Chapitre 12 : Mise au point ✔️

Le reste de la journée, Maxim suivit Anya dans quelques boutiques de la ville afin de se procurer des provisions manquantes au campement. Il en profita pour se renseigner sur l'alimentation générale des Proximiens. Farine, sel, feuilles de tisane, œufs, lait, fromages, beurre, légumes et fruits agrémentaient les différents étalages présents dans les commerces. Il avait la vague impression d'être encore sur Terre, mais d'avoir fait un voyage dans le temps. La plupart des aliments étaient simples, peu transformés et faits à la main.

Il eut même l'occasion d'observer un enclos où poules, moutons et chevaux broutaient paisiblement. D'autres animaux d'élevage étaient présents, mais il ne pouvait les identifier. Son regard s'attarda sur une bête tachetée brun et noir, bas sur pattes, qui ressemblait à un mélange de vache et de porc.

— C'est une korova, un animal originaire d'ici, lui apprit Anya, voyant que la bête avait capté l'attention de Maxim. Nous l'utilisons surtout pour sa viande, mais plusieurs l'élèvent aussi comme animal de compagnie. Ce sont des animaux très affectueux.

Comme si elle savait qu'ils parlaient d'elle, la korova leva la tête de son bol d'eau et jeta un regard curieux vers eux.

Une fois les emplettes terminées, ils retournèrent dans le quartier des Anciens, mais cette fois-ci pour emprunter le chemin qui encerclait la grande tour.

— Voilà la maison de mon grand-père, annonça Anya.

Ils s'arrêtèrent devant une modeste demeure de deux étages, faite en pierre et d'un toit de bois bleu.

À la vue de leur destination, Maxim sentit une certaine nervosité l'envahir. Un repas avec un haut placé de Proxima l'inquiétait. En tant qu'étranger, il devait faire bonne impression, surtout s'il voulait que l'Ancien les aide à retourner sur Terre. Et surtout, pour une raison qu'il ignorait, le fait qu'il soit le grand-père d'Anya le rendait encore plus anxieux.

— Je peux te poser une question avant d'entrer ? demanda Maxim.

— Oui, laquelle ?

— Quelle est la variation de ton grand-père ? Je... Je ne voudrais pas commettre une erreur ou un faux pas. Imagine s'il a un troisième œil ou une deuxième langue. Je risque de le dévisager toute la soirée !

À sa grande surprise, Anya éclata de rire.

— Il en a plusieurs, répondit-elle entre deux gloussements. Mais la principale est sa mémoire. Il peut retenir toutes les informations qu'il reçoit par ses sens. Il peut également analyser et comprendre le langage non verbal de n'importe quel être vivant. J'ai aussi des traces de ces variations dans mes gènes, mais à plus petite échelle.

Maxim haussa les sourcils, surpris. Jusqu'à maintenant, il pensait que la singularité des yeux d'Anya était sa seule variation. Jamais il n'aurait imaginé qu'elle puisse avoir d'autres capacités aussi incroyables.

Devant son air ahuri, Anya lui offrit un sourire timide avant de s'approcher de l'habitation. Elle utilisa le heurtoir sur la porte pour signaler leur présence.

En quelques secondes à peine, un homme d'un certain âge, habillé de manière élégante, ouvrit la porte pour les accueillir:

— Bonjour, Dame Anya.

— Bonjour Stuart ! Comment allez-vous ?

— Très bien, merci. Lord Alexander vous attend dans le salon. Je vais vous y conduire.

— Ça ira, Stuart, je connais le chemin, répondit Anya tout en entrant dans la maison, Maxim sur ses talons.

Alexander les accueillit dans le salon d'un sourire chaleureux. Il semblait très heureux de les voir. Après avoir échangé quelques banalités, ils s'installèrent dans la salle à manger où le repas fut servi.

Plusieurs plats fumants de viande, de féculents et de légumes furent déposés sur la table. Les odeurs alléchantes vinrent chatouiller avec délice les narines de Maxim. Les parfums exotiques se mélangeaient aux arômes de la viande cuite et bien assaisonnée. Maxim ne se fit pas prier pour se servir à maintes reprises et goûter à tous les mets servis.

