5. Je t'en prie, aide-moi !

Je ne dis rien de ma rencontre avec le loup à mes parents. De toute façon, ils ne semblaient pas disposés à m'écouter... Pour mon violon, j'allais me débrouiller, et je retournerai le chercher lorsque j'en aurais le courage. Mais pas tout de suite. Je montai à l'étage en courant presque, les jambes tremblantes, et m'enfermai dans ma chambre avant de m'écrouler sur mon lit.

Un souffle angoissé m'échappa lorsque mon regard se porta sur ma fenêtre, et sur la forêt. Il aurait pu m'arriver n'importe quoi, quand j'étais face à ce loup. Il aurait pu me sauter dessus, me blesser, me mordre, ou même me tuer ! Il y avait eu tant de haine dans son regard, je n'y comprenais plus rien. Comment un animal pouvait exprimer des sentiments aussi... Humains ? Non pas que je pensais que les animaux n'avaient pas d'âme, mais... Autant de haine et de mépris ? Impossible.

Je frottai mes mains l'une contre l'autre pour les réchauffer, et un rire nerveux m'échappa. Je ne pensais pas sérieusement que ce n'était pas un loup ? J'étais devenue folle, c'était la seule explication possible ! Ou alors, c'était le contrecoup de la terreur que j'avais ressentie... Oui, c'était sûrement ça. Je frissonnai en repensant au regard sombre du loup, noir comme son pelage. Il devait être très doux à caresser, mais... Je ne voulais pas tenter l'expérience. C'était même totalement stupide d'y penser !

Soudain, ma fenêtre étant entrouverte, j'entendis un hurlement lupin, et étouffai un cri de frayeur de la main. Je frissonnai, sentis mes poils se hérisser. Je triturai mon oreiller entre mes mains pour tenter de me détendre, et me mordis violemment la lèvre. J'étais sûre que ce loup l'avait fait exprès pour me faire peur. Eh bien il avait parfaitement réussi ! J'étais terrorisée.

J'entendis brusquement un bruit dans ma chambre, et sursautai avant de me coller le plus possible au mur. Je reconnus avec un temps de retard le vibreur de mon portable, et lâchai un soupir de soulagement. J'étais bête. Très bête, même. J'attrapai mon téléphone, certaine que c'était Layla. Celle-ci voulait sans doute me faire part des derniers potins, et aussi, sans doute, me poser plein de question.

Mais le numéro m'était inconnu. Qui pouvait bien m'écrire, à part ma meilleure amie ? J'eus aussitôt la réponse. Chris. C'était forcément lui. Un sourire sur les lèvres, et toute ma peur oubliée, j'ouvris le message.

Salut, Plume. C'est ton amie qui m'a donné ton numéro. Comment tu vas, Pocahontas ? Ton emménagement s'est bien passé ?

J'eus un soupir stupide de joie. Il m'écrivait ! Je m'empressais de répondre.

Salut. Je vais bien, et toi ? Oh, oui, il faut juste s'habituer à sa nouvelle maison.

Je n'osais pas poser de questions trop personnelles, parce que... Je ne le connaissais pas. Il m'avait juste embrassée, alors... J'avais peur de paraître indiscrète, ou impolie. En attendant sa réponse, je m'allongeai sur mon lit en envoyant valser mes chaussures. Le fait de parler avec lui était aussi bénéfique que mon violon. Mon violon... Soudain, j'eus peur. Et si des loups (ou alors ce loup noir) l'abîmaient, le griffaient, ou en rompaient les cordes ? Jamais mes parents ne voudraient me le réparer !

Je serrai les dents de désespoir. Je ne pouvais pas retourner dans la forêt maintenant, j'avais trop peur ! Et j'étais sûre que le loup m'attendait, qu'il s'assurait que je n'allais pas revenir... Je me recroquevillai sur moi-même avec un souffle angoissé, avant de me faire violence. Ce n'était qu'un loup ! Il n'allait certainement pas me guetter ! Ce n'était qu'un animal ! Depuis quand j'échafaudais des théories improbables ?

Mon portable vibra, me ramenant à l'instant présent. Je m'en emparai avec impatience, et lu le message de Chris.

Ça va. J'imagine que ça doit être assez déboussolant pour toi. Quel temps il fait chez toi ? Ici, il fait un peu frais, mais ça va. Comment es ta chambre ?

Mes joues rougirent. Il s'intéressait vraiment à moi ! Jamais cela n'était arrivé avant, et puis... C'était Chris, quoi ! Je mordis mon sourire, même s'il ne pouvait pas me voir. Je savais que j'étais stupide d'être amoureuse, mais... Mon sourire s'élargit tandis que je répondis :

Il neige. Comme depuis qu'on est arrivés. Ma chambre est presqu'identique à celle que j'avais avant. Elle est juste un peu plus grande. Mais c'est parfait pour mes bibliothèques.

Encore une fois, je n'osai pas poser de questions trop personnelles. Il devait peut-être avoir plusieurs conversations du même genre en même temps, alors... J'avais tendance à beaucoup l'idéaliser. Mais en même temps... Un soupir extasié m'échappa, et je me calai contre mes oreillers en souriant. Il était parfait. Comment pouvais-je douter de lui ? Il n'était pas du genre à m'écrire, et à faire la même chose avec d'autres femmes ! D'accord, il avait eu plusieurs petites amies, mais... Je devais lui faire confiance. Il me répondit rapidement.

