Chapitre 3: L'air de Proxima ✔️


    Le noir, Maxim ne voyait que du noir.

    Suis-je mort ?

    Il bougea la tête, suivie de ses pieds et de ses bras. Il était toujours en vie. La tension derrière sa nuque et la vive douleur qui lui martelait le crâne en étaient la preuve. Il prit de grandes respirations et attendit quelques instants afin de retrouver ses esprits. Il avait sans aucun doute perdu connaissance lors de l'atterrissage.

    Peu à peu, ses yeux s'habituèrent à l'obscurité, mais le silence ambiant l'affola. Était-il le seul à avoir survécu ?

    — Élizabeth ? Tom ? Est-ce que ça va ? cria-t-il.

    Un frottement se fit entendre sur sa droite.

    — Ça va pour moi, répondit Élizabeth.

    Maxim tourna la tête pour apercevoir l'ombre de son amie, penchée sur Tom. Ce dernier aurait dû se retrouver à sa gauche, attaché sur son siège. Il était plutôt étendu par terre de l'autre côté. En l'observant davantage, Maxim s'aperçut avec horreur que sa jambe n'était pas dans une position normale et son pantalon blanc était imbibé d'un liquide foncé.

    Élizabeth tenait l'exoscan au-dessus de Tom afin de vérifier son état de santé. Après quelques secondes, le « bip » de l'appareil ainsi que le visage d'Élizabeth confirmèrent ses craintes.

    — Tom a perdu connaissance et il a la jambe cassée à plusieurs endroits, mais son état est stable. Je crois que sa ceinture n'a pas tenu le coup.

    Élizabeth se tourna alors vers Maxim et effectua un scan sur l'ensemble de son corps.

— Légère commotion cérébrale pour toi, mais le reste semble en état.

    Maxim hocha la tête, rassuré, mais ce geste lui rappela l'élancement à l'arrière de son crâne. Il ne put réprimer une grimace de douleur avant de porter la main à son front.

    Élizabeth se redressa et se dirigea vers le tableau de bord. Maxim en profita pour se détacher de son siège et tenter de se lever.

    Une fois debout, les parois du vaisseau se mirent à tanguer, comme s'il était sous l'effet de l'alcool. Il ferma les yeux un instant pour reprendre son équilibre. Il fit ensuite quelques pas, non sans difficulté. Ceux-ci lui confirmèrent que la gravité était différente sur Proxima, comparée à celle créée artificiellement dans le vaisseau. Elle semblait moins forte. C'était mieux ainsi. Le contraire aurait pu leur conférer des douleurs pendant plusieurs jours.

    — Est-ce que tu sais si l'on retrouve de l'oxygène dans l'atmosphère ? demanda-t-il à Élizabeth une fois son équilibre assuré.

    — Selon les dernières données du tableau de bord avant le crash, oui. Rien de mieux que de tester le terrain pour s'en assurer.

    Sans surprise pour Maxim, Élizabeth se dirigea vers le panneau de contrôle de la porte afin d'enclencher le processus d'ouverture. Elle était du genre direct, même dans ses décisions. Pour elle, l'attente et la réflexion étaient une option. Mieux valait agir.

    Un bruit de pression retentit et la passerelle commença à descendre. Des rayons rougeâtres s'infiltrèrent dans le cockpit.

    Élizabeth, protégée par sa combinaison spatiale, sortit la première.

    Maxim jeta un coup d'œil inquiet à Tom. Il était toujours inconscient. Toutefois, il faisait confiance à Élizabeth qui avait déclaré son état stable.

    Le ventre crispé et la gorge sèche, il prit une grande inspiration et s'avança avec précaution vers l'extérieur. Encore étourdi et légèrement nauséeux, il était néanmoins impatient de découvrir ce que Proxima B avait à leur offrir.

    La lumière vive accentua son mal de tête et ses yeux eurent du mal à s'habituer encore une fois au changement de luminosité. Avant même de bien distinguer le paysage, Élizabeth lui barra la vue, se mettant devant lui.

    — Bonne nouvelle, Maxim ! Le taux d'oxygène est légèrement supérieur à celui sur Terre, mais c'est acceptable pour nous, annonça-t-elle en lui montrant l'écran de l'exoscan. On peut retirer notre équipement.

    Sans plus attendre, Élizabeth détacha le haut de sa combinaison pour libérer sa tête. Maxim la regarda avec effroi. Il s'attendait bizarrement à ce que son crâne explose ou sa peau devienne bleue par manque d'oxygène comme il avait si souvent vu dans les films de mauvais goût. Par chance, rien de la sorte ne se produisit. Élizabeth ferma les yeux et emplit ses poumons d'une incroyable quantité d'air, tel un nouveau-né, inspirant pour la première fois.

    — L'odeur est différente, mais c'est respirable, déclara-t-elle après quelques inspirations. J'aime mieux ça qu'être morte gelée dans l'espace !

    Elle ferma les yeux et inspira de nouveau, un sourire de satisfaction sur les lèvres.

