il entre dans la maison avant de repartir.
Lorsqu'il disparut de sa vue, elle posa sa main sur la clé, mais Roman lui bloqua le bras.
- Pourquoi est-ce que tu es si dure avec Greg ? demanda-t-il curieux.
La jeune fille se tourna vers lui avec un air mécontent.
- Désolé mais je ne suis pas intimidé, poursuivit-il.
Sandra leva les yeux vers le ciel et souffla bruyamment.
- Tu sais, toi et Greg vous vous ressemblez énormément. En particulier...
- Je t'arrête tout de suite ! s'exclama-t-elle , comme si cette comparaison l'avait vexée. Je n'ai absolument rien en commun avec cet humain. C'est clair ?
- Et voilà, c'est ça dont je te parlais. Quand il y a une chose dont vous ne voulez pas parler: vous vous mettez sur la défensive. Alors permets moi d'en douter.
Sandra resta bouche bée, c'était la deuxième fois en une seule journée. Deux humains qui lui tenaient tête, ça n'était jamais arrivé auparavant.
Roman profita de la situation pour lui reposer la question initiale.
- Pourquoi est-ce que tu es aussi dure avec Grégoire ?
Il y eu un nouveau silence dans la voiture mais Sandra ne répondit pas. Elle tourna la clé et la voiture démarra.
***
Au même moment, dans son spacieux bureau, Laura était assise devant son ordinateur, en train de tapoter le clavier.
Depuis la fin de la réunion, elle avait passé toute la journée enfermée à rédiger des rapports. La partie la plus ennuyeuse de son travail.
Soudain, elle entendit sonner un des écrans. D'un air surpris, elle se releva et alla l'allumer. C'est alors que l'image du Magistrat Bolscvic apparut.
- Bonsoir Laura, dit le chasseur russe.
- Magistrat Bolscvic, je ne m'attendais pas à recevoir votre appel, avoua-t-elle.
- Et bien, il fallait que je vous parle d'une chose très importante.
Le chasseur regarda autour de lui, comme s'il avait l'étrange impression d'être observé. Son regard méfiant transmit une sensation d'inquiétude à sa collègue.
- Il se peut que ce soit même très grave.
- De quoi parlez-vous mon ami ? Je dois dire que vous me faites peur.
Bolscvic soupira fortement et, après s'être assuré que personne ne l'écoute, il commença à parler.
- Je suis allé informer le Haut Conseil de ce qu'il s'est passé. J'ai exposé ce que nous savons pour l'instant, mais malgré cela, L'Auguste ne semblait pas préoccupé.
Les yeux de Laura s'agrandirent de stupeur.
- Pardon ?
- Les Cinq Consuls étaient préoccupés, mais notre chef suprême... on aurait dit que la chose ne lui intéressait pas.
- Êtes-vous sûr de ce que vous avancez Magistrat ?
- Je ne peux le dire avec certitude, mais cela m'inquiète.
La stupéfaction de Laura laissa place à de l'inquiétude. N'étant pas présente lors de la réunion du Haut Conseil, elle ne pouvait pas savoir ce qu'il s'était dit. Toutefois, penser que l'Auguste paraissait désintéressé par la menace d'un nouveau conflit avec le MythWorld, lui semblait inconcevable.
- Si ce que vous dites est vrai, alors il faut prévenir le Conseil des Magistrats, dit-elle d'un ton ferme.
- Je crains qu'il ne nous faille des preuves pour prouver ce que nous soupçonnons, ajouta le chasseur russe. Et puis, il se peut que ce ne soit pas si grave.
- Peut-être mon ami, mais nous devons en avoir le cœur net.
L'homme hocha la tête en silence puis reprit la parole.
- Je vais mener mon enquête, mais il ne faut pas que qui que ce soit d'autre l'apprenne. Cela devra rester entre nous Laura.
- Bien sûr Ivan. Bonne chance.
La communication se termina et l'image de Ivan Bolscvic disparut.
Laura resta debout un moment devant l'écran noir. Elle sentait que quelque chose était en marche, quelque chose d'étrange et de dangereux.
***
De son côté, Roman arriva devant chez lui. Il avait tenté une dernière fois de savoir ce qui gênait Sandra, sans succès. Constatant qu'elle n'allait rien lui dire, le noiraud ouvrit la portière et sortit du véhicule.
Il regarda derrière lui une dernière fois. Sandra regardait droit devant elle, assise dans la voiture, les mains sur le volant. Le jeune homme se résigna et se dirigea vers la porte de sa maison.
