Chapitre 12 : Milles
Putain de merde !
C'est tout ce que j'ai envie de crier, encore et encore, depuis que mes amis et moi avons réussi à sortir de ce maudit manoir. On a cru, pendant un instant, que c'était fini, que la terreur qu'on avait vécue là-bas était derrière nous. Mais on s'est trompés. Horriblement trompés. À peine sortis, on s'est retrouvés ici, dans ce fichu labyrinthe, les haies gigantesques s'élevant autour de nous, sombres et oppressantes, leurs feuilles brillantes sous une lumière qui ne vient de nulle part, rien que pour nous étouffer. Les murs verts semblant même vivants.
― C'est à croire qu'on veut nous emmener quelque part par tous les moyens, j'entends soudain marmonner Amandine, tandis qu'elle nous guide à droite.
― J'en viens presque à regretter le manoir, tremble Théo, en serrant mon bras lié au sien un peu plus fort.
Et moi j'en viens presque à avoir envie de lui demander où sont passées ses couilles, mais se serait vraiment déplacé, et je ne crois pas que se soit le moment. Alors au lieu de ça je m'exclame :
― Ça paraît complètement fou qu'il ait disparu, comme ça !
― Bah... au point où on en est, murmure la brune aux yeux bleus. Je commencerais sérieusement à m'inquiéter quand Miya crachera du feu.
Tout le monde se met à rire, pourtant un nœud se forme dans mon estomac, me ramenant à cette réalité. À notre réalité. Pas celle où nous sommes un groupe d'amis quasiment tous adultes ‒ en restant tellement immatures ‒ qui profitons un maximum de nos derniers instants de folie avant un long moment, rigolant, plaisantant avec notre aléatoirisme surdéveloppé. Non, plutôt celle où nous sommes un groupe d'amis coincés dans une situation qui nous échappe tant elle pourrait paraître impossible.
Rien de tout ça ne peut être normal. C'est impensable. Personne ne nous croira jamais. Mais après ce qu'on a vu dans le manoir, est-ce que le mot "normal" a encore un sens ? J'aimerais m'enfouir dans mon déni, me convaincre qu'on rêve, qu'on délire tous à cause de... je ne sais pas. Miya dirait à cause de « la drogue qu'on a prise », ensuite en temps normal nous aurions continué sur d'autres dérives parce que c'est si simple entre nous de faire partir nos conversations sur un humour étrange. Je chasse mes pensées, me recentrant sur le fait qu'il n'y a pas de réelle cause, à part le destin. Est-ce une punition du Ciel pour toutes les conneries qu'on a sorties dans des moments non opportuns ? Aucune putain d'idée, mais ce qui est sûr, c'est que ce labyrinthe est bien réel, et tout comme le manoir, il n'a rien d'amical.
La peur serre ma gorge, mais je la refoule. Je n'ai pas le droit de flancher. Je dois rester fort, ne serait-ce que pour ma sœur. Elle marche le regard inquiet mais déterminé. Si je cède à ma panique, elle le ressentira. Et je ne peux pas lui faire ça. Pas même si c'était son idée de venir ici et qu'une part ‒ petite ‒ lui en veut.
Me reconnectant brutalement à l'instant présent, je réalise que nos pas groupés, presque mécaniques, nous ont menés en un lieu étrange. Si j'en crois le décor – et mon instinct qui crie au cliché –, il semble que nous soyons arrivés au centre du labyrinthe. Tout autour de nous, les immenses haies sombres et oppressantes forment un cercle parfait, comme si elles s'étaient resserrées pour nous emprisonner ici, ce qui compte tenu de la situation, paraît totalement crédible.
Mais ce n'est pas ce qui attire immédiatement mon attention. Non, c'est ce qui se trouve au centre de cette clairière végétale : six stèles, hautes et imposantes, disposées en cercle. Elles sont taillées dans une pierre étrange, ni totalement noire, ni complètement grise, comme si leur matière absorbait la lumière. Chacune porte un symbole gravé, complexe et indéchiffrable, qui semble vibrer doucement. À chaque stèle, une couleur différente émane, s'échappant des gravures comme une fumée lumineuse. La première stèle émet une lueur bleue, ondulante comme une surface d'eau paisible. La seconde brille d'un vert profond, presque terrestre, qui évoque la forêt et la stabilité. La troisième irradie une lumière rouge vibrante, chaude et agressive, rappelant le feu dévorant. La quatrième diffuse une aura blanche et argentée, légère et insaisissable, comme une brise aérienne. La cinquième est entourée d'une obscurité mouvante, une lueur d'ombre violacée qui semble absorber toute forme de luminosité. Et enfin, la dernière rayonne d'un éclat doré et pur, baigné de lumière éclatante. Les teintes dansent légèrement dans l'air, presque vivantes, comme si elles nous invitaient ou nous défiaient.
