Dessin, Peur, Et Panique

Ayant trouvé son idée, Emil avait passé la fin de son après midi à faire des dessins de sa future œuvre.

Il était un peu plus de 18h. Concentré, il n'avait pas remarqué que sa journée était terminée. Certains de ses collègues sortaient des vestiaires, et, remarquant que le jeune homme n'avait toujours pas décroché de son travail, ils se dirigèrent vers la minuscule salle inutilisée qui servait depuis peu de vestiaire des femmes. Ils toquèrent quelques coups à la porte pour attirer l'attention des deux demoiselles qui se tenaient à l'intérieur, et s'adressèrent à la plus âgée.

"Ali ! Emil n'a toujours pas décroché, et vu sa concentration, je doute fortement qu'il nous entende. Tu pourrais le sortir de ses dessins ?

_... Vous êtes sérieux les gars ! Vous savez que c'est pas parce que je suis plus proche de lui que vous, que j'ai moins de chance de me prendre un pain. Pourquoi vous ne vous en occuperiez pas pas vous même, sérieux ?"

À sa voix, même étouffée par la porte fermée, on pouvais clairement deviner l'agacement d'Alina face l'incompétence et la lâchetée de ses collègues. Elle se dépêchat tout de même de se rhabiller, sachant pertinemment qu'elle ne ferait changer d'avis personne. Ce qu'elle n'avait pas prévue, c'est que Gaïa finisse avant elle de se changer et qu'elle décide d'aller chercher elle-même son aîné. La jeune fille se dirigeait donc d'un air déterminé vers le poste de travail d'Emil.

Arrivée à sa hauteur, la jeune fille l'observa un instant, l'air émerveillée par les dessins que le jeune homme avait produit d'une main de maître. Du croquis basique, ressemblant presque à des gribouillis, aux planches détaillants certains détails de la future œuvre, en passant par des vues d'ensembles détaillées avec des ombrages impressionnants, les feuilles étalés sur le bureau étaient toutes suffisamment belles et soignées aux yeux de la jeune fille pour être exposés.

Elle sortit de sa contemplation, se souvenant soudainement de ce qu'elle devait faire: prévenir Emil que la journée était terminée. D'après ce qu'avait dit Alina, il y avait un risque qu'elle se prenne un coup de poing en pleine tête. Ce fut donc avec cette idée qu'elle restait particulièrement attentive à tout ce qui l'entourait, et, surtout, au jeune homme devant elle.

L'appeler ne suffisait effectivement pas, comme l'avait dit les deux ouvriers. De plus en plus concentrée, elle tendit, lentement, une main des plus amicales, qu'elle posa sur l'épaule d'Emil. Presque tous les travailleurs avaient fini de se changer, autant de personnes qui constituaient un publique attentif et tendu. Mais au lieu de ce à quoi ils s'attendaient avec quelques crainte, autrement dit Gaïa qui se prenait le coup de sa vie dans le nez, ils assistèrent à une scène d'une toute autre nature: Emil s'était raidi pendant un dixième de seconde au contact de la jeune fille. Seulement, au lieu de son réflexe habituel, il se détendit, presque comme si on lui avait administré un calmant. Gaïa, étrangement, était dans un état presque similaire. On aurait pu croire qu'il s'agissait d'une mère veillant sur son enfant, à l'image de son homonyme mythologique. Pendant quelques seconde cette sorte de trans se prolongea, jusqu'à ce que, inconsciemment, Emil ne murmure un nom, inaudible aux oreilles de tous, mais immédiatement, une bulle sembla éclater sortant les deux jeunes gens de leur transe et les spectateurs de leur incrédulitée.

Parfaitement conscient qu'il n'avait pas réagit comme il l'aurait fait à son habitude, Emil était perdu. Normalement, depuis son traumatisme, seul Kabel était capable de le toucher sans se faire frappé ou repoussé plus ou moins violemment. Alina se prenait encore régulièrement des coups, alors que cela faisait un an que son amie s'évertuait à l'habituer à son contact.

