Chapitre 17 : Élizabeth ✔️
Le lendemain, tous purent constater qu'Élizabeth était en pleine forme. Assez pour engueuler Maxim qui se sentait coupable et envoyer promener Tom qui lui conseillait de rester couchée.
Elle désirait même retourner à la navette pour continuer les travaux, prétextant vouloir « quitter cette foutue planète au plus vite », mais Maxim s'y opposa fermement. Après un long débat et quelques insultes lancées par Élizabeth, Anya se proposa de rester au campement avec leur amie pendant que Tom et Maxim iraient avancer les réparations. C'était de toute façon la mieux placée pour veiller sur Élizabeth et s'assurer qu'elle était bien rétablie.
Les deux amis partirent donc en ensemble en milieu d'avant midi dans l'optique de revenir le jour suivant.
Lorsqu'ils arrivèrent au site d'atterrissage, Maxim constata que les travaux étaient déjà bien avancés. Tom avait réparé et remis en marche deux panneaux solaires et une des batteries était maintenant rechargée, acheminant assez de courant pour l'ordinateur de bord.
Maxim s'occupa du trou dans la coque. Il prit en note les dimensions de la brèche dans l'espoir de trouver un forgeron à Austeen capable de leur fabriquer une plaque de métal résistante à la chaleur.
Il effectua par la suite le débosselage de certaines parois pendant que Tom travaillait dans un panneau électrique sur le côté du vaisseau. Ils en profitèrent pour discuter de la situation et du programme à venir.
— Je me trompe où tu sembles apprécier notre petit séjour sur Proxima, lança Tom entre deux coups de marteau de Maxim.
Ce dernier arrêta son tapage pour réfléchir à la question.
— Hormis l'épisode d'hier où on a failli perdre Éli tu veux dire ?
— Euh ouais. Si on ne tient pas compte de ce minuscule petit détail de rien du tout, ironisa Tom.
Maxim sourit. Sans doute pour la première fois depuis deux jours. Le danger était peut-être écarté, mais il ne pouvait s'empêcher d'y penser encore et de s'en vouloir. Même si Élizabeth l'avait invectivé à ce propos. Il prit tout de même le temps de répondre à la question de son ami.
— Tu as raison. J'apprécie vraiment cet endroit.
— L'endroit ou Anya, se moqua Tom.
Maxim, qui s'apprêtait à lancer un nouveau coup de marteau, s'arrêta net.
— Qu'est-ce que tu veux dire ?
— Avant-hier, la fumée te sortait par les oreilles quand Arkadi s'est collé à elle pour la réchauffer.
Maxim tapota sur le métal inconsciemment, ne sachant trop quoi répondre.
— Je... je trouve juste qu'il est un peu trop sûr de lui, bredouilla Maxim.
Tom émit un son dubitatif avec sa langue, lui faisant comprendre qu'il ne le croyait pas. Maxim continua ses coups de marteau avant de changer de sujet.
— Toi, tu aimes être ici ?
— Oui et non. Je commence à m'ennuyer de chez moi. Ça fait quoi... bientôt dix mois que nous avons quitté la Terre ? La planète est fascinante, mais je m'ennuie de prendre une bonne douche chaude et manger de la pizza bien graisseuse.
Maxim sourit à cette idée, bien qu'il ne ressentait pas le même empressement que son ami. Certes, il s'ennuyait du confort qu'offrait la vie sur Terre, mais rien ne l'attendait là-bas. Sa mère était morte d'un cancer lorsqu'il venait d'avoir douze ans et son père l'avait suivie une dizaine d'années plus tard. De nature plutôt taciturne, il n'avait pas beaucoup d'amis et son métier ne lui permettait pas vraiment de créer des relations à long terme. Il passait la majeure partie de son temps sur des chantiers miniers lunaires où le roulement de personnel était fréquent. Son minuscule appartement en ville, encerclé d'édifices gris et mornes, ou ses quartiers sur Titania ne lui manquaient pas si on les comparait à la splendeur de la forêt qui l'entourait. Le vert, le bleu, l'orangé des arbres mêlés à l'odeur d'humidité et de fraicheur des bois l'enivraient.
Le visage d'Anya s'immisça tout à coup dans ses pensées. Ses cheveux tressés, son parfum délicieusement fruité, ses lèvres roses invitantes, ses yeux qu'il rêvait de revoir émeraudes... Non, il n'avait pas envie de dire au revoir à tout cela.
***
Après le départ de Tom et Maxim, Anya proposa à Élizabeth de se reposer encore une peu. Sans grande surprise, celle-ci refusa catégoriquement.
— J'espère que tu ne passeras pas les deux prochains jours à me materner, cracha-t-elle. Je me sens mieux et l'exoscan dit que je suis en parfaite santé. Faut lâcher prise un peu !
— D'accord.
C'était la seule chose qu'Anya trouva à répondre.
— J'aimerais aller me laver si ça ne te fait rien, reprit la Terrienne d'un ton toujours aussi sec.
