Chapitre 8 : Faire connaissance ✔️
Le lendemain, Maxim fut réveillé avant tout le monde par son ventre qui faisait des siennes. Après des mois dans l'environnement aseptisé d'un vaisseau, la nourriture exotique et les bactéries différentes que devait contenir l'eau de Proxima ne faisaient pas un bon mélange pour sa flore intestinale. Il quitta sa couche chaude avec regret pour sortir rejoindre les latrines.
Après s'être soulagé, il décida qu'il était grand temps de raser sa barbe beaucoup trop longue et de couper ses cheveux. Maintenant qu'il n'avait plus à se rationner pour l'eau, il fallait en profiter. D'autant plus qu'il parviendrait peut-être à faire disparaître une bonne partie des tâches vertes indésirables sur son visage. Il récupéra un seau près de la remise avant d'emprunter le sentier de la rivière.
En chemin, il prit plaisir à observer et prêter l'oreille à la vie qu'il y avait autour de lui. Il s'arrêta à quelques reprises étudier des troncs d'arbre bleuté, sentir une plante à l'odeur de cannelle ou écouter le cri d'un animal inconnu. La seule chose qu'il ne fit pas, fut de toucher quoi que ce soit. Hors de question qu'il revive un autre incident comme hier.
C'était tout de même grisant de découvrir ce nouvel environnement et il était difficile de croire que quelques jours plus tôt il se trouvait dans l'espace à craindre pour sa vie.
Une fois à la rivière, il s'approchait de la berge avec son seau quand un mouvement sur sa gauche attira son attention.
Il tourna la tête et aperçut Anya, de dos, à demi enfoncée dans l'eau. Elle était nue et tressait ses cheveux mouillés qu'elle venait sans doute de laver. Avant même que toute notion de moralité ne viennent le hanter, Maxim ne put s'empêcher d'admirer son corps. Son dos et ses bras étaient fermes et ciselés. Sa peau, brunie par le soleil, semblait presque dorée sous les rayons. L'eau caressait la cime de ses fesses, à l'endroit où ses hanches devenaient délicieusement généreuses et lorsqu'il entrevit la courbe de l'un de ses seins, haut et menu, son ventre s'échauffa.
Un intense désir s'empara de Maxim. Il tenta de contrôler sa réaction, mais les nombreux jours passés dans l'espace sans contacts ou rapprochements physiques ne lui facilitaient pas la tâche. Presque honteux de la réponse violente de son corps ainsi que d'avoir violé l'intimité d'Anya, il tourna les talons et rebroussa vite chemin avant qu'elle ne l'aperçoive.
***
En prenant la direction du campement après sa baignade, Anya se demanda ce qu'elle allait bien faire dans les prochains jours avec les trois voyageurs.
La compagnie n'était pas tout à fait désagréable. Tom était jovial et amusant malgré son état. Il ne paraissait pas affecté par le fait qu'il était sur une planète différente de la sienne. Maxim se montrait curieux et intéressé par Proxima, peut-être même trop à en croire l'incident d'hier. Élizabeth, en revanche, était moins réceptive. Elle était plus inquiète et fermée.
Anya redoutait tout de même que leur présence devienne lourde avec le temps. Il y avait des lustres qu'elle n'avait pas cohabité avec d'autres personnes. Depuis, son quinzième anniversaire pour être exacte. Au moment où le Conseil l'avait déclassée et qu'elle avait dû quitter l'Académie. La solitude des dernières années, qui la rendait parfois nostalgique des dortoirs bruyants où elle avait passé une partie de son enfance, était confortable et rassurante. Mais la cohabitation avec trois étrangers risquait fort de bousculer cette tranquillité !
Le pire dans tout ça était qu'elle avait pris du retard sur son travail. Plusieurs tamins attendaient de se faire dépecer et des peaux devaient être huilées et assouplies. Elle espérait les vendre à Austeen une fois la quatrième éclipse passée, mais la présence des terriens allait peut-être reporter ses projets.
C'était décidé ! Aujourd'hui, elle laisserait les voyageurs se débrouiller sans elle afin de consacrer son temps à rattraper son retard.
De retour au campement, elle tomba sur Élizabeth et Maxim. Ce dernier était assis sur un tabouret et tenait dans ses mains une lame et un miroir. Élizabeth, armée de ciseaux et debout derrière lui, s'efforçait de lui couper les cheveux.
La Terrienne lui adressa un sourire forcé, mais Maxim, le visage étrangement écarlate, se concentrait avec sérieux sur son rasage. Anya les laissa à leur toilette et fila vers la remise pour entamer l'écharnage.
