Axel

Axel fit un signe amical à Elia, et s'élança sur la pente de la colline, les deux bras en l'air, un immense sourire lui fendant le visage. La nuit le rendait confiant. Il hurla de joie, faillit tomber, se rattrapa de justesse, et s'arrêta quelques instants, le cœur battant à tout rompre. Les sapins se découpaient dans le ciel, et une délicieuse odeur de pluie flottait dans l'air. Il se sentait léger.

Ce n'est quand rentrant chez lui, les cheveux trempés et les mains engourdies qu'il repensa à la mort. La Faucheuse envahit ses pensées comme une maladie. Elle noircissait tout, obscurait sa vue, inhibait ses sens. Il était effrayé. Axel gagna son lit en titubant. Son coeur battait très vite. Sa tête était un trou noir.

Ce qu'il allait devenir, une cinquantaine d'années plus tard, ou bien plus tôt.

Le néant. Sa conscience allait disparaître, ses membres se décomposer. Personne ne se rappellerait de lui.

C'était la sa plus grande peur. Il voulait changer le monde, mais ne savait pas comment. Qu'il se sentait impuissant et ridicule, là, acculé contre le mur de sa chambre, les yeux embués de larmes. Les mêmes pensées tournaient dans sa tête, sans cesse, il devenait fou. Sa gorge se serrait, il étouffait. D'un bond il se leva, et se rendit dans le jardin. Il devait trouver un moyen de marquer le monde. Sinon il mourrait sans ne rien avoir fait. Il n'exigerait plus.

Son cerveau, avec lequel il pensait maintenant, ne serait plus fonctionnel. Ses membres, avec lesquels il bougeait, auront perdu toute vie. Tout ce qui faisait de lui un être humain dépérira, sans qu'il puisse rien y faire.

Il réprima un frisson de dégoût, et s'assit sur les marches froides. Le ciel si sombre lui évoquait la mort.

-Si il y'a quelqu'un, là au dessus, qui m'écoute. Comment faire pour changer le monde ?

Il se sentit encore plus ridicule. Mais changer le monde, c'était une sorte de but qu'il s'était donné il y'a longtemps. Pour prouver aux autres qu'il n'était pas qu'un cœur de pierre, mais aussi un être humain capable d'agir, de réfléchir. Il voulait voir les yeux ébahis de tous ceux qui l'avaient critiquer. Qu'il se dise que lui, au moins, ne finirait pas inconnus aux yeux du monde. Il mourrai, mais serait toujours là, dans le cœur des gens.

Il voulait les inspirer, les aider à devenir meilleurs. Il voulait être un pionnier, quelqu'un dont on se rappellerait le nom.

Comme ça, il en mourrait jamais vraiment. Il ne vivra pas le néant, ni le trou noir, puisqu'on se rappellera de lui.

Les larmes avaient séché, mais pas ses vêtements. Il avait froid.

Sa nuit passa trop lentement. Il se tournait et se retournait, anxieux. Il ne savait pas si il avait envie de confier cette peur à Elia. Elle était trop ancrée en lui. C'était là depuis si longtemps, cette phobie de la mort. Il ne savait pas comment s'en débarrasser, et il vaut peur de fondre en larmes devant Elia, ce qui serait quand même gênant.
Axel réfléchissait. Il lui avait dit qu'il lui en parlerait le lendemain. Mais il n'avait pas tellement envie, ce n'était pas un besoin viscéral de se confier. Il était très bien seul, il n'avait pas besoin de s'ouvrir, de donner des armes aux autres, pour que ces autres le maltraite avec.

Axel était un perdu. Il s'en ai rendu compte, là, dans son lit.

Il n'avait pas vraiment vécu, toutes ces années. Elles étaient juste passées, et Axel avait regardé sa vie défiler sans rien faire. Il s'est arrêté de vivre à cause d'un rien du tout, de quelques critiques d'enfants, qui ont eu sur lui un effet tellement dévastateur qu'il était devenu le fantôme de lui même.

À cause de cela, il était trop méfiant. Elia lui avait déjà confié beaucoup de choses personnelles, et lui, il n'avait toujours pas confiance. 

Il s'agrippa soudain les cheveux, pris d'une rage folle contre lui même.
Pourquoi il ne pouvait pas s'ouvrir ? Pourquoi il ne pouvait pas être ouvert, confiant, heureux ?

C'était comme ça avec Axel. Les pensées noires s'enchaînaient toujours, avec tant de subtilités qu'il ne savait jamais quand il avait dérivé sur tel ou tel sujet. Et ça l'effrayait, de penser à des horreurs. Son moral était très bas, et quand le sommeil lui tomba dessus, une petite larme perla sur sa joue.

Oui, il était complément perdu, dans sa vie.

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