Pendant le repas, Alexander commença par s'intéresser à Anya. Il lui demanda si elle était toujours heureuse d'avoir choisi sa vie dans les bois. Celle-ci semblait satisfaite et raconta quelques histoires sur ses dernières chasses avec entrain.

Alorsqu'Anya relatait leur rencontre avec le krocom, Maxim ne put s'empêcher de lacontempler. Elle était si belle lorsqu'elle s'ouvrait ainsi. Son visage parsemé de minuscules taches de rousseur s'animait, faisant disparaître son air sérieux habituel. Ses yeux teintés de rose étaient encore plus étincelants que toutes les étoiles que Maxim avait pu voir ces neuf derniers mois.

Magnifique. C'était le seul mot pour la décrire en cet instant. Et il se surprit à espérer qu'elle s'ouvre à lui un jour comme elle le faisait avec son grand-père.

La sensation d'un regard posé sur lui sortit Maxim de ses rêveries. Il surprit Alexander l'épier du coin de l'œil. Sa bouche était retroussée dans un sourire amusé. Pris en flagrant délit, il ne put retenir l'afflux sanguin qui monta vers visage. Bon sang ! Il devait vraiment faire attention à son comportement devant Alexander. Avec sa variation, aucun doute qu'il verrait l'attirance que Maxim ressentait envers sa petite-fille. Il inspira un grand coup et s'efforça de fixer son attention sur les paroles de la belle Proximienne.

Un peu plus tard durant le repas, Alexander questionna Maxim à propos de la Terre. Il voulut connaître son évolution des dernières années, les nations encore présentes ainsi que les développements en aérospatiale. Maxim fut heureux de répondre à toutes ses interrogations au meilleur de ses connaissances. Il lui expliqua que plusieurs pays n'existaient plus, à la suite d'invasions par leurs voisins. Certains continents s'étaient unis en une seule nation comme l'Europe et les Amériques. Les ressources naturelles se faisaient de plus en plus rares et les différents gouvernements se les arrachaient. L'exploration spatiale avait également fait beaucoup d'avancées dans les dernières années et depuis une cinquantaine d'années, quelques colonies minières s'étaient établies sur plusieurs lunes du système solaire ainsi que sur Mars.

— Vos dirigeants désirent-ils encore venir coloniser Proxima B ? demanda Alexander à la suite de toutes ces explications.

— En fait, je n'ai même jamais entendu parler du projet de colonisation qui vous a mené jusqu'ici. Des missions pour coloniser Mars et Titan ont été lancées dans le passé, mais seulement quelques mines y sont restées actives. Aucune colonie n'existe en dehors de la Terre... Du moins, c'est ce que je croyais avant de découvrir Proxima B.

— Je pense, ajouta Anya, que nous sommes maintenant plus qu'une colonie terrienne, nous sommes un peuple à part entière.

— Je suis d'accord, acquiesça Maxim.

Alexander hocha la tête, mais son regard se perdit dans ses pensées.

Le reste de la soirée se déroula dans la même ambiance. Maxim en apprit un peu plus sur Proxima B, plus simplement appeler Proxima par ses habitants. Alexander lui proposa d'emprunter des livres de sa collection personnelle qui traitaient de l'histoire et la géographie de la planète. Il les convia ensuite à passer la nuit dans ses chambres d'invités.

Le lendemain, Maxim se réveilla frais et dispo, après avoir dormi dans un lit confortable. Plus confortable que le sol dur de la forêt ou celui de la cabane d'Anya.

Une fois leur petit-déjeuner englouti, ils dirent au revoir à Alexander. Celui-ci promit à Maxim qu'à leur prochaine visite, après les éclipses, le Conseil serait au courant de sa situation et pourrait certainement les aider pour leur retour sur Terre.

Maxim et Anya quittèrent donc Austeen en début de matinée pour reprendre le chemin du campement. Le voyage fut beaucoup plus facile pour Maxim. La route était en pente douce descendante et il était déterminé à retrouver la forme. Il en profita pour repousser un peu plus ses limites. Même si la forêt exotique autour de lui l'éblouissait toujours autant, il refréna à plusieurs reprises son envie d'observer plus en détail un arbre ou un insecte. De toute façon, il avait appris sa leçon. Deux fois plutôt qu'une. Plus jamais il ne toucherait à quoi que ce soit ou s'éloignerait dans les bois sans guide.