    — Bon, allez ! On doit s'occuper de Tom, lança-t-elle après quelques instants.

    Elle passa à côté de lui pour revenir à l'intérieur du vaisseau. Maxim hésita encore un peu, mais arriva à la conclusion qu'il ne pourrait pas garder sa combinaison indéfiniment. Il prit une grande inspiration, qu'il bloqua dans ses poumons, avant d'enlever son casque.

    Rien. Il ne se passa rien. Il finit par relâcher l'air de ses poumons pour inspirer à nouveau.

    Élizabeth avait raison. L'odeur était différente. Elle lui rappelait une épice, mais laquelle ? Le cumin peut-être ? La sensation dans ces poumons était toutefois la même et surtout, sa tête n'avait pas explosé.

    Il inspira et expira encore quelques fois, avant de s'attarder au nouveau décor qui l'entourait.

Un rapide coup d'œil des environs lui permit de constater qu'ils étaient en pleine forêt. Les arbres autour de lui étaient, somme toute, semblables aux feuillus que l'on retrouvait sur Terre bien qu'ils étaient beaucoup plus imposants. Certains avaient l'écorce verte, bleue ou même rougeâtre. Il vit, au loin, des pics montagneux. Ils se trouvaient dans une vallée, entre deux massifs recouverts d'arbres et d'étendues rocheuses.

    Une légère brise caressa son visage, emportant avec elle une odeur de terre et d'humidité. L'image de ses voyages avec ses parents dans les réserves terriennes lui vint à l'esprit. Le paysage qui s'offrait devant lui était très différent des grandes villes où il avait vécu. Les étendues forestières n'existaient presque plus sur Terre et les lunes qu'il avait visitées étaient rocheuses et stériles.

    La végétation luxuriante autour de lui était impressionnante. À tel point qu'il ne réalisa pas immédiatement qu'il respirait déjà avec plus d'aisance. Maintenant plus détendu, il se concentra sur les bruits environnants. Proxima abritait-elle la vie animale?

    Un craquement sur sa gauche attira son attention. Il tourna la tête et c'est à ce moment qu'il l'aperçut.

    À une dizaine de mètres de lui, une forme de vie s'apprêtait à le tuer.

***

    Anya en compta deux, mais ils étaient peut-être plus. Une fois leurs casques retirés, ils semblaient humains, comme elle, même si elle n'avait jamais vu de tels vêtements. Seuls les plus hauts citoyens d'Austeen pouvaient se payer des tissus aussi complexes et jamais d'une couleur aussi pure.

    Soudain, un des arrivants retourna à l'intérieur pendant que l'autre observait les environs. Consciente de la précarité de sa situation, elle garda les yeux braqués sur lui, la corde de son arc bien tendue, prête à tirer. Elle sentait son pouls battre contre ses tempes et ses mains étaient moites, mais elle devait rester concentrée, sa vie en dépendait.

    L'étranger finit par tourner le regard dans sa direction. La stupeur envahit son visage. Aucun doute, il était maintenant conscient de sa présence.

    Anya retint sa respiration et évita de cligner des yeux. Un seul mouvement menaçant de sa part et elle relâcherait la corde.

    Ils se jaugèrent tous les deux un long moment. Un silence les enveloppa, entrecoupé par le bruit du vent à travers les feuilles. Aucun d'eux n'osa bouger.

    Après ce qui sembla une éternité, l'étranger finit par lever ses mains en l'air, des mains incontestablement humaines. Malgré son accoutrement atypique, il était évident qu'il était semblable à elle.

    Anya l'étudia un instant, relâchant légèrement la corde de son arc. Quelle était la signification de ces mains qu'il tenait au-dessus de sa tête? Hormis ce détail, le corps de l'étranger en entier parlait pour lui. Il était tendu, mais non menaçant.

    Le gardant toujours en joue, elle fit les premiers pas.

    — Qui es-tu et que fais-tu ici ?

    L'étranger écarquilla les yeux, mais ne répondit pas.

    Elle tenta une autre approche.

    — Je ne veux pas d'histoire. C'est mon territoire de chasse. Si tu cherches Austeen, la ville la plus proche, c'est à une lune de marche dans cette direction.

    Elle lui indiqua le sud-ouest d'un mouvement de tête.

    Il sembla toujours aussi perdu, mais complètement inoffensif. Bien que grand, son regard d'un brun profond était doux. Son visage paraissait fatigué, décharné et des cernes noirs soulignaient ses yeux creux. Une barbe de plusieurs jours encadrait sa mâchoire et de longs cheveux bruns crasseux reposaient attachés sur sa nuque.

    Anya hésita à garder son arc tendu. Jamais elle n'avait vu quelqu'un de si mal en point. Sans doute n'avait-il pas mangé à sa faim depuis de nombreuses lunes. Sous sa combinaison blanche devait se cacher un corps amaigri.

    D'où pouvait-il venir et que lui était-il arrivé ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top