"Comment t'as fait ça...?

_Fait quoi ? Te toucher ? J'ai simplement tendu la main, et c'est tout. Pourquoi, tu fait pas comme ça, toi, peut-être ?

_Mais non ! Je. Je voulais dire... Comment tu as fait pour que je te frappe pas ? Je te connais pas, je suis pas habitué à ta présence, j'avais pas encore ne serait-ce qu'un seul contact physique avec toi, et toi t'arrive, la bouche en cœur, comme une fleur, et tu arrive à établir un contact, sans te prendre un coup qui aurait pu te casser le nez !? Désolé, mais la seul personne avec qui c'est arrivé, c'est mon fiancé aujourd'hui et j'étais inconscients puis quasiment incapable de bouger pendant que je m'habituais à son contact. Or, là, maintenant, je suis ni inconscients, ni incapable de bouger, et tu n'est certainement pas mon fiancé!"

Il avait dit tous cela d'une traite. Tous ceux qui observaient la scène était sous le choc. Au début de sa tirade rien d'étonnant, il avait l'air perturbé, mais normal, tout du moins par rapport à son habitude et à la situation. Mais plus il parlait, plus il avait l'air plutôt agacé, énervé même. Alors qu'il terminait, on aurait pu croire qu'il était presque dégouté.

"Quoi ? C'est si bizarre que ça ?"

La jeune fille était réellement étonnée. Elle n'avait rien fait de spécial, elle s'était juste préparé mentalement et s'était concentrée pour éviter où parer un coup. Mais c'était tout. Lorsqu'elle avait retiré sa main, elle s'était dit que ce fameux risque de se prendre un coup avait du être exagéré. Elle avait concentré son attention sur le fait de ne pas faire peur à Emil. C'était vraiment tout.

Seulement à la manière que tous avaient de la regarder, elle compris que ce n'était pas une blague, que rien n'avait été exagéré, que ce qu'elle avait fait était pour tous l'équivalent d'un miracle, ou presque. Emil à it vite troqué son air de presque dégoût pour un air suppliant. Elle fronça les sourcils, ne comprennant plus rien.

"Je te promet que j'ai rien fait de spécial, en tout cas, pas que je sache."

Maintenant, c'était elle qui suppliait du regard. Elle avait peur d'avoir fait quelque chose de mal sans s'en rendre compte. C'est à ce moment là qu'une femme brune, coiffé d'un chignon parfait et montée sur des escarpins à donner le vertige, entra dans l'atelier.

"Gaïa ! Viens vite si tu est prête, j'ai pas beaucoup de temps.

_Oui maman, une seconde, j'arrive !"

Elle soupira un bon coup et ramassa le sac qu'elle avait laissé un peu plus loin, contennant ses affaires de travail. En se dirigeant vers sa mère, elle s'arrêta devant Emil, et, voyant son air pensif, lui promit de lui dire si elle se souvenait de quelque chose. Elle se tourna ensuite vers les autres ouvriers et leur dit au revoir,ce a quoi tous répondirent bruyamment.

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Emil était rentré chez lui depuis presque 3h quand Kabel rentra à son tour. Épuisé par sa journée de travail, ce dernier s'affala avec la délicatesse d'un éléphant sur le canapé, face à la télé, dans le salon de la petite maison. Il respira doucement, les yeux fermés, avant de les rouvrir sur son Mil. Face à lui, ses cheveux humides tombant sur ses épaules alors qu'il les frottaient dans une serviette déjà imbibée d'eau, il avait l'air fatigué mais heureux. Ils se sourirent, aucun d'eux ne souhaitant rompre le silence apaisant qui régnait à ce moment précis.

