Chapitre 11 : Alexander ✔️

Anya pénétra dans la Tour des Anciens sans même attendre Maxim, sachant qu'il la rattraperait. Embarrassée et furieuse en même temps, elle avait de la difficulté à comprendre les émotions qui la submergeaient. 

Maxim l'avait surprise en sortant de l'arrière-boutique. Jusqu'à maintenant, elle le voyait comme un simple étranger, un voyageur d'une autre planète. Jamais elle n'aurait cru le trouver aussi séduisant avec des vêtements proximiens. Sa tunique de cuir, mieux ajustée que le chandail ample qu'il portait, s'harmonisait avec ses yeux marrons, presque noir. Ses pantalons moulaient admirablement ses cuisses et son fessier. Avant qu'elle ne puisse réagir, le vert avait aussitôt pris la place du bleu dans ses yeux.

 Et Maxim l'avait remarqué.

Mais pour ce qui est de Dimitri, elle l'aurait étripé. Par sa faute, Maxime connaissait dorénavant la signification du vert dans ses yeux. En plus d'être inutile, cette stupide variation l'empêchait de cacher ses émotions. Elle ne voulait surtout pas donner à Maxim l'impression qu'il l'intéressait, surtout qu'elle-même ignorait si c'était le cas. Elle était là pour les dépanner, un point c'est tout. 

Anya soupira et tenta d'écarter ses pensées. Elle devait se concentrer sur la prochaine étape : trouver son grand-père et lui présenter Maxim. Si quelqu'un pouvait les aider, c'était bien Alexander.

Pendant qu'elle attendait le Terrien, elle laissa ses yeux s'habituer à la lumière feutrée du hall de la Tour des Anciens. L'odeur familière de livres et de poussière envahit ses narines et le silence enveloppant l'aida à se calmer.

Depuis qu'elle était toute petite, la Tour était son endroit préféré. Tant de savoir reposait en ce lieu. Une vie entière était insuffisante pour acquérir toutes les connaissances entassées dans les vieux livres de la bibliothèque des Anciens.

Lors de son séjour à l'Académie, elle traversait régulièrement la route qui séparait son école de la Tour. Elle passait de nombreuses heures à lire, tapie derrière des rangées d'étagères craquant sous le poids des livres. Encore aujourd'hui, au cours de ses passages en ville, elle revenait souvent tourner quelques pages en souvenir d'un autre temps.

Du coin de l'œil, elle vit que Maxim l'avait rejointe. Il observait le grand hall avec des yeux ronds.

— Viens ! Mon grand-père doit être dans une salle d'étude.

Sans attendre, Anya fila vers le grand escalier qui longeait les murs. Elle grimpa les cinq premiers étages, Maxim sur ses talons. Les premiers paliers de la Tour des Anciens contenaient des centaines d'étagères dédiées aux livres de physique, biologie, mathématiques et autres sciences diverses. Au sixième étage se trouvait une immense salle à aire ouverte utilisée pour l'étude. Anya sonda la pièce, mais n'y vit pas son grand-père parmi les autres Anciens, plongés dans des livres ou griffonnant des notes dans leurs cahiers.

— Il n'est pas ici... Allons voir à son bureau.

Ils reprirent les marches jusqu'à l'étage suivant. Au lieu d'un espace ouvert, celui-ci était composé de plusieurs couloirs. Anya emprunta le premier et s'arrêta devant la porte qu'elle cherchait. Une plaque de métal sur le mur indiquait qu'elle se trouvait au bon endroit : le bureau d'Alexander Huáng.

Elle cogna.

— Entrez ! retentit une voix grave et chaleureuse.

Anya ouvrit le battant pour y passer la tête, un sourire timide sur les lèvres. Elle vit son grand-père penché sur son bureau, un crayon à la main.

— Dada c'est moi, je peux te déranger ?

Alexander se tourna vers elle et son visage usé par l'œuvre du temps s'illumina dès qu'il la reconnut.

— Anya, ma chérie ! Bien sûr que tu peux entrer !

L'Ancien aux cheveux gris et à la barbe bien entretenue se leva, prêt à l'accueillir.

— Je voulais te présenter quelqu'un, annonça Anya.

Elle ouvrit la porte plus grande pour laisser la place à Maxim. Alexander sourcilla puis un sourire en coin se dessina sur son visage.

— Voudrais-tu m'annoncer une bonne nouvelle par hasard ?

Anya sentit ses joues se teinter de rouge.

— Dada ! Non ! Ce n'est pas ce que tu crois !

Le grand-père d'Anya émit un léger rire. De petites rides se formèrent autour de ses yeux bleu azur qui pétillaient de malice.

— Très bien, très bien. Entrez, mes enfants. Voyons ce que je peux faire pour vous.

