Tandis que l'astre du jour commençait à toucher les cimes des arbres sur les hautes collines, Grégoire arriva devant la grille de sa maison, tenant Ayla dans ses bras en proie à une inquiétude qui le dépassait.

Celle-ci s'agitait dans les bras du jeune vampire, mais ne parvenait pas à se libérer.

- Lâche-moi ! cria-t-elle. Laisse-moi partir Greg !

- Désolé mais je ne peux p... commença à dire le brun avant d'être interrompu par un violent coup de poing, qui heurta son visage.

Grégoire tomba lourdement sur l'asphalte, atterrissant sur le dos. Il tenta de se relever, mais un pied se posa fortement sur son torse, le bloquant ainsi par terre.

Le jeune homme avait les yeux semi-clos pour la douleur, mais il reconnut la figure qui le tenait plaqué au sol. C'était un garçon, d'à peu près son âge, aux cheveux châtains et aux yeux bleus.

Ce dernier sortit d'un mouvement vif une flèche de son carquois. Il la posa sur son arc et tendit la corde, la pointe brillante dirigée sur son cou.

- Oh tiens, salut Kevin, ironisa le vampire, le souffle court.

- Qu'est-ce que tu étais en train de lui faire hein ? s'écria le chasseur.

- Kevin ! s'exclama Ayla. Laisse-le, il essayait juste de me protéger.

- Quoi ? demanda le jeune garçon d'un ton incrédule.

- Ta collègue voulait s'aventurer dans la forêt pour sauver Roman, expliqua le vampire, attirant l'attention de l'archer. Notre professeur, c'est lui la Bête du Gévaudan. Il a essayé de nous tuer mais Roman l'a attiré dans les bois.

Les yeux de Kevin s'agrandirent. Il n'arrivait pas à croire ce qu'il venait d'entendre.

- Et vous ? balbutia-t-il. Vous l'avez laissé tout seul ?

- C'est lui qui me l'a demandé, ajouta Grégoire, s'attirant un regard noir de la part du chasseur. Mon meilleur ami voulait attirer ce monstre le plus loin possible de la ville, parce qu'il voulait protéger ceux qu'il aime.

Pendant un court instant, Grégoire pensa que Kevin allait lâcher la corde de son arc, mais le chasseur au sang-mêlé détendit lentement la corde et replaça sa flèche dans le carquois.

Il retira ensuite son pied du torse du vampire et le laissa se relever.

Grégoire toussa, reprenant également son souffle. Il porta sa main sur le point où était posé le pied du chasseur et le regarda de travers.

- Tu n'y vas pas vraiment de main morte il faut bien l'avouer, ironisa le jeune garçon en se remettant sur pied.

- Où est le Pur Alpha ? demanda l'archer sans prêter grande attention au Diurne.

- On n'en sait rien, répondit Ayla d'une voix suffoquée. Il nous a laissé à l'arrêt du bus près de l'université, après il a dit à Greg de m'emmener en lieu sûr.

- Alors, aucun d'entre vous n'a la moindre idée d'où il peut être, conclut Kevin d'un air résigné.

- Eh bien, reprit Grégoire. Je crois savoir où il se dirige. Il y a un endroit où Roman et moi allions lorsque nous étions petit. C'était notre deuxième maison.

Kevin s'approcha lentement de ce dernier, ce qui le fit trembler un peu. Le jeune Diurne fit un pas en arrière, lorsque le visage de l'archer s'arrêta à quelque centimètre du sien.

- Où ça ? questionna-t-il d'un ton menaçant.

- Kevin ! s'exclama Ayla. Laisse-le tranquille.

L'archer se retourna pour la regarder droit dans les yeux.

- Ayla ! reprit-il. Faut qu'il comprenne que sans le Pur Alpha, nous sommes fichus ! Voilà pourquoi il faut qu'on le retrouve.

Cette fois, Grégoire n'était plus du tout craintif. Il attrapa l'épaule de Kevin et le força à se retourner.

Ses yeux avaient commencés à devenir rouges, mais le jeune vampire parvint à se contrôler, ce qui lui permit de ne pas se transformer.

- Écoute-moi bien « Robin des Bois » ! dit-il en lui lançant un regard sévère. Roman n'en a rien à faire d'être le Pur Alpha ou un simple lycanthrope, ok ? La seule chose qu'il veut c'est protéger ceux auxquels il tient. Même si pour cela il est disposé à risquer sa vie.

Sur ces mots, les yeux d'Ayla déjà humides, commencèrent à se remplir de larmes. L'idée de perdre Roman la préoccupait beaucoup.

Kevin en revanche, resta impassible, même si intérieurement il culpabilisait un peu pour ne pas avoir laissé le jeune homme s'expliquer, avant de le plaquer lourdement au sol.

