Chapitre 1
Ce matin là, un timide soleil perça les nuages qui couvraient le ciel depuis plusieurs jours. Alors que les rues de la ville étaient encore désertes, Roman sortit faire son jogging. L'air frais du matin lui faisait du bien, transmettant un sentiment de calme qu'il lui était difficile de trouver ces derniers temps.
En cette période de l'année en effet, un douloureux souvenir refaisait surface. Quelque chose de lointain, mais qui avait laissé de profonde trace dans la vie du jeune homme.
Roman aurait tant voulu éviter ce jour, mais cela était hélas impossible. Il aurait souhaité ne jamais avoir à passer par là, mais on ne peut arrêter ou contrôler le temps.
Alors qu'il emprunta le sentier habituel qui traversait la forêt, quelqu'un l'interpella.
- Salut Roman ! Encore en train de t'entraîner pour un marathon, hein ?
Le jeune homme se retourna et ne put s'empêcher de sourire. Un garçon de son âge le rejoignit, passant une main dans ses cheveux bruns. Il replaça son t-shirt, laissant paraître sa silhouette enveloppée.
- Salut Greg ! répondit Roman d'un ton amusé. Non, pour la centième fois, je ne me prépare pas pour un marathon. C'est juste salutaire.
Son ami éclata de rire.
Ce bref instant de divertissement fit oublier à Roman le mauvais souvenir qui le tourmentait.
- Par contre, on dirait que toi tu t'es décidé à vouloir te maintenir en forme finalement, poursuivit-il.
- Eh ! Sache que mes occupations sont parfaitement salutaires, répliqua Grégoire en mimant un geste obscène.
Un large sourire se dessina sur le visage de Roman. Il se retint de rire pour éviter de réveiller tout le voisinage. On lui avait reproché plus d'une fois d'être trop bruyant.
- Rester enfermé chez soi et jouer aux jeux vidéos... pardonne-moi mec, mais ça n'a rien de salutaire à mon avis, plaisanta-t-il.
Grégoire s'abstînt de répondre et son visage prit soudain, un air sérieux.
- J'ai la conscience plus tranquille en t'accompagnant. Avec les attaques de loups de ces dernières semaines, mieux vaut ne pas rester seul.
- Crois-moi Greg, je ne risque absolument rien. Je parcours ce sentier tous les matins depuis des lustres, rétorqua-t-il.
Grégoire ne sembla pas très convaincu. Roman se rapprocha de son ami et lui posa une main sur l'épaule.
- Mais j'apprécie ton inquiétude.
Un sourire se dessina sur le visage de ce dernier.
- Normal, on est comme des frères, non ?
- Bien sûr.
- Tope là !
Et ils s'engagèrent le long du sentier à rythme soutenu.
***
Une heure plus tard, après avoir laissé Grégoire à bout de souffle devant sa maison, Roman rentra chez lui et monta à l'étage prendre une douche.
Plus tard, quand il descendit dans la cuisine, il vit une assiette remplie sur la table. Sa mère Awa, lui avait préparé des crêpes au sucre.
- Bonjour maman, dit-il d'un ton joyeux pendant qu'il s'approchait d'elle.
- Bonjour mon chéri, ajouta-t-elle en l'embrassant sur la joue. Comment s'est passé ton jogging ce matin ?
- Très bien merci, j'ai même croisé Greg qui s'est proposé de m'accompagner, raconta le jeune homme.
- Ah bon ? s'exclama Awa d'un ton incrédule mais amusé. C'est une grande première.
Sa remarque le fit rire.
- Effectivement c'est une première. Enfin, il était surtout inquiet pour moi, avec toutes ces attaques de loups en ce moment, ajouta-t-il en repensant aux annonces.
En effet, depuis plus d'un mois, 4 corps ont été retrouvés dans différentes zones d'Embursville. Tous étaient recouverts de profondes blessures, mais la police pensait qu'il s'agissait de simples meurtres, déguisés en attaque de loup. Une chose était sûre, aucun lien entre les victimes n'avait encore été découvert.
La mère de Roman, qui était journaliste, avait formulé plusieurs hypothèses allant du vol à main armée jusqu'au meurtre en série. Hélas, aucune preuve concrète n'avait été trouvée, aucun coupable arrêté et la ville commençait à plonger dans la terreur.
- Tu sais que Greg ferait tout pour toi, non ? dit Awa qui souhaitait oublier ses horribles pensées. Tu es son meilleur ami et jamais il ne te laisserait affronter les difficultés du monde tout seul. Votre amitié est le genre de lien que l'on ne peut briser.
- Vraiment, tu crois ? demanda son fils.
