Chapitre 9 : Miya

― NON ! Hurlé-je. OÙ EST TYNA ?

― QUOI ?! Crie Amandine.

Mon cœur se serre si fort qu'il me semble prêt à éclater. Une chaleur étouffante grimpe le long de ma nuque, envahissant tout mon être. Je commence à stresser, pour de vrai cette fois. Cet endroit est bien trop étrange, il y a une atmosphère anormale, oppressante, comme si les murs eux-mêmes nous observaient. Des choses louches se passent, c'est indéniable. Pourtant, je m'accroche désespérément à l'idée que tout cela pourrait être une blague. Oui, une mauvaise blague orchestrée par quelqu'un pour nous faire peur, rien de plus.

Après tout, au lycée, nous avons autant d'amis que de gens qui ne nous apprécient pas. Des élèves de notre année, ceux qui ricanent dans notre dos et qui prennent un malin plaisir à nous tendre des pièges. Ce ne serait pas la première fois qu'ils inventent une idiotie pour nous humilier ou tester nos limites.

Mais... comment pourraient-ils savoir que nous sommes ici ce soir, dans cet endroit précis ? Mon esprit se cogne contre cette question, cherchant une réponse logique.

Non, Miya, ce n'est pas le moment de te perdre en hypothèses ! me sermonne ma propre conscience. Concentre-toi !

Un murmure glacial, presque éthéré, interrompt brutalement le fil de mes pensées. La voix semble surgir de nulle part, douce et terrifiante à la fois, comme si elle se faufilait directement dans ma tête.

Partez tant qu'il en est encore temps, souffle-t-elle. Vous pouvez encore épargner aux Mondes ce qui les attend.

Je frissonne. La voix ne ressemble à rien de ce que j'ai entendu auparavant, mais par réflexe, je me mets à crier, comme pour chasser la peur qui monte en moi.

― Pas si on n'est pas tous ensemble ! hurlé-je, ma voix brisant le silence, même si une partie de moi s'accroche encore à l'idée que tout cela n'est qu'une farce.

― Par là ! La porte ! hurle mon frère, sa voix teintée d'urgence.

Je l'entends tambouriner violemment contre un battant, ses poings frappant avec une intensité qui me fait mal rien qu'à l'imaginer.

― Elle est verrouillée !

Mon cœur bondit dans ma poitrine, mais je ne réfléchis pas. Je me précipite vers lui, trébuchant presque dans l'obscurité. Le noir est total, mes sens sont en alerte maximale. Chaque ombre, chaque bruit m'agresse. Je serre les dents, jurant intérieurement que si je mets la main sur ces connasses de blagueuses, je les étrangle. Oui, je les étrangle jusqu'à ce qu'elles arrêtent de respirer !

Pourtant, ces pensées vengeresses s'effondrent lorsque je réalise quelque chose. L'espace autour de moi semble changer. L'air devient plus lourd. Je m'arrête, pivote sur moi-même, mais tout ce que je perçois, c'est le vide. Je hurle le nom de mon frère, de mes amis. Aucun écho, aucune réponse.

La panique s'insinue en moi, glaciale et implacable. Mes jambes flanchent, et je tombe à genoux, mes mains tâtonnant frénétiquement le sol dans l'espoir de trouver quelque chose, n'importe quoi. Mon souffle devient court, saccadé, irrégulier. Mes pensées se mélangent, chaotiques.

Soudain, mes doigts rencontrent une surface différente, lisse et froide, qui contraste avec le sol rugueux. Qu'est-ce que c'est ? Je n'ai pas le temps d'y réfléchir. Un craquement retentit. Avant que je ne puisse réagir, le sol sous moi s'ouvre.

Je tombe.

Ma gorge se déchire sous mes hurlements. La chute semble interminable. L'air fouette mon visage, et la peur atteint un paroxysme insoutenable. Je tente d'attraper quelque chose, mais mes mains se referment sur le vide.

Et puis, brutalement, tout s'arrête.

Je me retrouve dans une pièce entièrement jaune. La couleur est tellement vive qu'elle agresse mes yeux. Le sol est lisse, presque glissant, et au centre de la pièce trône un lit à baldaquin. Mais ce sont les murs qui attirent mon attention : ils portent des marques enfoncées, comme si quelqu'un avait essayé de s'enfuir en frappant, encore et encore.

Aucune douleur ne monte en moi, malgré la chute. C'est presque surnaturel, mais je n'ai pas le luxe de m'attarder sur ce détail. Je me redresse lentement, mes jambes tremblantes sous le poids de la panique. Mon regard parcourt frénétiquement la pièce. Pas de porte. Pas de fenêtre. Juste ces murs jaunes et ce lit, sinistre dans son isolation.

