Bonus : Chapitre 3 du tome 2


Élizabeth sortit de sa chambre pour se diriger vers les escaliers qui la menèrent au rez-de-chaussée. S'engageant dans le seul corridor de la résidence, elle croisa une porte ouverte sur la bibliothèque. La grande pièce était vide, ce qui l'étonna. Elle avait l'habitude d'y voir l'Ancien plongé dans un livre à toute heure du jour et de la nuit, ou plutôt la lune. Elle grimaça en même temps qu'elle corrigea sa pensée. Elle n'arrivait pas à s'acclimater à la façon dont les Proximiens nommaient la nuit, même si elle y voyait la logique. Quoi qu'il en soit, Alexander était probablement couché ou aussi désemparé qu'elle. Il avait, après tout, assisté lui aussi à l'exclusion d'un être cher. Elle soupira, avant de continuer son chemin vers la cuisine.

Soudain, un bruit discret provenant de la pièce qu'elle venait de passer attira son attention. Élizabeth recula de quelques pas dans le corridor pour jeter à nouveau un coup d'œil dans la bibliothèque. Elle balaya la pièce du regard, mais n'y vit rien. Le son se répéta. C'était comme une cuillère qu'on cognait sur une tasse. Curieuse, elle s'avança dans la pièce et tendit l'oreille. Cette fois-ci, elle crut percevoir l'origine du bruit. Il venait de la fenêtre. Elle s'en approcha afin de regarder à l'extérieur. Rien. Elle ne voyait que la ruelle de pierre derrière la maison et la façade funeste de la Tour des Anciens où elle avait assisté au procès de ses amis. Elle ne put s'empêcher de serrer les dents à la vue du bâtiment, oubliant presque la raison de sa présence devant le châssis.

Revenant au moment présent, elle se recula pour mieux voir la fenêtre dans son ensemble. Elle la scruta, mais n'arrivait pas à comprendre ce qui pouvait causer ce tintement. Soudain, elle vit un minuscule objet percuter la vitre. Interloquée, elle s'avança pour ouvrir les battants. Elle se pencha sur le rebord et s'apprêta à crier après un éventuel voyou, mais elle ne vit personne. La fenêtre ouverte, Élizabeth scruta la ruelle, espérant surprendre le vaurien qui jouait des tours aussi absurdes. Manifestement, celui-ci s'était enfui, car mis à part le vent qui soufflait entre les habitations et un léger frottement, possiblement produit par ses propres vêtements appuyés contre le rebord du châssis, elle n'entendit plus aucun bruit.

Après quelque temps sans autre manifestation du phénomène, elle finit par refermer la fenêtre en soupirant avant de se retourner.

— Bonsoir !

Élizabeth sursauta en criant. Une main rapide et puissante se posa sur sa bouche pour la faire taire. Elle leva les yeux et croisa le regard doré d'un Proximien qu'elle reconnut immédiatement. Arkadi était devant elle, un doigt apposé sur ses propres lèvres afin de lui intimer le silence. Une fois certain qu'elle ne crierait plus, il retira sa main chaude qui reposait toujours sur la bouche d'Élizabeth.

— Bordel ! Tu sors d'où !? s'exclama-t-elle à mi-voix.

— En fait je suis entré et non sorti. Et par la fenêtre que tu as si gentiment ouverte.

Élizabeth se retourna pour regarder la fenêtre avant de revenir sur lui. C'est à ce moment qu'elle constatât qu'il était pratiquement nu devant elle. Il ne portait qu'un cuissard qui laissait entrevoir des cuisses musclées et son ventre ciselé. Plus grand qu'elle de deux têtes, il semblait dominer la pièce. Il respirait la virilité avec sa barbe naissante et ses pectoraux plus qu'impressionnants. Du moins, c'est ce qu'Élizabeth pensa sur le moment, complètement subjuguée par la vue. Elle tenta de revenir sur terre, mais il était difficile de se concentrer devant ce dieu nordique aux cheveux d'or.

— Et puis pou... pourquoi es-tu à moitié à poils ? finit-elle par bégayer lamentablement.

— C'est pour mieux te séduire mon enfant !

— Me quoi ?!

Elle sentit le sang affluer à ses joues. Déjà qu'il avait certainement remarqué qu'elle bavait devant lui depuis une bonne minute, si en plus elle rougissait !

— Vous ne connaissez pas le petit chaperon rouge sur la Terre, demanda-t-il ?

— Euh oui oui... Mais ça n'explique pas pourquoi tu te promènes ainsi en sous-vêtement?

Arkadi haussa les épaules en croisant les bras sur son torse, ce qui attira immanquablement le regard d'Élizabeth vers ses pectoraux contractés. Oh Seigneur !

— Des vêtements qui se baladent tout seuls dans les rues, ce n'est jamais discret, répondit-il simplement.

— De quoi tu parles ? demanda-t-elle, relevant le regard vers son visage.