Elle s'acharnait déjà depuis un bon moment avec la graisse et la chair bien accrochées à la fourrure lorsque Maxim vint la rejoindre. En levant les yeux vers lui, elle eut du mal à le reconnaître. Son épaisse barbe, qu'il arborait sans doute depuis plusieurs lunes, était maintenant courte et bien taillée, laissant apercevoir une mâchoire anguleuse. Ses cheveux bruns bouclés, qu'il gardait jusqu'à présent attachés, étaient coupés jusqu'aux oreilles. De l'étranger négligé et perdu qu'elle avait vu sortir du vaisseau, il ne restait plus rien. Devant elle se trouvait un homme avec plus d'assurance, de prestance et surtout beaucoup plus séduisant. Et ce, malgré les petites taches vertes sur son visage.
Soudain, elle sentit le picotement familier de ses iris qui lui indiquait un changement de couleur imminent. Elle baissa aussitôt la tête vers son ouvrage, redoutant que ses yeux deviennent verts et que Maxim les remarque.
— Bonjour ! la salua-t-il une fois à sa hauteur. Tu es matinale sur le travail !
Il laissa passer un silence avant de continuer :
— Même si je n'ai aucune idée de quelle heure il est...
Anya sourit, consciente qu'il devait être difficile d'estimer l'heure lorsqu'on était habitué à des nuits sans soleil.
— Oui, j'aurais dû travailler ces peaux hier. Elles auraient été plus faciles à nettoyer. Elles ont déjà commencé à se désagréger, répondit-elle, plus sèchement qu'elle n'aurait voulu.
Mais, il ne semblait pas avoir perçu son ton abrupt. Elle sentait plutôt qu'il hésitait à lui dire quelque chose. Du coin de l'œil, elle le voyait se frotter le sourcil avec son pouce et se balancer d'un pied à l'autre.
Elle leva son regard vers lui pour l'encourager. Il ouvrit la bouche, puis la referma, avant de prendre une grande inspiration et enfin se lancer.
— Euh, écoute... Je suis conscient du fardeau que nous représentons pour toi. Nous avons discuté, mes amis et moi, et nous souhaitons repartir le plus vite possible. C'est peut-être utopique de notre part, mais nous espérons réparer le vaisseau dès que Tom se sentira capable de travailler dessus. En revanche, il nous manque certaines pièces. J'aimerais savoir si... euh...
Il fit une pause et passa une main dans ses cheveux.
— Quel est le niveau d'avancement technologique de ton peuple ? demanda-t-il. Ta vie semble simple et primitive, mais les gens de ton peuple vivent-ils tous ainsi ?
Anya fronça les sourcils
— Que veux-tu dire par primitif ?
— Eh bien, tu n'as pas l'eau courante, pas d'électricité, je ne suis même pas certain que tu connaisses l'électricité... Tes vêtements sont faits de cuir animal, tu chauffes ton abri avec du feu. Est-ce que tous les Proximiens sont peu avancés comme toi ?
Ces propos, comme une flèche, piquèrent le cœur d'Anya en plein centre. Elle sentit ses iris tourner au rouge.
— Donc primitif, ça veut dire idiot ?! Tu me crois idiote ?!
Maxim recula d'un pas, les mains devant lui en secouant la tête, les yeux écarquillés. Anya, toujours en colère, ne lui laissa pas le temps de répliquer.
— Il ne t'est jamais venu à l'esprit que si je n'avais pas de puits pour l'eau et d'éolienne pour me chauffer, c'est que j'ai jugé que ce n'était pas nécessaire ou que j'avais d'autres projets en tête avec mes crédits ?!
— Non, non ! Tu m'as mal compris, s'empressa de dire Maxim.
La panique se lisait sur son visage.
— Je suis vraiment désolé ! Il est difficile pour moi d'évaluer tes connaissances et celles de ton peuple. Je ne connais qu'une seule Proximienne et... c'est toi. Tout ce que j'ai vu depuis deux jours est à mille lieues des technologies utilisées sur la Terre, mais ça ne veut pas dire que ton mode de vie est inférieur au nôtre !
Anya renifla avec mépris avant de retourner son attention vers son travail.
Son intention ? L'ignorer totalement.
— Attends, on recommence, suggéra-t-il.
Il prit une grande respiration avant de continuer :
— Pourrais-tu nous aider à réparer notre vaisseau ou nous mener à quelqu'un qui saurait le faire ?
En guise de réponse, Anya arracha un lambeau de chair et le balança dans la chaudière. Avait-elle réellement envie de les aider ? Si elle s'écoutait, là, maintenant, elle les laisserait se débrouiller. Ils ne venaient pas d'ici, ne connaissaient rien à la vie sur Proxima et étaient, il fallait l'avouer, un fardeau.
Cependant, une autre partie d'elle était curieuse d'en apprendre plus sur eux et sur la Terre, la planète qui avait vu naître ses ancêtres. Elle ne pouvait pas non plus laisser des êtres humains, peu importe leur provenance, mourir de faim ou de soif. C'était contre sa nature.
Elle ramena son regard sur Maxim.
— Je n'y connais pas grand-chose en mécanique, répondit-elle après un long moment. Mais je connais quelqu'un à Austeen qui pourrait peut-être vous aider. Je pensais m'y rendre après les éclipses. Avant que vous ne débarquiez chez moi... Si j'arrive à terminer la préparation des peaux avant de partir, je pourrai vous y conduire.