Un silence lourd s'installe entre nous. Nous nous regardons, hésitants, l'angoisse lisible sur chaque visage. Comme mus par une pensée collective – ou peut-être par une peur instinctive –, nous faisons un pas en arrière, prêts à rebrousser chemin. Mais à peine avons-nous tourné la tête que notre seule issue se referme avec un bruit sourd, presque organique. Les murs de haies se resserrent et se soudent, coupant définitivement l'accès.
Encore une fois.
Ce fichu endroit décide pour nous de nouveau. Encore une fois il nous force à avancer, il nous enferme un peu plus. Mon cœur s'emballe, et je dois lutter pour garder mon calme. Une part de moi hurle de rage, de frustration, mais une autre sait que céder à la panique ne nous mènera nulle part. Nous sommes coincés ici, devant ces stèles mystérieuses, et je sens qu'elles attendent quelque chose de nous.
Soudain, la même voix que nous avons entendue plus tôt retentie, froide et menaçante :
« En vain, j'ai tenté de vous arrêter,
mais les forces obscures sont trop agitées.
Depuis des siècles, elles fomentent allègrement,
préméditent leur vengeance,
et vous seuls, pantins innocents,
pouvaient la leur offrir, comme mettre fin à leur errance.
Choisissez le Bien mes enfants,
Car là où vous allez,
Personne ne devra savoir qui vous êtes,
et je ne vous serais d'aucune aide. »
C'est bon, j'ai perdu le contrôle, je laisse la panique prendre le dessus et je me détache du groupe pour murmurer, livide :
— Les gars, là c'est plus possible je suis désolé... On doit vraiment trouver de l'aide... J-
Je cours vers un buisson et vide mon ventre. C'est ce qui m'arrive quand je stresse énormément. Je vomis.
Ma jumelle se précipite vers moi, les larmes aux yeux, me frottant le dos.
— Je suis tellement désolée... Tout est de ma faute ! Si j'avais été moins stupide, rien de tout ça ne-
Elle est interrompue brutalement par Yuna qui l'a attrapé par le pull pour la retourner et la gifler.
— Ferme ta putain de gueule ! Tu commences à me casser les couilles ! Tu crois vraiment que c'est le moment de nous faire une scène de culpabilité ?! Parce que moi non, et je pense que tout le monde sera d'accord avec moi sur ce point !
Elle marque une pause, à bout de souffle.
Je me redresse, essuyant ma bouche du revers de la manche pour saisir ensuite la main de Miya qui pleure désormais, sa main libre posée contre sa joue rougie par le coup.
— Eh, dîtes... s'interpose Théo, avant que la brune aux bleus ne poursuive. On ne pourra pas tout simplement appeler la police ?
Yuna écarquille des yeux soudainement, s'approchant de lui pour poser ses mains sur ses épaules dans un geste enthousiasme.
— J'en reviens pas dire ça, s'exclame-t-elle, mais je t'aime ! Juste là maintenant parce que t'a dit un truc intelligent pour une fois, précise-t-elle, parce que sinon je te tolère simplement.
Je lève les yeux au ciel en même temps qu'Amandine et Tyna.
— OK, maintenant reste à savoir qui a son téléphone sur soi, raisonne Mandy, en fouillant dans ses poches. Moi je l'ai laissé dans mon sac... qui est...
— Dans la pièce où on a voulu dormir... conclue Tyna en remplaçant une de ses mèches brune et frisée derrière son oreille.
Je cherche à mon tour mais je me souviens l'avoir posé dans mon sac de couchage avant que nous partions faire un autre tour des lieux.
— Moi ! S'écrie ma paire, brandissant son éternel Samsung A04S.
Je l'embrasse sur le front à cause de l'excitation, tandis qu'elle pianote sur son écran.
— Allô ? Ici la police municipale de Rivemont, que puis-je faire pour vous ?
