Une fois terminé, Anya remit à Lana le plan qu'elle épingla avec ses couteaux sur le mur extérieur de la cabane. Le groupe se rassembla autour pendant qu'Anya entreprit de leur expliquer :

— Il y a deux entrées.

Elle pointa les endroits sur la carte au fur et à mesure qu'elle les mentionnait.

— Ici, c'est l'entrée ouest qui nous faisait face tout à l'heure. La plupart du temps, la clôture longe les bâtiments. Partout sauf ici.

Anya indiqua un emplacement au sud. Un espace entre deux édifices où elle avait dessiné des symboles qui représentaient des navettes.

— Les vaisseaux sont près de la clôture à cet endroit ? questionna Maxim, attentif à ses explications.

— Exactement, répondit-elle. C'est la seule zone où des vaisseaux sont facilement accessibles. Le reste de la flotte se retrouve au milieu de la base où c'est plus difficile d'être discret.

— Est-ce que tu peux me décrire ceux que tu as vus près de la clôture ? demanda Tom en pointant l'endroit qu'elle suggérait un peu plus tôt.

Anya les détailla à Tom du mieux qu'elle put, malgré le fait qu'elle ne connaissait rien en mécanique ou en aéronautique. Il était rare de voir des véhicules motorisés sur Proxima, encore moins des vaisseaux.

Tom l'écouta avec attention puis lui emprunta le crayon. Il s'approcha de la carte et gribouilla dans l'un des coins de celle-ci.

— C'est un propulseur standard, expliqua Tom en montrant son dessin. Est-ce qu'un des vaisseaux près de la clôture avait quelque chose qui ressemblait à cela ?

Anya prit le temps d'examiner le croquis de Tom avant d'acquiescer.

— Oui, quatre sur chacun d'eux.

— Parfait ! S'il n'y en a que quatre, c'est signe qu'ils sont assez puissants. Un propulseur est un peu gros à voler, mais on peut certainement récupérer l'accélérateur de propulsion à l'intérieur et avec un peu de chance, des bombonnes de gaz déjà chargées.

— Est-ce qu'il y avait beaucoup de gardes dans ce coin ? s'informa Maxim en s'adressant à Anya.

Lana répondit à sa place.

— Quatre. Deux immobiles et deux qui patrouillaient du nord au sud.

— Il faudra faire diversion pour donner le temps à Tom de récupérer les pièces, continua Maxim.

— Lana et moi on s'en occupe, affirma Arkadi, le sourire aux lèvres.

Anya ne fut pas surprise de son offre. Sa sœur et lui étaient de loin les mieux outillés pour le faire. Cependant, Maxim ne semblait pas du même avis.

— Et vous pensez faire ça comment ? demanda-t-il, une pointe d'impatience dans la voix.

Arkadi afficha un sourire moqueur et se recula pour avoir plus d'espace. Il ancra son regard dans celui de Maxim et commença à retirer ses vêtements.

Un à un.

Avec une lenteur exaspérante.

Et lorsqu'enfin il se retrouva en sous-vêtement, Maxim ne put contenir davantage sa colère :

— Qu'est-ce que tu fous, bordel ?!

Anya ne put réprimer un soupir devant la théâtralité d'Arkadi. Il voulait délibérément provoquer Maxim et ça fonctionnait à merveille. Il n'y avait aucun doute à en voir son corps tendu et sa respiration rapide.

Maxim s'avança vers Arkadi, les poings serrés, quand ce dernier disparut devant ses yeux. Le Terrien sursauta.

Anya entendit le rire de Lana derrière elle.

— Tu le crois maintenant qu'on saura faire diversion ? se moqua-t-elle.

Elle retira également sa tunique et son pantalon avant de disparaître à son tour.

Maxim regarda Anya, complètement déboussolé. Elle ne put s'empêcher de sourire.

— Lana et Arkadi ont une variation qui leur permet de ne faire qu'un avec ce qui les entoure. C'est très fréquent chez les éclaireurs, expliqua Anya qui commençait à trouver la situation plutôt amusante.

Tom, qui semblait avoir perdu la parole un instant, éclata de rire.

— Franchement, c'est génial ! Les jumeaux invisibles ! J'adore de plus en plus cette planète, rigola-t-il en essuyant une larme dans ses yeux.

Au même moment, Arkadi et Lana réapparurent derrière Maxim en criant de concert. Il sursauta encore une fois et se retourna, toujours aussi furieux, mais s'efforçant manifestement de contrôler sa colère.

— Ça va la démonstration ! On a compris, siffla-t-il entre ses dents.

Lana et Arkadi effectuèrent une petite révérence narquoise avant de revenir vers leurs vêtements respectifs.

— Pour la clôture, on fait quoi ? demanda Tom, qui essayait une seconde fois de détourner la conversation pour calmer Maxim. J'ai laissé mes pinces à métal dans le vaisseau...

— Je peux m'en occuper, je sais comment couper le fer, déclara Anya.

Elle vit que Maxim s'apprêtait à protester, mais Tom l'arrêta avant.

— Alors en résumé : Monsieur et Madame invisible attirent l'attention, Anya nous ouvre le chemin et Maxim et moi on s'occupe du propulseur. On part quand ?

— À la mi-lune, répondit Arkadi en ajustant sa tunique. Il y aura moins de va-et-vient sur la base si on s'introduit pendant que certains dorment.

— Parfait ! En attendant, j'ai faim ! Vous avez quelque chose à manger ?

Lana pouffa de rire en attachant son pantalon.

— Allez, viens Terrien ! On va te nourrir ! Arkadi, tu peux allumer un feu ? On va pouvoir discuter du plan pendant le repas.

Les trois s'éloignèrent de la cabane, laissant Maxim seul avec Anya. Il affichait un air grave qui n'annonçait rien de bon.

