Ariane fuit sa mère. Elle s'enferme dans sa chambre et fait des recherches avec son ordinateur sur un professeur de Québec qui se serait suicidé, puis sur la découverte de la fibre optique de PLN. Les seuls suicides concernent des étudiants en médecine et elle ne trouve rien d'intéressant sur la fibre optique.

Elle ne connaît même pas le nom de famille de Julien.

Elle se sent incapable de retourner en classe et ne veut même pas y penser, mais le problème se règle tout seul. Le directeur des études du cégep lui téléphone, exprime sa sympathie pour le drame qu'elle a vécu et lui offre de suspendre sa session. Étant donné les circonstances exceptionnelles et comme elle a certainement besoin de temps pour se remettre, elle pourra finir ses cours à l'automne.

Ariane accepte.

Elle se rend au centre-ville en autobus et achète un nouveau téléphone dans les centres d'achat souterrains. De retour dans sa chambre, elle passe la fin de l'après-midi et le début de la soirée à répondre à ses nombreux messages.

Avec la destruction de son premier appareil, elle a perdu de nombreuses informations, dont tous ses numéros de téléphone. Elle explique sa situation sur Instagram.

Un phénomène inattendu se produit. De nombreuses personnes l'appellent et même des gens de qui elle n'est pas très proche. Messenger, Zoom, téléphone, tout y passe. On dirait qu'un contact écrit ne leur suffit pas et qu'ils ont besoin d'entendre sa voix et de voir son visage. De nombreuses fois, Ariane raconte son histoire et répète ses mensonges.

Elle a deux amies proches: Charlotte et Justine. Au secondaire, les trois étaient inséparables, mais elles se sont éloignées en entrant au cégep parce qu'elles ne fréquentent plus le même établissement et qu'Ariane a déménagé à Outremont. Les deux filles l'appellent et sont très émues.

Ariane voudrait leur dire la vérité: je suis amoureuse de mon ravisseur. Elle déteste mentir à ses amies et a besoin de parler de Julien. Mais elle ne peut pas tomber là-dedans. Les filles se sentiraient obligées de la dénoncer pour sauver M. Poulin.

Charlotte n'arrive pas à croire à son histoire.

— C'est impossible que tu n'aies rien remarqué sur tes ravisseurs, dit-elle.

— C'étaient des pros. Toujours masqués, toujours habillés de la même façon. Ils me parlaient le moins possible.

— Tu devais être terrifiée.

— Au début, oui. Plus ça allait, moins je l'étais.

— Pourquoi?

Ariane ne peut pas expliquer ça.

— C'est comme ça, dit-elle en rougissant.

Un silence suit. Ariane connaît son amie. Charlotte devine que l'histoire n'est pas complète, mais elle a assez de tact pour ne pas insister.

Quand le téléphone indique 21 heures, Ariane est vidée. Elle enlève ses souliers, s'allonge sur son couvre-lit, se blottit sous la couverture lestée qu'elle utilise pour dormir quand elle est trop stressée et branche ses écouteurs. Puis elle glisse dans la musique.

L'image de Julien l'accompagne encore, car elle a pensé à lui toute la journée, mais elle se sent bien. Tous ces gens qui se soucient de son bien-être lui ont fait plaisir et la musique amplifie cet effet.

Elle soupire d'agacement. Son téléphone vient de vibrer et c'est encore un texto. « Je vais le lire demain » pense-t-elle, mais elle ne résiste pas à la curiosité. Le message ne contient qu'un mot.

« merci ».

L'adolescente se redresse brusquement et rejette ses écouteurs. Ça vient de Julien.

Non, c'est impossible. Ça doit être un faux numéro ou quelqu'un d'autre la remercie pour une raison que lui seul connaît. Julien l'obsède, c'est pour ça qu'elle a pensé à lui. Au centre-ville, elle a cru l'apercevoir plusieurs fois.

Le numéro de téléphone ne lui dit rien, mais c'est normal. Elle n'en connaît presque aucun.

Loin dans son esprit, un tourbillon grandit, et elle commence à taper une réponse pour l'auteur du texto. « Merci pour quoi? » Elle décide de lui téléphoner.

Un message automatique lui répond: « Il n'y a pas d'abonné au numéro que vous avez composé. »

Ariane rejette la couverture et se met debout. Elle tremble, a chaud et a froid, ne sait pas si elle se sent bien ou si elle se sent mal... Le texto a été envoyé par Julien, c'est évident. Utiliser un numéro non-attribué est une signature. Qui d'autre en serait capable?

Ça ne devait pas se produire. Il avait dit qu'il cesserait de penser à elle dès qu'il ne la verrait plus. Et pourtant, il lui écrit. Est-ce que ça signifie qu'il l'aime?

L'espoir s'infiltre dans son cœur. Une lumière faible comme la lueur d'une chandelle et qui devient aussi puissante que le soleil.

Pourquoi est-ce qu'il la remercie? Pour avoir menti à la police? Pour avoir été gentille avec sa tante? Parce qu'elle a essayé de le convaincre de renoncer à sa vengeance? Son plan n'a aucune chance de fonctionner, M. Poulin est trop bien protégé. L'a-t-il enfin compris?

Il lui envoie un texto le jour où elle se procure un nouveau téléphone. Et comment connaît-il son numéro? Il n'espionne quand même pas son Instagram? « Il est plus près de moi que je pensais » se dit-elle, et le tourbillon grandit.

Avoir ce contact est douloureux tellement elle a besoin de plus. Le pendentif de la tante repose sur la table de chevet. Ariane le saisit, caresse un instant la boule couverte de zébrures, et enfonce de toutes ses forces le bouton.

Quelques secondes passent et le silence devient insupportable. Ariane presse de nouveau le bouton, une fois, une autre et encore une. Julien doit lui téléphoner, c'est trop important. Elle voudrait prier son ange gardien pour que ça arrive.

Qu'est-ce qui l'empêche de sonner à la porte de la maison? Il n'a qu'à dire qu'il vient de la part de David. Sa mère le connaît déjà, elle ne va se douter de rien.

Le tourbillon l'oblige à se déplacer. Son téléphone en main, elle sort de sa chambre et descend au rez-de-chaussée. Son père travaille dans son bureau et sa mère écoute une série dans le salon. L'adolescente va à la porte et regarde dans la rue, remonte à l'étage, observe encore la rue de la chambre de ses parents et retourne dans la sienne.

Elle s'allonge sur son lit et fixe son téléphone en espérant qu'il vibre.

Ça se produit quelques minutes plus tard.

[prochain épisode vendredi le 24 février à 16h00 Europe (CET) et Afrique de l'ouest (WAT), 15h00 Greenwich (GMT), 10h00 Amérique (EST)

Merci à tou.te.s de me lire et pensez à cliquer sur la petite étoile si vous aimez l'histoire. Je vous jure que ça me fait plaisir et que ça me donne de l'énergie comme si je mangeais une bouchée de gâteau au chocolat^^]