Chapitre 10

J'ai trouvé que les paroles de cette musique résumaient bien maintenant les pensées de notre cher Alec ! Bonne lecture.

Le désastre avait finalement été évité mais ce n'était aucunement grâce à elle. Scarlett se sentait aussi mal qu'on le pouvait, se traitant de tous les mots. Elle n'avait pas été professionnelle. Le pire à ses yeux n'avait pas été le fait de perdre deux élèves mais la cause de cette perte : Alec. Comment ce jeune homme pouvait-il la chambouler à un point tel qu'elle en oubliait sa position d'institutrice ? Ce métier qu'elle chérissait tant, elle avait failli le perdre par inadvertance, parce qu'elle était fascinée par un homme, par Alec ! Toute cette peur à cause d'un homme qu'elle connaissait à peine et qui avait pourtant déjà une véritable emprise sur elle... Il était mauvais, toxique même ! Mais il était là quand d'autres ne l'étaient pas.

Elle n'osait même pas lever les yeux vers lui de peur d'y relire du désir, ou pire de l'amour. La jeune femme fixait sa tasse de chocolat chaud, essayant de se reprendre mais elle sentait qu'elle ne pouvait gagner le combat contre son cœur et son corps. Même sa raison semblait s'être rendue à l'ennemi en n'ayant même pas livré bataille. Etait-ce raisonnable de suivre ce que tout son être lui dictait de faire ?

Alec, lui, accordait peu d'importance à sa boisson chaude. Déjà parce qu'il n'y avait pas beaucoup d'intérêt à regarder une tasse de café mais surtout parce qu'une belle femme lui faisait le plaisir de rester en sa compagnie. Il avait conscience d'outrepasser les règles de bienséance en se focalisant ainsi sur ce si joli visage mais comment se détourner d'un spectacle aussi époustouflant ? Il désirait ardemment l'embrasser mais il avait peur de la froisser. Elle semblait si lointaine, ses yeux perdus dans le vague. Et puis, il ne savait si la table constituerait un obstacle car elle avait beau être en face de lui et même si leurs jambes se frôlaient, on aurait dit que jamais il ne pourrait l'atteindre. Comme si elle était intouchable. Ce n'était pas l'envie de la toucher qui le retenait mais bien la politesse. Aussi préféra-t-il glisser sa main sous la table, discrètement, et la placer aussi confiant que possible sur le genou de Scarlett qui sursauta brusquement avant de rougir de son attitude.

Elle aurait pu repousser cette main mais cette dernière ne violait aucune règle. Elle avait pris possession d'une partie de son corps qu'elle savait ne plus lui appartenir tout à fait. Ce corps qui réagissait aux mouvements d'Alec, pouvait-il être encore considéré comme sien ?

— Alec... Souffla-t-elle.

— Je peux la retirer si c'est ce que tu désires.

— Et si je ne le désire pas ? Se surprit-elle à ajouter.

— Alors elle restera sagement à sa place, répondit-il et tout en disant cela, il mouvait ses doigts sur le genou de Scarlett comme pour lui montrer la force de ses caresses. Oh non, il n'arrêterait jamais ! Ce simple contact lui procurait un plaisir sans limite et il en était de même pour la jeune femme qui se cramponnait à la table, prête à se laisser aller. Mais l'environnement était peu propice à l'expression de leur désir. Le patron du bistrot qui les observait scrupuleusement ne les laisserait sûrement pas aller aussi loin qu'ils le désiraient.

— Il va encore nous regarder longtemps comme ça ? Maugréa Alec dans sa barbe.

— Qui ça ?

— Le patron derrière le bar.

— Et comment nous regarde-t-il ?

— Et bien, répondit Alec pour gagner du temps parce qu'il voulait reformuler la phrase qui lui était venue à l'esprit à savoir « Il nous regarde ainsi parce qu'il a compris qu'on était sur le point de se jeter dans les bras l'un de l'autre ». Il était persuadé qu'il pouvait faire mieux que ça.

— Et bien, je crois qu'il a compris ce qui se tramait entre nous, se reprit-il.

— Et que se trame-t-il entre nous ? Le questionna Scarlett.

— Est-ce raisonnable de le dire ici ? Il lui fit un clin d'œil qui voulait tout dire et elle ne put s'empêcher de rougir. Il n'avait pas mis les mots sur leur désir mais il l'avait sous-entendu.

