Chapitre 27 : Le verdict ✔️

Anya marchait d'un pas rapide, faisant des allers-retours devant les statues des fondateurs. Chaque fois que les portes de bois de la Tour des Anciens s'ouvraient, son cœur s'emballait en espérant voir Maxim les franchir. L'attente sembla durer une éternité avant que ce dernier ne finisse par sortir de la Tour, le visage inquiet.

Anya se précipita aussitôt vers lui.

— Comment ça s'est passé ??

Il souleva les épaules.

— Je n'en sais trop rien. J'ai senti qu'au moins deux membres du Conseil étaient contre nous et ne voulaient pas nous laisser repartir. En revanche, Alexander avait raison à propos de l'Ancienne Chén. Elle semblait de notre côté... J'en saurais plus demain matin.

Anya lui massa doucement le dos pendant qu'il parlait, souhaitant lui donner un peu de réconfort.

— Je suis certaine qu'ils prendront la bonne décision. Alexander va parler pour toi pendant la délibération.

— Je l'espère, laissa-t-il tomber en soupirant.

Il ferma les yeux et se frotta les sourcils, chose qu'il faisait toujours lorsqu'il était inquiet ou contrarié.

— Est-ce que ça te dérange si on retourne chez ton grand-père ? J'aimerais me reposer et... et être seul pour mieux réfléchir.

Anya acquiesça. Elle comprenait très bien son besoin de solitude. En silence, elle l'accompagna jusqu'à la maison d'Alexander et le laissa seul pour qu'il prenne un peu de repos. Puisqu'elle avait du temps à tuer, elle décida de déambuler sans buts dans les quartiers d'Austeen avant de finalement opter pour une visite à la boutique de Dimitri. Peut-être aurait-il besoin d'aide pour quelques projets.

Lorsqu'elle revint chez son grand-père juste avant le lever de la lune, Stuart lui annonça qu'Alexander n'était toujours pas de retour de l'assemblée. Elle découvrit Maxim dans la bibliothèque, le nez plongé dans un livre épais et poussiéreux. Il leva la tête pour la saluer du regard et se replongea dans sa lecture. Un peu déçue de son accueil, elle le laissa à sa lecture et mangea un morceau à la cuisine avant de rejoindre son lit, qu'elle trouva grand et froid sans sa présence. Ce n'est que beaucoup plus tard durant la lune que Maxim vint le retrouver.

Le lendemain, ils se présentèrent tôt à la Tour des Anciens pour recevoir le verdict. Depuis son réveil, Maxim avait gardé le silence, perdu dans ses pensées, malgré les tentatives d'Anya de le rassurer ou lui changer les idées.

Cette fois-ci, le garde qui avait la charge de Maxim permit à Anya d'assister à la déclaration du Conseil, le jugement étant d'intérêt public. Elle s'assit près d'Alexander et observa la salle qui lui rappelait un souvenir désagréable.

Maxim se positionna au bout de l'allée, en face du Conseil. Elle n'arrivait pas à lire les émotions sur son visage qui était fermé. Il restait là, stoïque, en attendant son verdict.

Pour sa part, Anya était partagée quant à ce qu'elle espérait. D'un côté, elle ne désirait pas que le Conseil empêche Maxim de partir. Mais une autre part d'elle-même souhaitait qu'il reste ici. Le ventre crispé, elle tenta de contrôler cette nervosité qui ne voulait la quitter.

Un homme assis près de l'estrade se leva et la ramena à la réalité.

— Maxim Evans. Terrien. Demande d'amnistie. Verdict, déclama-t-il d'un ton monocorde avant de se rasseoir.

Une fois l'assemblée silencieuse, l'Ancien Voronov prit la parole.

— Merci de votre patience, Monsieur Evans. Vous vous en doutez, notre délibération n'a pas été facile. On m'a chargé de vous annoncer que le Conseil rejette votre demande d'aide. Nous ne pourrons vous fournir le propulseur nécessaire pour votre retour sur Terre. De plus, toute tentative de quitter Proxima et rejoindre la Terre sera condamnée par le Conseil. La peine, si vous décidez de désobéir, sera la mort immédiate.

Une vague de protestation suivit l'annonce de l'Ancien. Anya fut elle-même surprise du verdict. La peine de mort était peu fréquente. Le Conseil utilisait le plus souvent l'exclusion dans le désert. Bien sûr, cela revenait pratiquement au même, mais laissait quand même une chance de survie.

Anya jeta un œil sur Maxim, toujours debout face à l'estrade, les poings serrés de chaque côté de son corps, la mâchoire crispée.