Il neige ? Ah, l'horreur. Je déteste le froid. Et je ne savais pas que tu aimais lire.

Je ravalai mon sourire stupide pour lui répondre rapidement.

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En fin de compte, nous avions parlé toute la soirée. J'avais appris beaucoup plus sur lui en un soir qu'en cinq ans passés à ses côtés. Par exemple, il n'aimait pas le froid, son plat préféré était les pâtes, son auteur favori était Maupassant, qu'il faisait beaucoup de sport juste pour se canaliser etc. De mon côté, j'avais eu plus de mal à dévoiler des petits secrets comme lui, mais j'avais fini par me prendre au jeu. Et c'était assez drôle, mais aussi surprenant, de lui parler comme ça. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine sans répit, et il me semblait que jamais mes joues ne pourraient s'arrêter de rougir. Le fait qu'il s'intéresse à moi était nouveau, mais génial.

J'avais expédié le dîner en dix minutes, pressée de retrouver Chris et de fuir l'ambiance lourde de reproches qui régnait à table. De retour dans ma chambre, je m'étais jetée sur mon portable, toute la peur due à ma rencontre avec ce loup noir oubliée. De toute façon, je n'allais pas recroiser cette bête ! Chris me posait plein de questions, pas trop personnelles, comme s'il ne voulait pas me gêner. Il était vraiment parfait ! Si seulement je n'avais pas déménagé !

Soudain, mon portable vibra. Je lus son message avec un léger sourire aux lèvres.

Je vais me coucher, Plume. A demain, peut-être.

Je vis alors qu'il était minuit passé. Je répondis rapidement, les joues rouges et le souffle court. J'étais assez triste que cela se termine comme ça, mais... Son message contenait clairement une invitation à continuer ! L'esprit joyeux, je me relevai pour me déshabiller rapidement. J'entendais mon père ronfler dans la chambre d'à côté. Curieusement, je ne l'avais pas entendu se coucher, tout comme ma mère. Et ils n'étaient pas venus me voir. Eh bien tant pis !

Soudainement énervée, je me couchai, me blottissant sous les draps avec plaisir. J'adorais me coucher. C'était le meilleur moment de la journée, à mes yeux. Le bruissement de la couette, le moelleux de l'oreiller, la tranquillité, tout était parfait. Et surtout, j'étais libre de faire ce que je voulais. Même si pour l'instant, ça se limitait à rêvasser de Chris. Un sourire m'échappa, et sans m'en rendre compte, je sombrai dans un profond sommeil.

J'étais de retour dans la forêt. Je courais, mes cheveux volant derrière moi, mon souffle formant de la buée dans l'air. Soudain, à un croisement, j'aperçus au loin mon violon. Un sourire irrépressible sur les lèvres, je me précipitai vers l'instrument. Mais alors que je m'accroupissais, le loup noir se matérialisa devant moi, le regard suppliant. Il lâcha un râle de douleur, avant de planter son regard dans le mien. Une voix masculine résonna dans mon crâne :

« - Je t'en prie, aide-moi ! »

Je me réveillai en sursaut, le cœur battant, la peau moite de sueur. Je me passai une main tremblante sur le visage, me remémorant mon rêve. Pourquoi avais-je tant envie de courir dans la forêt pour chercher le loup noir ? Un regard pour mon réveil m'apprit qu'il était six heures trente. Techniquement, j'avais tout à fait le temps d'aller dans les bois, d'effacer ce pressentiment et de rentrer ! Et je savais que si je me recouchais sans rien faire, je n'allais pas pouvoir me rendormir. Ma décision était donc prise.

J'envoyai valser mes draps, et me rhabillai rapidement. Puis, en tentant d'être silencieuse, je descendis les escaliers, mis mes chaussures et mon manteau, puis sortis. Le froid m'arracha un gémissement de surprise. Je resserrai mon écharpe autour de mon cou en m'avançant vers la forêt. Au petit matin, l'atmosphère était assez angoissante. La lumière, très faible, projetait de grandes ombres sur le sol, et il n'y avait pas un bruit.

Le cœur serré par l'angoisse, je marchai rapidement, essayant de réfréner la peur qui s'emparait de moi. Soudain, je m'arrêtai, le regard fixé sur un objet, au loin. Je sentis un filet de sueur couler le long de mon dos. C'était mon violon. Je me mordis violemment la lèvre pour tenter de reprendre une respiration normale, et d'un pas qui se voulait détendu, je m'avançai vers l'instrument. Après tout, ce n'était qu'un rêve. Les loups ne parlaient pas. Et ils ne se matérialisaient pas comme des spectres !

Lorsque j'arrivai devant mon violon, je m'accroupis devant pour vérifier avec des gestes précipités qu'il n'y avait aucune rayure sur sa surface. Mais heureusement, il était intact. Un soulagement infini m'envahit, et je le serrai contre moi en soupirant de bonheur. Je m'assis dans la neige, et hésitai. Peut-être devais-je attendre le loup noir ? Après tout... Il n'était pas menaçant dans mon rêve, au contraire ! Mais depuis quand croyais-je un rêve ? C'était mon inconscient qui devait avoir parlé, ou quelque chose comme ça. Mais je n'avais pas envie de partir. Je voulais le voir.

Lentement, je m'allongeai dans la neige, ne réfléchissant pas à mes mouvements. Le froid s'empara peu à peu de moi, et je fermai les yeux.


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