Chapitre 2
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Felix avait passé une nuit très courte. Il avait profité du calme du gladiateur pour accueillir d'autres patients, avec des blessures moins alarmantes, dans sa petite pièce. Il leur avait prié à chaque fois de ne pas faire de bruit pour ne pas risquer de réveiller le gladiateur encore inconscient qui avait vraiment besoin de repos et de calme. Il s'occupait alors de ses patients, se permettant seulement de chuchoter.
Il y en avait qu'il avait déjà vu et soigné plusieurs fois, des habitués de l'infirmerie, qui étaient bloqués dans le cercle vicieux des arènes de combat pour trouver assez d'argent pour vivre. C'était en discutant avec Calius, un gladiateur qui foulait le sable de la Grande Arène depuis bientôt huit mois, que Felix avait appris quelque chose au sujet de son mystérieux patient.
-On ne l'avait jamais vu avant. Avait dit le garçon.
-Comment ça ? Répondit Felix en appliquant un cataplasme sur le bras de Calius.
-C'est commun chez les gladiateurs de ne pas venir de Rome, la plupart d'entre nous arrivent dans la Grande Arène parce qu'ils ont connu un succès important dans des petites arènes. On gagne en popularité, en argent et des maîtres font des offres de plus en plus grosse pour nous obtenir. Quand on a remporté suffisamment de batailles, on est envoyé ici pour gagner le plus de batailles et de popularité. Une grande partie de l'argent qu'on gagne va à nos maîtres, et selon notre classement, on est plus ou moins récompensé par des salaires un peu plus gros.
Lorsqu'il été arrivé comme guérisseur dans la Grande Arène, Felix avait d'abord cru que les gladiateurs étaient des esclaves, obligés de se battre à mort pour divertir le peuple. Il n'avait pas eu l'occasion de voir des jeux du cirque lors de son apprentissage, alors il avait été plutôt surpris quand un gladiateur qu'il soignait, lui avait dit que c'était tout le contraire.
Les gladiateurs pouvaient être tout le monde, bien-sûr, les plus pauvres tentaient leur chance par appât du gain, mais certains gladiateurs venaient de familles aisées, ils étaient souvent les derniers enfants et devenaient gladiateur de leur propre grès, souhaitant gagner surtout en popularité et faire connaître leur famille. Bien-sûr, ces gladiateurs-là possédaient les meilleurs armures et les meilleures armes, ce qui les plaçaient toujours dans les classements des gagnants. Mais parfois, certains gladiateurs appartenant à des maîtres quelconques apparaissaient plus que talentueux et gagnaient en popularité dans la Grande Arène. De plus, les seuls esclaves qui se retrouvaient dans l'arène était des esclaves ayant failli à leur devoir.
-Tu sais Felix, riches ou pauvres, on obéit tous à un maître. Ce sont nos maîtres qui nous apprennent à nous battre dans une arène, nous fournissent nos armures et nos armes et qui nous guident vers qui nous pouvons nous allier dans un combat selon le maître du gladiateur. Mais lui, il est arrivé sous aucun maître, n'a parlé à personne dans l'armurerie. Quand on est entré dans l'arène pour le premier combat, celui où l'on est tous ensemble contre des hauts gradés des armées romaines, il ne s'est allié avec personne. Il a fait cavalier seul et ça lui a réussi. Il a tué cinq généraux beaucoup trop rapidement. Je l'ai observé se battre, on l'a tous fais. Il ne se bat pas comme nous, bien-sûr, il maîtrise parfaitement les techniques des gladiateurs, mais il se bat avec une rage terrifiante. Crois-moi Felix, ce gars-là ne se bat pas pour l'argent, tu devrais faire attention quand il se réveillera. Il a tué Morphéus après tout.
-Il a quoi ? Sursauta Felix.
-Il l'a tué, d'un coup sec, en lui tranchant la gorge et en exhibant sa tête coupée à l'Empereur.
La nouvelle était impossible à croire. Morphéus était le meilleur gladiateur de Rome, il venait d'une famille haut placée, était aussi grand qu'un géant, aussi musclé que Hercule et avait une soif de sang aussi forte que celle de Bellone. Il était gladiateur pour la Grande Arène depuis une dizaine d'années et n'avait aucun allié auprès des autres gladiateurs, tout simplement parce qu'il n'en avait pas besoin. C'était toujours lui qui était choisi pour les duels de mise à mort, vers la fin des jeux du cirque. Son adversaire chez les gladiateurs étaient choisi si il tombait sur le bâton le plus court, tandis que les autres en avait tous de la même taille. Ce duel était une condamnation à mort pour celui qui se trouvait devant Morphéus, tout le monde le savait.