L'Ancien Voronov fit taire l'assemblée avant de poursuivre.

— Cependant, le Conseil vous permet, vous ainsi que vos amis, de vivre parmi nous comme citoyen libre. Certains Anciens désirent même rencontrer chacun d'entre vous pour faire une analyse de vos gènes. Notre peuple pourrait bénéficier de nouveau sang dans ses rangs.

C'est à ce moment que le calme apparent de Maxim s'effondra :

— C'est n'importe quoi ! Non seulement vous nous gardez prisonniers sur cette planète, mais en plus vous voulez vous servir de nous comme des cobayes reproducteurs !? Vous entendez vos conneries ?!

Des murmures suivirent l'explosion de Maxim. Anya sentit son estomac se contracter. Maxim ne comprenait pas l'honneur qui lui était accordé. Tous n'avaient pas la possibilité d'enfanter si facilement. Cet honneur n'était qu'octroyé aux Seigneurs ou à ceux qui donnaient à la communauté. Elle eut soudain envie d'aller le rejoindre, de lui expliquer ce qui lui était offert. Alexander sentit sans doute son trouble, car il posa la main sur son épaule pour lui intimer de rester à sa place.

L'Ancienne Chén calma la foule avant de prendre la parole à son tour :

— Nous comprenons votre désarroi et nous le partageons. Toutefois, sachez que vous n'êtes pas prisonnier. Notre seule demande est de ne pas retourner sur la Terre afin de garder notre existence secrète. Vous pourrez vivre comme vous le souhaitez, vous serez accueillis et intégrés comme tout Proximien, si, bien entendu, vous respectez nos lois et coutumes. Notre peuple serait ravi de vous compter parmi nous, vous et votre descendance. Si bien sûr vous avez le désir d'en avoir une. Sachez que personne ici ne vous obligera à mélanger votre patrimoine génétique au nôtre.

Tout en prononça sa dernière phrase, elle balaya l'assemblée et les Conseillers du regard, afin de s'assurer que tous avaient compris l'avertissement.

Maxim était manifestement furieux, mais ne rajouta rien.

L'Ancien Voronov fit un signe de tête à l'homme près de l'estrade qui se leva aussitôt.

— Maxim Evans. Terrien. Refus.

Maxim lâcha un rire amer avant de tourner les talons, ce qui en disait long sur son opinion de situation. Il quitta la salle du Conseil sans un regard pour Anya ni Alexander. Celle-ci bondit de son siège et se précipita pour le rejoindre alors qu'il descendait les marches avec rage. Anya ne l'avait jamais vu dans un tel état, lui qui était de nature calme et égale, un nuage de colère semblait flotter au-dessus de lui.

En sortant de la Tour, il finit par s'arrêter sans crier gare et se retourner vers elle.

— On passe chez le forgeron et ensuite on quitte cette foutue ville !

Il pivota ensuite sans attendre une réponse de sa part et continua son chemin. Après quelques pas cependant, il stoppa de nouveau et pivota encore une fois, d'un air découragé.

— Tu peux m'indiquer le chemin, c'est un vrai labyrinthe ici...

Anya prit les devants sans discuter et emprunta d'un pas rapide le chemin qui menait au quartier des artisans. Ils récupérèrent la pièce de métal commandée en échange de crédits et prirent la direction du campement.

Le retour parut excessivement long et tendu pour Anya. Maxim était silencieux et d'une humeur massacrante. Elle tenta à quelques reprises de placer un commentaire sur la température agréable qui contrastait avec son humeur ou lui nommer l'animal qu'on entendait, mais Maxim ne se donnait pas la peine de lui répondre ou le faisait par monosyllabes ce qui mettait fin à toute conversation. Un gouffre énorme se formait entre eux, sans qu'elle n'ait pu faire quoi que ce soit. Elle comprenait sa frustration face au verdict, mais elle avait l'impression que sa colère était dirigée contre elle et non contre le Conseil. Elle n'était pas responsable des décisions de son peuple qui, dans un sens, désirait seulement préserver ce qu'il avait construit sur Proxima.

En arrivant au campement en fin de journée, ils trouvèrent Tom et Élizabeth à l'intérieur de la cabane, s'apprêtant à se coucher. Sentant que Maxim voudrait leur parler en privé, elle déposa son sac de voyage près de son lit puis sortit afin de les laisser discuter ensemble. Sa place, ce soir, n'était pas au côté de Maxim. Et elle ignorait si un jour elle le serait encore. 

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