27. Quand j'avais vingt ans.
Confortablement blottie contre Alec, j'émergeai lentement de mon sommeil. J'avais passé une excellente nuit à ses côtés, l'écoutant respirer, bouger, et parfois même gronder. Je déplaçai doucement ma main sur son torse pour prendre la sienne et entrelacer nos doigts. Il remua un peu, alors je fixai mon regard sur ses paupières closes, qui bougeaient légèrement. Il ouvrit lentement les yeux, semblant un instant désorienté. Puis, son regard s'éclaira quand il me reconnut :
« - Salut.
- Bien dormi ? »
Il eut un sourire moqueur :
« - Avec toi qui bouge tout le temps ?
- Mais... C'est pas vrai ! Je bouge pas tout le temps !
- Bien sûr... »
Il se pencha vers moi pour m'embrasser doucement. Je me pressai contre lui avec délices, savourant sa chaleur. Puis, je me rallongeai contre lui, et demandai doucement :
« - Dis... Dans la forêt... Liam a dit qu'il t'avait créé.
- Oui. C'est vrai. »
Je levai la tête pour le fixer, surprise par son ton dur. Je murmurai :
« - Donc... J'eus soudain une illumination. Il t'a mordu !
- Oui. Quand j'avais vingt ans.
- Quand tu avais ? Mais...
- Depuis une dizaine d'années. »
J'ouvris la bouche de surprise, analysant ce que je venais d'entendre. Devant mon air choqué, il haussa les épaules :
« - Techniquement, j'ai toujours vingt ans. Mais quand j'aurais trouvé un terrain stable, un endroit où vivre en dehors de la forêt... Je n'aurais plus besoin de me transformer, et je pourrais vieillir. »
Je voulus répondre, mais soudain, j'entendis la porte de ma chambre s'ouvrir brusquement, et une voix s'exclama :
« - Plume ?! Mais... Que... »
Je repoussai brusquement Alec en reconnaissant la voix de ma mère, et me retournai pour me tourner vers la porte. Mes parents étaient tous les deux sur le seuil de la chambre, l'air stupéfait. Je me plaquai une main sur la bouche, les yeux écarquillés, et Alec déclara tranquillement :
« - Enchanté de vous rencontrer.
- Mais, qui...
- Alec, répondit-il.
- Mon... Copain. Petit copain. »
Ma mère eut une mine hallucinée. Comme si elle ne parvenait pas à croire que je puisse réussir à trouver une personne qui m'aimait. La colère me serra le cœur, mais alors que je voulais répliquer, je sentis Alec prendre ma main pour la serrer dans la sienne. Il avait dû sentir ma rage. Je sentis ma colère retomber lentement, grâce à la simple pression de ses doigts, et levai le menton pour déclarer :
« - Je l'ai rencontré en ville.
- Et... Il a dormi ici ? »
Mon père semblait amusé, pour la première fois depuis de longs mois. J'acquiesçai en silence. A ma plus grande surprise, alors que je pensais que mon géniteur allait être le plus choqué, cela semblait plutôt être ma mère :
« - Mais... Depuis combien de temps... »
J'échangeai un regard avec Alec, ne sachant que dire. Ce fut lui qui répondit à ma place :
« - Depuis une semaine, environ. »
En fait, cela ne faisait que trois jours, mais je lui étais reconnaissante de mentir. Ma mère aurait fait une crise cardiaque. Si en plus, elle apprenait que nous avions fait plus que dormir ensemble... Mon père s'approcha du lit et tendit la main vers Alec :
« - Enchanté. Je m'appelle Pierre. »
Je m'aperçus avec soulagement que le brun était habillé, tout comme moi. Il n'y avait rien de compromettant. Mon père engagea la conversation avec Alec, comme s'il était content que j'aie enfin trouvé quelqu'un. Mais ma mère était partie. En soupirant, je me levai et sortis de la chambre.
