Chapitre 26

  Une aube nouvelle se leva sur Embursville et comme à son habitude, Roman venait tout juste de sortir pour aller faire son jogging. Bien entendu sa mère n'était pas très à l'aise à l'idée de laisser son fils courir dans les bois; seulement cette fois le jeune homme était accompagné.

En effet, Sonia s'était proposée de veiller sur lui. D'un côté elle voulait passer moins de temps enfermée dans le repaire, pour éviter de paraître comme une faible aux yeux de la meute. De l'autre elle voulait protéger son nouvel ami, car elle se sentait redevable.

Sandra quant à elle, avait quitté la grotte. Elle n'arrivait toujours pas à voir son père après toutes ces révélations. Roman s'était offert de l'héberger le temps que les tensions s'apaisent et sa mère accepta. Chaque soir, lorsque le soleil se couchait, elle et le jeune garçon allaient rendre visite à Grégoire.

Devenu un vampire désormais, il passait toutes ses journées enfermé à la maison. Il craignait de brûler vif à cause du soleil comme racontent les légendes. Sa mère et son père s'efforçaient de l'aider à surmonter cette épreuve, mais Grégoire ne parvenait pas à pardonner à ses parents. Pour lui, ils étaient la cause de ses malheurs.

Roman arriva devant chez lui et observa la fenêtre fermée. L'inquiétude s'intensifia dans le cœur du jeune garçon; se savoir aussi impuissant face à toutes ces choses qui lui sont arrivées, à lui et à son ami, le faisait se sentir inutile.

Le regard perdu sur la fenêtre et la tête ailleurs, il ne se rendit pas compte de l'arrivée de sa gardienne.

- Tu es une vrai horloge suisse toi, ironisa Sonia qui apparut derrière lui.

Elle portait une brassière bleue et une paire de leggings courts noirs. Soudainement, Roman sentit la chair de poule lui remonter le dos.

- Et toi tu... balbutia-t-il en claquant légèrement des dents. Tu as l'air d'être extrêmement réchauffée.

Cette remarque fit rire la jeune femme. C'était la première fois qu'il la voyait sourire et qu'il lui parlait, sans qu'elle soit sous une apparence canine.

La jeune fille indiqua la maison du menton.

- Alors, comment il va ? questionna-t-elle d'un ton quelque peu inquiet.

- J'en sais rien, avoua le jeune homme en secouant la tête. Je suis passé hier soir, mais il était enfermé dans sa chambre. Sa mère m'a dit que quand il était sortit, il a faillit perdre le contrôle.

Une expression de stupeur se dessina sur le visage de Sonia. Elle savait que les jeunes vampires, ceux qu'on appelait les « novices », arrivaient difficilement à se contrôler. Même si Grégoire avait démontré plus de résistance qu'elle ne s'y attendait.

La jeune femme allait reprendre la parole lorsque Roman reprit sa course le long du sentier. Elle se mit à le suivre et tout les deux pénétrèrent dans la forêt.

Plusieurs jours s'étaient écoulés depuis l'attaque de la Bête du Gévaudan. Cependant, le jeune garçon ne se sentait pas très serein, car le monstre pouvait se trouver derrière les arbres, attendant patiemment le moment venu pour frapper. De plus, deux autres personnes avaient été retrouvées mortes suite à une attaque de loup.

La panique et la terreur se répandait dans toute la ville et Roman, sachant ce qu'il se passait, se sentait inutile et impuissant. Il aurait tant souhaité agir, mais qui le croirait s'il disait qu'un loup-garou était le responsable.

Le duo se dirigea vers le sentier qui menait, lorsque le jeune homme s'arrêta juste à l'entrée de la forêt.

Le voyant hésiter, Sonia prit la main du jeune homme et l'encouragea à continuer.

- Allez Roman, l'incita-t-elle d'un regard serein. T'inquiète pas, je serai à côté de toi.

- Et si la Bête t'attaquait une nouvelle fois, s'inquiéta le garçon. Sonia tu as risqué ta vie pour moi. Je ne veux pas que quelqu'un se fasse tuer par ma faute.

Elle s'approcha de lui et le prit dans ses bras.

- Écoute moi bien Roman, si je me suis proposée pour veiller sur toi, ce n'est pas pour chercher à me venger sur cette créature, expliqua-t-elle tandis que ses yeux bleus clairs devenaient humides. Tu aurais pu t'enfuir cette nuit là, mais tu ne l'as pas fait. Tu m'as sauvé la vie, alors vois ça comme une dette à rembourser.

Cette révélation émut le garçon. Sur son visage se dessina un petit sourire de joie, qu'il ne parvenait pas à contenir.

Il hocha la tête en guise de compréhension et, prenant une profonde inspiration il se remit à courir le long du sentier, talonné par Sonia.

***

  Dans la salle de sport de sa grande maison, Ayla s'entraînait à accélérer ses mouvements et à être plus souple. Elle maniait un long bâton de bois, sous les yeux attentifs et sévères de son entraîneur.