- C'est à cause de Jules, dit Sandra après avoir baissé la vitre de la voiture.
Roman se retourna et observa la brune qui semblait avoir les yeux humides.
- C'est ton ex ? questionna-t-il en se rapprochant d'elle.
Sandra hocha la tête silencieusement, alors qu'une larme commença à couler le long de ses joues.
- Tu lui faisais confiance et il t'a blessé c'est ça ?
- C'était un humain. Il ne savait pas ce que j'étais en réalité, mais... ça ne l'intéressait pas.
Roman avait sentit une légère hésitation dans sa voix.
- Du moins c'est ce que je croyais, poursuivit Sandra la voix brisée par les larmes.
Le noiraud hocha lentement la tête. Son regard se posa sur sa maison.
- Je te comprends, dit-il.
- Comment peux-tu dire ça ?
- Tu vois, il y a quelques années, ma mère m'a révélé une vérité difficile au sujet de mon père. J'ai toujours pensé que c'était un grand homme, mais lorsqu'elle m'a dit que ce n'était qu'un lâche qui l'a plaqué du jour au lendemain, alors je me suis senti trahi.
Les yeux de Sandra se posèrent sur le jeune garçon
- Par ta mère ? demanda-t-elle.
Le noiraud fit non de la tête.
- Écoute Sandra, ce que je veux dire c'est que je comprends tes doutes. Un humain a trahi ta confiance et tu n'arrives plus à la donner à un autre humain, mais Greg n'est pas comme ce Jules. C'est quelqu'un de bien, un peu fou fou parfois, mais c'est vraiment une personne en qui tu peux avoir toute confiance.
- Ce n'est pas qu'une question de confiance, souffla la brune.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
Sandra ne répondit pas et s'éloigna en appuyant sur l'accélérateur de la voiture.
Malgré ses efforts pour lui venir en aide, il lui semblait évident que Sandra n'était pas prête à vouloir donner sa confiance à quelqu'un d'autre.
***
La nuit était maintenant tombée et l'obscurité avait envahi toute Embursville. Tandis que les dernières personnes rentraient chez elles pour la nuit, une créature se déplaça discrètement dans les ruelles.
Imposante, menaçante, la mystérieuse bête avait la forme d'un grand canidé. Ses empreintes, qu'elle laissait sur le sol, la suivait telle une ombre; mais ces dernières avaient quelque chose d'étrange. Leur couleur était d'un curieux mélange entre le noir et le rouge.
L'animal ne semblait nullement gêné par ce petit détail et poursuivait son chemin.
Quelques minutes plus tard, il arriva devant le grillage qui entourait la vieille fabrique d'acier d'Embursville.
Le lieu semblait désert, les bureaux étaient vide, les machines à l'arrêt, personne n'y venait depuis plusieurs années. Cependant, les sous-sols de la fabrique cachaient des gens et de gros chiens aux yeux jaunes intenses.
Un combat entre deux gros et féroces canidés avait lieu en ce moment. Les habitants, tels les spectateurs des anciennes arènes romaines, poussèrent des cris d'acclamations bruyants. Dans un tel capharnaüm, ils ne s'aperçurent pas de la bête qui venait d'entrer dans leur repaire.
Tapis dans l'ombre, cette dernière observa attentivement ses congénères, totalement ignorants de sa présence.
Soudain, une jeune femme aux cheveux châtains s'avança au milieu de la foule, pour tenter de mettre un terme à ce cirque.
- Eh ! Stop ! s'écria-t-elle à plein poumons. Ça suffit !
Tous les loups-garous la regardèrent. L'un d'eux se dégagea de la foule pour mieux la voir. C'était un homme chauve et corpulent, qui dépassait largement la jeune femme. De quoi intimider la plus part des loups de la meute.
- Sérieusement Ayden, tu veux vraiment nous gâcher tout le plaisir ? questionna-t-il sarcastique.
- Je penses que tu devrais plus agir comme l'Alpha des Fils du Gévaudan, en nous enseignant à nous battre, plutôt que de perdre ton temps comme un « louveteau » de première catégorie.
L'homme grogna fortement. Ses yeux, qui jusqu'à présent étaient d'un marron très clair, virèrent à un rouge braisé.
- Fais attention à ce que tu dis fillette !
- Tu ne me fais pas peur gros lard.
L'Alpha s'apprêtait à frapper la jeune fille, lorsqu'une voix se leva des ténèbres qui enveloppaient les couloirs.
