Chapitre 41

Trois jours plus tard, à l'université d'Embursville, Roman et Grégoire venaient tout juste de terminer leurs cours matinaux.

Ces derniers temps, l'angoisse et la préoccupation s'étaient instaurées dans les cœurs des jeunes garçons.

Les meurtres s'étaient arrêtés, mais la peur se ressentait dans les âmes de tous les habitants.

Bertrand était encore dans le coma et le mage qui lui avait lancé le sortilège, Arnold, restait introuvable.

Grégoire était inquiet, car il craignait que son père ne se réveille plus jamais, d'autant plus que le clan de Katerine était encore quelque part dans la nature, prêt à surgir au moindre moment.

Roman quant à lui, semblait un peu plus tranquille, malgré le fait que la fameuse Lune de Sang approchait à grand pas. Cela dit, l'idée d'affronter la Bête du Gévaudan, ou le Grand Alpha comme il se faisait appeler par ses fidèles, ne l'enchantait pas du tout.

C'est avec une certaine pression et inquiétude que les deux ados rejoignirent le Red-Wolf. Arrivés devant le food-truck, qui était comme souvent peu fréquenté, les garçons retrouvèrent Philippe, toujours vêtu de son tablier recouvert de taches.

- Ah tiens bonjour Roman, salua-t-il d'un ton joyeux. Et bonjour à toi aussi Grégoire.

- Salut Philippe, répondirent les garçons à l'unisson.

- Alors qu'est-ce que je vous sers aujourd'hui ? demanda-t-il en les regardant un à un. Une spécialité de la maison ou un plat du jour ?

- Qu'est-ce que c'est la spécialité de la maison ? s'interrogea Roman.

À cette question, le regard de Philippe se transforma en un large sourire narquois et amusé. Il fit signe aux jeunes de se rapprocher, histoire de ne pas être entendu par des oreilles indiscrètes.

- Du bon jus bio fait exprès pour les gens qui ont une certaine soif, chuchota-t-il.

Les garçons se regardèrent l'un l'autre d'un air surpris, confus et dégoûté. Voyant leur têtes, Philippe commença à rire et ne put s'arrêter.

-Oh allons les garçons, je plaisantais, dit-il tout sourire.

Les deux amis soufflèrent, rassurés qu'il ne s'agissait pas de ce à quoi ils pensaient.

- La spécialité de maison sont des ailettes de poulet légèrement piquantes, continua le chef. Cela dit, j'espère que votre palais n'est pas sensible à la nourriture trop épicée.

- Moi perso ça ne me dérange pas, ajouta Grégoire.

Roman leva discrètement les yeux vers le ciel, mais avec une expression amusée. En effet, il était ravi de voir son ami avec un air plus amusé et plus joyeux, par rapport à ce matin.

- Alors on prend deux barquettes avec la spécialité de la maison et deux plats du jour, ajouta le noiraud.

Grégoire tourna la tête vers son ami, les regard étonné par ce qu'il venait d'entendre. Roman s'en aperçut et leva les épaules d'un air innocent.

- Oh ça va, ne la ramène pas, répliqua le jeune loup tout en souriant.

Grégoire s'apprêtait à répondre, mais Philippe l'interrompit en donnant les plats aux deux garçons.
Ils prirent leurs barquettes et rejoignirent les marches où il s'asseyaient chaque fois qu'ils allaient déjeuner au Red-Wolf.

Chacun prit sa propre assiette et ils commencèrent leur repas.

- Tu sais, commença Grégoire la bouche pleine. Je suis surpris de voir que ton régime alimentaire a opéré un grand changement.

- Que puis-je te dire, j'avais une faim de loup, ironisa Roman tout sourire.

Grégoire se mit à rire de plus belle face à la remarque de son ami. Pendant un court instant, Roman se sentit à nouveau être un simple humain, qui ignorait tout du MythWorld et des Occultés, ainsi que de leur guerre contre les chasseurs de l'Ordre.

Les deux amis poursuivirent leur repas dans le calme tentant de vivre cette journée, comme un jour normal d'étude à l'université.

***

  Pendant ce temps, dans les sombres tunnels de la vieille fabrique au Nord-Ouest d'Embursville, Ayden se dirigeait vers une porte d'acier qui lui barrait la route.

Arrivée devant, elle posa sa main sur la poignée et appuya sur cette dernière. La porte coulissa lourdement et bruyamment, créant un écho aigu qui se répandit dans le couloir et dans la sombre pièce qui se trouvait de l'autre côté.

Ayden y entra tranquillement, sans crainte et avec nonchalance. La pièce n'était illuminée que par des torches, dont les flammes étaient faibles, ce qui rendait la cellule sombre.

Ayden s'arrêta non loin du centre et se tourna vers un angle obscur. Alors que ses yeux virèrent aux jaunes intense, un énorme canidé au pelage brun se rua sur cette dernière. Heureusement pour la jeune femme, la créature fut stoppée net et tirée en arrière, car une épaisse chaine entourait le cou de l'animal.