Pendant un moment, la mère de Roman fixa sa tasse, perdue dans ses pensées. Comme si un fantôme du passé était revenu la tourmenter.
- J'en suis sûre.
Ils restèrent un moment à se regarder, les yeux pleins d'affection et d'amour, jusqu'à ce que Awa se ressaisisse.
- Allez ! Il est temps pour toi d'y aller maintenant. Tu ne veux tout de même pas être en retard à ton premier jour à la fac non ? dit-elle d'un ton ironique.
Le jeune garçon se leva de la table et courut prendre son sac et son manteau. Il embrassa sa mère sur la joue et sortit pour rejoindre l'arrêt du bus.
Awa resta sur le seuil de la porte un moment. Même si son regard était posé sur son fils, son esprit était ailleurs. Leur petite discussion avait fait remonter à la surface quelque chose qu'elle tentait d'oublier depuis longtemps.
De plus, aujourd'hui était le fameux jour où elle avait été durement blessée. Pas physiquement mais intérieurement.
Toutefois, la douleur que procurait ce souvenir était insoutenable. Comment pouvait-elle vivre avec une telle souffrance ? Qu'avait-elle fait au destin pour subir une telle chose ?
Et surtout, comment son fils pouvait-il vivre avec ?
Non ! S'en était assez ! Pas question de laisser le passé ruiner cette belle journée. Awa refoula ses pensées négatives, puis rentra en fermant la porte derrière elle.
Elle avait du travail qui l'attendait. Elle rejoignit alors la table haute du salon, puis ouvrit son ordinateur. Enfin, elle commença à tapoter sur le clavier, une tasse de chocolat chaud sur le côté.
***
Heureusement pour Roman, l'arrêt du bus se situait au bout de la rue. Le jeune homme courut et une fois arrivé, il vit Grégoire assis sur un banc.
- Hé ben ça alors ! s'étonna le jeune homme attirant l'attention de son ami.
- Bah quoi ?
- C'est la première fois que je te vois à l'arrêt du bus en premier, répondit Roman tout sourire.
- Premier jour d'université, fallait bien que je te surprenne d'une certaine façon, expliqua le jeune garçon.
Roman hocha silencieusement la tête.
Malgré la joie de revoir son ami et son enthousiasme, il ne put s'empêcher de penser à cette journée. À ce qu'il s'était produit, le même jour, il y a vingt ans.
- Roman ? l'interpella Grégoire, même si sa voix paraissait lointaine. Roman ?
- Oh pardon, désolé.
- Tu vas bien ? Tu semblais être ailleurs.
- C'est vrai. J'étais en train de réfléchir.
- À quoi ?
Roman hésita. Comment pouvait-il dire à son ami ce qui le tourmentait ? Difficile de trouver un bon moyen de lui expliquer ce qu'il ressentait.
Le jeune homme réfléchit alors à une réponse qui n'aurait éveillé aucun soupçon sur ce qu'il ressentait vraiment.
- Qu'est-ce qu'il t'arrive Roman ? questionna son ami.
- Je pensai a combien j'ai sur moi, répondit-il.
- Pardon ?
- Tu sais que, traditionnellement parlant, celui qui arrive deuxième doit payer le repas. Et bien pour la première fois c'est à moi de le faire et j'avoue que je m'inquiète...
- Pour ton portefeuille ?
Roman acquiesça d'un mouvement discret.
- Et c'est pour ça que tu es si pensif ? s'étonna Grégoire.
- Avoue quand même que c'est une grande première, reprit Roman. Jusque-là ça a toujours été toi qui payait le repas pour deux. De plus tu prends toujours les plats les plus... coûteux.
- Comme je te l'ai dit avant: je voulais te surprendre, étant le premier à arriver à l'arrêt du bus. Cependant tu as raison. J'ai toujours pris les plats les plus coûteux.
Roman hocha nouvellement la tête et leva les yeux au ciel.
- Enfin il semble se rendre compte de ce que cela implique, pensa-t-il.
- Mais bon allez, j'ai besoin de me nourrir énormément pour être en forme, continua Grégoire. Et les petits plats ne suffisent pas.
Oups, il semblerait que le jugement de Roman eut été trop hâtif.
Les deux amis explosèrent dans un fou rire. Roman avait réussi, son ami ne se doutais de rien et il avait retrouvé le sourire.
Non loin de là, le bus arriva. Voyant les deux jeunes à l'arrêt, le chauffeur s'arrêta et ouvrit les portes coulissantes.
- On y est mec ! L'université nous tend enfin les bras ! s'exclama Grégoire.
- Et c'est parti pour de nouvelles aventures mon frère ! s'écria joyeux son meilleur ami.