Tous se retournèrent et, une fois aperçu l'imposant loup au pelage gris foncé, reculèrent lentement, ouvrant un chemin à l'animal vers les deux opposants, tandis qu'il commençait à reprendre une forme humaine.
- Grand Alpha, dit l'homme chauve d'une voix tremblante.
Un autre homme s'avança, pour donner une couverture à celui qui se tenait au milieu de la salle.
- Je vois qu'il y a une fête ici ce soir, dit-il d'un ton calme.
- Et bien nous... nous étions en train de faire notre rituel, balbutia l'homme chauve.
- Tiens donc !
- Oui bien sûr, enfin... jusqu'à ce que cette jeune fille ne nous interrompe.
Le Grand Alpha posa alors son regard sur la jeune femme et l'observa de haut en bas.
Il s'approcha lentement d'elle et toujours d'un ton calme, il reprit la parole.
- Quel est ton nom ma chère ? demanda-t-il.
- Je m'appelle Ayden.
- Enchanté Ayden, dit-il
Tout à coup, après avoir sorti ses griffes, il les planta habilement dans le ventre de l'homme chauve, qui tomba au sol poussant un grand cri de douleur.
- Dis-moi Ayden, rêves-tu d'être un Alpha ? demanda l'homme en s'essuyant la main sur la serviette. Désires-tu avoir du pouvoir ?
Sur ces mots, les yeux de la jeune femme s'agrandirent de stupeur.
- Ou... oui, répondit-elle avec une légère hésitation.
Un sourire glacial se forma sur les lèvres du loup-garou.
- Alors tu sais quoi faire.
Ayden se pencha sur son Alpha qui, malgré sa force, n'arrivait pas à se relever. Elle fit jaillir ses griffes de ses doigts, puis frappa au cou de l'homme chauve.
Du sang gicla sur le mur et l'homme, qui commença à trembler, tenta de refermer la blessure en posant sa main sur son cou, mais en vain.
En quelques secondes, le corps de l'Alpha gisait sans vie, sur le sol poussiéreux du repaire, alors qu'une mare de sang se forma tout autour.
Ayden quant à elle, sentit une vague de froid lui traverser le corps. Ses yeux devinrent subitement jaunes puis, petit à petit, ils commencèrent à prendre une couleur plus foncée et à prendre une teinte rouge. Elle n'était plus qu'un simple Beta, elle était maintenant une Alpha.
- Mes félicitations Ayden, dit le Grand Alpha.
Alors qu'il aida la fille aux cheveux châtains à se relever, il se retourna vers les autres loups-garous et commença à parler.
- Maintenant que je suis là, mes chers frères et sœurs; je peux vous dire que nous risquons d'avoir quelques petits soucis pour mener notre plan à bien: plus particulièrement avec la meute Lune de Marcus.
À cette nouvelle, la plupart des membres de la meute se regardèrent surpris. Les autres en revanche, ne savait pas de quoi le Grand Alpha parlait.
Ce dernier s'en rendit compte et leur expliqua.
- Ces derniers jours mes amis, cette ville a été le théâtre de plusieurs meurtres toujours non résolus, expliqua-t-il observant les loups-garous un à un. Je vous expliquerai plus tard le pourquoi de tout ceci, mais pour l'heure sachez que Marcus, notre ennemi, est l'un des derniers membres d'une ancienne famille de loups-garous. Une véritable épine dans mon flanc que je croyais avoir retirée depuis bien longtemps.
Il marqua une courte pause, pour observer ses congénères attentivement. Certains ne semblaient pas encore assez convaincus, mais cela n'arrêta pas l'homme.
- Cela dit, il n'est pas assez fort pour pouvoir nous affronter, car sa meute est réduite à une petite bande de chiens égarés. Mais nous, nous sommes plus nombreux, nous devenons plus forts chaque jours et chaque nuits. Et très bientôt, Marcus tout comme l'Ordre des Chasseurs, ne seront plus qu'un lointain souvenir. La Lune de Sang approche et lorsqu'elle sera là, cette ville tout comme cette région, seront bientôt à nous !
Les paroles de l'homme furent suivies par des cris et des grognements d'approbations. Dans tout le sous-sol résonnèrent l'écho des voix et des cris de la meute, qui se répandirent dans toute la fabrique abandonnée, rendant cet endroit sinistre encore plus terrifiant.
La meute continua de crier et de hurler, tandis que son chant s'ajouta à la nuit, caractérisée par une demi-lune entourée d'étoiles.
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