« Ça ne se peut pas, pense Ariane. Je ne peux pas être encore kidnappée. » Ce n'est pas possible, ça n'a aucun sens. Qui pourrait faire ça? Une bande rivale de celle de Julien? La mafia russe?

Le tapis dans lequel elle est enroulée dégage une odeur de bière et de tabac. Le moteur vibre et la jeune femme sent le VUS ralentir et accélérer. L'angoisse lui donne mal au cœur et elle a envie de vomir. Elle se force à respirer avec lenteur. « Ça doit être un malentendu » se répète-t-elle. D'autres ennemis des Poulin qui ignorent qu'elle a quitté David et vont la libérer dès qu'ils l'apprendront.

Elle sent le véhicule accélérer et rouler sans interruption pendant au moins trente minutes. Une autoroute? Pour aller où? Il ralentit, recommence à stopper et redémarrer, et enfin le moteur s'éteint. Ariane entend le coffre qu'on ouvre, sent qu'on la soulève et qu'on la porte.

— Ici, fait une voix.

Enfin, ils la déposent, le tapis est déroulé et elle voit les quatre hommes qui l'ont kidnappée.

Ils ne portent plus leur cagoule et la stupeur l'envahit.

« Non! » pense-t-elle.

En même temps, elle comprend que ça ne pouvait être qu'eux. On ne kidnappe pas les gens à cause d'un malentendu.

Les hommes ricanent. L'un d'eux s'approche et sort un long couteau d'un étui à sa ceinture. La lame est immense, elle pourrait traverser le ventre d'Ariane et sortir dans son dos. La jeune femme la fixe avec terreur mais l'homme coupe les cordes qui retiennent ses jambes et ses bras.

Elle enlève l'écharpe qui la bâillonnait et se met debout. Elle chancelle.

— Pourquoi? demande-t-elle.

— Tu adores les kidnappeurs, dit David. C'est à mon tour de te faire plaisir.

Son ex se tient devant elle, entouré de ses amis Cédric, Maxime et William.

Tous portent des souliers de course neufs et les mêmes jeans noirs et manteaux gris. Un étui de couteau comme celui de David est accroché à la ceinture de William.

Ils se trouvent dans une pièce nue aux murs et au plancher de béton. C'est un immeuble en construction. Les fenêtres n'ont pas encore été posées et les ouvertures sont couvertes par des panneaux de contreplaqué. La lumière du soleil les traverse par les interstices.

La pièce n'a pas de porte, seulement un rectangle dans le béton, et les garçons lui bloquent le chemin.

— Es-tu amoureuse de moi, maintenant que je t'ai kidnappée? demande David.

— Arrête, dit Ariane.

— Tu pensais retrouver B, hein? Après l'avoir aidé, tu aurais eu ta récompense? C'est moi qui vais te la donner.

Ariane sent ses muscles se tendre et sa respiration accélérer. Pourquoi lui fait-il subir ça? David voulait l'épouser, il est supposé l'aimer. Il ne peut pas lui faire de mal.

— Maxime, dit-il. Sors de la bâtisse et fais le guet. Vérifie que personne ne vient ici.

— Je ne veux pas, proteste l'obèse. Je veux particip...

— Fais ce que je te dis! hurle David.

Le gros garçon disparaît.

— Sais-tu où on est? demande David à Ariane. Au milieu de nulle part. Un promoteur a commencé à construire des immeubles en pleine forêt et il a fait faillite. Il n'y a pas de voisin. Tu peux crier autant que tu veux, les seuls qui vont t'entendre sont les oiseaux.

« Il essaie juste de me faire peur » pense-t-elle. Ses amis et lui sont de bons garçons. Ils ont été élevés dans l'abondance et n'ont rien de criminel.

— Qu'est-ce que tu veux? demande-t-elle.

— Te faire payer.

— Quoi?

— Tu as prévenu B que la police allait bientôt l'identifier. Sans toi, il ne se serait douté de rien et les policiers l'auraient arrêté. Mais il s'est échappé, a kidnappé mon père et il risque de...

Un instant, la panique brouille son regard.

— Mon père risque de mourir. Salope!

Ariane ne l'a jamais vu dans cet état. La rage et la haine rougissent son visage, tandis que ses deux amis affichent un mélange d'indifférence et de détermination. La jeune femme recule contre le mur. Elle halète.

Elle glisse la main dans son manteau rouge, mais la poche est vide. Avec désespoir, elle pense que le bijou de la tante aurait pu se trouver là. Il est encore dans le parking. Elle l'a échappé quand les quatre gars l'ont capturée et ne peut plus prévenir Julien de l'endroit où elle se trouve.

— Je ne pensais pas qu'il le kidnapperait, dit-elle.

David agite son gigantesque couteau. Cédric glisse la main sous son manteau et sort le sien.

— C'est un couteau pour éventrer les ours, dit-il. Et les filles.

Il est plus petit que les autres, mais son expression sournoise a toujours inquiété Ariane.

— Je veux tout savoir, ordonne David. Dis-nous combien de fois tu as rencontré B depuis ton enlèvement. À quel endroit et ce qui s'est passé.

— Tu es fou. Je l'ai vu seulement quand vous êtes venus chez nous.

