Chapitre 20

À l'approche de midi, la place du marché d'Embursville regorgeait de gens. Les vendeurs criaient follement, créant une véritable cacophonie, tout en vendant leurs produits aux éventuels clients.

Au milieu de ce chaos, Ayla regardait attentivement la foule, observant chaque clients et chaque vendeurs. Elle jeta des regards suspects dans toutes les directions, sans pour autant tomber sur un détail qui pouvait attirer son attention.

Cependant, au bout d'un moment, elle sentit l'air lui manquer , comme si quelqu'un lui tenait la tête sous l'eau, et des vertiges commencèrent à se manifester. Elle se dirigea alors vers un banc vide, loin de toute la foule, et put enfin reprendre à respirer normalement.

Tandis qu'elle reprenait son souffle, une main se posa fortement sur son épaule, ce qui la secoua. Elle se retourna et vit une jeune femme aux long cheveux blonds. À la vue de cette dernière, le visage de Ayla se mua en une expression de gêne et agacement.

- Alors comment ça va ma petite ? dit-elle tout sourire.

Ayla le remarqua mais ne lui renvoya pas son sourire. La jeune fille se contenta de lever les yeux au ciel.

- Comment m'as-tu trouvée ? demanda-t-elle.

- Tu oublies que je te connais depuis assez longtemps, pour savoir que tu vas au marché tout les week-ends, répondit la blonde avec un sourire narquois. Même si j'admets que j'ignore pourquoi, vu que tu sembles souffrir d'agoraphobie.

L'impatience s'intensifia dans l'âme de Ayla.

- Maintenant que j'y pense, comment fais tu pour aller à l'université si tu souffres d'agoraphobie ? continua la jeune femme

- Qu'est-ce que tu me veux Victoria ? questionna-t-elle sèchement.

La blonde s'asseya sur le banc à côté d'elle et, regardant les vendeurs exposés leurs différents produits, elle reprit la parole.

- Ton frère et moi avons découvert le nom du nouvel Occulté: Roman Vicar.

Ayla savait bien où la jeune chasseuse à côté d'elle voulait en venir, ayant entendu leur discussion hier soir.

- Nous voulons que tu noues contact avec lui et que tu découvres en quel genre de créature mythique il a été transformé, expliqua Victoria, ses yeux toujours rivés vers la foule. Comme ça, nous découvrirons qui s'est amusé à violer le Traité de Moscou et, suivant le règlement de notre Ordre, nous l'arrêterons et le jugerons.

- Je vois. Seulement il y a un petit problème: je n'ai jamais vu ce Roman. Alors comment je vais faire pour le trouver à la fac ? demanda Ayla tout en ayant un air innocent.

- Ça j'en doute, ajouta Victoria.

À cette remarque Ayla écarquilla légèrement les yeux, craignant que l'Ordre n'est découvert le vrai visage de Roman, et comprenne qu'elle était en train de se lier d'amitié avec une créature mythique.

- Qu'est-ce que tu veux dire ? questionna-t-elle, essayant de garder un air innocent.

- Ce Roman fréquente ton cours de boxe. Étant donné que vous n'êtes pas beaucoup, tu devrais le trouver assez facilement, répondit la blonde.

Ayla réprima une forte expiration, soulagée de voir que ni Victoria ni Sébastien ne savait qui était le jeune garçon pour lequel elle semblait éprouver quelque chose.

- Bon, j'aimerais bien continuer à rester là et voir les humains se déplacer comme des fourmis, mais j'ai un important rendez-vous avec mon groupe de chasseurs. Tu connais ta mission maintenant, dit Victoria d'un ton nonchalant.

Alors qu'elle venait tout juste de se relever, Ayla l'arrêta en lui posant une question.

- Quand tu parlais d'arrêter la Créature Mère, j'imagine que vous avez également l'intention d'arrêter l'Occulté qu'elle a crée, pas vrai ?

Pendant quelques secondes, Ayla n'entendît que le bruit des pas de la foule, les cris des vendeurs qui continuaient à vendre leurs produits, accompagnés par les Klaxons des voitures.

La jeune fille attendait une réponse de la blonde; mais cette dernière, après s'être retournée vers Ayla, ne lui répondit pas comme elle aurait souhaité.

- Trouve ce garçon et préviens nous dès que tu le trouves ! s'exclama-t-elle calmement. Et évite de tout faire foirer, ok ?

Sur ces mots, Victoria s'éloigna et disparut dans la foule.

Ayla quant à elle, resta assise un moment avant de se lever, pour quitter la place du marché.

Une fois loin du vacarme de la foule et des cris des marchands, elle sortit son téléphone et chercha le numéro de Roman. Elle savait parfaitement que prévenir une créature mythique était considéré comme un acte de trahison au yeux de l'Ordre des Chasseurs.

Cependant, toujours convaincue qu'il s'agissait d'une erreur, elle voulait en avoir le cœur net.