Voyant qu'aucun des deux chasseurs ne semblait vouloir lui répondre, Grégoire commença à rejoindre le sentier qui menait droit dans la forêt.

- Sachez que ça ne me plait pas à moi non plus, poursuivit-il. Mais quoi qu'il en soit, je n'avais aucunement l'intention de laisser mon meilleur ami affronter seul cette chose.

Alors qu'il s'apprêtait à partir à toute vitesse, Kevin l'interpella.

- Attends Grégoire ! Laisses-nous t'aider, s'il te plaît.

Le jeune vampire ne répondit pas, mais il savait que plus les secondes passaient, plus il risquait d'arriver trop tard pour sauver son ami. Après quelques secondes, il tourna la tête d'un quart et s'adressa aux deux chasseurs.

- J'espère que vous réussirez à suivre le rythme, dit-il d'un ton sérieux avant de s'enfoncer dans les bois, suivi par un garçon armé d'un arc et d'une fille avec une lance.

***

Dans la forêt, désormais enveloppée par l'obscurité de cette soirée d'automne, Roman eut l'impression de revivre le même scénario. La même nuit au cours de laquelle il avait vu Sonia risquer sa vie pour le sauver de la même créature qui le poursuivait.

Cette fois-ci par contre, Sonia n'était pas là, bien trop loin pour pouvoir arriver à temps. Désormais, il était seul, au milieu de nulle part, dans l'immensité de la forêt qui entourait Embursville.

Il continuait sa course, évitant les obstacles, sautant par dessus les rochers, glissant sous les troncs tombés.

Il était tenté de regarder derrière lui, pour savoir où se trouvait la Bête, mais il se retint, se fiant uniquement à son instinct et à ses sens, comme le lui avait répété Sonia, quand elle l'accompagnait durant son jogging.

Tout en continuant sa course, il se concentra sur son ouïe et son odorat; ainsi, il put savoir que son poursuivant n'était pas loin derrière.

Il continua de courir, sans jamais se retourner. Malgré cela, il sentait toujours la présence de la créature qui l'avait pris en chasse. Roman était terrorisé, mais il faisait appel à toute sa volonté pour ne pas se déconcentrer.

La chasse dura un long moment. À plusieurs reprises, il pensait avoir semé Henry, hélas ce n'était pas le cas. La Bête du Gévaudan était tout proche, toujours sur les traces de sa victime.

Enfin, Roman parvint à rejoindre la baraque, l'apercevant derrière des buissons, dénudés de leurs feuilles. Il s'agissait d'une vieille cabane, qui autrefois servait comme poste d'observation pour les ornithologues.

L'adolescent expira profondément avant de se remettre à courir pour rejoindre la porte; mais alors qu'il approchait de son refuge, un grand loup au pelage gris foncé jaillit de nulle part, atterrissant entre le poste d'observation et le jeune homme.

Ses grands yeux rouges sang intenses resplendissaient, comme la plus forte des flammes. Sa gueule grande ouverte, montrant ses crocs acérés, la créature semblait sourire à sa victime. Un sourire froid et machiavélique à faire glacer le sang.

- Quel dommage mon garçon, dit la profonde voix qui résonnait dans la tête du jeune homme. Tu étais presque parvenu à rejoindre ton refuge.

Roman ne répondit pas. Il ne voulait pas le montrer, mais il était terrifié.

- Hum, je sens ta peur Roman, continua la voix alors que le loup avança de quelques pas. Une odeur particulièrement forte, que je pourrais te retrouver n'importe où.

Le garçon s'apprêtait à s'enfuir, mais il savait que cela n'aurait servit à rien. La Bête l'aurait très certainement rattrapé et, outre le refuge qui se trouvait devant lui, il n'y avait aucun autre endroit assez proche pour le protéger.

Résigné, Roman fit appel à tout son courage, pour faire face à son poursuivant. Il tenta de faire sortir ses griffes, mais rien ne se produisit. Il réessaya, toujours rien. Pour la première fois, il était pris de panique, il ne savait pas ce qu'il se passait et il était à la merci d'un des monstres les plus dangereux qui existent.

- Oh, on dirait que le Pur Alpha a quelques problèmes, se moqua le loup.

- Mais qu'est-ce qui se passe ? pensa le jeune garçon, - Qu'est-ce que tu m'as fait ? Répond-moi !

- Ahahah navré de te contredire Roman, mais je n'y suis pour rien, avoua le loup d'un ton moqueur.

Le jeune garçon secoua la tête, montrant ainsi qu'il ne croyait pas aux paroles de son adversaire.

- Tu essaies juste de m'embrouiller, dit-il sèchement, le regard noir fixe sur la bête.