Alors que le plus jeune jugeait ses cheveux suffisamment sec pour s'habiller, il entreprit de retourner à la chambre qu'il partageait avec son fiancé, lui faisant un bisous au coin de l'œil au passage. Mais ce geste, eu pour effet de décrocher la serviette attaché autour de son torse. Bien qu'il lu rattrapée rapidement, on pouvait maintenant clairement voir les dizaines, où plutôt centaines, de cicatrice qui ornaient son dos et son torse. Certaines laissant clairement comprendre qu'il n'avait pas été simplement maltraité, comme, malheureusement, beaucoup de jeunes dans sa situation pendant l'adolescence, mais bel et bien torturé, et marqué comme du bétail. Certaines  marques étaient grossières, mais assez nette pour ne pas être accidentelles. La plupart, d'une précision presque chirurgicale pour certaine, le marquerais à vie. Des cicatrice écrivaient des insultes, des paroles ignobles, sur sa peau: "PUTE", "SALOPE", "CONTRE NATURE", "ERREUR"... Et celles-ci n'étaient même pas les pires.

C'est pour cacher ces mots et ces marques, aux autres mais surtout à lui même, qu'il prenait le plus grand soin à n'avoir dans son armoire que des vêtements le couvrant bien de la base du coup jusqu'au coude, au minimum. Des marques et des insultes toutes aussi sordides le poussait à ne portait que des pantalons. Suporttant mal la chaleur, il avait cependant appris à vivre en laissant son coup et ses avant bras à l'air libre. Bien qu'elles aussi marqués, ces parties de son corps avaient été relativement épargnés par les tortionnaire du collégiens qu'il était à l'époque. Il aurait été dommage d'être dérangé pour si peu, après tout. Une peine que ne s'était pas donné Emil, alors qu'il avait perdu santé, mentale aussi bien que physique, amis et famille. Une tentative de suicide par jour pendant 10 longs mois: c'était devenu un rituel, auquel jamais il ne s'était soustrait hormis lors de ses passage dans des hôpitaux desquels ils s'échappait le plus vite possible. Son seul objectif était à cette époque de mourir.

Laisser clairement voir ainsi ces marques équivalaient, pour Emil, à revenir 8 ans plus tôt, quand tout avait commencé, et à revivre chaques instants.

Et Kabel n'y pouvait rien. Lorsqu'une chose pareille se produisait, son fiancé se paralysait, tremblant, respirant difficilement, mais lui ne pouvait rien faire.

Toucher Emil, ne serait-ce que pour le faire asseoir ou l'empêcher de tomber, faisait se renfermer encore plus le jeune homme et avait pour effet de faire durer les crises plus longtemps.

Parler aussi était inutile, l'effet était le même. Les paroles se mêlaient systématiquement aux souvenirs, se mélangeait, étaient rendu malveillantes par l'esprit brisé du sculpteur.

Tous ce que pouvait faire Kabel, c'était attendre.

1 minute.

2 minutes.

3 minutes.

Une crise aussi longue était incroyablement rare.

4 minutes.

Depuis maintenant 6 mois, cela n'avait jamais duré plus de 30 secondes.

5 minutes.

Emil était rouge, le visage noyé de larmes. Ce n'était pas normal.

6 minutes.

Kabel appela les urgences.

7 minutes.

Emil tomba. Il semblait agoniser.

8 minutes.

Où était cette putain d'ambulance.

9 minutes.

10 minutes.

Emil reçu un calmant, l'ambulance était arrivé. La plus longue crise qu'avait faite Emil avait durée 4 minutes 30. C'était il y a 4 ans, 11 mois et 16 jours. En ce 20 juin, solstice d'été et veille de l'anniversaire de son fiancé, Emil avait presque rencontré la mort.

Celle-ci c'était contentée de reconnaître l'âme qui l'habitait.

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Et hop, un nouveau chapitre!

Oui, j'écris des truc pas très joli ou joyeux aujourd'hui, mais je suis contente.

Ça vous gène ? Parce que moi oui.
Non sérieux, c'est pas un peu beaucoup immoral ?

Bref, vous avez un chapitre, moi je suis, je sais même pas pourquoi, comme ça tout le monde est content !

Voili voilou. Bonne nuit les petits...

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