Durant les jours suivants cette fameuse nuit où elle avait pisté les chasseurs jusqu'au repaire des vampires, elle avait tenté tant bien que mal de se remettre de toutes ces révélations.

Malgré tous ses efforts, elle ne parvenait toujours pas à croire que son frère et sa bande d'amis chasseurs avaient passé un accord avec un loup-garou. Et pas n'importe lequel, l'un des plus dangereux et des plus puissants du MythWorld.

Cette pensée ne faisait qu'augmenter son dégoût envers Sébastien, mais elle n'était pas en mesure de le prouver. Et même si elle pouvait le faire, sa mère ne la croirait sûrement pas.

Prise dans une impasse, Ayla ne savait plus quoi faire. Elle n'avait aucune envie d'entrer en guerre contre les Occultés, ni de devoir tuer ses amis.

Elle continua son entraînement pendant encore une heure, avant que son entraîneur ne lui dise que la leçon était terminée .

Mais alors qu'elle s'apprêtait à quitter la pièce, son entraîneur la stoppa.

- Tu as l'air distraite aujourd'hui Ayla, dit-il d'un ton quelque peu préoccupé. Quelque chose ne va pas ?

Son élève secoua rapidement la tête et sortit du gymnase. La jeune fille retourna vite fait dans sa chambre et se prépara pour la journée. Elle s'habilla après une douche rapide.

Arrivée à la porte elle s'apprêtait à sortir quand sa mère l'appela.

- Toujours excitée de vouloir aller à la fac à ce que je vois, dit-elle d'une voix étrangement calme.

Ayla ne put cacher son étonnement et se retourna vers sa mère.

- Disons que... je suis devenue hyperactive ces derniers temps, ajouta-t-elle innocemment.

Laura s'approcha lentement de sa fille, le visage neutre et privé de toute expression. La jeune femme recula d'un pas face à l'étrange comportement de sa mère.

Le sourire aux lèvres, sa mère la prit dans ses bras et la câlina.

- Euh mais qu'est-ce qui se passe ? pensa la jeune femme, totalement déboussolée.

Laura se retira et regarda sa fille.

- Ton frère m'a parlé de ta mission, expliqua la cheffe de famille. Il a dit que tu étais sous couverture pour trouver d'éventuels Occultés qui se cacheraient parmi les humains.

- Ah, euh oui c'est cela, s'empressa d'ajouter Ayla tout en ayant un air innocent. Il faut justement que j'aille à la fac pour suivre une piste. Ce n'est rien de concret pour l'instant, mais avant de pointer quelqu'un du doigt, il faut d'abord en avoir le cœur net non ?

Sa mère hocha la tête, fière de voir cette métamorphose chez sa fille. Elle l'embrassa sur le front et la laissa sortir.

Comme chaque matin, Ayla préféra marcher pour rejoindre l'université, respirant ainsi l'air frais de la campagne au matin. Cela lui donnait toujours une sensation d'apaisement et de sérénité.

En cet instant, son esprit était empli de doutes; elle ne savait pas comment arrêter son frère, ni en qui elle pouvait faire confiance. Fortement blessée par les intentions de Sébastien, Ayla conclut qu'il n'y avait qu'un seul moyen de l'arrêter: elle devait demander de l'aide à la seule personne en qui elle avait un minimum de confiance et qui, par la même occasion, n'était absolument pas d'accord avec les plans de son frère.

***

  La sonnerie retentit dans les couloirs vides de l'université. En l'espace de seulement quelques secondes, les étudiants sortirent des salles de classes et les échos de leurs voix se répandirent dans tout l'édifice, accompagnés par le son aigüe des portes des casiers qui claquaient contre le métal.

Une atmosphère pesante s'installa soudainement autour de Roman. Il sentait d'avoir mal à la tête et cela ne semblait pas s'arranger. Il dut se tenir aux casiers pendant un moment avant de s'en détacher pour rejoindre la sortie.

Une fois franchi la porte vitrée, il inspira profondément une grande goulée d'air, ce qui le calma un peu.

Soudain, une main se posa sur son épaule gauche, ce qui le fit légèrement sursauter. En se retournant il vit Sandra qui paraissait quelque peu inquiète.

- Est-ce que ça va Roman ? demanda-t-elle en observant le front humide du jeune homme.

Le garçon secoua la tête, n'arrivant pas à prononcer un mot. C'était comme s'il était paralysé, la douleur s'était légèrement estompée, mais elle persistait. Roman amena une main à son front car il commençait à sentir le vertige, chose qui lui parut étrange car il n'en avait jamais souffert.

Sandra soutint son bras en le plaçant derrière sur ses épaules et l'aida à descendre lentement les marches. Elle aurait pu l'amener à l'infirmerie, mais elle soupçonnait que cela n'avait rien de normal. Alors elle le conduisit au Red-Wolf, toujours stationné au même endroit.

Pendant ce temps le chef continuait de préparer les plats, du moins c'est ce qu'il laissait paraître. Quand il aperçut la fille, soutenant un jeune garçon aux cheveux noirs, il se précipita vers l'un des réfrigérateurs, tout en demandant à la jeune fille de faire asseoir le garçon sur les marches juste en face.