- Oh non, loin de là mon garçon, contredit la voix, alors que le loup s'avança d'encore un pas. Mais si c'est ce que tu crois, alors ceci sera ta dernière pensée.

Sur ces derniers mots, la créature bondit sur le jeune homme. Ce dernier évita de justesse les griffes crochues de la bête, qui lui passa à côté.

Roman ne manqua pas de tomber au sol, mais il récupéra rapidement l'équilibre et attrapa une grosse branche, qui gisait sur un lit de feuilles craquantes et colorées.

Le loup se retourna et, voyant l'arme de défense du jeune garçon, un large et machiavélique sourire se dessina sur son long museau.

- Tu crois vraiment pouvoir me battre avec un simple bâton ? demanda la voix de la créature d'un ton amusé.

Roman ne répliqua pas. Il resta silencieux, les yeux rivés sur la Bête. Il tremblait de peur, même s'il tentait vainement de ne pas le montrer.

La créature recommença à lui tourner autour, sans jamais le quitter des yeux. La bave gluante ruisselait le long de ses lèvres charnues, recouvrant ses crocs affûtés comme des lames. La forte haleine qui sortait de sa grande gueule, arriva jusqu'aux narines du jeune garçon qui, malgré l'odeur nauséabonde, ne se laissa pas déconcentrer pour autant.

Le loup se rua à nouveau sur lui, mais cette fois il visa le ventre de Roman.

Le jeune homme n'arriva pas à éviter l'attaque, la bête le fit tomber à la renverse, tandis qu'elle s'apprêtait à le mordre au visage.

Par réflexe, Roman utilisa la branche et la plaça devant lui. Ainsi il put bloquer la mâchoire du loup, qui se referma violemment dessus. Ce dernier tenta de briser la branche, mais en vain.

Il en profita pour positionner ses pieds sous le ventre de la créature. Ensuite, il poussa le loup de toutes ses forces, pour pouvoir enfin se relever et reprendre sa position défensive.

Aussi vif que sa victime, le loup se releva vite fait et s'apprêtait à rebondir sur le garçon, lorsqu'une créature surgit de l'obscurité et le mordit au niveau des épaules. L'énorme loup rugit de douleur tandis que la mystérieuse créature enchaîna ses attaques.

Roman resta immobile, pétrifié de terreur. Sa stupeur augmenta lorsqu'il vit que l'être qui était sorti des ténèbres, était un gros chien noir aux yeux rouges comme la braise; le même chien qui l'avait sauvé dans le repaire des loups-garous alliés à la Bête, tout comme le soir où il avait été mordu par cette dernière, et qui l'avait protégé contre Sophie et Beth.

Le gros canidé au pelage sombre s'éloigna de la Bête, puis d'un coup de patte puissant, l'envoya heurter un arbre qui se trouvait juste derrière. La créature s'écroula au sol, soulevant les feuilles mortes qui se trouvaient tout autour.

Constatant que l'adversaire ne se relevait pas, le chien se retourna en direction de Roman, toujours tétanisé. Il s'avança lentement vers lui, alors que le jeune homme leva la branche qu'il tenait toujours dans ses mains.

Les yeux flamboyants du chien noir, fixant ardemment les siens, Roman comprit que la créature n'était pas là pour lui faire du mal, mais pour veiller sur lui.

Tout les deux se seraient regardés dans les yeux pendant encore longtemps, mais un fort rugissement les interrompit.

Roman reprit sa position défensive, tandis que le chien noir grinça bruyamment des dents, prêt à attaquer au premier mouvement du loup-garou.

Le regard déjà cruel de la Bête, devint encore plus noir. Il ouvra sa gueule emplie de dents, aussi affûtées que des poignards, tout en se préparant à bondir sur ses adversaires.

Mais avant même qu'elle ne fasse le moindre mouvement, la créature fut percutée de plein fouet par quelque chose qui avait jaillit des buissons à une vitesse surhumaine.

Roman remarqua une silhouette humaine, mais il ne comprenait de quoi il pouvait s'agir.

L'ombre mystérieuse revint sur ses pas et frappa nouvellement la Bête du Gévaudan. Cette dernière n'arrivait plus à rester en équilibre et sa frustration augmentait.

Soudain, l'ombre se dirigea vers le garçon et le chien noir, mais s'arrêta à un mètre d'eux. Qu'elle ne fut pas la surprise de Roman, quand il réalisa qu'il s'agissait de Grégoire, même si son aspect était très différent.

Sa peau était grisâtre et ses yeux rouges. Malgré son aspect de mort vivant, ses bras et ses jambes étaient plus musclés que d'habitude et il avait l'air plus grand.

- Greg ? demanda Roman en avançant vers son ami. Greg ça va ?