Anya acquiesça, la laissant faire à sa tête. Elle avait vite compris, après quelques jours à partager son espace avec la pilote, qu'elle avait la tête dure et qu'on pouvait rarement lui faire changer d'idée.
Élizabeth attrapa des vêtements propres avant de quitter la cabane. Pendant son absence, Anya en profita pour faire le tour des collets autour du campement. Elle revint un peu plus tard, retrouvant une Élizabeth assise à la table, penchée sur des papiers. Elle jouait avec un crayon qu'elle faisait tourner d'un doigt à l'autre avec une agilité surprenante. Elle paraissait absorbée par des calculs avancés à en voir les gribouillis sur sa feuille.
Anya opta pour la laisser tranquille et s'installa à l'extérieur afin de tailler de nouvelles flèches. Elle s'affaira ensuite à dépecer ses prises récoltées un peu plus tôt. Leur première journée ensemble se termina sans qu'elles n'échangent d'autres paroles, ce qui fit l'affaire d'Anya.
Le lendemain, alors qu'elle était penchée à désherber le jardin, Élizabeth vint la rejoindre. Anya leva le regard vers elle et s'efforça de lui offrir un sourire. La petite blonde parut hésiter un instant avant de s'approcher d'elle et se lancer :
— Je... tu...
Elle arrêta de parler puis poussa un long soupir.
— Bon, je vais aller droit au but, reprit-elle. Maxim m'a demandé de t'aider pendant son absence si je me sentais mieux. Je n'y connais rien en chasse, en pêche ou truc du genre. Y'a quelque chose que je peux faire de pas trop compliqué ?
Anya réprima un sourire. Élizabeth avait le mérite d'être directe. Il était manifeste qu'elle n'avait pas envie de l'aider, qu'elle se sentait obligée. Elle regarda autour d'elle pour lui trouver quelque chose à faire. Une idée lui traversa l'esprit.
— Tu t'y connais en soins ?
— Euh oui... j'ai une formation en médecine de base, comme la plupart des pilotes.
— Tu veux m'aider à cueillir certaines herbes ? Je dois refaire ma réserve de produits médicinaux et préparer une pommade anesthésiante. En te soignant, j'ai réalisé que certains de mes remèdes avaient pris l'humidité.
Élizabeth haussa les sourcils un instant, mais rapidement un sourire franc illumina son visage.
— J'aimerais beaucoup, oui !
Elles passèrent donc une bonne partie de la journée dans le jardin ainsi que dans les bois à récolter toutes sortes d'herbes aux propriétés médicinales. Élizabeth la questionna longuement sur chaque plante pour connaître son utilisation ainsi que les méthodes de préparation. Elle l'interrogea aussi sur le savoir médical des Proximiens. Elle fut surprise d'apprendre qu'Austeen avait son propre hôpital. La médecine était très avancée malgré la rareté des maladies sur Proxima. Plusieurs gènes porteurs de pathologies graves furent éliminés grâce à une sélection minutieuse des Seigneurs qui assuraient la descendance.
Anya se félicita de lui avoir proposé cette activité. Elle voyait Élizabeth sous un autre jour. La terrienne était presque sympathique.
Alors qu'elles attachaient des herbes ensemble pour les faire sécher dans la remise, Élizabeth brisa un silence confortable qui s'était installé entre eux.
— Je voulais te remercier pour hier. Tu m'as sauvé la vie.
— De rien, répondit simplement Anya.
Élizabeth sourit avant de continuer.
— Je comprends pourquoi Maxim t'apprécie autant.
Ce commentaire surprit Anya et sans qu'elle ne sache pourquoi, son cœur s'affola l'espace de quelques grains de sable. Ne sachant quoi répondre, elle se contenta de hocher la tête et se concentra sur la corde qu'elle enroulait autour de son bouquet d'herbes.
— Tu lui ressembles beaucoup, tu sais, continua Élizabeth qui attrapa de nouvelles tiges dans le panier. Sans lui, dans le vaisseau, je crois que nous serions devenus fous. Il était le pilier qui nous ramenait à la raison Tom et moi. C'est lui qui nous a aidés à tenir le coup.
Anya hocha la tête, silencieuse. Elle sentait qu'Élizabeth avait tout simplement besoin de parler de cette épreuve sans qu'elle participe à la conversation.
— Tu es un peu comme lui : posée et réfléchie.
Elle sembla hésiter un instant avant de rire doucement.
— Et tu parles peu, ce qu'il apprécie, j'en suis certaine. Disons qu'il s'isolait souvent quand Tom et moi on lui cassait trop les oreilles !
Anya sourit, comprenant très bien ce que Maxim avait pu ressentir. Elle s'imagina dans un espace restreint avec Tom et Élizabeth. Impossible de ne pas devenir folle.
— Je vous souhaite sincèrement de retrouver votre vie d'avant, dit Anya après un moment. Ce doit être difficile d'être si loin de chez soi, dans un endroit qui doit être si différent.
Élizabeth hocha la tête en silence, mais Anya crut apercevoir une larme dévaler sa joue lorsqu'elle se retourna pour accrocher son bouquet avec les autres.
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