Il s'avance, lève le bras et la frappe au visage. Elle se met à pleurer.

— Arrête de mentir, dit-il.

— Au secours! hurle-t-elle. Des hommes me font du mal!

— Ferme ta gueule. Je sais bien que tu as revu B. Sinon, pourquoi est-ce que tu l'aurais aidé?

— Je l'ai aidé pour ne pas qu'il aille en prison, mais je ne l'ai pas rencontré. Et je ne pensais pas qu'il enlèverait ton père. Je ne sais rien! Juste que c'est le neveu de l'homme qui a inventé votre fibre optique et qu'il veut se venger.

— Dis-nous tout ce que tu sais, dit Cédric.

La voix de David s'adoucit.

— Papa va mourir si tu ne nous aides pas à le retrouver. Je suis sûr que tu connais des détails qui peuvent nous aider. Tu vas répondre à toutes nos questions. Si tu es honnête, on va te laisser partir.

Ariane regarde le troisième homme, William, le plus costaud, qui demeure silencieux. Il ne semble éprouver aucune pitié.

— D'accord, dit-elle.

Qu'est-ce qu'elle perd à leur répondre? Elle n'a aucune idée de l'endroit où se cache Julien.

— Sais-tu où tu as été gardée en captivité? demande David. Est-ce que B pourrait être retourné là?

De nombreuses questions suivent et Ariane répond du mieux qu'elle peut. Quels contacts a-t-elle eus avec Julien. Comment. S'il lui a donné des détails sur la vie qu'il mène ou l'endroit qu'il habite. Si d'autres hommes travaillent avec lui. Ils ne demandent rien qui concerne le bijou de la tante et Ariane n'en parle pas.

— Ça ne sert à rien, dit Cédric. Elle ne peut pas nous aider.

— Fuck! dit David. Mon père va mourir!

— Ça se pourrait.

— Je ne veux pas!

« Il n'avait qu'à ne pas voler l'oncle de Julien » pense Ariane.

— Je t'avais dit que ça serait inutile de l'interroger, continue Cédric.

— Pourquoi est-ce que tu as aidé B? demande David à Ariane.

— Je ne pensais pas qu'il kidnapperait ton père!

— Es-tu amoureuse de lui?

— Non.

Il n'insiste pas. Tous sont calmes, maintenant.

— C'est le temps de la deuxième partie, dit William.

C'est la première fois qu'il parle. David range son couteau dans son étui.

— Viens, dit-il en prenant Ariane par le bras. Je veux te montrer quelque chose.

Il la mène à une pièce voisine et celle-là n'est pas vide. Ariane a un frisson, tandis que les trois gars se mettent à rire. Une chaufferette de camping jaune, en forme de cylindre, émet de la chaleur et un matelas en occupe le milieu.

— Non... dit-elle.

Elle tente de s'enfuir. David la pousse et elle tombe sur le matelas. Elle se relève et recule contre le mur.

Les garçons poussent des hurlements excités. Cédric sort une bouteille de vodka d'un sac qui traîne sur le plancher et, chacun à leur tour, ils en prennent de longues gorgées.

— Tu as raté la chance d'être ma femme, dit David

— Tu voulais l'épouser? ricane Cédric.

— Juste pendant cinq minutes.

— Laissez-moi partir, dit Ariane.

Les gars lui bloquent le chemin et la poussent encore contre le mur. Elle s'écrase sur le béton.

— Tu ne peux qu'être ma pute, continue David.

— Jamais, dit Ariane.

Tous rient.

— Parce que tu penses que tu as le choix?

— Vous êtes des porcs, dit Ariane.

Ils se mettent à grogner comme des cochons.

Ce n'est pas possible. David ne peut pas agir comme ça. Il veut juste l'effrayer et ne va pas l'agresser. C'est une mauvaise blague, pour se venger d'avoir été abandonné.

— On va jouer à la tag, dit David. À chaque fois qu'on t'attrape, tu perds un vêtement. Quand tu seras toute nue... gang bang. Tu vas me montrer comme tu es une bonne pute, et ensuite tu vas le montrer aux autres.

— Non... dit Ariane.

Elle pense à Julien, qui pourrait la secourir, au pendentif de la tante qui pourrait être à son cou. Elle presserait le bouton et il viendrait. Pourquoi l'a-t-elle échappé?

Elle fonce, frappe au hasard sur les gars et, avec l'énergie qui lui reste, elle réussit à passer. Elle parvient dans une pièce centrale. Où aller? Devant elle, un espace vide, des piliers, des ouvertures bloquées par des planches. Et puis, elle en voit une qui est ouverte. La porte d'entrée de la bâtisse. Par là, elle va pouvoir fuir.

[Bravo à Rafa_elle_h qui avait deviné que les Poulin étaient derrière le deuxième enlèvement d'Ariane^^]

[Prochain épisode vendredi le 26 mai à 16h00 Europe (CET) et Afrique centrale (CAT), 15h00 Afrique de l'ouest (WAT) et Greenwich (GMT), 10h00 Amérique (EST) Je me retiens de ne pas spoiler... Merci à tou.te.s pour votre lecture, vos encouragements, et n'oubliez pas de voter si vous aimez!!! <3<3<3]