Celui-ci tourna la tête et son apparence changea. Il reprit sa taille ordinaire, ses bras et jambes retrouvèrent leurs formes habituelles. Sa peau redevint blanche et ses yeux rouges laissèrent la place à une couleur noisette.

- Bien sûr que ça va mon vieux, répondit-il tout sourire. C'est plutôt à toi qu'il faudrait poser la question.

Les deux amis s'enlacèrent, puis ils s'éloignèrent l'un l'autre et c'est là que Grégoire vit le chien qui les observait.

- Ma parole ! s'exclama-t-il, totalement désemparé. C'est un Chien Noir.

Roman resta surpris par réaction de son ami face à l'animal.

- Euh oui et alors? ne comprenant pas ou son ami voulait en venir.

Grégoire s'apprêtait à lui expliquer, mais la bête, poussée par une rage profonde, fonça vers les deux ados. Le chien noir aboya fortement et s'élança dans sa direction, malheureusement pour lui, le loup anticipa son mouvement et sauta sur le côté. Il envoya un puissant coup de patte, qui atteignit le museau du chien noir.

Ce dernier trébucha, atterrissant lourdement sur le sol. L'énorme loup jeta un rapide coup d'œil au chien noir, pour s'assurer qu'il ne se relève pas à temps pour venir en aide aux garçons.

Après quelques secondes, il tourna lentement la tête vers ses deux victimes et leur lança un sourire glacial. Ses dents brillaient à peine dans l'obscurité de la nuit, qui maintenant enveloppait la forêt.

Malgré cela, Roman et Grégoire ne s'enfuirent pas. Le premier serra fortement la grosse branche, prêt à s'en servir, tandis que le second se prépara nouvellement à lui foncer dessus, alors que ses yeux reprirent leur teinte agressive de couleur rouge.

Heureusement pour eux, il n'eurent aucun besoin d'attaquer la créature. Une flèche vint se planter dans l'épaule de la Bête, qui rugit de douleur. Une autre flèche siffla dans l'air; mais cette fois, la pointe plongea dans la cuisse de l'animal, qui tentait difficilement de rester debout.

De l'ombre surgirent alors Kevin, avec une autre flèche tendue à son arc, et Ayla, qui après un bond d'un des rochers qui se trouvait à proximité, atterrit tout en brandissant sa double-lance de combat.

Elle releva la tête, lançant un regard noir à la bête, qui tentait de retirer les flèches.
Elle rejoignit les deux ados et se plaça à côté de Roman.

- Comment ça se fait que tu n'es pas sous ta forme de loup ? questionna l'archer qui arriva derrière le groupe quelques secondes après.

- C'est un peu difficile à expliquer, répondit Roman.

La Bête du Gévaudan, après plusieurs grognements et rugissements, se libéra des flèches qui la faisait tant souffrir. Elle les jeta dans les buissons et se retourna vers sa victime, qui maintenant était entourée de ses amis.

Voyant qu'il aurait été risqué pour elle de l'attaquer à nouveau, la Bête recula lentement; lorsqu'elle s'aperçut que le chien noir venait tout juste de se relever.

Ce dernier se retourna vers l'énorme loup et grogna de façon menaçante.

- Ce sac à puce ne sera pas toujours là pour te sauver Roman ! grogna méchamment le loup. Et tes amis ont peut-être pu arriver à temps pour toi, mais ils subiront le même sort que ton amie. Je t'attendrai demain soir à la fabrique d'acier. Si tu ne viens pas, elle sera le premier membre de ta meute à disparaître.

Une fois terminé son discours, le loup se retourna et s'enfonça dans les bois à pleine vitesse. Le chien noir se lança à sa poursuite avant de disparaître à son tour dans l'obscurité qui enveloppait la forêt.

- Quel froussard ce loup-garou, ironisa Grégoire, tandis que ses yeux retrouvèrent leur teinte d'origine.

- Il a dit quelque chose qui m'inquiète, dit Roman.

Ses camarades se tournèrent vers lui, tous avec le même regard inquiet.

- Il a dit: ils subiront le même sort que ton amie, continua le jeune homme. Je penses qu'Henry a enlevé quelqu'un que je connais.

- Quelqu'un qui t'es proche, conclut Kevin, de plus en plus inquiet.

- Mais qui ? demanda Ayla.

- Il parle de Sandra, dit une voix féminine qu'à priori seul Roman entendit.

Il se retourna rapidement et remarqua un grand loup au pelage marron clair apparaître derrière la baraque.

- Quoi ? dit-il à la fois incrédule et terrorisé.

- C'est de Sandra qu'il parlait, poursuivit un autre loup aux poils gris clairs. Il la retient prisonnière et il la tuera si tu ne vas pas l'affronter demain soir.