-Mais ce n'est pas ça le pire. Rajouta Calius. Le pire, c'est que l'Empereur n'avait jamais été aussi furieux, ils se sont regardés longuement pendant que ce gladiateur brandissait la tête coupée de Morphéus, toute l'arène était silencieuse tant la tension régnait entre eux. Puis, l'Empereur a envoyé un lion, le plus affamé de tous. Contre toutes attentes, le lion est mort et par je ne sais quel miracle, les Parques l'ont gardé en vie. Fit Calius en lançant un coup de tête vers le gladiateur.
Le guérisseur resta silencieux, il savait l'Empereur Néron cruel, mais il n'avait jamais assisté à de représentation de sa cruauté sans nom, il en avait seulement entendu les rumeurs.
Comment ce gladiateur avait-il pu sortir vivant de cette horrible bataille ?
Felix reprit ses esprits et termina de soigner la plaie de son ami dans le silence, quand il eut fini, il l'apostropha avant qu'il ne quitte la petite salle.
-Je t'interdis de t'entraîner pendant deux jours, d'accord ?
Calius lui fit un clin d'œil avant de quitter la pièce, Felix savait très bien qu'il n'allait pas écouter son conseil, il ne le faisait jamais. Tant pis, il devrait revenir le voir quand la plaie se serait remise à saigner abondamment et le guérisseur se ferait un plaisir de lui faire la morale, cela fonctionnait toujours comme cela entre les deux garçons.
Felix se tourna ensuite vers son patient et inspecta chacune de ses plaies, renouvelant les cataplasmes et constatant que pour l'instant, aucune de ses blessures n'avaient aggravé ce qui était un très bon signe en vue de l'état catastrophique de son patient. Pour s'assurer que la nuit ne serait pas un supplice pour le gladiateur, Felix prit une timbale en terre cuite et la plaça au-dessus de son feu afin de faire bouillir de l'eau. Il entreprit ensuite de prendre une petite portion de lavande sur ses étagères, une portion de verveine et une de camomille. Il les isola dans son petit mortier et quand l'eau fut assez chaude, il versa les plantes dedans et laissa l'eau s'imprégner de leur bienfait, avant de les retirer et de se diriger vers le gladiateur. Il entrouvrit les lèvres de son patient et fit couler le liquide chaud dans sa bouche. Par reflexe, le gladiateur avala l'infusion. Felix savait que l'infusion allait marcher, il en donnait à chaque patient qui avait le sommeil agité et elle avait toujours marchée, apportant un calme et un sommeil tranquille à celui qui s'en abreuvait.
Le guérisseur décida de concocter quelques remèdes en avance qui pourraient lui servir si son patient se réveillait.
Il lui tardait secrètement ce moment, ce gladiateur était fort et l'Empereur n'avait pas l'air de beaucoup l'apprécier, ce qui soulevait moulte questions chez Felix. Comment était-il arrivé dans la Grande Arène ? Où avait-il apprit ses techniques de combat si, comme lui avait dit Calius, il n'avait pas de maître ? Avait-il un but précis en venant à Rome ? Était-il venu sur l'ordre de quelqu'un ? Était-il un mercenaire ? D'où venait-il ? Comment s'appelait-il ?
Felix avait toujours été un garçon très curieux qui s'émerveillait de la moindre chose, mais ce gladiateur ne suscitait pas en lui de l'émerveillement, mais quelque chose d'autre. Felix pressentait que ce gladiateur avait apporté avec lui, son lot de mystère et d'intrigue, et Felix ne demandait que cela, un peu de piquant dans sa vie de guérisseur. Mais l'avertissement de Calius lui revint à l'esprit, ce garçon n'était pas venu dans la Grande Arène animé par la volonté de s'enrichir, mais par la rage.
L'argent était ce que les hommes désiraient le plus, ils se disaient que plus ils étaient riches et prospères, plus ils pensaient que Charon* les conduirait directement au Pré d'Asphodèle*, ce qui était stupide du point de vu de Felix, puisque ce n'était pas Charon qui décidait où allait les âmes des morts. Donc, si ce gladiateur n'était pas intéressé par l'argent, mais motivé par la haine, cela faisait de lui quelqu'un de dangereux.
Soudain, alors que le guérisseur continuait de travailler, il entendit son patient tousser derrière lui. Felix se retourna et se précipita vers le gladiateur qui toussait, les yeux ouverts et le regard perdu.
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*Charon est une créature psychopompe, il s'occupe de faire passer les âmes des morts jusqu'aux Enfers. Il faut être enterré avec une pièce dans la bouche pour pouvoir payer Charon.
*Le Pré d'Asphodèle est l'un des lieux des Enfers. On retrouve Les Champs Elysées où sont envoyés les héros, le Tartare pour les Titans, les Monstres tués par les héros, les Champs du Châtiment pour les âmes corrompues et non respectueuses des Maximes Delphiques et enfin on retrouve le Pré d'Asphodèle réservé aux vivants ayant vécu une vie honnête et juste. Ce sont les juges des Enfers qui décident du lieu dans lequel les âmes finiront.
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