Le ciel commençait à devenir de plus en plus sombre. Le soleil était maintenant au delà de l'horizon, derrière les vertes collines boisées, accompagné d'une intense aura rosée. Les ombres des arbres s'allongèrent jusqu'à former un voile noir au dessus des feuilles mortes, gisantes aux pieds des hauts arbres. Tandis que l'air froid s'intensifiait, des bruits de pas se firent entendre, accompagnés par le craquement des feuilles et du bois sec; leur écho résonnant dans les profondeurs de la forêt.

Au milieu de ce dédale d'arbres, Roman continuait de courir, sans jamais se retourner. Il avait complètement perdu la notion du temps et ne savait plus du tout où il se trouvait. Sa seule préoccupation était de fuir et surtout de semer son poursuivant.

Exténué, le jeune homme s'arrêta derrière un rocher pour reprendre son souffle. Il fut surprit de remarquer que malgré sa course, il était à peine essoufflé et que ses battements de cœur étaient réguliers. Soudain il entendit, non loin de lui, le bruit du craquement de bois sec et de feuilles mortes. Il fut tenté de regarder depuis sa cachette de quoi il pouvait bien s'agir, mais il se retint après avoir reconnu le grognement de la créature qui le poursuivait.

Il la sentait s'approcher de plus en plus, ses bruits de pas devenant plus forts; l'halètement profond accompagné d'un grognement rauque. Roman regarda autour mais il ne vit que des arbres, il était tout seul dans cette forêt, désormais en proie aux ténèbres de la nuit. La visibilité devint alors problématique, car le loup pouvait facilement se cacher grâce à son pelage foncé.

Le jeune homme ferma les yeux et, repensant aux mots de Sandra et de Marcus, contrôla son rythme cardiaque pour se concentrer et laisser ainsi ses sens de l'odorat et l'ouïe le guider.

- Roman, dit une voix calme et profonde dans l'obscurité. Allons mon garçon, sors de ta cachette. Je sais que tu es ici.

Pendant un court instant, le jeune garçon fut prit de panique, mais il se ressaisit aussitôt et se concentra à nouveau.

- Tu ne peux pas m'éviter indéfiniment, continua la voix. Toi et moi sommes liés. C'est ainsi que ça marche entre un Alpha et son Bêta. Où que tu ailles, je finirai toujours par te retrouver.

Roman ne bougea pas d'un iota. Il sentait la présence du loup juste à côté et il savait que si il se montrait, la bête se jetterait très probablement sur lui.

- Bien sûr si tu ne te montre pas, je pourrais aller parler avec ta chère mère. Une jolie femme comme elle pourrait aussi faire partie de notre espèce.

Cette dernière phrase poussa Roman à rouvrir les yeux, qui maintenant étaient devenus d'un jaunes intense. Savoir que cette créature pourrait faire du mal à sa mère le mit hors de lui, mais c'était exactement ce qu'elle voulait. D'un bond, le jeune garçon se releva pour sortir de sa cachette. Il ne fut pas surpris de voir le grand loup, se tenant droit d'une allure fière, au sommet d'un tas de pierres.

Tout les deux s'observèrent pendant un moment en silence. La bête releva légèrement la tête, laissant paraître sa gueule entre-ouverte remplie de crocs acérés. Roman reconnût la même expression qu'avait la créature, le soir même où il avait été agressé: le sourire cruel du loup au yeux rouges sang, qui brillaient comme de la braise. Mais cette fois, le jeune garçon se tenait devant la bête avec un air furieux.

- J'ignore ce que tu veux de moi, ou pourquoi tu m'as fais devenir ce que je suis aujourd'hui, dit-il d'un ton sérieux tout en fixant le loup. Mais je t'interdis de t'approcher de ma mère ! Elle n'a rien à voir avec tout ça !

Le sourire maléfique du loup s'élargit encore plus et de la bave commença à couler depuis sa grande gueule.

- Crois-tu vraiment pouvoir me donner des ordres ? dit le loup d'un ton amusé. Pauvre mortel, tu n'as pas la moindre idée de ce dont je suis capable ! Je suis l'un des Occultés les plus puissants qui existent ! J'appartiens au groupes des Bêtes et personne ne peut m'arrêter ! Quant à toi, morveux, tu n'es rien de plus qu'un voleur et tu vas me rendre ce qui m'appartient.

D'un coup rapide, le loup bondit depuis sa position et se jeta sur Roman. Heureusement le jeune homme avait senti le coup venir et réussit à éviter la prise. La bête atterrit lourdement sur le sol mais se retourna rapidement pour faire face au garçon, qui se jeta à son tour sur elle.

Roman l'attrapa de ses longs doigts, au bout desquels se trouvait de longues griffes et les planta dans la peau de la créature. Cette dernière rugit de douleur et tourna la tête pour attraper le garçon avec ses dents, mais il était monté sur son dos, hors d'atteinte des violentes morsures.