Ayden ne bougea pas d'un pouce, car elle se trouvait à bonne distance pour éviter d'être mordue ou griffée.

La créature retourna s'asseoir dans l'ombre, tout en grognant de manière menaçante. Une fois dans l'obscurité de l'angle, le loup commença à se contorsionner et une symphonie de craquement d'os débuta. Après quelques secondes, à la place du loup se trouva une jeune fille.

Sandra était enfermée depuis trois jours, elle était recouverte de poussière noire et ses cheveux étaient en bataille. Une partie de son corps était recouvert de blessures pas encore cicatrisées et de bleus.

Elle releva lentement la tête, lançant un regard noir avec des envie de meurtre à la jeune femme qui se tenait devant elle.

- Alors, bien dormi ? questionna Ayden d'un ton froide et avec un sourire malfaisant.

Sandra ne répondit pas et tira fortement sur la chaine entourée autour de son cou.

- Je le prendrai pour un non, conclut l'Alpha des Fils du Gévaudan, tout en continuant de la regarder.

- Va te faire foutre ! cria Sandra en tournant la tête vers la jeune femme.

- Oh, attention chérie, reprit Ayden toujours avec un sourire malfaisant. Ne laisse pas toute cette agressivité te monter à la tête. Tu risquerais sinon d'avoir une terrible migraine.

Sandra se calma un peu avant de se relever pour faire face à son interlocutrice.

- Et c'est toi qui parle ? questionna-t-elle de façon ironique.

Pour la première fois Ayden parue perplexe et un petit sourire narquois apparut sur le visage de Sandra.

- Oh oui ma pauvre ! Je sais que tu n'es pas un loup-garou de naissance, enchaîna Sandra. Alors ne vient pas me parler de migraine quand c'est toi qui en souffre le plus.

Ayden s'approcha lentement de la jeune fille, son regard noir pointé sur elle. Peut-être espérait-elle effrayer la brune, mais cette dernière ne flancha pas.

- Ça doit être dure de devoir ressentir un mal de tête pareil à chaque fois que tu perds le contrôle pas vrai ? continua Sandra, toujours d'un ton qui démontrait clairement qu'elle n'avait pas peur. Mais dis-moi au fait... qu'est-ce ça fait de savoir qu'en réalité tu n'es rien de plus que le lèche botte de quelqu'un d'autre ?

Ayden perdit le contrôle et en poussant un cri de rage, elle frappa la jeune brune d'un coup de poing en pleine face. Cette dernière tomba lourdement sur le sol, soulevant un nuage de poussière noire, qui retomba lentement sur son corps nu.

- Tu te crois maligne c'est ça ? rétorqua bruyamment Ayden. Tu penses sérieusement que quelqu'un viendra te chercher ? Et bien détrompe toi chérie. De plus, puisque tu préfères tant restée seule, tu devrais nous remercier de t'avoir fait disparaître.

C'est avec difficulté que Sandra se retourna sur le dos pour mieux voir la jeune femme. La jeune fille toussa fortement et s'appuya sur la paroi qui se trouvait derrière elle. Au premier contact, la brune sentit un courant froid lui parcourir le dos, mais elle n'y prêta guère attention.

- Tu ne sais pas de quoi tu parles, répliqua-t-elle.

- Oh moi je crois que si, corrigea Ayden en s'agenouillant devant la jeune fille. J'ai senti ton cœur battre la chamade lorsque nous t'avons capturé. Au début je pensais que tu essayais de ne pas te transformer, mais après j'ai réalisé que c'était autre chose. J'ai raison ?

La fille de Marcus resta muette et baissa la tête. Elle pensait qu'en restant silencieuse, Ayden partirait, mais ce ne fut pas le cas.

Cette dernière lui attrapa violemment le menton et le releva afin que Sandra puisse la regarder droit dans les yeux. Ce qu'elle vit confirma ses soupçons.

- Ah, tu as le cœur brisé, conclut-elle avec un froid sourire. Oui ça se sent. Qui est l'heureux élu ?

Le regard de Sandra redevint noir, mais elle ne répondit pas. Toutefois, cela suffit largement à Ayden pour tenter de la provoquer.

- Oh tu joues la timide ? continua-t-elle d'un ton moqueur. Laisse-moi deviner... c'est un des amis du Pur Alpha peut-être ?

Voyant que les yeux de Sandra s'écarquillaient, même pour un court instant et de manière quasi imperceptible, le sourire d'Ayden s'élargit. Elle comprit qu'elle venait de toucher une corde sensible.

- Ça n'a pas d'importance de toute manière, dit-elle d'un ton froidement calme. Très bientôt le Pur Alpha sera mort et tout ceux qui le suivent... subiront le même sort. Alors, inutile pour toi de chercher ton âme-sœur.

