Chapitre 21

L'après-midi venait de commencer. Roman et sa mère avait discuté pendant tout le repas, mais le jeune homme ne révéla rien au sujet du MythWorld, des Occultés et, en particulier, de sa transformation en loup-garou.

Sa mère l'écouta attentivement et sembla ne se douter de rien.

Ils discutèrent pendant un moment, jusqu'à ce que Roman ne décide de s'éloigner et de rejoindre le garage, dans lequel se trouvait tout le matériel pour ses activités sportives.

Le jeune garçon resta un moment à observer sa salle de sport improvisée. Une sensation de nostalgie l'envahit. Il repensa aux matins durant lesquels il sortait courir.

Ces temps lui semblait si lointain. Certes, maintenant il avait un petit gymnase privé, mais il avait l'impression d'être dans une petite cage.

Soudain, son flair sentit une curieuse odeur dans l'air. Roman se retourna mais ne vit rien. Il s'avança à l'intérieur du garage, mais resta sur ses gardes.

Le jeune homme s'approcha de son sac de boxe et commença son échauffement.

Pendant plusieurs minutes, Roman frappa le sac, sans penser à quoi que ce soit d'autre. Il avait passé une angoissante et terrifiante nuit blanche. Il avait donc besoin de se changer les idées, oubliant tout ce qu'il venait de se passer.

Soudain, l'étrange odeur qu'il avait ressenti quelques instants plus tôt lui chatouilla nouvellement les narines. Il cessa de frapper son sac et tourna la tête sur le côté. Là, un grand loup gris assit à l'entrée du garage le fixait de ses intenses yeux jaunes.

Roman regarda l'animal, mais ne sembla pas terrifié. Maintenant il comprenait d'où provenait cette mystérieuse odeur.

- Alors c'est ici que tu vis ? Je m'attendais à quelque chose de plus petit, dit une voix féminine.

Le jeune garçon ne mit pas longtemps à comprendre que c'était le loup qui lui parlait.

- Tu es un des membres de la meute Lune c'est ça ? spécula-t-il en continuant de fixer le loup.

- Tu es perspicace, répondit la voix d'un ton amusé. On n'a pas été présenté, je m'appelle Sonia et je suis la Beta de Marcus.

- Un autre Beta ? Je croyais qu'il ne pouvait-y en avoir qu'un seul.

Le loup ricana face à la remarque de Roman.

- Les loup mes normaux peut-être, mais je n'en suis pas sûre. Mais pour les loups-garous ce n'est pas le cas, expliqua Sonia. Le MythWorld est bien différent du Monde Saecularia.

Le jeune homme haussa les sourcils un bref instant, avant de faire à nouveau face au sac de sable, qu'il recommença à frapper.

- Je ne sais pas ce qu'est le Monde Saecularia, dit-il avec le souffle court. Excuse-moi, mais maintenant, j'aimerais rester seul.

Ignorant la requête du garçon, le loup gris ne bougea pas et reprit la parole.

- Le Monde Saecularia est le nom que les Occultés et les chasseurs ont donnés au monde des humains, expliqua la créature, les yeux fixés sur Roman.

Le jeune homme ne répliqua pas et continua de frapper le sac de sable.

Sonia souffla fortement et continua son monologue.

- Tu sais pour un « louveteau », je dois avouer que tu sais te maintenir en forme, dit-elle.

- Et moi je dois avouer que Marcus n'a pas une grande confiance en moi, s'il t'a envoyé pour me surveiller, répliqua-t-il sèchement en fixant le loup.

- Marcus n'a rien à voir dans toute cette histoire, j'ai choisi volontairement de te surveiller. C'est surtout Elias qui ne te fais pas confiance.

- Elias c'est cet idiot sans cheveux ? Ça ne me surprend pas.

À ces mots, le loup grogna montrant les crocs.

- Elias n'est pas un idiot ok ? Ne commence pas à juger les gens, alors que tu ne les connais pas, ajouta sèchement Sonia, toujours sous son apparence de loup.

- Pardonne-moi dit Roman en repensant à ce qu'il venait de dire. J'étais juste trop énervé pour réfléchir à ce que je disais.

Pendant un moment, Sonia regarda le jeune homme sans rien ajouter, et son visage de loup acquit une apparence de calme. Ses yeux jaunes brillaient comme les étoiles dans la nuit noire et ne transmettaient aucune intention agressive.

