Chapitre 45
Le soleil était désormais à moitié caché par les cimes des arbres. Les ombres continuaient d'envahir la ville lentement mais sûrement.
Roman marchait d'un pas décidé, alors que les lampadaires commençaient à s'allumer, formant une chaîne de lumière qui se perdait dans l'obscurité envahissante.
Il avait quitté sa maison depuis un bon moment et prit le chemin vers la zone nord de la ville. Le soleil avait presque complètement disparu lorsqu'il arriva en face de la vieille fabrique d'acier.
Il s'apprêtait à entrer, lorsqu'il sentit son téléphone vibrer. Il vit sur l'écran plusieurs appels en absence, tous laissés par Grégoire.
Il rechigna un moment, puis décida d'appeler son meilleur ami.
- Allô ? répondit ce dernier.
- Salut Greg, c'est moi ! dit-il.
- Tu es où bon sang ? On est tous là à n'attendre plus que toi !
Le petit sourire sur le visage de Roman disparut aussitôt. Malheureusement, Grégoire était incapable de le voir et son agitation ne fit que croître.
- Je suis déjà arrivé, répondit-il en soufflant légèrement.
- Quoi ? s'écria le jeune vampire. Tu plaisantes rassure-moi ?
- C'est la seule solution. Et tu le sais Greg. C'est moi qu'il veut et je refuse de laisser Sandra entre les griffes de ce malade !
- Roman attends-nous ok ? On trouvera un autre moyen pour la sauver.
Ce dernier leva les yeux vers le ciel, peu convaincu qu'il existe une autre solution.
- Tu veux qu'il la torture jusqu'à ce que mort s'en suive ? gronda le jeune garçon. Tu veux qu'il continue de tuer ? Henry a détruit la vie de beaucoup trop de gens, maintenant ça suffit !
- Roman s'il te plaît ! dit une voix féminine, d'un ton inquiet. Je t'en prie ne fais pas ça !
- Ayla?
- Je sais que tu es en colère et effrayé, mais ce sont les effets de la Lune de Sang. Ils te rendent agressif.
Le jeune homme se rapprocha de l'entrée de la fabrique.
- Raison pour laquelle vous devriez tous rester le plus loin possible, dit-il d'un ton plus calme qu'avant, mais toujours avec la même détermination.
- C'est ce qu'il veut tu ne comprends pas ? poursuivit Ayla, la voix brisée par l'émotion. Il veut que tu sois déconcentré, que tu sois aveuglé par tes inquiétudes pour qu'il puisse mieux te battre.
Roman s'arrêta devant le grillage. Il observa la cour de la fabrique et remarqua, tout au bout, une lumière dont l'intensité se reflétait sur la paroi.
- Roman s'il te plaît, n'y vas pas tout seul. Laisse-nous te rejoindre, reprit Ayla.
Le jeune homme ne répondit pas. Il fixa la lumière tout au bout, pensant à ce qu'il y aurait trouvé, ou plutôt, à ce qui l'attendait.
- On s'en tient au plan: vous sauvez Sandra pendant que j'attire l'attention d'Henry et de ses fidèles, répondit le noiraud de façon directe.
- Roman non !
Le jeune homme raccrocha le téléphone et le rangea dans la poche de son pantalon.
D'un bond, il arriva au sommet du grillage; puis il effectua une galipette avant, atterrissant ainsi sur le sol silencieusement.
Il se releva et rejoignit, d'un pas ferme, la partie illuminée de la cour.
***
Parallèlement à la fac, Ayla était complètement prise de panique. Roman avait raccroché sans prévenir et maintenant, il était tout seul, sur le territoire de la meute des fidèles du Grand Alpha.
Elle tenta de le rappeler, mais Grégoire lui posa une main sur l'épaule, l'invitant à ne pas le faire.
- Ayla, arrête, dit-il faiblement. Ça ne sert à rien. Il a pris sa décision.
La jeune fille se retourna vivement. Elle dégagea la main de Grégoire de son épaule, lui lançant un regard rempli de colère contenue.