— Merci, nous t'en serions reconnaissants...
Maxim resta planté devant elle, se grattant encore une fois les sourcils.
— Et il reste combien de nuits, euh non... lunes ! Combien de lunes avant la fin des éclipses ?
Anya sourit bien malgré elle. Elle voyait bien qu'il faisait un effort pour s'adapter à Proxima. Il en était presque mignon.
— Deux lunes d'éclipse, ensuite les chances de gel vont être écartées.
Anya se remit au travail, croyant la conversation terminée. Pourtant, Maxim resta encore une fois planté là.
— Je... je peux t'aider ? Je n'y connais rien en fourrure, mais j'aimerais t'aider. Et j'apprends vite !
Anya le jaugea un instant puis hocha la tête.
— D'accord. Tu peux commencer par aller laver ces peaux à la rivière si tu veux.
Elle pointa avec son pied une pile de fourrures qu'elle venait d'écharner. Maxim hocha de la tête avant de s'emparer du paquet et prendre le chemin du cours d'eau. Il revint un peu plus tard avec les peaux lavées. Elle lui proposa par la suite de graisser celles qui séchaient depuis quelques lunes dans la remise.
Ils travaillèrent ainsi le reste de la journée, parfois en silence, parfois en discutant. Elle lui expliqua les différents procédés pour transformer le cuir et le rendre plus souple. Il l'écouta avec intérêt, semblant vouloir absorber la moindre information qui sortait de sa bouche.
À son tour, il lui raconta leur longue errance dans l'espace après une explosion survenue sur leur vaisseau. Il évoqua aussi le désespoir qu'ils avaient ressenti pendant des mois, se croyant condamnés dans le froid glacial intersidéral. Très vite, le temps passa, le travail avança et les peaux qu'elle avait écharnées furent lavées et tendues sur des cadres, prêtes à sécher pendant plusieurs lunes.
Les jours suivants passèrent tout aussi rapidement. Lorsqu'il le pouvait, Maxim aida Anya dans ses tâches quotidiennes et avec l'entretien du jardin. Il l'observa pêcher au harpon pour ensuite l'imiter, mais sans succès. Élizabeth s'occupa de Tom et lui fabriqua une attelle de bois pour sa jambe. Avec l'aide d'Anya, elle balisa le chemin jusqu'au vaisseau afin de s'orienter avec plus de facilité dans la forêt.
Lors d'une longue discussion autour du foyer, Élizabeth proposa de rester avec Tom pendant le voyage d'Anya et Maxim à Austeen. Leur ami n'était pas encore assez autonome pour se nourrir et se déplacer sans aide. Anya accepta de les laisser seuls dans sa demeure et leur indiqua où se trouvaient les réserves de viandes séchées ainsi que les fruits et les légumes qu'ils pourraient manger dans les prochains jours.
C'est donc avec quelques provisions, des gourdes et des sacs à dos de cuirs remplis de peaux que Maxim et elle partirent en direction d'Austeen.
Anya, qui avait fait ce trajet des milliers de fois, savait qu'une journée de marche à un bon rythme suffisait pour atteindre la ville. Toutefois, elle comprit vite qu'avec Maxim le voyage serait beaucoup plus long. En plus de marcher avec une extrême lenteur, le Terrien avait la fâcheuse tendance à s'arrêter à chaque arbre ou nouveau buisson qu'ils voyaient. Parfois il se figeait pour prêter l'oreille à un son et il passait son temps à la questionner sur le nom des arbres, des plantes et même des animaux qu'ils apercevaient de temps à autre.
C'était insupportable ! Elle dut réprimer bon nombre de soupirs ou même l'envie de filer en douce sans lui. Elle n'avait pas que ça à faire !
Après un moment, elle dut tout de même admettre qu'elle aurait fait la même chose à sa place. Se retrouver sur une nouvelle planète du jour au lendemain n'avait rien de banal. Certes, ce devait être inquiétant, mais surtout fascinant ! Par l'entremise des yeux candides de Maxim, elle avait l'occasion de redécouvrir la forêt dans laquelle elle vivait depuis des années. Aussi bien en profiter.
Néamoin, en plus de marcher au rythme d'une limace, Maxim semblait s'essouffler plus que de raison. Le chemin vers Austeen était en pente douce et ils suivaient un sentier bien tapé par le passage répété de voyageurs. Il n'avait aucune raison de chercher son air de la sorte. Peut-être n'était-il pas habitué à l'exercice physique ? Son séjour dans l'espace l'avait-il affaibli ?
Toujours est-il qu'ils furent contraints de s'arrêter à plusieurs reprises pour permettre à Maxim de récupérer. Anya finit par abandonner l'idée d'arriver en une journée et décida de monter un campement de fortune aux trois quarts du trajet. C'était ça, ou se cogner le nez à des boutiques fermées en plein milieu de la lune.
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