- Si cela doit me coûter ma place chez les chasseurs, qu'il en soit ainsi ! pensa-t-elle.

***

  Roman continua sa marche le long de la rue, sans jamais s'arrêter, sans jamais se retourner. Il avait complètement oublié sa mère, qui devait probablement être morte d'inquiétude et il ne l'avait même pas contacté.

Un profond sentiment de culpabilité assaillit son esprit. Il réalisa soudainement qu'il avait été plus préoccupé par sa nouvelle vie d'Occulté, qu'il avait faillit oublier sa mère.

Une petite larme lui monta à l'œil. Il l'essuya aussitôt et continua de marcher.

Quelques minutes plus tard, il arriva enfin devant sa maison, mais hésita un moment avant de frapper à la porte. Malgré l'envie de revoir sa mère, il ne savait pas du tout quoi lui dire. Il ne savait s'il devait lui révéler la vérité ou non. À la fin, il se décida et sonna à la porte.

Personne ne vint. Il sonna une nouvelle fois, mais toujours aucune réponse. Le jeune homme s'apprêtait à sonner une troisième fois, mais quelque chose le stoppa.

Il se retourna mais ne vit rien. Pourtant, il ressenti une étrange sensation. La sensation d'être espionné. Il avait ressenti cela auparavant, le soir où il a été mordu.

Il prit peur pendant un court instant, puis se ressaisit. Toutefois, il sursauta légèrement lorsqu'il entendit la porte s'ouvrir enfin. Sa mère apparut quelques secondes après et, avec un large sourire au visage, elle enlaça son fils.

- Roman ! s' exclama-t-elle enthousiaste.

- Salut maman, dit-il la voix rauque.

Intriguée par le ton de la voix de son fils, Awa se dégagea délicatement de son étreinte. En le regardant droit dans les yeux, elle remarqua qu'ils étaient humides.

- Mon chéri, qu'est-ce qui ne va pas ? demanda-t-elle inquiète.

- Je... j... balbutia le garçon. Je suis désolé de ne pas t'avoir appelé hier soir. Tu t'es sûrement inquiété mais je ne t'ai pas appelé. Je suis vraiment désolé maman.

- Oh Roman. Tu n'as pas à t'inquiéter, ton amie m'a dit que tu devait aider Grégoire hier soir.

Soudain, le regard triste de Roman fut remplacé par une expression d'étonnement et d'incompréhension.

- Comment ça ? questionna-t-il. Quelle amie ?

- Oui, une jeune brune est passée hier soir. Sandra, si je me souviens.

Les yeux du jeune homme s'agrandirent de stupeur. Jamais il n'aurait pensé que Sandra aille voir sa mère pour lui expliquer la raison de son absence.

Awa vit l'étonnement dans le regard de son fils. Elle s'apprêtait à lui demander pourquoi, mais ce dernier s'en aperçut et la précéda.

- Oui, dit-il prestement. Oui, j'étais avec Greg hier soir. Il... il ne se sentait pas bien.

Awa resta quelque peu surprise par cette réaction de là par de Roman, mais elle ne s'en préoccupa pas.

- Ton amie m'a dit que Grégoire avait des problèmes d'insomnie et que pris d'inquiétude pour lui, tu t'es précipité pour savoir ce qui n'allait pas, reprit la mère du jeune garçon. Au fait, comment va-t-il aujourd'hui ?

- Et bien, pour l'heure il se repose. Ces derniers temps il fait des cauchemars qui l'empêchent de dormir lors, par mesure de précaution, je suis resté à ses côtés toute la nuit pour qu'il se sente plus en sécurité, raconta le jeune homme, cherchant à être le plus convaincant possible.

Sa mère hocha lentement la tête, même si intérieurement elle ne semblait pas très convaincue. Cependant, elle ne voulait pas bousculer ultérieurement son fils, ainsi elle se contenta de sourire et d'enrouler les épaules de son fils avec son bras.

- Allez viens donc à l'intérieur, l'invita sa mère. De plus je viens tout juste de préparer le déjeuner.

Le jeune homme renifla discrètement l'air et une succulente odeur de viande lui chatouilla les narines.

- Laisse moi deviner. Tu es allée au marché ce matin et tu as pris un poulet rôti, ironisa Roman avec un léger sourire.

Awa ne put retenir un sourire amusé.

- Et des frites ! ajouta-t-il précipitamment.

- Et bien dit donc, quel flair ! dit sa mère les yeux écarquillés.

Roman rentra dans la maison avec sa mère, se sentant pour la première fois, depuis quelques jours, une personne normale. Certes, ses pensées étaient toujours tournées vers son meilleur ami, mais pour la première fois, il décida de se concentrer uniquement sur l'instant présent. Oubliant pendant un moment le MythWorld et tous ses dangers.