Nous poussons un cri de joie. Qui aurait cru qu'au milieu de ces plantes oppressantes, il y aurait du réseau ? Personne.
Mais la réjouissance est de courte durée. Un silence lourd, presque tangible, s'installe aussitôt après. Aucun de nous ne sait vraiment comment mettre des mots sur tout ce qui nous est arrivé cette nuit. Heureusement, Amandine prend les devants. Elle attrape le téléphone et compose un numéro d'urgence, sans hésiter, ce qui est surprenant venant d'elle. Après tout, elle n'a jamais supporté téléphoner, répétant sans cesse que c'est une perte de temps et que les textos suffisent amplement. Pourtant, dans l'urgence, elle a réagi.
— Avec mes amis, on a été visiter le manoir abandonné à la sortie de la ville, et... il s'est passé des choses étranges. Des voix... des murs qui bougent ! On s'est retrouvés séparés, puis piégés, et là... là, on est au milieu d'un labyrinthe terrifiant !
Sa voix tremble alors qu'elle débite tout à une vitesse folle, comme si elle avait peur de ne pas pouvoir tout dire à temps. Il y a un moment de silence à l'autre bout du fil, puis... des rires.
— OK, les jeunes, sympa la blague, mais on a mieux à faire que d'écouter vos conneries, ricane une voix masculine, sans même tenter de masquer son sarcasme.
— Mais c'est la vérité ! s'écrie Théo, ses poings serrés.
— On a déjà eu mieux comme canular téléphonique, reprend calmement le policier, visiblement excédé.
— Puisqu'on vous dit que c'est pas un canular ! hurle Tyna, hors d'elle. Ce sera de votre faute s'il nous arrive quelque chose !
C'est la première fois que je la vois perdre son sang-froid. Sa voix tremble autant de colère que de peur. Mais au lieu d'obtenir un peu de compréhension, nous entendons un soupir las.
— D'accord, où êtes-vous exactement ? demande enfin l'homme, sa voix plus posée.
— Dans un labyrinthe, répond Yuna. Quand on a trouvé l'entrée du manoir, le portail avait disparu, comme s'il n'avait jamais existé.
— Très bien. Restez où vous êtes, on envoie des renforts.
Un sanglot de soulagement me monte à la gorge, et je vois les larmes commencer à couler sur les joues de Mandy.
— Vous allez vraiment venir nous sauver ? murmure-t-elle, ses grands yeux bleus, brillants d'espoir.
Un rire, cette fois plus cruel, résonne dans le combiné.
— Bah non ! Vous pensiez vraiment qu'on allait se déplacer pour un mensonge bien ficelé ? Vous êtes juste une bande de petits cons.
— Mais...
— Écoutez-moi bien. Si jamais vous nous rappelez, je vous promets que vous passerez un sale quart d'heure.
Et avant que nous puissions protester, il raccroche.
Le téléphone tombe des mains de Mandy, qui s'effondre à genoux, les épaules secouées par des sanglots silencieux. Tyna pleure doucement, et je m'approche pour l'étreindre, caressant sa joue brune d'un geste tendre. Cette fois, aucun n'ose un commentaire taquin.
— On ne peut pas désespérer maintenant, s'insurge soudain Yuna, se rapprochant de la stèle d'où émane une étrange lueur sombre.
Elle semble résolue, comme si cet obstacle de plus n'avait fait que renforcer sa détermination. Inspiré par son courage, je m'approche moi aussi, posant ma main sur une autre stèle.
— Vous avez remarqué... ? lance soudain le rouquin, brisant le silence avec une pointe d'excitation dans la voix.
Je me retourne vers lui, intrigué.
— On est six... et il y a six cailloux, continue-t-il, pointant les stèles du doigt.
Yuna ne rate pas l'occasion de lui donner une tape derrière la tête.
— Abruti, réplique-t-elle avec une moue exaspérée.
Petit à petit, nous nous plaçons chacun devant une stèle, presque comme si une force invisible nous y poussait. Je sens le regard de Miya peser sur moi, inquiet et incertain. Lorsque je croise ses yeux, je sais que nous pensons à la même chose.
— Tu te souviens de ce film... ? Celui où les amis appuient en même temps sur quelque chose et que ça ouvre un chemin... demandé-je doucement.
Un sourire hésitant éclaire son visage.