— C'est quoi cette maison, bordel de merde !

Mon souffle s'accélère. La pièce se referme autour de moi, rétrécit, m'enserre. Mon cœur bat si fort que je crains qu'il n'explose. Je suis claustrophobe, et cette prison est la pire des tortures.

Je recule jusqu'à ce que mon dos heurte un mur, mais cela ne m'apaise pas. Mes mains se pressent contre ma poitrine, comme si elles pouvaient empêcher mon cœur de s'échapper. Mes pensées deviennent floues. Je ne peux pas respirer. L'air me manque, et chaque inspiration est une lutte.

Je me laisse glisser au sol, mes genoux ramenés contre ma poitrine, tentant de me protéger de cette angoisse qui me dévore.

― Laissez-moi sortir... soufflé-je, ma voix brisée par les sanglots.

Mais il n'y a personne pour m'entendre.

La panique me paralyse, me cloue sur place. Mes ongles s'enfoncent dans mes bras, une tentative désespérée de me raccrocher à la réalité. Pourtant, tout ce que je ressens, c'est ce vide, cet étau invisible qui m'écrase.

Et cette voix qui résonne encore dans ma tête : « Vous pouvez encore épargner aux Mondes ce qui les attend. »

― MIYA ?

Une voix résonne, brisant le silence étouffant. Elle me parvient comme une lueur d'espoir, douce mais hésitante, comme si elle craignait de déranger quelque chose de bien plus grand.

Mon cœur bondit dans ma poitrine. Cette voix, je la reconnaîtrais entre mille. Ma meilleure amie. Mon corps entier se redresse, tendu à l'affût.

― Mandy ? gémis-je, ma voix à peine plus qu'un souffle, craquelée par la peur et l'espoir mêlés.

Je continue de l'appeler, criant son nom encore et encore, le désespoir gagnant du terrain à chaque seconde où elle ne répond pas.

― AMANDINE ! C'EST TOI ? RÉPONDS-MOI !

Mais le silence m'assaille de nouveau, cruel et implacable. Mes genoux se dérobent sous moi, et je retombe lourdement au sol. Les larmes que je retenais jusque-là s'échappent, brûlantes et incontrôlables, dévalant mes joues. Je me sens brisée, vulnérable, abandonnée dans ce lieu où la logique semble n'avoir aucune prise.

Je ne sais plus combien de temps je reste là, recroquevillée, mon visage enfoui dans mes mains tremblantes. Le temps n'a plus de sens dans cet endroit infernal. Mais soudain, un bruit me fait sursauter. Un craquement, un souffle... non, un mouvement.

Je relève la tête, mes yeux embués cherchant frénétiquement dans la pièce. Puis je la vois.

Elle surgit si brusquement d'un des murs que c'en est presque irréel, comme si elle avait traversé une membrane invisible. Sa silhouette vacille, et avant que je puisse crier son nom, elle se heurte violemment contre le mur d'en face.

― Amandine !

Je me précipite vers elle, mes jambes vacillant sous moi, mais l'instinct de la retrouver est plus fort que ma peur. Mon cœur bat à tout rompre, et ma respiration se bloque.

― EST-CE QUE ÇA VA ?

J'atteins son corps affaissé, mes mains se refermant sur ses épaules avec une force que je ne pensais pas posséder. Je la serre contre moi dans une étreinte désespérée, mes doigts agrippant son dos comme si je craignais qu'elle disparaisse de nouveau.

Son corps est chaud, bien réel. Elle est là. Enfin.

― Je croyais t'avoir perdue... sangloté-je, ma voix noyée dans mes pleurs.

Je la tiens comme si ma vie en dépendait, incapable de la lâcher. Mes larmes coulent sans retenue, et je ne sais pas si je pleure de soulagement, de peur ou d'épuisement. Peut-être un mélange des trois.

Elle reste immobile dans mes bras, son souffle saccadé. Je sens ses doigts trembler légèrement contre mon dos, et cette petite preuve de vie suffit à ranimer une étincelle en moi.

― Qu'est-ce qui se passe ici ? murmure Mandy d'une voix faible, presque inaudible. Son souffle est saccadé, et ses yeux cherchent désespérément une réponse dans les miens. Où sont les autres ?

Je reste silencieuse, incapable de formuler la moindre explication cohérente. La gorge nouée, je finis par lâcher dans un souffle :

― Je suis tombée ici... Je... Je ne sais pas... J'n'aurais jamais dû nous obliger à venir.

Ma voix tremble sous le poids de la culpabilité qui m'écrase. Amandine se recule légèrement, prenant appui sur mes épaules. Ses mains sont froides, mais son regard, ces magnifiques yeux bleus qui semblent toujours percer à travers les ténèbres, se fixe intensément sur moi.

