Épisode 47

— Tu sais, déclare Caroline, je t'aime plus que tout. Je t'ai portée dans mon ventre, je t'ai nourrie, élevée, je me suis sacrifiée pour toi. C'est normal. C'est le rôle d'une mère. Tout ce qui compte pour moi, c'est ton bonheur.

— Merci, dit Ariane.

Elle se tient près de sa bibliothèque, les bras croisés, et sa mère lui sourit de son sourire d'agent d'immeuble, celui qu'elle utilise pour vendre des maisons trop chères à des gens qui n'en ont pas besoin.

— Tu es tellement belle, ajoute Caroline. C'est ton plus grand atout. Mais tu as toujours été fragile. Tes crises d'anxiété, les idées étranges que tu as eues parfois... À une certaine époque, ton père et moi étions vraiment inquiets. Cette dernière année, avec le déménagement ici, tout s'est beaucoup amélioré. Tu t'es fait un chum, tu es devenue plus calme, tu étais heureuse. Ta thérapie était une réussite et c'était beau à voir.

Toute une réussite! pense Ariane. Deux semaines plus tôt, elle faisait une crise d'anxiété dans les toilettes d'un restaurant, une autre dans la chambre des parents de David et se mutilait. Sa mère n'a jamais été attentive à son état mental.

« Je suis un objet » se dit-elle.

— Et puis il a fallu que tu sois kidnappée et que ça te mette les idées à l'envers, continue Caroline. Mais c'est la vie. Les difficultés sont inévitables. Aujourd'hui, je te sens plus confuse et plus malheureuse que jamais. C'est le message que j'ai pour toi. Ne désespère pas, Ariane. Tout va redevenir comme avant et tu vas retrouver le bonheur.

— C'est tout ce que tu voulais me dire?

— Ce qui va se produire est facile à prévoir. Julien Tellier va se faire arrêter et passer de nombreuses années en prison. Je vois bien qu'il te plaît, mais on sait tous pourquoi. Ce n'est pas lui qui va te rendre heureuse. De toute manière, c'est un criminel. Ça te prend un homme stable, qui sait où il s'en va et qui a beaucoup de ressources. Et cet homme-là, tu l'as trouvée et il veut t'épouser!

— Je ne suis pas amoureuse de David, maman. Je ne l'ai jamais aimé.

— Les Poulin vivent dans un autre monde et tu vas pouvoir y entrer! Imagine-toi avec des bonnes et des assistantes personnelles... Une auto comme cadeau de fête... Imagine ton mariage devant le pays entier. Un conte de fées! Toutes les filles de ton âge vont mourir de jalousie! Et ton père et moi, nous serons tellement fiers!

— L'argent ne fait pas le bonheur, réplique Ariane.

Caroline frémit comme si la phrase l'avait projetée hors de son rêve éveillé. L'incertitude apparaît dans ses yeux et elle dévisage sa fille.

— Mais voyons! s'exclame-t-elle. Bien sûr que l'argent fait le bonheur! Les pauvres et les imbéciles se racontent le contraire pour supporter leur vie minable.

— Eh bien, dit Ariane, moi je ne veux pas de ce bonheur-là. Je veux être en couple avec un homme que j'aime et je n'aime pas David.

— Je vous ai vus ensemble. C'est évident que tu l'aimes.

— Je pense que je suis mieux placée que toi pour savoir ce que je ressens.

— C'est ton kidnapping qui t'a mis les idées à l'envers. Julien Tellier t'a manipulée! Il a profité de ta naïveté!

— Je me suis mise à l'aimer bien avant le kidnapping, rétorque Ariane. À la seconde où je l'ai vu. C'était comme un tremblement de terre, maman. Tellement puissant! C'est là que j'ai compris que je n'aimais pas David. J'avais tellement besoin d'amour que je m'imaginais que c'en était.

Les yeux de sa mère s'agrandissent et sa voix tourne un cran vers l'aigu.

— L'amour, l'amour! Veux-tu savoir la vérité? Ça ne dure pas plus de deux ans! Ensuite c'est fini. Il n'y a pas pire erreur qu'épouser quelqu'un par amour!

— J'ai décidé d'arrêter ma thérapie, dit Ariane. Ça ne me donnait rien. Et je vais partir en appartement.

— Quoi?