— C'est pas celui avec Dora... ? Celui où ils finissent dans un temple, à résoudre des énigmes et à affronter des pièges ?
Je hoche la tête, sentant une étrange montée d'espoir. Peut-être que c'est ça, la clé. Peut-être que, comme dans ce film, tout ce qu'il nous reste à faire, c'est de croire en notre instinct et d'avancer ensemble.
— De quoi vous parlez encore, soupire Mandy.
— Grave, vous avez toujours des références de films de psychopathe, qui nous échappent... ajoute Tyna.
Je hausse les épaules.
— C'est dans Dora et la Cité Perdue. Et pour info c'est pas un film d'horreur, mais un film d'aventure drôle. Il nous arrive aussi de voir des comédies.
Théo esquisse un sourire crispé, manquant exploser de rire.
— Ouais, et quel est le lien avec... ça ? Demande Yuna, un air dédaigneux sur le visage alors qu'elle pointe du doigt le lieu.
C'est Miya qui, dans un souffle, qui crache le morceau :
— Dans le film, Dora et ses amis doivent explorer une jungle mystérieuse pour retrouver la Cité d'or perdue de Parapata, il me semble que c'est ça le nom. En fait c'est une cité mythique pleine de trésors.
— Attendez ! s'exclame Théo en se redressant brusquement. J'ai bien entendu « trésors », non ?
— Oui, je soupire, levant les yeux au ciel avec lassitude. Mais tu crois vraiment que c'est le moment de penser à ça ? Franchement, un peu de sérieux, Théo.
Yuna perd aussitôt patience, croisant les bras et fusillant le rouquin du regard.
— On n'est pas dans un putain de film, Théo ! rétorque-t-elle, la voix tremblante d'exaspération.
— Bah, excuse-moi, mais ça y ressemble vachement ! répond-il du tac au tac, défiant.
Malgré moi, je me surprends à hocher la tête. Aussi agaçant soit-il, il n'a pas complètement tort. Ce que nous vivons ressemble effectivement à une mauvaise parodie de film d'aventure, et cette pensée me glace autant qu'elle m'irrite. Avant que je ne puisse répondre, une voix mystique, éthérée et glaciale, retentit de nulle part. Elle semble venir de partout à la fois, flottant dans l'air comme un murmure porté par le vent :
— La sortie est proche. Posez vos mains au centre de chaque rune, et vous serez libérés de ce labyrinthe enchanté.
Le silence qui suit est presque assourdissant. Aucun de nous n'ose bouger, figés par l'incrédulité. Nos regards se croisent, hésitants, les questions flottant entre nous sans qu'elles soient prononcées. Devons-nous lui obéir ? Est-ce un piège ? Ou la clé pour enfin échapper à cet enfer ?
— Si on obéit, on pourra rentrer chez nous ! lance Oui-oui, avec un enthousiasme presque enfantin, qui lui ressemble dans sa façon de toujours voir la vie en couleur.
Je hoche la tête instinctivement, mais le regard perçant de ma sœur, Miya, me ramène aussitôt à la réalité. Elle plisse les yeux, les lèvres pincées, et secoue doucement la tête.
— Je sais pas... C'est peut-être une mauvaise idée, murmure-t-elle, ses paroles à peine audibles.
Yuna, déjà à bout de nerfs, explose.
— Alors toi, tu la fermes ! rétorque-t-elle, pointant un doigt accusateur vers Miya. C'est toi qui nous as convaincus de venir ici. Alors maintenant, on suit ce plan et on sort, OK ?
Je vois la colère s'éteindre dans les yeux de ma sœur, remplacée par une inquiétude sourde. Elle se mord la lèvre, comme si elle retenait une vérité qu'elle n'osait partager. Mais elle finit par garder le silence, ses traits tendus, comme ceux d'une poupée prête à se briser.
Malgré son malaise palpable, la majorité semble pencher pour suivre la directive. Théo, Yuna, et les autres déjà positionnés devant les stèles, leurs mains hésitant à se poser sur les runes gravées, comme si une force invisible les repoussait.
Un frisson glacé parcourt ma colonne vertébrale. Je ne peux m'empêcher de repenser à toutes ces scènes de films où les héros font exactement ce genre de geste, déclenchant un piège bien plus effroyable qu'ils ne l'avaient imaginé. Et pourtant, je suis là, ma main tremblante s'approchant de la pierre lumineuse devant moi.