— Laisse tomber, dit-il. Tu sais où se trouve Alexander?

Arkadi tourna la tête dans tous les sens en scrutant la pièce des yeux.

— Non ! dit-elle, énervée par le fait qu'ils ne répondaient pas à ses questions. Sûrement dans sa chambre !

— Parfait !

Le Proximien pivota sur ses talons aussi brusquement qu'il était apparu, filant vers la chambre d'Alexander au deuxième étage. Élizabeth le suivit, dans les escaliers, non sans jeter un regard rapide sur son postérieur bien moulé par son cuissard. Elle ne comprenait toujours pas pourquoi il tenait à rencontrer Alexander dans cette tenue !

Le vieil homme était bel et bien dans sa chambre, assis devant son bureau, un crayon à la main. Élizabeth n'avait jamais osé le déranger dans ses appartements. En entrant dans la pièce derrière Arkadi, elle en profita pour jeter un coup d'œil curieux aux alentours. Étonnement, la chambre de l'Ancien était très modeste, malgré sa position supérieure dans la société Proximienne. Plus sobre, même, que la chambre d'invité où Élizabeth logeait : un lit double, un foyer, une fenêtre agrémentée de rideaux couleur aubergine ainsi que plusieurs bibliothèques qui croulaient sous des livres poussiéreux et papiers empilés. Un détail particulier attira son l'attention : sur un des murs, près du bureau, se trouvait un tableau représentant un homme, une femme et une jeune fille. Élizabeth crut reconnaître les yeux malicieux d'un Alexander plus jeune. Son bras était passé autour de la taille de la femme, un peu plus grande que lui. Elle souriait, tout comme la fillette. Peut-être était-ce son épouse et sa fille, la mère d'Anya ?

Élizabeth n'eut pas l'occasion d'observer davantage les traits de la jeune fille, car Alexander penché sur un document se retourna et les accueillit avec un sourire chaleureux. Il se leva et s'approcha d'Arkadi.

— Enfin te voilà ! Est-ce que tout s'est bien passé ? Le vaisseau est-il toujours là ? demanda-t-il sans détour.

— Oui, il est entouré de gardes proximiens, mais il est toujours là, répondit l'intéressé.

— Tu as vu le vaisseau ?! s'écria Élizabeth. Est-ce qu'ils ont réussi à entrer à l'intérieur ?

Arkadi se retourna vers elle.

— Non, je ne pense pas. Un Ancien semblait tenter d'y accéder, mais n'y arrivait pas.

— Ha ! s'exclama-t-elle, un sourire triomphant sur les lèvres. Ils doivent connaître le code pour ouvrir la porte et pour activer le tableau de bord. Ça devrait leur prendre un certain temps avant d'essayer toutes les combinaisons possibles.

Arkadi acquiesça avant de revenir vers Alexander.

— Des nouvelles du procès ?

Le regard de l'Ancien s'assombrit.

— Ils ont été exclus. Ils sont probablement déjà dans le désert à l'heure qu'il est, annonça-t-il d'une voix affligée.

— Quoi ?!? Et vous n'avez rien fait pour les empêcher ?

Arkadi sembla pris d'une fureur indescriptible. Il serra les poings près de sa taille, comme s'il était prêt à frapper le vieil homme. Sa mâchoire était crispée et Élizabeth pouvait y voir les muscles saillir.

— Il n'y avait rien à faire Arkadi. Si nous nous étions opposés, ils nous auraient exclus également. Nous leur serons plus utiles ici, dit Alexander pour le calmer.

Arkadi se retourna vers Élizabeth. Elle vit la fureur embraser ses yeux dorés.

— C'est toi qui sais piloter ? dit-il d'un ton sec.

Elle acquiesça en silence, impressionnée par la colère qui se dégageait du colosse devant elle.

— Je t'amène au vaisseau. On va les récupérer dans le désert.

— Attends Arkadi, il y a quelque chose que tu ne sais pa...

Alexander fut interrompu par un bruit qui provint du rez-de-chaussée. Quelqu'un venait manifestement de cogner à la porte.

Élizabeth vit Arkadi se crisper encore plus. Il lança un regard interrogateur à Alexander avant de disparaître subitement. Sidérée, elle fit un pas en arrière en secouant la tête. Venait-il de se désintégrer devant elle ? Peut-être s'était-il enfui rapidement ou même téléporté ?

Elle jeta un regard à Alexander, complètement abasourdie.

— C'est sa variation, répondit celui-ci, lisant dans ses pensées. Il est seulement invisible.

Élizabeth ouvrit la bouche, puis la referma, avant de mordiller nerveusement ses lèvres. Elle fit la première chose qui lui vint en tête : elle leva sa main pour appuyer son doigt à l'endroit où se trouvait Arkadi il y a quelques secondes. Au lieu de rencontrer un obstacle, son index continua son chemin dans l'air. Il n'était définitivement plus là.