Roman quant à lui, souffla bruyamment et recommença à frapper son sac. Ses coups étaient de plus en plus fort, ce qui n'échappa pas aux yeux attentifs de Sonia.

- Tu te sens coupable pour ce qui est arrivé à ton ami, conclut le loup gris.

Roman cessa de frapper le sac et baissa la tête. Il resta appuyé contre le sac, la tête tournée vers le bas, le souffle court.

Sonia n'avait pas besoin de regarder le jeune garçon, pour comprendre qu'il était assailli par un profond sentiment de culpabilité.

- La dernière chose que je souhaitais, c'était mettre Greg en danger, répondit-il, les yeux humides, rivés vers le sol. Si je ne l'avais pas encouragé à me suivre avec Sandra ce jour là, probablement il serait chez lui entrain de jouer à ses jeux vidéos à l'heure qu'il est.

Sonia était sur le point de lui parler, lorsqu'elle entendit la porte de la maison s'ouvrir. La mère de Roman était entrain de sortir. Alors elle courut au fond du garage, cachée dans la pénombre, espérant de ne pas avoir été remarquée.

- Roman ! hurla la mère du jeune homme. Est-ce que ça va ?

Le jeune homme se releva lentement vers sa mère, le front complètement trempé.

- Ou... oui ça va. Je me suis juste, échauffé un peu, dit-il l'air innocent.

- Je crois que tu devrais te prendre une douche. Il y a quelqu'un qui est venu te voir.

- Ah bon ? Qui ?

Sa mère ne répondit pas, car sur le seuil de la porte, qui donnait sur le jardin, était apparu une jeune fille aux cheveux blond.

- Oh flûte ! Oui je crois que tu as raison maman, ajouta-t-il d'un ton légèrement embarrassé.

Sa mère hocha la tête silencieusement, tout en s'éloignant avec un sourire amusé.

La jeune fille s'approcha timidement de Roman, avec un sourire forcé. Le jeune garçon toutefois, n'arrivait pas à comprendre pourquoi elle paraissait tellement tendue devant lui.

- Et bien, on peut dire que tu ne manque pas une occasion pour t'entraîner, dit-elle.

Un petit sourire se dessina sur le visage du jeune garçon.

- Je dois avouer que tu as raison, dit-il. Mais toi, il faut dire que tu n'arrives pas à rester loin de moi trop longtemps.

Ayla haussa légèrement les sourcils. La remarque de Roman lui fit revenir le sourire resplendissant, que le garçon connaissait bien.

- Touché ! dit-elle tout sourire, avant de retrouver un air sérieux. Roman, si ça ne te gêne pas, j'aimerais te parler d'un truc.

- Oui bien sûr. Enfin, si tu me permet d'abord de prendre une douche et de me changer.

- Hum, je ne sais pas trop. J'avoue que je préfère te voir en tenue sportive.

Ils rirent tout les deux à cette remarque. Roman récupéra un sweat et se dirigea vers le portail, suivi de Ayla.

Leur petite discussion par contre, ne passa pas inaperçu; car Sonia, toujours cachée dans la pénombre du garage, avait tout entendu, spécialement les battements de cœur de la blonde. Sentant que quelque chose n'allait pas dans toute cette histoire, elle décida de suivre discrètement le duo.

***

  De son côté, Marcus était sorti de la caverne et s'était rendu au lac, situé au cœur de la forêt. Il s'assit sur un rocher et observa, le regard perdu, la surface de l'eau sur laquelle se reflétait les rayons du soleil.

Son esprit était empli d'inquiétude et de doutes. Pour la première fois depuis plusieurs siècles, un sentiment d'impuissance l'envahit.

Il ne se sentait plus aussi fort qu'il était autrefois. Mais surtout, il craignait ne plus être assez fort pour protéger sa meute et plus particulièrement sa fille.

Soudain, il fut arraché à ses pensées, lorsqu'il sentit une présence qui se tenait derrière lui.

- Et moi qui croyais que tu avais arrêté de venir sur ce lac, ironisa la voix d'un homme que Marcus.

Sans détourner les yeux de la surface scintillante du lac, il esquissa un léger sourire.

- Les vieilles habitudes sont dures à mourir, ricana légèrement l'Alpha.