Ils montèrent dans le véhicule, qui aussitôt referma les portes et repartit.
***
Entre temps, alors que les premières personnes commençaient à sortir pour aller travailler, accompagner leurs enfants à l'école ou encore même débuter une nouvelle vie à l'université, Ayla n'avait qu'une seule envie: regagner son lit pour rattraper les deux heures de sommeil perdues.
- S'il te plaît Michael ! Je suis fatiguée laisse moi aller dormir, dit-elle agacée.
- Désolé ma chère, mais ce sont les ordres de ta mère. Entraînement du matin suivi par un petit déjeuner et ensuite nouvelle séance d'entraînement, répondit l'homme avec un léger sourire.
La jeune fille leva les yeux au ciel, épuisée à l'idée de devoir toujours faire ce que les autres lui suggéreraient. La pensée même de vivre comme une marionnette ou une machine ne lui plaisait guère.
Alors qu'elle se dirigeait vers la porte, cette dernière s'ouvrit et sa mère Laura s'arrêta net devant elle.
- Où crois-tu aller comme ça jeune fille ? demanda-t-elle d'un air sérieux.
- Prendre une douche bien chaude et m'habiller pour sortir de cette « prison » ! répondit la jeune fille sur le même ton.
Ayla poussa légèrement sa mère avec l'épaule pour passer, laissant cette dernière avec Michael dans la salle de sport.
- Si je puis me permettre madame: votre fille est bien loin d'être prête pour faire partie de notre Ordre, dit l'entraîneur.
- Et à qui la faute d'après toi ? rétorqua la femme. Elle va bientôt avoir 18 ans, ce qui veut dire qu'elle doit être prête pour entrer dans l'Ordre.
Alors que Laura s'apprêtait à quitter la salle, Michael l'interpella.
- C'est justement là que se trouve le problème, dit-il.
La mère se tourna vers lui d'un air interrogateur.
- Qu'est-ce que tu veux dire ? demanda-t-elle confuse et quelque peu agacée.
- Je ne pense pas qu'Ayla veuille devenir une chasseuse, répondit l'instructeur de Ayla en regardant la mère de cette dernière droit dans les yeux.
Cette supposition fit virer au rouge la mère de la jeune fille qui s'approcha de l'entraîneur, d'un air plus menaçant qu'avant.
- Ce que ma fille veut être, ce qu'elle veut faire de sa vie, la décision ne lui appartient pas, pas plus qu'à toi ! s'exclama-t-elle au bord de la colère. Elle deviendra un membre de l'Ordre des Chasseurs et elle combattra les Occultés !
Sur ces mots, elle se dirigea à nouveau vers la porte, mais alors qu'elle s'apprêtait à quitter la pièce, elle se retourna vers Michael et toujours d'un ton énervé, elle reprit la parole.
- Et la prochaine fois que tu décides d'exposer une idée aussi ridicule, je te conseille de te rappeler à qui tu t'adresses, est-ce bien clair ?
Michael se retint de répondre et acquiesca en hochant la tête silencieusement.
Plusieurs minutes plus tard, alors que Laura s'était assise à table, attendant sa fille dans la salle à manger, un des gardes entra dans la pièce.
- Oui, qu'y a-t-il ? questionna-t-elle légèrement surprise.
Le garde fit une légère révérence avant de s'adresser à la femme.
- Madame, votre fille ne se trouve pas dans sa chambre, dit-il en regardant droit devant lui alors que la femme se leva de la table.
- Comment ? s'étonna-t-elle en se levant de sa chaise. Où est-elle alors ?
Son ton était strident et son regard furieux.
- Elle a laissé ce message sur son lit, répondit le garde.
Il tendit le message à la femme, qui le lui arracha des mains.
« Chère mère,
Je n'en peux plus de continuer à vivre ma vie de cette façon. Entre mon frère qui passe son temps à se moquer de moi et toi qui me traites comme un vulgaire objet, j'ai décidé de sortir plus tôt de cette maison et d'aller à l'université pour vivre une vie normale. La chose ne te fera sûrement pas plaisir, mais il est temps que je prenne ma vie en main.
Affectueusement, Ayla ».
L'expression de la femme se fit encore plus dure. Elle écrasa la lettre de ses mains et la jeta dans la cheminée, où elle fut dévorée par les flammes intenses du feu.
- Appelez mon fils et dites-lui de me rejoindre aussitôt que possible, ordonna la femme.
Ce dernier s'inclina avant de quitter la salle à manger, refermant la porte derrière lui.
Une fois seule, Laura frappa violemment sur la table, faisant trembler les couverts et les verres qui s'y trouvaient.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top