Leur rythme fut soutenu et malgré les deux pauses qu'ils firent en cours de route, ils atteignirent le campement un peu après le lever de la lune. Tom et Élizabeth semblaient déjà dormir lorsqu'ils pénétrèrent dans l'habitation et ils ne tardèrent pas à rejoindre leur couche, épuisés de leur expédition.

***

— Debout la belle au bois dormant ! se moqua Tom en poussant l'épaule de Maxim.

Maxim ouvrit à demi les yeux en grognant. Tom, debout à côté de sa couche, le menaçait une branche qui lui servait de béquille.

— Allez, homme des bois viril ! plaisanta-t-il d'un voix grave. On se réveille. On retourne voir le vaisseau aujourd'hui et comme je me suis plus lent qu'un escargot unijambiste, on doit partir tôt !

Maxim se redressa dans son lit avec difficulté. Tous les muscles de son corps protestaient suite à la marche soutenue d'hier. Il se passa une main dans le visage pour essayer vainement d'effacer les traces de sommeil.

— Hmm... un petit-déjeuner et je suis prêt pour l'action, ironisa Maxim, la voix toujours endormie.

Il regarda autour de lui.

— Anya n'est pas là ?

— Non, elle était déjà partie avant mon réveil, répondit Élizabeth qui lui apportait un plat rempli de fruits. Viens nous rejoindre dehors quand tu seras prêt.

Maxim mangea son déjeuner avec appétit, enfila ses vêtements proximiens et alla rejoindre ses amis à l'extérieur.

— Ouah ! Il ne manque pas grand-chose avant que tu deviennes un des leurs, se moqua Élizabeth en le voyant apparaître avec sa nouvelle tenue.

Maxim lui adressa un bref sourire.

— Ça semblait plus pratique d'être habillé ainsi à Austeen. C'était plus facile de passer inaperçu. Je ne suis pas certain que notre venue soit appréciée de tous.

— Qu'est-ce que tu veux dire ? s'inquiéta Élizabeth.

Il souleva les épaules.

— Les gens se méfient toujours des étrangers.

— Ouais, surtout quand il débarque d'une autre planète ! plaisanta Tom. Sur Terre, on serait du genre à sortir les gros canons.

— C'est une des choses qui me dérange justement, avoua Élizabeth qui se mordillait les lèvres. On est trop bien accueilli ici. Si j'étais Anya, il y a longtemps que je nous aurais foutu à la porte. Pourtant, elle nous loge, nous nourrit sans exiger quelque chose en retour. Soit c'est une sainte, soit elle est juste stupide.

— Anya n'est pas stupide ! aboya Maxim.

Ses amis sourcillèrent et il regretta aussitôt son emportement.

Il soupira puis reprit d'un ton plus calme :

— Mais tu as raison sur un point. Des quelques Proximiens que j'ai croisés, un seul s'est montré plus méfiant. Mais seul le grand-père d'Anya est au courant de notre origine.

Maxim prit le temps de leur raconter son voyage à Austeen tandis qu'ils se mirent en route vers le vaisseau. Il parla des rencontres qu'il avait faites. Hormis Arkadi, qui semblait méfiant et même peut-être un peu hostile à sa présence, les autres proximiens lui avaient réservé un accueil plutôt chaleureux.

Selon les estimations de Maxim, le trajet jusqu'au vaisseau devait faire trois ou quatre kilomètres, mais avec Tom qui se déplaçait avec des béquilles improvisées, ils mirent un bon moment pour s'y rendre. Sa jambe cassée était en voie de guérison, grâce aux soins d'Élizabeth et ses injections qui accéléraient la réparation de ses os. La marche semblait pénible pour lui, mais fidèle à ses habitudes, il ne se plaignait pas. Il plaisanta plutôt qu'il avait tellement hâte de revoir sa navette adorée, l'amour de sa vie, qu'il pouvait supporter n'importe quelle douleur pour être avec elle. 

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