Anya et Maxim pénétrèrent dans la pièce exiguë. Un secrétaire, deux chaises de bois et des étagères de livres désordonnées meublaient l'endroit. L'odeur de poussière était encore plus prononcée dans le bureau et plusieurs piles de papier pêle-mêle étaient disposées ici et là.

Ils s'assirent tous les deux en face d'Alexander qui reprit sa place. Il scrutait le nouveau venu avec attention.

— Je te présente Maxim, commença Anya.

Alexander hocha la tête en signe de salutation et la laissa continuer.

— Maxim est, disons... Il ne vient pas d'ici.

Voyant que son grand-père était prêt à l'écouter, Anya se lança dans le récit de sa rencontre avec le Terrien, en passant par la découverte du vaisseau, la rencontre avec les trois membres de l'équipage et sa stupéfaction lorsqu'elle avait appris qu'ils venaient de la Terre. Anya n'épargna aucun détail. Elle savait qu'elle pouvait lui faire confiance. Alexander était tout ce qui lui restait de famille depuis la mort de ses parents. Il l'avait recueilli lors de son déclassement et l'avait encouragée quand elle lui avait annoncé qu'elle désirait reprendre le camp de chasse familiale. Avec son statut d'Ancien, c'était le mieux placé pour savoir quoi faire avec les Terriens.

Durant le récit, Alexander resta silencieux, se contentant de hocher la tête de temps en temps ou relever ses sourcils broussailleux avec stupéfaction. Une fois l'exposé terminé, un long silence s'installa dans la pièce.

Son grand-père frotta sa barbe de ses doigts tachés d'encres, perdu dans ses réflexions. Après ce qui parut une éternité aux yeux d'Anya, il prit la parole :

— Eh bien ! Je crois que la première chose à dire dans ces circonstances est : bienvenue ?

Anya, qui s'attendait à tout comme réaction de la part de son grand-père sauf celle-là, coupa Maxim avant qu'il ne puisse répondre.

— Bienvenue ? C'est tout ce que tu trouves à dire ? Tu te rends compte, Dada ? Il vient d'une autre planète, il vient de la TERRE !

— Oh là ! Pas besoin de parler si fort ma petite. Je ne suis pas encore sourd ! Bien sûr que j'ai compris. Et puis il est indéniable qu'un jour ou l'autre cela se produirait. Je n'étais pas certain que ce serait de mon vivant, mais forcément, cela devait arriver. Pour être honnête, je suis soulagé que leur venue ici ne soit qu'une erreur de parcours. Cela nous laisse encore du temps.

— Du temps pour quoi ? l'interrompit Maxim.

— Du temps, mon petit, du temps...

Maxim fronça les sourcils et interrogea Anya du regard. Elle secoua la tête, ignorant elle aussi la signification des propos énigmatiques de son grand-père.

Un moment de silence passa avant qu'Anya ne reprenne la parole.

— Dada, je t'ai aussi amené Maxim pour savoir si tu pouvais l'aider.

— En effet, continua Maxim qui semblait intimidé par l'homme qu'il avait devant lui. En s'écrasant sur Proxima, notre vaisseau a subi des dégâts. Mon coéquipier pense pouvoir le réparer, mais aura besoin de certains matériaux précis. Notre propulseur est endommagé, ainsi que certains panneaux solaires. Il nous faut également du carburant pour retourner sur Terre, de l'argon si possible. Anya m'a dit que vous pourriez nous aider.

Alexander hocha la tête, ses doigts jouant toujours avec sa barbe.

— C'est possible, mon garçon... Mais je dois en parler au Conseil. Il se réunit à la prochaine série d'éclipses.

— Combien de jours environ avant cette... série d'éclipses ? demanda Maxim à Anya.

— Une vingtaine de lunes. Ou jours si tu préfères.

Maxime se frotta les sourcils avant d'acquiescer.

— D'accord. Nous aurons ainsi le temps d'effectuer les autres réparations sur le vaisseau. Je vous remercie à l'avance de votre aide, monsieur.

L'Ancien balaya l'air de sa main et un sourire releva sa bouche.

— Allez allez ! Appelle-moi Alexander. Pas de formalités entre nous, mon garçon. Mais en échange de ce service, j'aimerais quelque chose.

Le corps du Terrien se raidit de manière presque imperceptible, mais assez pour qu'Anya le remarque.

— Quoi donc ? demanda-t-il.

— J'exige que vous veniez chez moi pour le repas du soir. Et surtout, j'exige la permission de te poser toutes les questions que je veux sur la Terre, affirma le vieil homme, les yeux brillants comme ceux d'un enfant.

Maxim sourit.

— Je répondrai à vos questions avec plaisir... Alexander.

— Parfait ! Je vous attends ce soir alors !

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