Le loup s'agita dans tout les sens, tentant vainement de faire tomber Roman; tandis que le garçon vivait un véritable rodéo sur le dos de l'énorme bête. C'est alors que le monstre se releva sur ses pattes arrière et se laissa tomber à la renverse. Malheureusement, Roman n'eut pas le temps de se déplacer, qu'il se retrouva plaquer lourdement au sol, sous le poids de la créature. Alors que le monstre se releva lentement, le jeune garçon était encore beaucoup trop étourdi pour réagir. Il essaya de se relever, mais une patte gris foncé appuya fortement son torse, le bloquant ainsi au milieu du lit de feuille morte. Pris au piège et exténué, Roman observa impuissant le visage du loup qui ouvrit lentement la gueule.

- Comme je te l'ai dit Roman, je suis l'un des Occultés les plus puissant qui existent, reprit la voix froide et cruelle du loup. Tu ne pourras jamais me vaincre et bientôt, toute cette ville et ces habitants, seront à ma merci.

Le jeune garçon toussa à cause de la pression que la patte exerçait de plus en plus fort sur son torse. Pendant un moment il cru entendre sa cage thoracique se briser, mais la vision des dents crènelées du loup l'empêchait de penser à quoi que ce soit d'autre.

- Pourquoi ? demanda-t-il faiblement. Pourquoi faites-vous ça ?

- D'un côté ça fait partie de ma nature, répondit la voix sereinement. Et puis parce que, suite à un marché des plus intéressant, mon partenaire m'a promis un territoire sur lequel je pourrais chasser sans la moindre interruption.

Cette nouvelle choqua le jeune homme; qui avait bien pu proposer un tel marché? Qui pouvait bien permettre une chose pareille? Et surtout, pourquoi s'allier à un monstre comme la bête qui le retenait prisonnier?

Des questions auxquelles Roman ne trouva aucune réponse et aucun sens.

Le loup quant à lui rapprocha sa gueule grande ouverte, laissant couler la bave le long de ses lèvres et de ses dents affûté comme des couteaux.

- Et maintenant morveux, il est temps pour toi de... il n'eu pas le temps de conclure la phrase, qu'il fut projeté sur le côté par une autre créature à la peau clair qui commença à le mordre et à le griffer de toute part.

Le jeune homme se releva avec difficulté, tout en toussant fortement. Alors qu'il reprenait son souffle, il vit la bête affronter un autre loup, plus petit mais pas pour autant moins dangereux. En effet, le nouvel arrivé était bien plus agile et réussissait à éviter les coups de mâchoire et de griffes de son adversaire. Hélas l'avantage du loup au pelage clair fut de courte durée; car la bête se retourna vivement et, à l'image d'un cheval envoyant un coup de sabot, elle frappa de ses pattes arrières le museau et la gorge du loup qui tomba à la renverse.

Roman, témoin de toute la scène, se releva précipitamment et regarda le loup blessé. En observant plus attentivement, il reconnut son mystérieux sauveur qui le regarda droit dans les yeux d'un air inquiet et suppliant.

- Roman va-t-en, dit une voix féminine qui lui était familière. Sauve-toi !

Le garçon aux cheveux noirs resta bouche bée, totalement immobile . Il vit la bête s'approcher du loup gris et refermer sa grande gueule au niveau des épaules de sa victime qui hurla de douleur. Le grand loup se releva et lança l'animal contre les rochers, comme une poupée de chiffon.

- Sonia ! s'exclama le jeune homme.

- Oh alors tu la connais ? dit la bête d'un ton amusé, tout en s'avançant vers le loup blessé qui commençait à reprendre sa forme humaine. Très bien. Comme ça tu vas voir ce que je vais faire à ceux qui te sont chers, en m'entraînant sur cette faible louve-garou.

Voyant que Sonia n'arrivait pas à guérir assez vite, Roman comprit qu'il n'avait pas d'autre choix que d'affronter la bête.

Sonia quant à elle, comprenant les intentions du jeune homme, tenta vainement de crier.

- Roman non, dit-elle faiblement. Va-t'en !

La bête rouvrit à nouveau la gueule et se prépara à mordre le coup de la jeune fille; mais elle oublia complètement Roman qui se rua sur elle et lui planta nouvellement les griffes dans la peau. La bête rugit de douleur et le jeune garçon se servit de toute ses forces pour la soulever et l'envoyer contre un arbre à 3 mètres de là. L'impact fut bruyant et le monstre tomba lourdement au sol. Il secoua la tête et tourna son regard emplit de haine vers Roman, qui se tenait droit et fièrement entre la bête et Sonia.

Le garçon n'était plus terrifié du tout; son regard sérieux et menaçant était pointé droit sur la bête. Ses yeux étaient redevenus d'un jaune intense comme le feu, ses doigts se terminaient par de longues griffes acérées, mais le reste de son corps était humain.