Le mal de tête de Roman ne se calmait pas et la douleur le fit gémir. Quelques secondes après, le chef descendit de son food-truck avec un verre à la main.

- Fais lui boire, ça lui passera très vite, dit-il en tendant le verre à Sandra.

Cette dernière s'empressa de le prendre et l'approcha des lèvres de Roman. Il commença à boire à petite gorgées l'étrange mixture, jusqu'à ce que la migraine lui passe.

Le goût de la boisson n'était pas fort, au contraire il était doux et sucré. Une étrange sensation de fraise arriva aux papilles du jeune homme.

Lentement Roman se redressa et regarda le chef du Red-Wolf agenouillé devant lui, un léger sourire aux lèvres.

- Vous... vous n'êtes pas un cuisinier de food-truck pas vrai ? questionna le garçon d'un ton un légèrement ironique.

Le chef secoua lentement la tête, son sourire un peu plus large.

- Disons que c'est mon deuxième métier, répondit-il sarcastiquement en relevant sa casquette en guise de salut. Je m'appelle Philippe et je suis un Vate. Ou un druide si tu préfères, mais sois gentil, ne le raconte à personne d'accord ?

Philippe était un homme chauve et robuste. Outre sa peau claire, il avait des yeux bleus comme l'eau de mer, et portait une toute petite barbe. Ses bras légèrement musclés étaient ornés d'étrange tatouages de couleur bleu foncé. Toutefois, l'un de ces tatouages revint en tête à Roman: il s'agissait d'un cercle ayant deux demi-cercles sur les côtés opposés. Le jeune garçon l'avait déjà vu sur la couverture du livre que Philomène lui avait montrée.

Voyant le regard intrigué du jeune homme, Philippe tourna la tête sur son bras gauche et, après un rapide coup d'œil, il se tourna à nouveau vers lui.

- C'est la rune des phases lunaire, expliqua le druide. Et ce que tu ressens en ce moment jeune homme, c'est les effets de la pleine lune.

Roman assuma un air interrogateur. Il ne comprenait pas comment il pouvait ressentir ces effets, alors qu'il faisait encore jour.

- Allez, je retourne dans ma cuisine vous préparer quelque chose de bon mes p'tits loups, dit Philippe en s'éloignant du duo.

Sandra s'assit à côté du garçon et lui expliqua comment les choses se déroulent durant la pleine lune.

- Tu vois Roman, quand c'est une nuit de pleine lune qui arrive, les effets se manifestent petit à petit jusqu'à la nuit tombée. C'est à ce moment-là que les loups-garous, plus particulièrement les « louveteaux », perdent le contrôle.

Le garçon ne se sentait pas rassuré du tout. La seule pensée de perdre le contrôle et de blesser quelqu'un le préoccupait terriblement, surtout s'il devait s'agir d'une personne qui comptait pour lui.

- Mais... comment est-ce qu'on fait pour gérer un truc pareil ? demanda-t-il.

- Ça risque d'être compliqué, avoua la fille d'un air gêné.

- Comment ça ? Qu'est-ce que tu veux dire ?

- Tu peux apprendre à contrôler tes pulsions meurtrières, mais durant les nuits de pleine lune, c'est extrêmement difficile.

- À moins que tu n'aies trouvé ton âme-sœur, conclut Philippe qui revenait avec un plateau sur lequel se trouvait deux barquettes. Il y avait dans l'une d'elles des côtelettes de porcs, tandis que dans l'autre se trouvaient des ailerons de poulet. Le tout accompagné avec des frittes et deux gobelets.

Il posa le plateau sur les marches et s'apprêta à repartir quand Roman l'interpella.

- Quoi ? Attends mais quelle âme-sœur ? demanda t-il.

- Nombreuses sont les créatures mythiques qui ont besoin d'une âme-sœur pour survivre ou pour se contrôler, expliqua le druide. Une âme-sœur est une personne qui apporte de l'équilibre dans ta vie, pour toujours. C'est une personne qui te complète. Mais encore faut-il la trouver.

Le garçon comprit ce que le chef lui expliquait, mais il y avait une dernière chose qu'il voulait savoir. Alors qu'il s'apprêtait à poser la question, Sandra le devança.

- Comment fait-on pour trouver notre âme-sœur ? questionna-t-elle au grand étonnement de Roman.

- Chaque espèce d'Occultés à sa façon de trouver son âme-sœur. Chez les lycanthropes, c'est lorsque leur côté loup qui est en vous, se sent à la fois calme et agité à côté de cette personne, expliqua-t-il laissant paraître un petit sourire. Par ailleurs, les nuits de pleine lune ont souvent servi aux loups-garous pour trouver leurs âmes-sœurs. Par conséquent ça ne devrait pas être trop compliqué pour vous, si vous l'avez déjà trouvé.

Sur ces mots, le chef retourna derrière les fourneaux de son food-truck et reprit son travail.

Pendant ce temps, assis sur les marches, Roman et Sandra prirent leur plateau et commencèrent à déjeuner.

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