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     Lorsque Felix revint, Changbin s'était endormi. Le guérisseur se déplaça avec le plus de discrétion possible, il s'en voudrait terriblement si il venait à réveiller son patient qui avait besoin de sommeil. Il entreprit de chauffer la pièce en utilisant des braises et passa le temps à fabriquer des remèdes de toutes sortes. Avec un patient comme Changbin, il devrait être préparé à toutes éventualités.
Et puis, il aimait bien veiller sur lui. Le gladiateur avait toujours un regard torturé et une manière singulière d'éviter de parler trop longtemps de son passé. Même si Felix était curieux, il ne chercherait pas à lui forcer la main, il savait à quel point parler de choses quelques peu traumatisantes, pouvait faire mal.
Il avait envie de prendre soin de Changbin, de l'aider à aller mieux, à l'apaiser. D'accord, c'était son travail, mais il n'avait jamais ressenti ça avec autant de puissance. Il voulait être son protecteur, celui qui l'aiderait à combattre les pensées tourmentées que Kaïros* lui soufflait à l'oreille. Seulement, il avait peur de peut-être trop s'investir et de finir par s'attacher au garçon, qui, dans quelques semaines, partirait. Mais Felix ne s'était jamais mit de barrière, il n'en avait jamais eu besoin puisqu'il n'avait jamais eu ce genre de sensation en présence d'autres personnes. Lorsqu'il repensa à proximité qu'il avait eu avec le garçon, il sentit ses joues chauffer.

-Felix ? Fit la voix de Changbin endormie.

Le concerné se retourna pour poser ses yeux sur Changbin.

-Est-ce que je peux avoir de l'eau ?

-Bien-sûr.

Felix prit une timbale dans laquelle il versa de l'eau fraîche. Il s'approcha ensuite de Changbin pour le redresser et lui donna l'eau.

-Tu as mal quelque part ? Questionna Felix.

-Non, ça va. Quand est-ce que je pourrais marcher ?

-Avec ta chute d'hier, tu aurais dû comprendre que ce n'était pas pour tout de suite.

-Je ne peux pas rester trop longtemps. Je dois gagner la Grande Coupe.

-Tu retourneras te battre dans l'arène quand je te le dirais. Et ce n'est pas pour maintenant.

Alors que Changbin allait émettre une objection, Felix le devança.

-Tu as l'envie de gagner, très bien. Mais si tu retournes te battre avec une blessure encore fragile, tu vas perdre. Alors cesse de me contredire et écoute moi.

Changbin afficha un petit rictus qui manqua de faire chavirer Felix. Il adorait voir les yeux espiègles de Changbin briller, mais avec ce sourire en plus, il était complètement incapable de bouger. Il était proche du gladiateur, mais moins que la dernière fois. Pendant une toute petite seconde, Felix eu envie de recréer cette proximité. Mais sa tentative se fit avorter par l'entrée fracassante de quelqu'un dans la pièce.

-Lix, je me suis encore fait mal. Soupira la voix de Calius.

Felix se redressa immédiatement et posa son regard un peu paniqué sur son ami.

-Montre-moi ça. Fit Felix en se relevant et en s'éloignant le plus rapidement possible du gladiateur.

Calius tendit doucement son bras à son ami, en posant sur lui un regard intrigué. Il devait avoir remarqué que le guérisseur n'était pas dans son état normal.

-Tu vas bien ? Lui chuchota Calius.

-Oui, je suis juste fatigué. Tu ne m'as pas écouté, tu t'es entraîné alors que je te l'avais interdit.

-Je n'avais plus mal.

-Et alors ? Ce n'est pas parce que tu n'as pas mal que ta blessure est guérie. Je vais informer les gardes de ne pas laisser t'entraîner pendant cinq jours.

-Quoi ? Mais-

-Non. Pas d'objection possible.

Calius râla dans sa barbe pendant que Felix lui nettoyait sa blessure qui s'était remise à saigner. Felix était peu être un peu extrême avec son ami, mais il savait que ce serait le seul moyen pour qu'il se remette complètement de sa blessure.

-Il n'a pas été violent avec toi ? Lui demanda Calius tout bas.

Felix mit un certain temps à comprendre que son ami parlait de Changbin. Ses derniers instants passés à vouloir créer un contact physique avec le gladiateur, lui avait fait complètement oublier la mise en garde de Calius et son récit sur la violence de Changbin.