Ariane désigne le lit couvert des vêtements et des livres qu'elle est en train de trier. Sa mère paraît stupéfaite.

— Je suis rendue là dans ma vie, continue l'adolescente. Je vais bientôt avoir dix-huit ans.

— Il n'en est pas question. Avec le choc que tu viens de subir, tu as besoin qu'on s'occupe de toi.

Caroline s'efforce de sourire et ajoute:

— Et moi, j'ai besoin de prendre soin de ma fille.

Dans la tête d'Ariane, des nuages de gaz empoisonnés se forment. Bonne chance pour me retenir ici, pense-t-elle.

— David est un garçon magnifique, continue sa mère. Il a tout pour te rendre heureuse.

— Voulais-tu me dire autre chose?

— Commence par aller avec lui au voyage en Jamaïque. Je t'en supplie. Fais ça pour moi. Je suis certaine que passer du temps aussi merveilleux ensemble va tout arranger entre vous.

— Tu penses que je vais me mettre à aimer David parce que son argent va m'éblouir?

— Je n'aimes pas que tu me parles sur ce ton-là.

— Je suis obligée parce que tu ne m'écoutes pas. C'est fini entre David et moi, est-ce que tu comprends?

— Non, ce n'est pas fini. Tu vas faire ce que j'ai décidé et aller en Jamaïque avec lui. Tu es encore mineure.

— Ça ne te donne pas le droit de choisir mon amoureux.

— C'est quoi, ton problème? Toutes les filles de la planète lui sauteraient dessus si elles le pouvaient!

— Non, pas toutes les filles. Seulement celles qui feraient n'importe quoi pour de l'argent.

— Si tu avais été élevée dans la pauvreté, comme moi, tu comprendrais!

— Tu n'as pas été élevée dans la pauvreté, réplique Ariane. Tu es de la classe moyenne. Mais tu t'imagines que c'est la pauvreté parce que tu obsèdes sur les télé-réalités américaines de millionnaires.

Le sang colore les joues de Caroline et ses yeux rétrécissent.

—Tu ne peux pas être ma fille. Je veux un test d'ADN.

Cette fois, Ariane n'a pas honte. Oui, ils ont dû la mélanger à l'hôpital et cette idée lui plaît. Ça expliquerait tout.

— Tu serais heureuse à soigner des Nè**es dans une léproserie en Afrique, continue sa mère.

Les vieilles phrases. Celles qui ont toujours anéanti Ariane. Aujourd'hui, elle répond:

— Oui, je serais heureuse. Plus que tu ne le seras jamais. Tu m'as toujours contrôlée et je me suis laissée faire. Mais là, c'est fini. Je mène ma vie comme je le veux. J'ai compris qui je suis.

— Moi aussi, je l'ai compris. Tu es immature. Tu n'as même pas douze ans d'âge mental. Tu vis dans le rêve, les chimères, sans comprendre ce qui compte.

— Comme une idiote? demande Ariane.

— Exactement.

— Et toi, dit Ariane, tu n'es pas une idiote, peut-être? Tu es super-malheureuse, mais tu réussis à ne pas t'en apercevoir parce que tu es toujours stressée par tes dettes. Ta vie est triste et fausse comme ton visage et tes seins. Tu cours après des chimères, comme l'argent. Tu n'en as jamais assez. Tu vendrais ta fille pour un mariage à l'église St-Viateur

Caroline ouvre la bouche, mais elle ne trouve pas quoi répondre. Elle fait deux pas vers sa fille et lève la main pour la claquer.

Ariane saisit le bras, le secoue et pousse sa mère vers la porte, qui s'ouvre à ce moment. Son père surgit.

— On vous entend crier jusqu'en bas! s'exclame-t-il.

Caroline l'ignore

— Tu ne t'en sortiras pas comme ça, crache-t-elle vers Ariane.

Et elle quitte la pièce.

[je suis très heureuse de vous retrouver avec un nouvel épisode et je vous encourage tout.te.s à me laisser un petit commentaire, même si c'est juste "salut" ou n'importe quoi^^ Prochain épisode vendredi le 21 avril à 16h00 Europe (CET) et Afrique de l'ouest (WAT), 15h00 Greenwich (GMT), 10h00 Amérique (EST) Merci à tou.te.s. pour votre lectures, vos commentaires et vos votes, je vous jure que ça m'encourage énormément <3<3<3]


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