— Serait-ce raisonnable de me le dire chez moi ?

— Je ne me contenterai pas de te le dire, je le mettrai en pratique.

Il ne savait pas ce qui lui prenait de flirter ainsi. Il lui semblait que tout ce qu'il voulait dire se transformait en une mauvaise drague, qu'il le veuille ou non. Apparemment il était plus doué pour flirter que pour parler sentiments et il redoutait que cela fasse peur à Scarlett mais elle était complètement sous le charme du jeune homme. Jamais on ne lui avait parlé ainsi. Les hommes qu'elle avait fréquentés n'avaient jamais tourné du pot, ils parlaient cru. Avec Alec, c'était subtil et pourtant cela n'empêchait pas l'éveil de son corps. Elle frémissait de plaisir et la main chaude d'Alec sur son genou n'aidait en rien à se contrôler.

— L'idée est terriblement tentante...

— Alors dis oui, la pria Alec en raffermissant sa prise sur le genou. S'il recevait une réponse négative, il n'était pas sûr de pouvoir la supporter. Toute la journée, il l'avait contemplée et même si c'était un bonheur que de l'observer, c'était aussi une torture.

Elle le regarda, prête à tout lui accorder et Alec jeta quelques pièces sur la table avant d'entraîner la jeune femme vers la sortie. Ils n'avaient plus de jambes, ils avaient des ailes !

*

Quand ils s'engouffrèrent dans l'appartement, tout était silencieux et plongé dans le noir. Alec sut que Scarlett ne serait pas en mesure de lui faire visiter son logis et, en vérité, il n'avait pas du tout ça en tête. La dernière fois qu'il avait fait l'amour à une femme remontait déjà à quelques années alors quand Scarlett s'empara la première de sa bouche, Alec sentit la peur l'habiter. Et s'il ne savait plus comment il fallait s'y prendre ? Et s'il n'arrivait pas à la rendre heureuse ? Il se sentait nigaud et incapable mais quand la jeune femme entreprit de lui enlever son manteau, ce fut le déclic chez le cantinier. L'art d'aimer ne se perd jamais, pensa-t-il tout en l'étreignant fortement contre son torse. Les cheveux de Scarlett le chatouillaient et quand il les dégagea pour atteindre son cou, l'odeur de son parfum plana dans l'air, entêtant. Il lui tardait de l'aimer. Même contre sa poitrine, elle ne semblait pas aussi proche qu'il l'espérait. En lui ôtant sa veste, il prit son temps, caressant ses bras de ses mains et il sentit la peau de Scarlett frémir sous son toucher. Toujours doucement et lentement, il s'accroupit et entreprit de lui enlever ses bottines. Quand cela fut fait, il caressa les chevilles libérées puis se redressant, ses mains parcoururent le chemin inverse. Dans le noir le plus complet, il lui semblait quand même que les yeux de Scarlett luisaient de plaisir. Quand il s'arrêta de la toucher, elle recula d'un pas, se dérobant à lui. Elle était silencieuse, seule sa respiration accélérée attestait de sa présence. La tension était électrisante et la pénombre dérangeait Alec qui ferma les yeux. Il aurait dû se trouver chez lui à cette heure, sur son canapé, à regarder sans attacher beaucoup d'attention, la télévision. Mais aujourd'hui, il était chez Scarlett, dans la pénombre de son vestibule, à se demander s'il devait se rapprocher d'elle et la prier de le rendre heureux. Jamais auparavant, il ne s'était dit qu'il désirait cette chose idéaliste que l'on appelle le « bonheur » parce que selon lui, ce ne pouvait être plus qu'un mot, qu'une parole en l'air. Mais si ce mot prenait tout son sens maintenant, c'est qu'on pouvait goûter au bonheur, à une plénitude indescriptible. S'il connaissait les mots, avec Scarlett il en comprenait le sens profond. Elle rendait à la vie toute sa saveur.

— Alec... Une voix timide prononça.

— Scar... Il n'eut pas le temps de finir ce magnifique prénom qu'une bouche le bâillonna sans plus de cérémonie. Il se laissa aller dans les bras chauds de la jeune femme comme jamais il ne l'avait fait auparavant. S'il n'avait pas oublié comment donner de l'amour, il avait certainement oublié les sensations qu'on pouvait ressentir à être aimé.

