Chapitre 1

"Mirrors", Natalia Kills

Turning the lights out,
Burnin' the candles
And the mirrors gon' fog tonight!
Tighten the handcuffs
And the mirrors gon' fog tonight!

**

Dans les alentours de Canterbury, tout le monde connaissait le manoir de la célèbre mage Violet Landster. Unique descendante de cette noble famille d'invocateurs, la demoiselle n'avait jamais pris époux, bien qu'elle eût fêté ses vingt-quatre ans la semaine dernière. Ainsi, beaucoup de rumeurs couraient à son sujet, plus malfaisantes les unes que les autres, mais elle s'en moquait. Violet ne s'intéressait ni à l'amour, ni aux découvertes et encore moins aux mondanités. Elle n'avait qu'un seul et unique but, devenir la meilleure des invocatrices et ensuite pourvoir postuler aux grands conseils des mages. Malheureusement, elle avait beau s'entraîner encore et encore, elle n'était pas satisfaite du résultat. Jamais. Elle n'en récoltait que frustration, insomnie et déception. Pourtant, la jeune femme refusait d'abandonner. La magie était l'essence même de sa vie et elle ne savait rien faire d'autre. Alors quoiqu'il en coûtât, elle n'avait pas le droit de laisser tomber.

Dans les alentours de Canterbury, personne ne connaissait la puissance et la solitude de Violet Landster. Seule dans son gigantesque manoir, la jeune femme suivait chaque jour la même routine. Se lever à l'aube, enfiler ses bas blancs puis l'une de ses robes à corsets trop voyants, puis coiffer ses longs cheveux rouges. Elle mangeait puis travaillait jusqu'au crépuscule avant de plonger dans un sommeil sans rêves, où le souvenir de ses parents s'était estompé depuis bien longtemps. Parce qu'ici, entre ces murs froids, seuls quelques familiers l'aidaient de temps à autre, mais aucune trace humaine, aucune trace à part elle. Parfois, elle se demandait encore comment elle parvenait à conserver son humanité.

Dans les alentours de Canterbury, personne ne se questionnait jamais sur comment survivait Violet Landster. Personne, pas même une fois ne s'en était inquiété ou n'avait pensé à l'aider. Jamais. Les mages pouvaient bien se débrouiller. Et, chaque jour, la jeune femme traçait des symboles compliqués espérant qu'enfin son vœu soit réalisé, espérant que devant ses yeux apparaisse l'invocation parfaite. Et, épuisée d'avoir encore échoué, elle se détourna trop vite, si bien qu'elle sursauta à la voix trop humaine qui l'interpella. Une voix douce et chantante aux intonations étrangères.

— Bonjour, Maîtresse. Que puis-je pour vous ?

Violet se retourna et laissa tomber son grimoire sous l'effet de la surprise. Une jeune femme brune se tenait dans le cercle. Elle ne reconnaissait ni les habits ni la créature, mais il s'agissait clairement d'une humanoïde. Une larme d'émotion roula sur sa joue. Enfin ! Elle avait enfin passé un cap dans sa maitrise des invocations !

— Maîtresse ?

Violet sourit et reprit contenance. À présent, elle allait devoir étudier cette entité afin de savoir à quel point elle était devenue puissante.

— Bonjour. Je suis la mage Violet Landster. Et toi ?

La créature s'inclina légèrement.

— Je suis Luella, la muse guerrière. Je suis née il y a plus de huit siècles, au Japon, lorsqu'un puissant mage guerrier, désespéré de perdre la bataille, a tenté de redonner espoir à ses troupes. Depuis, je vis sous cette apparence.

Violet détailla la muse. Ses très longues mèches brunes étaient nouées dans une queue de cheval haute par une pince en forme de papillon rouge et blanc. Elle portait un hakama, normalement réservé aux hommes, assorti à sa pince, ainsi qu'un katana. Luella avait le teint pâle et les yeux d'un noir profond. La mage comprit qu'elle avait été vraiment façonnée pour devenir une inspiration. N'importe quelle femme réelle qui se promènerait ainsi se ferait insulter, voire arrêter. Et surtout, il ne s'agissait pas là d'une tenue adéquate pour se battre. Pourtant, rien qu'à détailler Luella, Violet se sentait motivée et capable de réaliser ses projets. Elle disposait désormais de quatre jours pour étudier la muse jusqu'à la disparition de cette dernière. De plus, chaque créature ne pouvait être invoquée que trois fois par an. La mage n'avait donc pas une minute à perdre.

Luella observait avec curiosité son invocatrice prendre des notes et s'agiter. Elle n'était pas certaine d'être l'esprit adéquat pour une telle jeune femme, mais après tout pourquoi pas. Cela la changerait des champs de bataille et des remarques déplacées des soldats.

— Luella ? À quel point possèdes-tu des sensations humaines ?

La muse pencha la tête quelques instants et chercha dans sa mémoire. Pourtant, aucune information utile ne lui vint.

— Je ne saurais vous dire, veuillez m'en excuser. Personne n'a jamais pris la peine ni de s'en inquiéter ni de tester.

Les yeux de Violet s'illuminèrent d'anticipation.

— Dans ce cas, je vais chercher ce qu'il nous faut en cuisine et je reviens !

Et c'est ainsi que Luella put goûter marmelade, marrons chauds, et différents types de caramel. Elle découvrit aussi différentes fragrances, des senteurs inconnues jusqu'à ce jour. Violet, en tant qu'aristocrate, possédait une collection diverse et variée de parfums en tout genre. Épices indiennes et parfums ayant appartenu à sa mère ; tout était bon pour tester Luella. Assises à même le sol, les deux femmes prenaient garde de ne jamais franchir la démarcation du cercle d'invocation. Luella adopterait alors sa forme astrale pour les jours restants et ne serait plus en mesure de tester quoi que ce soit. Quant à Violet... Pour chaque minute passée à l'intérieur du cercle, un mortel, quel qu'il soit, perdait l'équivalent d'une année de vie. Il ne vieillissait pas, mais son espérance de vie diminuait. La mage devait donc se montrer d'une extrême prudence.

Quatre jours durant, Violet nota encore et encore tout ce qu'elle pouvait sur la muse.

— Maîtresse, la prochaine fois que vous m'invoquerez je vous conterai des aventures.

— Avec plaisir.

Et sur ces mots, la silhouette de Luella s'évanouit.  

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