***

  Entre temps, dans le repaire de la meute Lune, Bertrand et Philomène étaient en train de regarder leur fils, toujours inconscient, allongé sur la table de pierre.

Ils ne l'avaient pas quitté des yeux un seul instant, priant pour qu'il se réveille. Hélas, rien ne se produisit. Seul une petite brise, glissant le long des parois rocailleuses de la grotte, se fit entendre.

- Crois-tu qu'il nous pardonnera ? demanda la druide, les yeux toujours posés sur le corps inerte de son jeune fils.

- Je l'ignore, admit Bertrand en secouant délicatement la tête. J'espère seulement qu'il pourra comprendre pourquoi nous ne lui avons rien dit.

Les deux parents se fixèrent intensément, avant de tourner leur regard vers le corps immobile du jeune garçon.

- J'espère que tu auras raison, chuchota Philomène d'une voix brisée.

Soudain, ils entendirent des pas provenant de l'entrée de la grotte et, quelques instants après, Sandra apparut.

Elle avait passé toute la matinée hors du refuge. Ses mains, encore recouvertes d'une fraîche terre noire, témoignaient qu'elle venait tout juste de revenir. Personne ne sachant où elle était allée.

Sur son visage se lisait une expression de grande tristesse.

Elle s'avança un peu plus, mais s'arrêta subitement lorsqu'elle vit les parents du jeune brun.

- Excusez-moi ô Grand Mage, s'empressa-t-elle d'ajouter en lui faisant une légère révérence. Je venais juste voir comment allait votre fils. Mais si vous voulez...

- Non ne t'inquiète pas jeune louve, l'interrompit Bertrand avec un léger sourire. Moi et ma femme devions justement sortir un moment. Si tu veux rester à côté de Grégoire, il n'y a aucun problème.

Sandra baissa la tête en guise de remerciement, tandis que Bertrand et Philomène se relevèrent et se dirigèrent vers la sortie.

Une fois partis, la jeune brune observa autour d'elle, s'assurant d'être enfin seule avec Grégoire. Elle s'approcha discrètement de lui, laissant ses yeux glisser lentement sur son corps.

Elle remarqua qu'il n'avait plus une forme rondouillarde. Son abdomen était plus sculpté, les muscles aux bras étaient plus développés, même s'il n'étaient pas contractés.

Sandra détourna son regard et s'assit sur la chaise sur laquelle s'était assise Philomène. Elle croisa les bras et baissa les yeux vers le sombre sol.

- Et bien. Nous voilà tous les deux seuls, une nouvelle fois, ironisa-t-elle d'une voix basse.

Son ton était moqueur, mais au plus profond d'elle, elle espérait qu'il ouvre les yeux et lui réponde avec une de ses blagues, du genre: faut croire que cela devient une habitude !

Sandra rit intérieurement à cette pensée, mais reprit tout de suite un air sérieux.

- Tu sais, c'était déjà un peu difficile pour moi de te supporter quand tu n'étais qu'un simple humain, continua-t-elle. Et maintenant, il y a de fortes chances pour que tu deviennes, à priori, un vampire. Voilà qui risque fortement d'envenimer les choses.

Elle s'arrêta un instant, imaginant ce que cela voulait dire.

Sandra était parfaitement consciente que vampires et loups-garous font rarement bon ménage. Toutefois, sa partie loup ne semblait nullement gênée par cela. Au contraire, la jeune fille ressentait presque de l'excitation.

Elle chassa ces idées de son esprit, puis prit une profonde inspiration. Ne sachant pas si Grégoire pouvait l'entendre, Sandra voulait être sûre de ne pas utiliser les mauvais mots.

- Honnêtement, je préfèrerais plus que tu te réveilles et que tu te lèves de cette satané table. Te voir dans cet état...

Elle s'interrompît un bref instant, alors que ses yeux devenaient de plus en plus humides. Des larmes commencèrent à glisser le long de ses joues.

- Te voir dans cet état, me déplaît, dit-elle. Pour être honnête, ne me demande pas pourquoi, ça me brise le cœur.

Ne pouvant plus retenir les larmes qui continuaient de lui monter aux yeux, Sandra finit par craquer. Elle ne parvenait plus à parler et lentement, son souffle fut remplacé par un petit sanglot qu'elle essayait tant bien que mal de réprimer.

Elle posa délicatement sa main dans les cheveux ébouriffés du jeune homme et commença à les caresser.

C'est en pleurs qu'elle posa la tête sur la poitrine de Grégoire. Elle entendait son cœur battre lentement, ce qui la rassura, mais cela ne suffit pas à la consoler.

- S'il te plaît Grégoire, réveille-toi, dit-elle d'un ton suppliant. J'ai déjà trop perdu et j'ai aussi trop souffert. Alors réveille-toi et aide-moi.

Sandra inspira profondément. Puis, avec une voix brisée par la tristesse, elle conclut son monologue.

- Aide-moi à ne plus me sentir si vulnérable.

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