-Non, il est juste comme toi. Il est incapable d'attendre son rétablissement avant de repartir combattre.

Felix vit Calius lever les yeux au ciel, fuyant son regard pour faire semblant de ne pas avoir entendu la petite pique que Felix venait de lui lancer. Il termina alors de soigner son ami, réitéra sa mise en garde et le laissa partir.

-Vous êtes proches ? Lui demanda soudainement Changbin.

Felix sursauta à l'entente de sa voix, il avait été tellement silencieux qu'il avait réussi à faire oublier sa présence.

-C'est mon ami.

-Je vois.

Pourquoi cette question ? Pourquoi cela intriguait Changbin de savoir la nature de leur relation ? Est-ce qu'il espérait une réponse différente ?
Felix se faisait trop d'idées, il devait arrêter de partir dans des histoires alambiquées seulement parce que pour la toute première fois de sa vie, il éprouvait une petite attirance pour quelqu'un. C'était certes, nouveau pour lui, mais il ne voulait pas se laisser déconcerter par ça et faire du mauvais travail.

Felix s'approcha de Changbin et baissa légèrement le drap. Il inspecta conscieusement les plaies sur le torse de Changbin après les avoir nettoyé.

-Il va falloir les laisser respirer maintenant, mais tu vas pouvoir te redresser tout seul et rester dans cette position. Pour ce qui est de ta jambe, elle n'est pas encore prête à être utilisé. Tu vas devoir rester alité encore quelques jours.

Felix se redressa, faisait abstraction de la sensation de chaleur qui s'était emparée de lui lorsqu'il avait eu son visage si près des abdominaux du gladiateur. Il devait sûrement avoir les joues plus que rouges, mais si Changbin lui faisait remarquer, il le mettrait sur le compte de la chaleur de la pièce. Il entreprit d'ailleurs de se poser sous l'ouverture de la pièce, afin d'essayer de respirer un peu d'air frais.

-Tu te sens bien ? Demanda Changbin avec son petit sourire.

-Oui oui.

-T'es sûr ?

-Parfaitement.

-Tu sembles fatigué, tu ne veux pas venir t'allonger ?

-Non ça va aller. Je dois surveille ton état.

-Felix, tu as dormi combien de temps dernièrement ?

-C'est mon rôle de m'inquiéter.

-Répond à la question.

Felix eu un petit deglutissement nerveu.

-Trois heures.

-Sur combien de jours ?

-Trois...

-Pose tes fesses sur ce matelas et dors.

Felix faillit s'étouffer avec sa salive en entendant les paroles de Changbin.

-Non.

-Ne m'oblige pas à me lever.

-Si tu le fais tu vas tomber de toute manière.

-Felix. Je veux que mon guérisseur soit au maximum de sa forme pour me remettre sur pieds. Alors s'il te plaît, pour moi, va dormir. Il ne va rien m'arriver.

Changbin ne comprenait pas, tout pouvait arriver. Si Felix acceptait de dormir, il risquait de tomber dans un sommeil si profond qu'il faudrait un miracle pour le réveiller. Il serait alors incapable d'aider Changbin si ce dernier avait mal, soif ou envie d'aller se soulager. Il devait rester éveillée car absolument tout pouvait mal se passer.

-Non, c'est trop risqué.

-Et tu penses que ce n'est pas risqué d'être un guérisseur en manque de sommeil qui risque d'être maladroit si jamais il faut me soigner en urgence ?

Felix devait reconnaître qu'il avait raison. Si il passait encore une journée complète sans dormir, il risquait de s'évanouir. Cela lui coûtait de l'avouer, mais c'était vrai, il devait arrêter de s'inquiéter pour Changbin et prendre soin de lui-même pour redevenir le guérisseur compétant qu'il était.
Résilié, il se dirigea vers son petit matelas et se laissa tomber dessus. Il se tourna, se mettant dos au gladiateur sans pour autant arrêter de sentir son regard sur lui. Ce n'était peut-être que le début de la journée, mais pour Felix, c'était le départ d'une longue nuit régénératrice.

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*Kaïros est le dieu de la pensée, mais il est également une représentation du "moment opportun", qu'il faut attraper. Comme une pensée qui nous traverserait l'esprit, il faut savoir le saisir quand il se présente.
Il est souvent mis en opposition avec Chronos, le Titan du temps, qui lui, contrôle le flux temporel.