— À trois ! tonne Tyna, sa voix résonnant comme un ordre dans le silence oppressant.
— Un, commence Amandine, sa voix légèrement tremblante mais déterminée.
Je prends une profonde inspiration, essayant de calmer les battements affolés de mon cœur. Mes mains moites tremblent légèrement, et je les essuie discrètement sur mon pantalon.
— Deux..., continue Théo, les yeux fixés sur la rune devant lui.
— Attendez ! m'exclamé-je soudain, rompant l'élan.
Tous les regards convergent vers moi, surpris, presque agacés par cette interruption de dernière minute. Mais je n'ai pas le choix, je dois le dire, maintenant ou jamais.
— Avant qu'on continue, je veux juste... vous dire que je vous aime.
Un instant suspendu. Le silence est dense, presque palpable. Puis les visages de mes amis s'adoucissent, une lueur d'émotion dans leurs yeux.
— Nous aussi, répond Tyna avec un sourire sincère, quoique légèrement nerveux.
— On t'aime à la folie, murmure Amandine, ses yeux brillant d'une chaleur réconfortante.
Théo, fidèle à lui-même, brise la tension avec une touche d'humour. Il forme un cœur avec ses mains, m'adressant un clin d'œil taquin.
— On le savait tous que t'étais gay, plaisante Yuna en levant un sourcil, un sourire moqueur aux lèvres. Mais pour ma part, ce n'est pas réciproque. On est d'accord là-dessus, non ?
Elle me fixe avec un regard espiègle, et je ne peux m'empêcher de sourire malgré la situation.
— Milles... Ce sera la première et dernière fois que je te dis ça, mais moi aussi, je t'aime très fort, admet-elle dans un souffle, sa voix légèrement rauque.
Un éclat de sincérité rare. Puis, comme pour briser ce moment d'émotion, elle passe une main autour de sa gorge, secouant la tête avec exagération.
Ma sœur ne reste jamais longtemps déprimée, ou du moins, elle ne le montre qu'un instant pour n'inquiéter personne, c'est surtout ça.
— Putain, ça m'a coûté de le dire ! s'exclame-t-elle, dans une tentative évidente de détendre l'atmosphère.
Un éclat de rire nerveux traverse le groupe, mais il est bref, remplacé rapidement par une tension palpable. Chacun échange un dernier regard, une sorte de promesse silencieuse.
— UN.
— DEUX. On rentre bientôt chez nous ! lance Théo avec une énergie retrouvée. On va tous dormir chez les Anderson, ça sera la fête !
— Ouais, approuve Miya. Je suis certaine qu'ils vont être contents de voir leurs enfants et les amis de leurs enfants débarquer en pleine nuit !
Un dernier sourire, un dernier soupir. Puis, d'un seul geste :
— TROIS !
Nos mains se posent simultanément sur les runes, l'énergie semblant crépiter sous nos doigts. Mais... rien. Absolument rien ne se passe.
L'incrédulité se lit sur nos visages. Lentement, nous nous reculons, épuisés, frustrés, un mélange de colère et de déception. Mais à peine avons-nous bougé d'un centimètre qu'un hurlement jaillit de nos bouches en même temps.
— MES JAMBES ! Elles ne peuvent plus bouger ! s'écrie Amandine, paniquée.
Je baisse les yeux, horrifié, et ce que je vois me glace le sang. Nos jambes... elles changent. Une teinte grise, métallique, commence à grimper le long de nos corps, comme une vague implacable.
— On est en train de se transformer en pierres ! hurle Théo, sa voix brisée par la terreur.
Je m'abaisse instinctivement, appuyant sur mes jambes comme si cela pouvait arrêter le processus, mais rien n'y fait. La texture dure et froide envahit ma peau, remontant inexorablement.
— Aidez-moi ! crie Yuna, sa voix se brisant, tandis qu'elle essaie désespérément de repousser l'inévitable.
Mes pensées s'embrouillent, mon cœur bat à tout rompre. Tout va si vite. La pierre grimpe, nous enveloppe. Nos épaules disparaissent sous cette surface impitoyable, et l'air devient de plus en plus rare.
Je sens mes joues se mouiller, mes larmes coulant librement alors que je lutte pour respirer. Mes amis pleurent aussi, chacun figé dans une posture de panique. Puis, enfin, tout devient noir.
Un silence absolu. Un néant total.
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