- T'es sérieux là ? s'exclama-t-elle. Tu dis qu'on ne doit rien faire ? C'est ton meilleur ami !
- Je sais ! Ça ne me réjouit pas, autant que toi, mais je connais Roman et je sais qu'il va s'en sortir. Il trouve toujours un moyen. Mais il veut que sauvions Sandra et c'est ce que je vais faire !
Grégoire remarqua la jeune fille secouée la tête, d'un air dégoûté.
- Je ne l'abandonne pas ! s'empressa-t-il d'ajouter. Je suis simplement le plan: récupérer Sandra et l'emmener en lieu sûr. Ensuite, j'irai sauver mon meilleur pote !
- Pourquoi dire que c'est ton meilleur ami si tu ne veux pas le sauver en premier ? questionna Ayla.
- Parce que je le connais bien. Et je sais qu'il sera rongé par la culpabilité pour la mort de Sandra, si on ne la sauve pas.
Le jeune homme se retourna et observa un à un les autres membres du groupe, composé de Kevin, Beth, Sophie et de deux grands loups qui n'étaient autre que Sonia et Coralie.
- Quelqu'un veut-il ajouter autre chose ? demanda-t-il d'un ton sérieux.
Personne ne répondit.
- Très bien. Alors, maintenant on va à la fabrique on sauve Sandra, on récupère Roman et après tout le monde rentre chez soi !
Sur ces mots, il attrapa Ayla et s'élança à toute vitesse.
Sonia invita Kevin et Beth à grimper sur son large dos, même si elle ne semblait pas très ravie de cette idée.
Sophie, quant à elle, monta sur Coralie, qui commençait déjà à courir derrière le jeune vampire.
Ainsi, les trois chasseurs et les trois Occultés se dirigèrent vers le repaire de la meute des Fils du Gévaudan, volant au secours de leur camarade.
***
Le soleil avait maintenant disparu, seule une petite ligne rouge-orangée, s'étendant à l'horizon en direction ouest, illuminait faiblement le ciel.
Au milieu de la cour, mystérieusement silencieuse et inexplicablement illuminée par des torches accrochées aux parois, Roman regardait tout autour de lui. Seul le bruit du vent léger, qui soufflait le long des murs, et le crépitement des flammes, se faisait entendre.
Soudain, un grognement se fit entendre sur le côté droit. En tournant la tête, le jeune homme vit apparaître un grand loup au pelage marron foncé. Les yeux de la créature étaient d'un jaune intense et sa gueule ouverte, dévoilait ses dents, couvertes d'une bave gluante et transparente.
Quelques secondes après, un autre grognement se fit entendre, mais cette fois il provenait de derrière Roman. Il se retourna et vit un autre loup, mais cette fois la fourrure de la bête était de couleur grise.
Les yeux de l'animal étaient de la même couleur que le premier, dans lesquels se reflétaient l'envie du sang.
Petit à petit, d'autres loups-garous apparurent. Même si très peu avaient décidé de garder leur forme humaine, leurs yeux étaient tous de la même couleur, jaune vif et flamboyant.
Roman comprit qu'il allait y avoir un duel, entre lui et la Bête du Gévaudan, et qu'il se trouvait au milieu de l'arène.
- Bienvenue dans notre humble demeure Roman, dit une jeune femme aux longs cheveux châtains.
Celui-ci se retourna lentement et la regarda droit dans les yeux.
- Où est Sandra ? demanda-t-il d'un ton sérieux.
- En bonne compagnie ne t'inquiète pas. Même si, j'ai malheureusement bien peur que tu ne pourras pas la voir.
- Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
Elle ricana. Son sourire froid et sournois s'agrandit un peu plus.
- Et bien, reprit-elle. Pour commencer tu es encerclé par ma meute. Et puis ensuite, tu as un duel qui t'attend. Un duel à mort !
À cette exclamation, plusieurs loups se mirent à hurler, levant leurs longs museaux vers le ciel noir.
