Épisode 17
Tous ces yeux sur elle. Ariane se sent traversée par des rayons X. Après quelques ricanements, la conversation bifurque, tandis qu'elle essaie d'aplanir ses émotions et de reprendre contenance.
Elle n'ose pas regarder David et espère de toutes ses forces qu'il n'a pas remarqué son trouble car elle n'a pas envie de discuter avec lui de son attirance pour le garde du corps.
« B me laisse froide, se dit-elle. Je le hais. »
La fille au visage couvert d'acné demande à Myriam de raconter la tentative d'enlèvement.
- Je ne v... veux plus y p... penser, dit Myriam.
- C'est important, dit B, en approchant un fauteuil du groupe. Donne-moi le plus de détails possibles.
Myriam soupire.
- Il est autour de deux heures du matin et je v... viens de rentrer. La maison est silencieuse. Comme j'ai un creux, je me rends à la cuisine. J'allume et je fige. Le p... plancher est couvert d'assiettes, de casseroles, de couteaux, de fourchettes.
- Placés n'importe comment? demande la fille au visage couvert d'acné.
- Non. Disposés comme pour f... former un dessin. Les ass... assiettes au centre, les couteaux autour, puis les fourchettes...
B a installé son fauteuil à côté de celui de la fille au visage couvert d'acné et fixe Myriam avec attention. Chaque information, semble-t-il, se grave dans son esprit. De nouveau, son visage évoque un fauve. Myriam évite de le regarder. Elle en a trop envie, devine Ariane.
Avec sa carrure d'acier, ses lèvres pleines, ses yeux intenses, il magnétise. Même ses oreilles sont à croquer.
- Ça sent l'alcool. Tous les l... livres de recettes sont en tas sur un comptoir, ouverts, les pages chiffonnées. Ça ne dure qu'un instant et je n'ai pas le t... temps d'avoir peur quand je sens une main couvrir ma bouche et des bras m'empoigner. Les salauds étaient derrière moi.
- As-tu crié? demande la fille au visage couvert d'acné.
- Impossible. Mais je me suis d... débattue et j'ai donné des coups de pied dans la vaisselle. C'est ça qui a réveillé mes p... parents. L'instant d'après, je suis attachée avec du tape et j'en ai aussi sur la b... bouche. Les deux hommes sont calmes, super-efficaces et rapides.
- Décris-les, demande B.
Myriam le regarde craintivement.
- Tout en noir. Vêtements noirs, cagoule noire, gants noirs. Je suis certaine pour les gants, je les ai eu dans la face.
- Ils parlaient quelle langue?
- Celui qui m'a dit de rester calme p... parlait français, mais avec un accent. Entre eux, ils d... discutaient à voix basse alors je ne sais pas.
- Un accent russe?
- Comment est-ce que je pourrais savoir? Je ne parle p... pas le russe.
- Je comprends, dit B.
- Ils me sortent sur le p... patio, continue Myriam. Je panique. J'entends la voix de ma m... mère. « Qu'est-ce qui se passe? » Mes parents sont dans le corridor mais ils n'osent pas s'approcher. Ils ont déjà appelé la p... police. Les hommes me déposent, ils discutent et ça tourne en chicane.
- Pourquoi?
- Je pense qu'un voulait allumer le feu et que l'autre d... disait qu'ils n'avaient pas le temps. C'est ça qui m'a sauvée. Un retourne dans la cuisine, l'autre s'en va et ils me laissent à me geler le c... cul dans la neige. Deux minutes plus tard, celui qui a allumé le feu ressort, mais deux policiers arrivent. Le gars s'enfuit, les policiers le poursuivent, puis ils me libèrent. J'aurais voulu qu'ils lui tirent dessus!
Myriam se tourne vers B, mais il est plongé dans ses réflexions. Ariane jette un coup d'œil vers David et se rapproche de lui.
- Tes parents ont vu l'homme de près? demande B.
- Non. Quand il est retourné dans la cuisine, ils se sont cachés au premier étage.
- Je me demande ce qu'ils t'auraient fait si les policiers n'étaient pas arrivés, dit la fille au visage couvert d'acné.
- Demande de rançon, dit Cédric, l'ami de David pas très grand. Dix millions de dollars minimum.
- Ils t'auraient violée, dit une fille Et vendue comme esclave sexuelle. Tu aurais fini dans un harem en Arabie Saoudite.
- Une rançon est bien plus payante, dit Cédric. Pour convaincre ton père, ils t'auraient retournée par morceaux. Un doigt, une oreille... Un bout par jour.
Myriam regarde ses mains.
- Ils auraient peut-être commencé par les orteils, plaisante Maxime, l'ami obèse de David.
- Je ne sais même pas si papa aurait payé, dit Myriam.
