Chapitre 9



Harry attendit avec impatience sa libération de l'infirmerie. Il avait dormi - plutôt bien compte tenu de sa chute et de sa présence à l'infirmerie - mais il devait avouer ressentir une sensation d'oppression. Il aurait probablement dû en parler, il était d'ailleurs certain que Pomfresh l'écartèlerait sans pitié si elle découvrit un jour qu'il avait omis volontairement un tel symptôme.

Cependant, il avait la certitude que cette sensation d'étouffer, comme si l'air autour de lui n'avait pas assez d'oxygène pour lui permettre de respirer correctement, n'avait aucun rapport avec la chute dans les escalier. Il avait un vague sentiment que la chute en question n'était pas vraiment accidentelle, et il se jura d'en demander les détails à Ron.

L'infirmière l'examina une dernière fois, lèvres pincées comme si elle suspectait qu'il n'était pas aussi en forme qu'il le prétendait, puis soupira.
- Je suppose que je n'ai pas besoin de vous dire d'être prudent, Harry ?
Il afficha un sourire totalement factice qui sembla convaincre la brave femme. Elle roula des yeux et lui pressa gentiment l'épaule.
- De toute ma carrière, vous êtes probablement l'étudiant qui m'a rendu visite le plus souvent... Faites-moi plaisir, jeune homme. Si vous ressentiez la moindre gêne, la moindre sensation inhabituelle, venez immédiatement me voir, d'accord ?

Harry hésita une fraction de seconde, et regrettant de mentir ouvertement à cette femme si maternelle malgré sa réputation de dragon, il hocha la tête.
- Oui madame.


Pomfresh hocha la tête et soupira.
- Je suppose que ce n'est pas la peine de vous proposer de rester un peu plus longtemps ici pour que je sois sûre que tout va bien ?
Il écarquilla les yeux, priant pour être assez bon comédien et il lui offrit son air le plus suppliant.
- Je vous assure, madame. Je vais parfaitement bien. Vraiment. Je préférerai ne pas manquer de cours.


Elle eut un rire amusé et leva les yeux au ciel.
- Bien évidemment. Les cours. Je suis prête à parier que vous n'avez pas un seul instant pensé aux cours pendant votre petit séjour ici. Je vous libère...

Harry se leva d'un bond avec un soupir soulagé et il lui adressa un large sourire en se précipitant derrière le paravent pour se changer. Dès qu'il fut dissimulé aux yeux de l'infirmière, il perdit son sourire et grimaça légèrement en se frottant la poitrine.
Cependant, il se changea à la vitesse de l'éclair, bien décidé à quitter les lieux.

*


Harry parcourut les couloirs à pas lents, perdu dans ses pensées. Son coeur battait à tout rompre, sans qu'il ne comprenne les raisons de cette soudaine impatience. Pourtant, il prenait son temps, essayant de démêler ce qu'il ressentait.

Quelque part au fond de lui, il sentait la colère pulser, omniprésente. Elle était étouffée pour l'instant, comme si quelque chose - quelqu'un - l'avait apaisée. Mais il suffirait d'un rien pour la faire ressurgir, pour le submerger.

L'image des yeux gris de Malefoy - ces yeux uniques, prenant des reflets presque métalliques selon l'humeur du Serpentard - lui vint à l'esprit, et il marqua un bref temps d'arrêt, sourcils froncés. Peu importait la raison de cette soudaine pensée, mais il devait reconnaître que Malefoy arrivait à l'apaiser. À l'aider à se sentir mieux. Ça ne l'étonnait même pas : depuis qu'il était arrivé à Poudlard, sa vie semblait tourner autour de Malefoy. Ils s'opposaient, se battaient, mais ne pouvaient pas se quitter des yeux. C'était un perpétuel jeu du chat et de la souris entre eux, et il n'était même pas étonné que Malefoy soit le seul à pouvoir l'atteindre du fond de sa rage venue de nulle part.


Il marqua une légère pause en arrivant devant la Grande Salle, alors que son coeur s'affolait. Il prit une grande inspiration puis entra d'un pas sûr, ignorant ses camarades qui chuchotaient sur son passage.
Il rejoignit sa table, tranquillement, comme si tout était normal. Comme s'il n'était pas tombé des escaliers de Poudlard.

Ron lui fit un large sourire, mais sembla un peu crispé, jusqu'à ce qu'il lui sourît en retour. Il se laissa tomber à ses côtés, et le salua à mi-voix. Puis, comme aimanté, il leva la tête pour se plonger dans le regard de Malefoy.

Bien évidemment, ce dernier le regardait. Le fixait même. Harry l'avait senti. Il avait senti le poids de son regard à l'instant où il était entré, et il avait dû lutter pour ne pas tourner la tête vers lui. Maintenant qu'il était installé, il pouvait enfin cesser de faire semblant et se perdre dans ce gris réconfortant, son point de repère.

Il entendit Ron lui demander de ses nouvelles, et il répondit presque automatiquement, rassurant son ami sans jamais le regarder. Puis, il sourit discrètement. Un bref sourire, mais qui n'était destiné qu'à une seule personne, à l'autre bout de la pièce.

Son coeur accéléra et la colère reflua, si loin à l'intérieur de lui qu'elle semblait partie. Et lorsque le sourire lui fut retourné, il eut l'impression qu'il ne serait plus jamais en colère, que le sourire et les yeux de Malefoy avaient chassé cette part de ténèbres en lui par un étrange mécanisme. Comme si le Serpentard avait le contrôle de ses émotions.

Il baissa les yeux un court instant pour cacher son trouble, et se servit un verre de jus de citrouille, priant pour qu'il ne soit pas réellement en train de rougir comme il en avait l'impression. Il souffla doucement, puis demanda à Ron ce qu'il avait manqué - pure politesse puisque rien d'autre que ce qui se passait à la table Serpentard ne l'intéressait.
Pendant que Ron parlait, il releva les yeux, et se laissa happer par son obsession. Malefoy était occupé à parler avec Zabini à ses côtés, mais lui pouvait le détailler en toute tranquillité. Réapprendre chaque courbe de son visage, chacune de ses expressions.

Il inspira profondément en se rendant compte qu'il connaissait Drago Malefoy parfaitement. Il pouvait certifier qu'il était agacé par les paroles de Zabini en voyant le léger pli à la commissure de ses lèvres, ou qu'il s'impatientait en voyant ses longs doigts pâles tapoter sur le bord de la table.
De la même façon, il savait ce qu'il avait mangé et bu, parce que Malefoy prenait toujours la même chose.

En se levant de table exactement au même instant que le Serpentard, Harry se fit la réflexion que l'étrange oppression qui l'avait gêné à l'infirmerie avait disparu... Finalement, pas de quoi fouetter un niffleur.

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