L'homme derrière lui s'approcha de la rive et, comme son compagnon, il se mit à observer la surface de l'eau.

- C'est apaisant ici, reprit l'homme. Je comprends pourquoi tu aimes cet endroit.

- Que puis-je te dire Bertrand ? J'ai le grand cœur d'un poète.

Le sorcier souffla du nez, en guise de réponse. Un sourire narquois se dessina sur son visage.

- Tu te souviens de notre première rencontre ? C'était sur les rives du Rhin, au moment où le soleil avait commencé à se coucher, reprit Bertrand.

- Tu as une incroyable mémoire mon ami, ironisa Marcus, sans quitter le lac du regard. Mais je sais que tu n'es pas venu ici simplement pour discuter.

- C'est bien vrai. Je suis venu pour te parler d'une question importante. Mais aussi pour profiter de ce merveilleux spectacle.

Marcus, pour la première fois, détourna les yeux du lac scintillant et les posa sur le sorcier.

- Je t'écoute, souffla-t-il.

Bertrand tenta de suffoquer un rire, mais le vieux loup-garou, grâce à sa formidable ouïe, l'entendit.

-Qu'y a-t-il ? demanda-t-il intrigué.

- L'histoire se répète, répondit le sorcier. Je te retrouve sur les rives d'un point d'eau, pensif et silencieux. Je me rapproche de toi et lorsque je te disque nous devons discuter, tu me réponds par « je t'écoute ».

Marcus haussa les sourcils, frappé par un souvenir si détaillé.

- Voilà pourquoi je ne peux m'empêcher de rire, conclut le Mage.

- Pardonne-moi mon ami, mais je ne vois pas où tu veux en venir, ajouta le vieil Alpha.

Le sourire amusé de Bertrand s'effaça lentement. Il plongea alors son regard dans celui de son vieil ami et reprit la parole.

- Très bien. Marcus tu as toujours été un excellent leader, mais au cours des 150 dernières années, tu as commencé à être moins prudent. J'aimerais savoir pourquoi.

Un long silence tomba. Seul le léger bruit des feuilles colorées, dansant au gré du vent, accompagnées par le claquement de l'eau sur les rochers, apportait un peu de rythme. Malgré le calme qui régnait, Bertrand tenta vainement une nouvelle fois de savoir ce qui avait poussé son ami à agir aussi imprudemment, mais Marcus resta muet.

Le Grand Mage s'éloigna, mais il fut vite stoppé par les mots que l'Alpha prononça.

- Cela fait plus de 4 siècles que je vis caché dans l'ombre, aux yeux de tous, dit-il le regard perdu. Au fil du temps, j'ai commencé à me demander si ce n'était pas une erreur. Continuer à vivre ainsi.

Il s'arrêta un moment, baissant son regard sur l'eau qui se trouvait au pied du rocher sur lequel il se tenait. Il regarda son reflet et reprit son explication.

- Lorsque Diana, ma femme, m'a dit qu'elle était enceinte... ma première pensée était de la garder cachée. Elle et notre enfant, poursuivit-il, ses yeux devenant rouges et humides. Mais tu sais tout comme moi que Diana était têtue. Elle voulait que notre enfant puisse vivre une vie normale, au milieu des humains, comme si c'était l'un d'entre eux.

Les souvenirs de sa femme était tellement douloureux pour Marcus, qu'une larme commença à glisser le long de son visage. Un petit sanglot échappa de sa bouche, mais il se ressaisit aussitôt.

- Après sa mort, j'ai juré de protéger notre fille, mais aussi de pouvoir lui permettre de vivre. Toutefois, Sandra est entrain de devenir comme moi, un loup-garou qui reste à l'écart de tout ce qui est lié au monde des humains. Je ne veux pas qu'elle commette les mêmes erreurs que moi.

Lentement, les larmes de Marcus se firent plus nombreuses. Ses joues en furent inondées et son reflet dans l'eau se dissipa, suite aux goutes qui formaient des vagues en entrant en contact avec la surface du lac.

Bertrand s'approcha de son ami et, délicatement, lui posa une main sur l'épaule en guise de consolation.

- Marcus, je suis vraiment désolé, dit Bertrand, alors que les larmes de son ami, continuaient inexorablement de tomber dans les eaux calmes du lac.

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