- Il a payé pour le ransomware.
- Cinq millions de dollars, je sais. Mais c'est parce que sa compagnie était p... paralysée. Ça revenait moins cher comme ça.
- On ne doit jamais payer les rançons, dit B.
- Sauf quand je suis en danger, réplique Myriam.
- On va s'arranger pour que ça n'arrive pas.
Il se lève et saisit les mains de Myriam.
- D'aussi belles choses ne doivent pas être abîmées. Je vais demander à mon patron d'être assigné à ta protection.
- Papa ne veut pas!
Myriam et lui échangent un regard pesant. Ariane n'en revient pas.
Dans l'auto, il rageait contre les Poulin, affirmait que Myriam est vide et que ses collègues les détestent. Et maintenant, il s'est transformé en gentilhomme protecteur! On dirait qu'il a plusieurs personnalités. La plupart du temps, il est hostile et secret, ensuite il s'ouvre inexplicablement. Même son état d'esprit est imprévisible.
Les gens traumatisés par une expérience sont perturbés à tout moment par des flash-backs affreux. Est-ce que c'est ça, son problème? Revoit-il sans cesse le suicidé? Elle repense à l'étrange tatouage. Pour se faire dessiner ça sur le corps, B doit avoir été sérieusement marqué. Pas étonnant si ça l'a rendu instable. Et c'est tellement dommage...
Avide d'affection, Ariane saisit la main de David. Il la retire vivement et se tourne vers elle, les yeux comme des hachoirs. Catastrophe. Il va lui piquer une crise de jalousie dès qu'ils seront seuls, c'est sûr.
Ariane cherche ce qu'elle pourrait dire pour le calmer. B s'assoit.
- Les autres gardes du corps sont n... nuls, se lamente Myriam. Le pire, c'est la nuit. J'ai p... peur de dormir seule.
La fille au visage couvert d'acné s'esclaffe et B se tourne vers elle.
- Qu'est-ce que tu penses de ça?
La fille cesse de rire, rougit et pâlit.
- Je dors mal moi aussi, dit-elle.
-Exagère pas, dit Myriam. C'est m... moi qui suis en danger.
- Même si ton père ne va pas aimer ça, lui dit B, je vais porter une attention particulière à ta sécurité et à ton bien-être. Tu dois être la plus heureuse possible.
Myriam ne répond pas, mais sourit d'un air ridiculement satisfait et se redresse. Ses seins tendent sa robe. Ceux d'Ariane sont petits, les siens gros comme des melons.
Ces deux imbéciles ensembles, pense Ariane. Le couple parfait. Instable comme il est, égoïste, cruel, il va la baiser deux ou trois fois, l'abandonner et lui briser le cœur. Mais Ariane ne supporte pas l'idée des mains de B sur le corps de Myriam.
Le regard triomphal de Myriam croise celui d'Ariane et se teinte de méchanceté.
- Des fois, je préférerais être une nobody. Ma v... vie serait plus calme.
- Qu'est-ce qui te dit que tu n'en es pas une? réplique Ariane.
- Sais-tu combien de millions vaut ma f... famille? Et si papa faisait un brunch, tout le quartier v... viendrait.
Comment peut-elle savoir ça? À leur arrivée à Outremont, les parents d'Ariane ont gaffé. Ils ont organisé un brunch pour se présenter aux voisins. Presque aucun n'est venu.
- L'argent n'est pas tout, réplique Ariane.
Tous la regardent comme si elle était une idiote.
- Tu n'as pas à t'inquiéter, dit Myriam. À f... force de vendre des maisons à des Chinois, ta m... mère va en ramasser.
Elle sourit.
- Est-ce que tu l'aides à r... recruter des clients?
Ariane devient gênée. Les paroles de Myriam sont toujours imprégnées de sous-entendus venimeux qui la mettent mal à l'aise même si elle ne les comprend pas vraiment. Elle ne sait jamais quoi répondre.
David pouffe de rire et elle se sent encore plus seule.
- Je dois inspecter les pièces voisines, dit B.
Il se lève, prend un shooter sur le plateau, fait un faux mouvement et renverse sur Myriam le contenu du verre. La belle robe verte est aspergée de whisky.
Myriam se raidit et le regarde avec stupeur.
- Désolé, dit B.
Il ne manifeste aucune émotion.
[suite dimanche le 25 septembre très très tôt le matin]
Je ne sais pas si c'est la rentrée ou l'automne, mais ma motivation pour écrire est assez basse cette semaine. J'ai l'impression de courir un marathon et là il pleut, mes souliers sont percés et j'ai une crampe. Mais je tiens à garder le rythme. Ma crampe va passer, le soleil va revenir et mes souliers, euh, je vais m'acheter une nouvelle paire^^
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