Deux jambes enserrèrent sa taille tandis qu'il plaçait ses bras de façon à soutenir Scarlett dans son ascension. En même temps qu'il l'embrassait, il avançait lentement dans la pénombre. Mais s'il avait pu croire qu'il trouverait la chambre à coucher sans encombre, il se leurrait. A la place, il rencontra brutalement le canapé et enlacés, ils tombèrent dessus, leur arrachant un cri de surprise. Coincée contre lui, Scarlett pouffa de rire et les vibrations de ses cordes vocales semblèrent se répercuter dans le corps du jeune homme. La passion monta d'un cran, il le sentait et il ne voulait plus ressentir ce manque qui le tenaillait alors, plaçant une de ses mains dans le cou de Scarlett, il rapprocha son visage du sien et le déclara à nouveau sien. Passionnément, fiévreusement. Mais il sentit bientôt perdre le fil et il paniqua, s'échappant à son étreinte en la repoussant gentiment mais fermement.

Tout ce qu'il pensait ne jamais vivre, tout ce qu'il pensait ne plus pouvoir mériter lui était offert sans problème. Il avait abandonné l'idée de connaître ce genre de sentiments depuis longtemps. Depuis presque six ans. Et maintenant qu'il y goûtait, il était terrifié, apeuré. Comme un bébé devant une situation nouvelle, comme un chiot affrontant pour la première fois l'extérieur et ses dangers.

— Alec ? Tu vas bien ? Demanda la plus douce des voix et il eut presque envie de s'injurier pour avoir mis un terme à leur échange. Comment pouvait-il expliquer son comportement sans parler de son séjour en prison ? Il n'avait aucune envie d'aborder le sujet. Il était fatigué de penser sans cesse à ces années de sa vie, à cette période qu'il avait certes méritée mais qui le tirait sans cesse en arrière. Il était libre maintenant mais il se sentait toujours aussi prisonnier. Pas prisonnier de barreaux, mais prisonnier des préjugés parce que si la société l'avait puni, elle le punissait toujours.

— Je... Je suis désolée Scarlett. Ce n'est pas toi le problème...

— Tu n'as pas à t'expliquer Alec.

— Je suis terrifié, je ne sais absolument pas comment me conduire. Crois-moi, j'ai envie de t'embrasser à nouveau !

— Pourquoi te retenir ? Pourquoi choisir la peur à l'inconnu ?

Il savait qu'il avait commis une erreur à l'instant qu'il s'était détaché d'elle. C'était sûr. Ce soir, il ne voulait pas poursuivre plus loin leur échange. Il désirait être certain de savoir ce qu'il faisait. Autant pour se conserver que pour éviter à Scarlett une parfaite désillusion.

— Ne m'en veux pas trop Scarlett, chuchota-t-il, priant pour son indulgence. A la place d'une quelconque réponse, une main se nicha dans la sienne. C'était bien mieux que des mots, ce geste ! Réconfortant était le mot approprié mais aussi surprenant parce qu'il remarqua qu'il n'en pouvait plus de tracer son chemin en solitaire, de faire croire qu'il était un grand gaillard qui ne ployait pas sous le poids de la vie. Il voulait plus qu'une présence maintenant, il voulait Scarlett. Il était peut-être trop tôt pour nourrir de telles pensées – Alec ne savait même pas s'il pouvait les qualifier de romantiques – mais il ne voulait plus se priver de ce qui lui faisait du bien. Et même s'il se jetait la tête la première dans la plus grande désillusion de sa vie, il s'en contrefichait.

Quand cette même main l'entraîna dans sa suite, il ne protesta pas. S'élever contre le bonheur ? Il n'était pas assez idiot pour détruire une joie qui était sienne.

Lorsque son corps rencontra le matelas moelleux et qu'il sentit la jeune femme s'allonger à ses côtés, toute proche de lui, un sourire béat irradia son visage sans qu'il n'en soit le créateur. Car ce sourire, il le devait à Scarlett.

Les mains derrière la tête, il songeait. A ce que serait maintenant savie. Peut-être serait-elle plus simple ou peut-être bien plus compliquée maisce soir il se sentait l'âme d'un aventurier : prêt à prendre le risque degagner comme de tout perdre.


N'hésitez pas à commenter et/ou à aimer ! J'espère que ce chapitre qui montre le rapprochement de Scarlett et Alec vous a plu !


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