Chapitre 1

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   Felix restait complètement figé. Il était incapable de bouger face au garçon qu'on venait de lui amener. Le pauvre avait des griffures de lion au milieu du torse, le nez en sang, une grosse plaie dans la cuisse et de nombreuses coupures d'épée partout sur le corps.

Cela faisait maintenant deux bonnes années que Felix avait terminé son apprentissage auprès de son mentor, et qu'il exerçait désormais pour son propre chef, en tant que guérisseur pour la Grande Arène de Rome, cité grande et puissante. Le mentor de Felix était le guérisseur personnel d'une des familles les plus éminente de la cité, et était également le père adoptif de Felix, l'avait formé à la perfection. Grâce à sa réputation, Felix avait obtenu une place dans le rang des guérisseurs de la Grande Arène, lieu où s'affrontaient les gladiateurs lors des jeux du cirque, organisés pour le bon plaisir de l'Empereur et du peuple.
Son expérience lui avait fait voir des blessures horribles, mais cette fois-ci, c'était pire. Il n'avait jamais vu de blessures de cette ampleur. Honnêtement, il ne savait pas comment le gladiateur faisait pour être encore en vie, mais une chose était sûre, si Felix ne s'activait pas rapidement, le garçon allait mourir.

Aujourd'hui, les jeux du cirque avaient été particulièrement violents, tous les guérisseurs étaient assignés à plusieurs gladiateurs blessés, Felix ne pouvait donc pas compter sur un de ses compères pour l'assister, il allait devoir sauver ce garçon tout seul.

Felix nettoya alors ses mains dans un bol contenant de l'eau et plongea ses outils dans des braises ardentes pour les désinfecter. Lorsque les lames de ses outils furent bien rouge et chaudes, il les sortir des braises et se pencha sur le gladiateur pour observer les griffures causées par le félin ainsi que la plie dans sa cuisse gauche. Il devait absolument cautériser les plaies avant qu'une infection s'installe dans sa chair et qu'elle se putréfie.
Il plaça alors l'une des lames à l'intérieur de l'une des plaies du gladiateur, de sorte à cramer la chair. Il espérait sincèrement que le garçon ne se réveillerait pas tandis que Felix était en train de le soigner, c'était un processus très douloureux et Felix avait assisté à beaucoup de réveils de ses patients durant cette opération, et aucun d'eux n'avaient eu l'air d'apprécier ce moment.

La cautérisation des plaies se passa dans le plus grand des calmes. Le gladiateur ne s'était pas réveillé et Felix vérifiait régulièrement qu'il était encore en vie, que les Parques* n'aient pas décidé de venir chercher ce jeune gladiateur.
Après avoir brûlé les futurs chairs mortes, Felix se retourna vers son plan de travail pour écraser des feuilles d'achillée dans son mortier jusqu'à obtenir un petit jus, puis de rajouter le jus d'olive précédemment écrasé et dont il avait toujours une réserve importante. Il mélangea ensuite les deux mixtures jusqu'à obtenir une pâte verdâtre. Quand il estima qu'il en avait assez, il vint l'étaler sur les plaies les plus importantes du gladiateur, puis il se redressa, vérifiant que toutes les plaies avaient bien été recouvertes du cataplasme que Felix venait de préparer. Il se munit ensuite d'un tissu qu'il trempa dans de l'eau, pour venir essuyer le sang qui maculait le visage du gladiateur toujours endormi.

Lorsque le sang eut complètement disparu, Felix vit pour la première fois le visage dégagé de son patient. Il avait un visage plutôt rond et un petit peu bronzé, des yeux en amandes dont il ignorait la couleur et de longs cils noirs. Il avait certes le nez cassé, mais cela ne gâchait en rien le charme du gladiateur. Felix devait avouer ne jamais avoir croisé un garçon aussi beau, et en voyant les traits particulier de son visage, Felix se rendit compte que le gladiateur n'était pas un romain, tout comme lui-même.

Le guérisseur reprit rapidement ses esprits et vint nettoyer les autres plaies superficielles du gladiateur. Il appliqua encore quelques cataplasmes sur des plaies un petit peu plus profondes que les autres. Puis, il s'assit sur un petit tabouret de bois et il regarda le gladiateur. Il devait absolument vérifier sa respiration régulièrement et se charger de changer les cataplasmes, sinon les plaies allaient de nouveau s'infecter. 

Ce soir, Felix ne pourrait pas rentrer chez lui. L'état du gladiateur était très préoccupant et même si le guérisseur était complètement éreinté après la journée qu'il venait de passer, il ne regretterait en rien de sacrifier son sommeil et le confort de sa couche, pour sauver une vie. Il avait l'habitude de sacrifier son sommeil afin de s'occuper des gladiateurs qui venaient le voir, une fois de plus ne changerait pas vraiment quelque chose à cette tradition. De plus, même si le taux de mortalité des gladiateurs était toujours très élevé, Felix trouvait que ce gladiateur-là était bien trop jeune pour rejoindre les Enfers. Felix posa délicatement sa main droite sur le front du jeune homme, sa fièvre était toujours au même point que quand il était arrivé, il ne pouvait plus rien faire à part s'armer de patience et s'assurer qu'aucune de ses plaies ne s'aggravaient. 