- Laisse la tranquille ! hurla-t-il d'un ton énervé. Si tu as un problème avec moi, alors affronte-moi. Mais laisse mes amis et ma famille en dehors de tout ça !

La bête grogna fortement avant de se remettre en position d'attaque.

- Comme tu voudras, voleur ! dit-elle en poussant un énorme cri qui se propagea dans toute la forêt.

Roman riposta en rugissant à son tour, avec une tonalité moins profonde et moins grave que son adversaire.

L'énorme loup se jeta sur sa victime mais au moment où il allait lui tomber dessus, il reçu un grand coup dans les côtes et tomba 2 mètres plus loin à côté, tout en roulant sur le lit de feuilles.
Roman tourna la tête vers la personne qui l'avait sauvé, restant bouche bée devant son meilleur ami de nouveau sur pied.

- Bah quoi ? Tu pensais quand même pas t'amuser sans moi tout de même ? ironisa Grégoire.

- Sans nous ! souligna une voix féminine juste derrière le jeune brun.

Quand Roman vit un loup au pelage brun apparaître, il ne mît pas longtemps à reconnaître qu'il s'agissait de Sandra.

Son attention se reporta vite fait sur son ami, qui se tenait droit et semblait être en pleine forme.

- G... Greg ? bégaya-t-il incrédule.

- Salut mon vieux, répondit ce dernier tout sourire avant de venir enlacer son meilleur ami.

- Tu n'as rien ? Ça va ? demanda Roman d'un air curieux et légèrement préoccupé .

- T'inquiète ça va, affirma le jeune brun.

- Bon Dieu, mais tu as maigri ?

Grégoire baissa son regard sur son corps. Jusque là il ne s'en était jamais aperçu, mais la chose ne manqua pas de l'étonner pour autant.

- Enfaite je n'en sais rien, avoua-t-il en ricanant.

Malheureusement, leur petite discussion fut interrompue par l'énorme loup, qui se releva d'un bond encore plus en colère qu'avant. Ce dernier grogna d'un air encore plus menaçant et son regard haineux s'intensifia.

- Je n'arrive pas à le croire, tu es ami avec un vampire ? hurla la voix de la bête. Tu devrais avoir honte petit !

Roman se ressaisit et se positionna pour faire face au loup. Grégoire prit également position, tout comme Sandra qui grognait d'un air agressif.
La bête savait bien que tenir tête à trois adversaires en même temps serait risqué, d'autant plus qu'elle ressentit plusieurs odeurs différentes.

Des bruits de pas de course arrivèrent jusqu'à ses oreilles. Les secours étaient en approche.

- Fort bien, tu as réussi à m'échapper une nouvelle fois Roman, mais ne repose pas sur tes lauriers. D'autres victimes tomberont et La Lune de Sang approche. Et enfin, lorsque le moment arrivera, tu devras choisir entre toi ou tes amis, dit la voix profonde du loup.

Celui-ci tourna les talons et disparut à une vitesse foudroyante dans les ténèbres qui enveloppaient la forêt.

Quelques secondes après la disparition de la créature, Marcus, Elias et Bertrand apparurent. L'alpha et le Grand Mage furent comblés de joie en voyant leurs enfants en bonne santé, tandis que Elias fut prit de panique à la vue de Sonia, allongée sur le lit de feuilles.

Il s'approcha d'elle et lui prit le visage dans les mains, la suppliant à voix basse de se réveiller. La jeune femme lui répondit faiblement et entre-ouvrit ses yeux humides. Elias rapprocha son visage, plein de larmes, de celui de Sonia.

- Qu'est-ce qui lui est arrivé ? questionna Marcus aux jeunes.

- Le loup, répondit Roman attristé et préoccupé.

Les yeux de tous se posèrent sur lui. Le jeune homme reprit alors la parole, les yeux baissés et le regard inquiet.

- C'est le loup qui m'a attaqué ce soir là. Il a essayé de me tuer mais Sonia s'est interposée. Elle m'a dit de fuir mais... il était bien plus fort qu'elle et... je ne pouvais pas l'abandonner face à cette... bête.

- Roman, qu'est-ce que cette créature te voulait exactement ? ajouta Bertrand, avec une expression douteuse au visage.

- Papa c'est bon arrête ! s'exclama agacé Grégoire. Tu ne vois pas que Roman se sent assez mal comme ça ?

Le jeune garçon s'attendait à ce que son père le gronde, mais Bertrand n'en fit rien.

- Dites les amis, vous pourriez remettre cette conversation à plus tard ? dit Elias d'un ton sévère.

Aussitôt Marcus vint aider Elias à relever Sonia tandis que Bertrand s'éloigna pour ouvrir le portail qui les ramèneraient au repaire.

- Grégoire, dit-il avant de lancer le sortilège. Appelle ta mère pour lui dire de préparer l'infirmerie. La nuit risque d'être longue.

D'un air légèrement réticent, Grégoire sortit son téléphone et appela sa mère.