Roman était terrifié, mais il faisait appel à tout son courage et à sa force de volonté pour le dissimuler. Il prit sur lui et resta impassible.
- Je suis impressionné, ironisa-t-il.
- Tu n'as pas peur ? s'interrogea Ayden.
- Je suis pétrifié par la peur, avoua-t-il. Mais vivre tout en étant terrifié, ce n'est pas vivre. Exactement comme pour les membres de ta meute.
Ayden haussa les sourcils. Ne comprenant pas où le jeune homme voulait en venir, elle s'avança de quelques pas, s'approchant dangereusement de Roman
- Qu'est-ce que tu veux dire ? demanda-t-elle.
Roman ne flancha pas. Il continua de la fixer intensément dans les yeux, ressentant une curieuse excitation monté en lui.
Il n'y prêta pas grande attention et répondit.
- Qu'un grand nombre des membres de ta meute vous suit, toi et Henry, simplement parce qu'ils ont peur de lui. Ils sont tellement terrifiés à l'idée de le contredire ou de le décevoir, qu'ils sont même près à tout pour ne pas mourir.
Roman parlait à grande voix. Il avait l'intention de se faire entendre par tous, plus particulièrement par Henry, qu'il sentait être très proche. Il voulait semer le doute chez les loups, peut-être même qu'il réussirait à les monter contre la Bête.
- Si je suis ici, ce n'est pas uniquement pour sauver une amie, continua-t-il, toujours en parlant à voix haute. Je suis ici, parce qu'il y a presque deux mois, une créature m'a mordu et a foutu ma vie en l'air. Et tout ça pourquoi ? Parce que ce n'est rien de plus qu'un animal !
Alors qu'il parlait, il observait attentivement autour de lui, s'attendant à un possible coup bas de la Bête ou d'un de ses fidèles.
- Un être qui n'a pas le moindre sentiment, qui n'a pas une once d'humanité ! Un être qui tue uniquement pour le plaisir ! Je suis venu dans cette fabrique, pour l'arrêter une fois pour toute. Il n'y a pas de place pour les monstres comme lui sur cette terre. Alors montre-toi Henry ! Je suis là, je te défie en combat singulier !
Terminé son discours, la cour replongea dans le silence. Une légère mélodie, composée des crépitements des flammes sur les torches et du souffle du vent, se faisait entendre.
Tout à coup, quelque part au milieu de la foule, un bruit de pas se fit entendre. Une série de deux paires de pattes, s'avançant vers l'arène, de manière lourde et déterminée.
En reniflant l'air et en écoutant les échos des pas avec son ouïe, Roman sut alors vers quelle direction se tourner.
À peine l'eut-il fait, qu'un gros loup aux poils gris foncés et aux yeux rouges sang apparut devant lui.
- Et je relève le défi ! dit la voix froide de la Bête, alors qu'elle souriait en montrant ses longs crocs acérés.
***
Au même moment, dans la forêt qui se trouvait derrière la fabrique, Grégoire et les autres étaient en train de chercher l'entrée cachée.
- Tu es sûr que c'est ici ? demanda Beth à son ami l'archer.
- J'ai étudié les vieux plans qui se trouvaient dans la bibliothèque de la ville. Il y a une entrée quelque part dans cette zone, j'en suis sûr, répondit-il.
- Et qui est-ce qui a dessiné ce plan ? questionna cette fois Sonia.
- Durant la Seconde Guerre Mondiale, les rebelles ont utilisé cette fabrique comme quartier général. Ils avaient crée un réseau de longs tunnels, formant un véritable labyrinthe. Il y avait plusieurs sorties, mais après la guerre, presque toutes ont été détruites. Celle-ci en revanche devrait être encore accessible.
Le groupe s'était éparpillé sur toute la zone, espérant pouvoir rapidement trouver cette mystérieuse entrée secrète.
Le groupe tournait en rond depuis plusieurs minutes. Malgré la luminosité de la lune, dont la couleur commençait à devenir rouge, ils ne virent rien d'autre que des arbres, dénudés de leurs feuilles.