— Je suis ici, chuchota une voix amusée près de son oreille.

Un frisson parcourut son corps lorsqu'elle sentit le souffle chaud dans son cou. Elle se retourna, mais ne vit qu'une vieille bibliothèque croulant sous les livres.

— Monsieur, des visiteurs aimeraient rencontrer Dame Élizabeth.

Elle sursauta une seconde fois. Stuart se tenait dans l'embrasure de la porte et attendait les consignes de l'Ancien.

— Amenez-les dans le petit salon, nous allons descendre dans quelques instants, annonça Alexander.

Le majordome effectua une révérence avant de quitter la pièce.

Le vieil homme se leva et invita Élizabeth à le suivre en bas. Avant de sortir, il s'adressa, selon toute vraisemblance, à Arkadi.

— Reste ici, nous revenons le plus vite possible. Il y a des choses que tu dois savoir.

Élizabeth balaya la chambre du regard, se demandant si Arkadi était toujours là. Il était impossible de distinguer sa présence, ce qui créa chez elle un étrange malaise. À tout moment il pouvait réapparaître et la faire mourir de peur. Tendue à l'extrême, elle se retourna vers la porte pour quitter la pièce le plus rapidement possible. Elle rattrapa le vieil homme dans les escaliers et le suivit.

À leur arrivée dans le salon, cinq paires d'yeux se tournèrent vers eux. Quatre gardes se tenaient debout près du sofa où un homme aux longs cheveux gris patientait. Selon toute vraisemblance, c'était un Ancien.

Élizabeth avait appris à les reconnaître par leur habillement différent des autres Proximiens. Lorsqu'on les croisait, on se retrouvait projeté dans le passé. Ils semblaient avoir adopté la mode des aristocrates terriens du dix-neuvième siècle. Les hommes étaient, la plupart du temps, vêtus d'une chemise blanche, sous une veste brodée. Une de redingote noire, des chausses bien ajustées et des bottes hautes complétaient la tenue. La gent féminine, elle, était le plus souvent drapée de robes simples à taille empire. Elle avait toutefois remarqué, lors du procès, que certaines femmes adoptaient également la mode masculine. Cette constatation laissait croire qu'elles avaient quand même une certaine liberté dans leur choix vestimentaire. Cependant, leur tenue, masculine ou féminine, contrastait indéniablement avec les habitants des autres quartiers vêtus de simples tuniques de cuir et de pantalons gris.

L'invité se leva pour s'avancer vers Alexander et elle.

— Bonsoir ! Dame Élizabeth, je présume ?

Le regard gris et perçant de l'Ancien se posa sur elle et lui glaça le sang. Elle avait la vague impression de l'avoir déjà vu auparavant, mais où?

— Oui. C'est moi, répondit-elle simplement.

L'homme s'approcha pour s'emparer de sa main et la porter à ses lèvres. Élizabeth la retira promptement avant qu'elle n'atteigne sa bouche. Il parut surpris un instant, mais reprit sa contenance en lui lançant un sourire étincelant.

— Enchanté de faire votre connaissance. Je me présente, Antonio Garcia. Je suis désolé d'arriver à cette heure si tardive.

Il fit une pause, comme s'il attendait une parole polie en retour, parole qui ne vint pas. Il leva un sourcil, avant de continuer.

— Dame Élizabeth, nous aurions besoin de vos services au Palais. Les négociations avec les Terriens tirent à leur fin et votre connaissance de la culture terrienne pourrait nous aider à conclure un accord.

— Vous aidez ? demanda-t-elle, étonnée.

L'homme acquiesça.

— Vous maîtrisez les coutumes terriennes mieux que nous et avez très certainement une vaste connaissance de leurs besoins. Votre présence nous sera d'une très grande utilité.

— Et j'y gagne quoi en échange ?

Alexander, à ses côtés, toussa légèrement voulant probablement l'avertir de faire attention, mais elle fit mine de ne pas le remarquer.

— Vous aurez l'occasion de rencontrer le capitaine de l'expédition terrienne. Peut-être votre seule chance de revenir sur Terre. C'est ce que vous désirez n'est-ce pas ?

Élizabeth réfléchit un instant en observant le regard calculateur de l'Ancien. Il avait malheureusement raison. Elle mourrait d'envie de retourner chez elle retrouver ses parents et ses amis. D'un autre côté, Maxim et Tom comptaient énormément à ses yeux et avaient besoin d'aide dans les plus brefs délais.

— À une condition, énonça-t-elle après réflexion.

— Laquelle ?

— Vous sortez mes amis du désert et je ferai ce que vous voulez.

Le regard gris de l'homme s'assombrirent.

— C'est impossible.

Il fit signe aux gardes de s'approcher.

— J'avais espéré que vous nous suivriez de votre plein gré, mais je me trompais. Emmenez-la !

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