Chapitre 2

Estrella porta ses iris orange sur le détective qu'elle avait fait mander dans son bureau. Elle l'observa quelques minutes avant de s'installer sur ses genoux. Il se raidit immédiatement.

—Alors, dites-moi un peu très cher, que faites-vous ici ?

Connor déglutit et tenta de ne pas croiser le regard de la fée, ayant peur d'être ensorcelé. Elle se colla davantage à lui, séductrice, et il ferma les yeux.

—Pourriez-vous vous pousser s'il vous plaît ?

Estrella rit, mais se décala sans protester. Elle s'assit sur le fauteuil juste en face de celui du détective.

—Je réitère ma question, jeune homme. Jusqu'ici, je n'ai jamais vu aucun de nos clients si peu intéressés par nos prestations.

Elle se leva si vite que Connor n'eut pas le temps de la voir bouger. Elle se trouvait alors derrière lui, les mains autour de son cou.

—Et je n'aime pas beaucoup que l'on se moquât de moi. Une réponse honnête et vite. Et vous avez plutôt intérêt à vous débarrasser de votre couteau en fer si vous comptez ressortir d'ici en vie. Je ne veux pas de ça en ces lieux.

Le détective poussa un soupir pitoyable. Il avait clairement sous-estimé son ennemi.

—Je suis détective. J'enquête sur les disparitions des clients après leurs passages ici ... Notamment celle de mon dépravé de père.

Estrella desserra immédiatement sa prise, satisfaite de son honnêteté, et se rassit.

—Je vois. Dis-moi petite brebis égarée, comment te prénommes-tu ?

—Connor Karpenter.

—Bien. Toi et moi on va jouer à un jeu. Je ne te ferai rien payer. Et si tu résistes aux tentations, tu repartiras vivant et avec toutes les réponses. Qu'en dis-tu ?

L'instinct du détective lui criait qu'il s'agissait là d'un piège, mais avait-il réellement le choix ? Il savait que non. Face à une créature millénaire, une reine qui plus est, un simple humain tel que lui n'avait aucune chance. Il acquiesça d'un signe de tête.

—Parfait Connor. Amusons-nous. Mais avant ça, jette ce couteau sur mon bureau.

Il obtempéra de mauvaise grâce et retourna dans la salle. Il chercha Kappei du regard pour l'interroger de nouveau et grimaça. Voilà donc ce que ce dernier entendait par «les fées font absolument tout ce que tu leur demandes ». Connor décida de s'installer à l'opposé du duo, peu enclin à assister à ce genre de spectacle. N'avaient-ils donc aucune pudeur ?

Après qu'Estrella lui ait donné des instructions précises, Octavia rejoignit rapidement le détective.

—La reine m'a envoyé, elle a dit que tu étais du genre timide et moi je suis la plus sage d'entre toutes ici.

Connor inspira profondément et but une gorgée d'eau. Hors de question pour lui d'ingérer de l'alcool dans ces conditions.

—Vraiment ? C'est gentil de sa part.

La fée posa une main sur sa cuisse.

—Je suis la plus jeune ici, c'est pour ça. J'ai beaucoup moins d'expérience que les autres. Mais je vous promets d'accéder à vos moindres désirs.

—Vraiment ?

Elle se pencha vers lui, ses iris violets luisant étrangement.

—Vraiment.

—Dans ce cas, j'aimerais discuter avec vous.

Octavia tenta de garder un air impassible, mais Connor fut certain d'apercevoir de l'agacement sur son visage.

—Mais pourquoi perdre du temps à parler alors que je pourrais vous offrir tellement plus ?

—Parce que tel est mon désir. Et puis nous sommes au Japon, ne maitrisez-vous pas l'art de la conversation ?

La fée obtempéra de mauvaise grâce. C'est ainsi que Connor appris que la reine était née il y avait de ça plus d'un millénaire dans un autre monde et avait fait de Desily, à peine plus jeune, son bras droit. Quant à Octavia, qui n'avait que six siècles, c'était cette dernière qui l'avait recueillie et élevée. Mais surtout, le détective se rendit compte à quel point il s'était fourvoyé. Ici, on ne payait pas de sang. On payait avec des morceaux de son âme et parfois de sa vie entière. Voilà pourquoi beaucoup ne ressortaient pas d'ici. Ils se faisaient littéralement dévorer. Au sens propre comme au sens figuré. Et pour les survivants, leur déchéance n'étonnait désormais plus Connor. Comment vivre normalement avec une âme déchiquetée ? Choqué, il tenta de se lever, mais fut retenu par Octavia.

—Tu sais, peu importe la raison pour laquelle les clients entrent ici. Mais tous savent que du Secret Nirvana on ne revient jamais vivant.

Connor serra les poings.

—Ceux qui viennent ici cherchent juste à mourir d'une façon agréable. Les hommes viennent se suicider de leur plein gré en échange de quoi, nous leur offrons un plaisir qu'ils n'auraient jamais connu autrement. Ce ne sont pas des victimes. Ils y trouvent leur compte et nous aussi.

Le détective se dégagea, mais fut incapable de repérer la sortie. Il tenta de ne pas céder à la panique et fit le tour de la scène, mais ne trouva qu'une porte, celle du bureau d'Estrella. Elle lui ouvrit en souriant, son regard orange brillant de satisfaction. Connor frissonna. Il se savait pris au piège.

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