Ayden relâcha le menton de Sandra et se releva, tout en ne la quittant pas des yeux. Elle se dirigea vers la porte, mais alors qu'elle s'apprêtait à sortir, la fille de Marcus l'interpella.

- Toi et la Bête sous-estimez Roman, dit-elle d'un ton faible. Il est peut-être un loup-garou depuis peu, et certainement il a encore pas mal de choses à apprendre... mais il est plus fort que toi et Henry ne le serez jamais.

Ayden resta immobile, le dos tourné face à Sandra. Toutefois, son cœur battait fort et cela Sandra parvenait à l'entendre. Elle était certes affaiblie, mais ses sens étaient encore parfaitement opérationnels. Un léger sourire narquois se dessina sur son visage.

- Qui a touché une corde sensible maintenant ? ironisa-t-elle.

Ayden resta immobile devant la porte quelques secondes sans se retourner. À la fin elle quitta la cellule et ferma violemment la porte qui claqua bruyamment.

Cependant, une curieuse sensation de gêne se répandit en elle. La jeune femme n'avait aucune idee du pourquoi, mais elle sentait que ça avait quelque chose à voir avec le Pur Alpha.

Elle chassa ses pensées de sa tête et se dirigea vers l'extérieur du tunnel.

***

  Tandis que le soleil commençait sa lente descente, Roman, accompagné de Grégoire et Ayla, était en train de rejoindre le gymnase pour le cours de boxe. Étrangement, l'endroit était désert, les rideaux fermés et seule la lumière centrale était allumée.

- Bah, on doit être en avance non ? spécula Grégoire.

- C'est bizarre, rajouta la jeune fille. D'ordinaire ils devraient déjà avoir levé les rideaux.

Les trois amis s'avancèrent dans la pénombre, jusqu'à rejoindre la limite du cercle de lumière dessiné sur le sol.

Soudain, la porte du gymnase se referma brusquement faisant sursauter Grégoire, tandis que Ayla et Roman se retournèrent vivement.

Enveloppés par l'obscurité, les trois adolescents se rapprochèrent l'un de l'autre.

- Je ne sais pas pourquoi mais j'ai un très mauvais pressentiment tout à coup, dit faiblement Ayla.

- Si tu savais comme tu as raison très chère, dit une voix masculine froidement et calmement.

Le trio se tourna alors vers l'autre extrémité du cercle lumineux et, petit à petit, un homme sortit des ténèbres.

Il était grand et son visage présentait une petite barbe bien soignée. Il avait de courts cheveux noirs, légèrement plus clair que ceux de Roman, et ses yeux étaient de couleur noisette. Les jeunes ne mirent pas longtemps avant de réaliser de qui il s'agissait.

- Professeur Hans ? dit Ayla d'un ton étonné.

- Oh quel plaisir de vous voir professeur, ajouta Grégoire qui se sentait plus calme. Dites, pourquoi est-ce que tout est si sombre ici ? C'est un style de combat à l'aveugle ?

Le regard du professeur se posa sur Roman. Le jeune homme, par rapport à ses deux autres camarades, ne se sentait nullement rassuré.

Voyant qu'il semblait suspicieux, le professeur esquissa un léger sourire narquois.

- Et bien Roman ? commença-t-il. Tu n'as rien à dire ?

Soudain, une étrange sensation parcourue l'échine dorsale du jeune loup, qui fit un pas en arrière tout en faisant jaillir ses griffes du bout de ses doigts.

Ses deux camarades s'en aperçurent et leurs yeux s'emplirent de stupeur.

- Eh Roman ! s'exclama Grégoire.

-Roman mais qu'est-ce qui te prends ? s'interrogea Ayla en attrapant le bras du garçon.

Contre toute attente, ce fut le professeur de boxe qui répondit.

- Il essaye de vous protéger, dit-il toujours d'un ton calme et serein.

Grégoire et Ayla tournèrent leurs têtes vers Hans qui, incroyable mais pourtant vrai, n'était ni impressionné ni choqué par les longues griffes de Roman.

Tout à coup, ils entendirent leur ami grogner. Ses yeux avaient prit une teinte verte et ses dents s'étaient transformées en longs crocs acérés.

- Roman ? dit la jeune fille en posant la main sur la joue du garçon. Roman qu'est-ce qu'il y a ?

Les yeux rivés sur le professeur, dont le sourire narquois s'était transformé en un froid sourire machiavélique, Roman répondit à son amie.

- C'est lui, dit-il d'un ton énervé exprimant toute la colère qu'il avait en lui. C'est Henry Bourgeons.

Voyant que le sourire cruel s'agrandissait, Grégoire fut envahi par un sentiment de terreur, qu'il réprima aussitôt.

- La Bête du Gévaudan ! s'exclama-t-il tandis que la teinte des yeux du professeur virèrent au rouge sang.

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