― Ce n'est pas que de ta faute, on a tous voulu venir, dit-elle doucement.

Ses mots sont censés me rassurer, mais je sens dans le tremblement de sa voix qu'elle pense, au fond, exactement comme moi. Elle sait que cette idée était une erreur monumentale. Une erreur qui pourrait nous coûter bien plus que ce que nous imaginions.

Ma meilleure amie essuie ses yeux humides du revers de sa manche et soupire profondément, comme pour reprendre contenance.

― Il faut qu'on trouve une issue, murmure-t-elle avec détermination.

Je hoche la tête et, suivant son exemple, je me redresse à mon tour. Mes muscles endoloris protestent légèrement alors que je secoue mon corps pour dissiper la tension. Je m'étire, passe mes mains sur mon visage humide pour en effacer les traces de larmes, et inspire profondément pour me donner du courage. Évidement, le mur éventré par mon amie s'est reconstitué dès l'instant où nous l'avons quitté du regard.

Ensemble, nous entreprenons de chercher quelque chose, n'importe quoi qui pourrait nous sauver de cet endroit. Je pars d'un côté de la pièce, tandis qu'elle se dirige de l'autre. Nous tapotons les murs avec précaution, à la recherche d'une quelconque ouverture ou d'un mécanisme caché.

Après plusieurs minutes de silence ponctué seulement par le bruit de nos mains contre les murs, Mandy s'exclame soudain :

― Regarde ça !

Je me retourne vivement, mon cœur battant à tout rompre. Elle pointe un petit trou dans le sol, à moitié dissimulé sous une couche de poussière. Sans hésiter, elle plonge sa main à l'intérieur. Je la vois grimacer de dégoût, ses doigts tâtonnant à l'aveugle dans ce qui semble être une matière visqueuse.

― Qu'est-ce que c'est ? demandé-je, hésitante.

Avant qu'elle ne puisse répondre, un déclic retentit. Le trou s'élargit, dévoilant une minuscule porte encastrée dans le sol.

― On dirait Alice au pays des merveilles... murmuré-je, fascinée malgré la peur qui ne me quitte pas.

Nous attrapons la poignée rouillée ensemble, unissant nos forces pour la déverrouiller. Dès que la porte s'ouvre, une étrange force nous aspire brusquement à l'intérieur.

― C'est quoi ce bordel ? juré-je alors que nos corps sont projetés dans un espace inconnu.

Nous atterrissons lourdement sur une surface froide et dure. Sous mes pieds, le sol semble fait de verre translucide, illuminé par une étrange lumière qui pulse doucement, comme une respiration.

― Y a quelqu'un ? crient deux voix à l'unisson.

― Tyna ? Milles ? m'écrié-je, cherchant désespérément la source des voix.

― On est là ! hurle ma meilleure amie, son regard balayant frénétiquement la pièce insondable.

Mais autour de nous, il n'y a rien d'autre que ce sol de verre qui semble s'étendre à l'infini. Pas de murs, pas de plafond, seulement ce vide oppressant.

Puis, au loin, une forme apparaît : une ouverture.

Nous avançons prudemment, bras entrecroisés, comme si nous craignions de nous perdre à nouveau.

― Il y a une porte ! crient nos amis, leurs voix semblant provenir de très loin.

― Nous aussi ! hurle Amandine en retour.

Lorsque nous atteignons enfin la brèche, nous la déverrouillons ensemble. Une sueur froide coule dans mon dos ; je m'attends à ce que cette ouverture nous mène vers un autre lieu insensé, mais contre toute attente, nous débouchons dans le hall d'entrée du manoir, aussi poussiéreux et austère que lors de notre arrivée.

Face à nous, nos amis apparaissent également, franchissant une autre porte. Pendant un instant, nous nous regardons, incrédules, avant de courir les uns vers les autres.

― Vous êtes là ! s'écrie Tyna, les larmes aux yeux.

Nous nous jetons littéralement dans les bras les uns des autres, le soulagement pulsant dans nos veines comme une décharge électrique. Même Yuna, habituellement distante, accepte cette étreinte collective.

― Et si on se barrait d'ici ? murmure Théo, le visage blême.

Nous acquiesçons tous en silence, d'un commun accord. Sans perdre une seconde, nous nous précipitons vers la large porte d'entrée qui nous avait accueillis quelques heures plus tôt, lorsque nous avions eu la folie de penser que passer la nuit ici serait une bonne idée.

Mais en la déverrouillant, l'horreur s'abat sur nous. Ce qui nous attend de l'autre côté n'est pas l'allée bordée d'arbres ni le portail du manoir. À la place, d'immenses haies broussailleuses serpentent à perte de vue.

C'est un labyrinthe.


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