- Eh les gars ! Venez voir ! cria Sophie.
Elle se tenait à côté d'un vieux puit.
- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Kevin qui arriva à grand pas.
Petit à petit, tous rejoignirent le puit.
La jeune fille prit alors un caillou et le jeta dans le puit. Après quelques secondes, un petit bruit se fit entendre, c'était celui que tous espéraient.
- Pourquoi il y a pas eu de « plouf » ? demanda Grégoire.
- Parce que c'est un faux puit, déduit le jeune archer. On vient de trouver l'entrée secrète !
***
Pendant ce temps, dans la cour de la fabrique, la Bête tournait autour de sa victime.
- Honnêtement, je suis très surpris de te voir ici, avoua la créature.
- Tu croyais que je ne serai pas venu ? demanda le jeune garçon
- Je peux sentir ta peur Roman. C'est exactement la même que tu avais cette fameuse nuit, lors de notre première rencontre.
La créature fixait sa proie droit dans les yeux. Roman fit la même chose, mais son regard ne démontrait aucun signe de terreur. C'était plutôt de la colère.
- Je pensais que tu serais venu avec au moins un de tes amis.
- Cette affaire est entre toi et moi Henry, dit-il d'un ton incroyablement calme. Inutile d'y mêler qui que ce soit d'autre.
La Bête ricana farouchement.
- Laisse partir Sandra et après on pourra conclure cette histoire, continua le jeune homme.
Le grand loup souffla fortement du nez. Son froid sourire s'agrandit, exposant de plus en plus ses dents à la lumière des torches et de la lune.
- Je dois admettre que tu as beaucoup de courage mon garçon. Cela dit, je crois que je vais me contenter de t'éliminer d'abord, ensuite viendra le tour de la fille de ce cher Marcus, répondit le Grand Alpha.
Roman maintint son regard sur le loup, serrant fortement les poings de ses mains. L'animal sembla ne pas s'en rendre compte.
- Je ne te laisserai pas faire ! s'exclama-t-il.
- Je sais, ajouta la voix froide de la Bête. Maintenant, il est temps d'en finir. Après tout, j'ai une réputation de tueur à soutenir.
Roman se positionna face à la créature, faisant jaillir ses griffes au bout des doigts. Ses yeux prirent une teinture verte et ses dents se transformèrent en de longs crocs affûtés comme des couteaux.
- Juste une dernière question Henry, dit-il avant que le Grand Alpha ne s'élance. Pourquoi m'as-tu choisi moi comme victime ? Je ne crois pas que ça a été un pur hasard.
Le jeune garçon espérait ainsi, gagner encore un peu de temps pour que ses amis retrouvent Sandra.
- Puisque tu es sur le point de mourir, je vais te dire pourquoi. De toute manière tu n'en parleras à personne, dit la Bête toujours avec le même ton glacial et cruel.
Tout en se préparant à bondir sur son adversaire, Henry reprit la parole, lui révélant ainsi la terrible vérité.
- Le soir où je t'ai « accidentellement » mordu, j'avais reçu un message de mon allié, qui disait que je devais te tuer. Il m'a expliqué que tu représentais une menace pour la sois-disante « évolution » de sa petite sœur. Ainsi je t'ai cherché et... la suite tu la connais.
Cette révélation choqua momentanément Roman. Il comprit alors, que tout ce qu'il lui arrivait, était à cause du fait qu'il s'était rapproché d'Ayla.
Il ne mit pas longtemps à comprendre de qui il s'agissait: Sébastien. Ce jeune chasseur était prêt à tout pour arriver à ses fins, même jusqu'à tuer des humains, totalement ignares de l'existence du MythWorld.
La colère grandit en lui.
Il releva la tête et, à la grande surprise de la Bête et des autres loups-garous, il se mit à rugir à pleins poumons.
Après quoi, il fonça à pleine vitesse contre la Bête, le combat venait tout juste de commencer.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top