— J'aimerais te parler en privé, déclara-t-il après quelques grains de sable à rester en silence près d'elle.

Anya acquiesça et se dirigea vers la forêt afin de s'isoler des autres. Elle marcha pendant quelque temps, percevant les pas de Maxim derrière elle qui la suivait. Elle sentit encore cette stupide boule d'angoisse remonter dans sa gorge. Elle déglutit pour la faire redescendre, mais sans succès.

Maxim voulait sans doute mettre les choses au clair avec elle. Elle n'était pas certaine qu'elle avait envie d'entendre ce qu'il avait à dire, mais se jura à l'intérieur d'elle-même de retenir ses larmes cette fois, d'encaisser le coup du mieux qu'elle le pouvait.

Une fois à bonne distance du campement, là où les oreilles des éclaireurs ne devraient pas les entendre, Anya se retourna pour faire face à Maxim. Celui-ci s'arrêta net et hésita un instant en voyant le regard déterminé d'Anya. Il finit tout de même par se lancer :

— Je ne veux pas que tu viennes à la base avec nous, dit-il fermement. Dis-moi comment couper la clôture et je vais le faire. Tu resteras au campement pendant que nous serons là-bas.

— Non.

Maxim fronça les sourcils, mais Anya croisa les bras sur sa poitrine pour lui signifier qu'aucune négociation n'aurait lieu.

— Si notre plan échoue et qu'un Proximien te voit nous aider, tu seras exclue. Il n'est pas question que tu coures ce risque.

Anya hésita. Elle décelait de l'inquiétude dans la voix et dans la posture de Maxim. Toutefois, ce n'était pas à lui de décider.

— Pourquoi Arkadi et Lana peuvent courir ce risque et pas moi ? Je ne resterai pas ici à rien faire pendant que mes amis mettent leur vie en danger !

Maxim grogna puis se retourna. Il passa une main sur son visage avant de revenir vers elle, furieux.

— C'est pour Arkadi que tu veux venir !? cracha-t-il.

Anya resta sans mots. Pourquoi pensait-il cela ? C'était pour lui qu'elle s'apprêtait à trahir son peuple et non pour Arkadi ! Il ne comprenait rien ! Elle secoua la tête et tenta de protester, mais Maxim continua avant qu'elle ne puisse parler.

— C'est avec lui que tu as passé la nuit juste avant notre départ du campement ?!

Cette réplique lui fit l'effet d'un coup de fouet. Comment pouvait-il croire cela ? Alors qu'elle avait passé les derniers jours à dormir dans ses bras à lui, pas dans ceux d'Arkadi ! Elle sentit la colère monter en elle, comme une tempête qui s'apprêtait à frapper. Ces iris fourmillaient sauvagement.

— En quoi ça te regarde ?! cria-t-elle. Tu m'as bien fait comprendre que c'était fini toi et moi en choisissant de braver la décision du Conseil. Ce que je fais de mes lunes ne te regarde plus ! De toute façon, tu étais avec moi pour l'expérience et rien d'autre ! Et bien l'expérience est faite, maintenant laisse-moi tranquille !

Anya regretta aussitôt ses dernières paroles. Elle espérait que leur relation avait été plus que de la simple curiosité. Elle avait des sentiments pour Maxim, il n'y avait aucun doute. Jamais elle ne se mettait dans un tel état ! Elle avait espéré la même chose du côté de Maxim, mais elle venait de comprendre que ce n'était pas le cas.

Des émotions passèrent si vite sur le visage de Maxim qu'elle ne put les identifier. Il s'éloigna d'elle et fit quelques pas à gauche, ensuite à droite, puis encore à gauche. Et soudain, en trois enjambées, il était sur elle. Elle recula d'instinct devant la colère dans ses yeux. Elle se retrouva rapidement adossée contre la paroi d'un rocher, le visage de Maxim à quelques centimètres du sien.

— C'était loin d'être une expérience, murmura-t-il, son souffle chaud sur son visage. Et je ne veux pas que ça soit fini.

Ses dernières paroles presque inaudibles sonnèrent comme une supplication. Elle étudia son visage. Son regard était sombre et brûlant et glissait lentement vers ses lèvres. Sa poitrine se souleva et son souffle se coupa.

Il s'empara de ses lèvres avec une voracité animale et elle y répondit avec la même soif, le désirant comme jamais elle n'avait désiré un homme. Dans un grognement primaire, il appuya son corps sur le sien, la coinçant entre lui et le rocher. Elle agrippa ses cheveux pour l'empêcher de s'enfuir, pour que sa bouche reste à tout jamais soudée à la sienne. Bientôt sa langue retrouva la sienne et prises d'une fièvre bestiale, les mains de Maxim parcoururent ses hanches, ses fesses, sa poitrine... Et partout où elles passaient, un feu incandescent s'allumait.

Soudain, il s'écarta, le souffle court. Son regard sauvage s'arrêta sur son corset qu'il s'empressa de détacher, suivi du foulard qu'il lui arracha. Avec la même rapidité, il retira sa propre tunique et chemise qu'il jeta par terre avant de fondre à nouveau sur sa bouche. Ses mains chaudes, s'emparèrent de ses seins et le sexe d'Anya se contracta sous le supplice de se toucher.

Mue par une urgence, elle s'accrocha à la ceinture de Maxim et s'évertua à la détacher à l'aveugle. Elle grogna puis tira pour l'obliger à appuyer son bassin sur le sien. Lorsqu'elle sentit son membre gonflé presser sur son antre, une décharge électrique se déversa jusqu'à sa poitrine et se mua en un gémissement contre ses lèvres.

Elle le voulait.

Là, maintenant, tout de suite.