-Comment as-tu fais pour te retrouver ici ? Soupira Felix. 

Le garçon savait pertinemment qu'un garçon au traits tiré comme ce gladiateur, avait dû être vendu comme esclave avant de devenir gladiateur, c'était ce que l'Empire Romain réservait aux pays en guerre contre le sien.
Felix lui-même avait été enlevé à sa famille alors qu'il ne savait pas encore marcher, pour traverser maintes eaux salées et arriver à Rome, où il avait été acheté par l'un des plus grands guérisseurs de la ville.
Au départ, Felix avait travaillé en cuisine avec trois dames qu'il avait de suite considéré comme des figures maternelles. Prima était la dirigeante de la cuisine, ses longs cheveux noirs et ses traits durs avaient toujours fait un petit peu peur au garçon, elle parlait avec sévérité et était très minutieuse dans ton travail, elle ne tolérait pas qu'une tâche soit mal faite et elle avait beaucoup réprimandé le petit Felix maladroit. Après ces moments de recadrements, Felix partait toujours chercher du réconfort dans les bras de Tula, qui le serrait fort contre elle en le berçant. Tula était une petite femme ronde, ses joues étaient toujours rosées elle faisait les meilleurs ragout de toute la ville. C'était elle, plus que les deux autres femmes, qui s'était le plus occupé de Felix. Même petit, il avait réussi à remarquer qu'elle et lui avaient un lien particulier, comme si le jeune garçon étranger était le fils qu'elle avait perdu des années auparavant. Quant à Licinia, elle passait plus de temps dans les jardins entourée de plantes que dans les cuisines. Elle était bien plus âgée que Prima et semblait savoir absolument tout sur les plantes. C'était elle qui avait commencé à transmettre son savoir au petit Felix, qui passait des heures, les fesses dans la terre du jardin, à l'écouter parler et à apprendre tout ce qu'elle pouvait lui transmettre. 

Le maître de Felix, le guérisseur Opiter, ne trouvait personne qu'il jugeait digne de recevoir son savoir. Ce n'était pas les apprentis qui manquaient, chaque jours, Felix venait leur ouvrir la porte et les conduisait au cabinet de son maître pour qu'ils puissent plaider leur cause, mais c'était toujours sans succès.
Un jour, la femme d'Opiter, la maîtresse Lucretia, s'était blessée la main. Son marie étant en service, elle était venue trouver les cuisinières pour qu'elles l'aident, mais c'était sans compter la réception que Maître Opiter donnait le soir même, et les pauvres dames étaient toutes occupées et surmenées. C'était alors le jeune Felix, âgée de quinze an, qui avait pris en charge Maîtresse Lucretia et qui l'avait soigné. En rentrant, Opiter vit la blessure de sa femme et lui demanda qui avait bien pu la soigner, la Maîtresse de maison avait donc parlé de Felix et ce jours-là, le jeune garçon ne venait pas de se douter qu'il venait de changer le cours de sa vie. 

Dès le lendemain, Felix fut affranchi et il commença alors son apprentissage auprès de Maître Opiter qui était ravi de constater que son ancien esclave était celui qui méritait l'héritage de son grand savoir. Sa période en tant qu'Apprenti avait durée deux ans très intenses en leçons théoriques et pratiques. Bien-sûr, en parallèle, Felix avait dû apprendre à lire et c'était avec une grande joie que Tula avait accepté de l'aider. Désormais, Felix avait dix-neuf ans, il était la fierté de Opiter et il était assez reconnu dans la cité, assez en tout cas pour s'être vu proposer une place au sein des guérisseurs de la Grande Arène de Rome. Lorsqu'il avait accepté, il avait dû accélérer son rythme car les blessés arrivaient toujours de plus en plus nombreux, mais il avait dû également accepter l'idée qu'il ne pouvait pas sauver tous les patients qu'il recevait et regarder un jeune homme mourir devant ses yeux étaient la pire expérience de sa vie, il se mettait toujours à pleurer pendant des heures après. 

Comme une promesse silencieuse, il décida que ce jeune gladiateur pourtant proche des Parques, ne mourrait pas. Il allait le sauver parce que ce beau jeune homme méritait de vivre encore de belles années devant lui. 

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*Les Parques sont trois sœurs (connues sous le nom de Moires chez les grecs). On retrouve Clôthô la Fileuse, Lachésis la Destinée et Atropos l'Inflexible. À elles trois, elles décident du destin et déroulent le fil de la vie de chaque humain, jusqu'à ce qu'Atropos décide de le couper. 

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