Je descendis les escaliers, et l'aperçus, debout devant les photos de Déborah. Sans que je ne comprenne pourquoi, la tristesse me serra le cœur. Je vins me placer à ses côtés, l'observant silencieusement. Elle essuya une larme qui avait coulé sur sa joue, et murmura soudain :
« - J'ai conscience de... De ne pas avoir été une bonne mère. Mais te voir avec ce... Cet Alec... J'ai eu un instant l'impression de revoir Déborah avec un homme dans son lit, et... »
Je compris aussitôt de quoi elle parlait. Un soir, mes parents avaient surpris ma sœur avec un homme. Un homme de trente-cinq ans, et marié. Et comme d'habitude, ma sœur avait trouvé des excuses pitoyables, et mes parents l'avaient crue. Ma mère continua d'une voix ténue :
« - Mais... Je sais que tu ne feras jamais comme Déborah. Tu... Tu as toujours été plus raisonnable. »
Dans sa bouche, je ne savais pas si c'était un compliment ou un reproche. Elle tourna la tête vers moi, et vit mon regard. Elle eut un faible sourire :
« - Ne te méprend pas. Je suis fière de toi.
- Vraiment ? Parce que durant toutes ces années, j'en ai pas eu l'impression. »
Ce n'était pas forcément le meilleur moment pour mettre les choses à plat avec Alec dans la maison, mais j'avais envie d'aller jusqu'au bout. Elle cligna des paupières comme si je l'avais giflée, et murmura :
« - Je sais, je... Je suis désolée. Mais... J'aimais vraiment Déborah. Malgré tous ces défauts, tout ce qu'elle nous a fait, je... Je l'aimais. Et nous t'avons délaissée.
- Je m'en suis aperçue. Et j'ai réussi à vivre avec, alors c'est un peu tard pour les excuses.
- Je le sais aussi. Mais je voulais que tu saches que... Elle me regarda dans les yeux. Je suis fière de qui tu es devenue. Même si j'ai énormément de mal à te le montrer. »
J'aurais voulu être émue, j'aurais tellement voulu ressentir autre chose que du ressentiment ! Mais je ne pouvais m'empêcher de repenser à tout ce que mes parents avaient laissé faire, la façon dont ils m'avaient continuellement rejetée. Alors je ne pouvais pas pardonner cela en un claquement de doigts. Je serrai la mâchoire, et inspirai avant de marmonnai :
« - J'aurais préféré que ça ne se passe pas comme ça. »
Je me retournai, la gorge nouée, et aperçus Alec et mon père, en bas des escaliers. Alors que je n'avais qu'une envie, celle de me cacher sous mes draps et de fondre en larmes, je reniflai et me forçai à faire bonne figure. Mon géniteur se dirigea vers ma mère après m'avoir adressé un regard compatissant et aimant, et je devinai qu'il l'interrogeait à voix basse. Je posai mon regard sur le brun, qui avait un sourcil haussé, l'air de dire « Je sais ce qui vient de se passer ». Je me rapprochai de lui, et le pris par la main pour le tirer de force dans ma chambre. Je ne voulais pas craquer devant mes parents.
Alec ferma la porte derrière moi, et je vins aussitôt me blottir dans ses bras. Je me fichais totalement de me laisser aller devant lui. Il me connaissait, il savait tout ce que j'avais enduré. Le nez enfoui dans son cou, j'éclatai en sanglots. Aussitôt, il resserra son étreinte autour de moi, et je balbutiai :
« - J'aurais tellement voulu que... Qu'elle me dise ça avant, et...
- Je sais, Plume. »
Sa voix chaude résonna au creux de mon oreille, et je fermai les yeux de toutes mes forces pour tenter d'oublier mon chagrin, de ne me concentrer que sur sa voix. J'agrippai son pull, et l'écoutai encore :
« - Au moins, elle l'a dit. Elle aurait pu te laisser toute ta vie dans l'ombre de ta sœur. Alors peut-être qu'avec le temps... »
J'acquiesçai difficilement, emprisonnée entre ses bras. Je sentis soudain ses mains venir se glisser sous mon tee-shirt, et il effleura mon dos de ses doigts. Un frisson me secoua, mais je soufflai :
« - Continue. J'aime bien quand tu fais ça.
- Je l'avais remarqué. S'il n'y avait pas tes parents, je t'aurais bien allongée sur le lit, mais... »
Sa remarque eut l'effet escompté. Je pouffai de rire, et relevai la tête vers lui en m'écartant légèrement pour essuyer mes larmes :
« - Merci, Alec.
- De quoi ? De t'avoir caressé le dos ? Tu sais, un chat pourrait faire pareil. »
Mon sourire s'agrandit, et je me pendis à son cou pour lui murmurer à l'oreille :
« - Je m'en fiche, j'ai déjà un loup. »
.....................
Hey ! C'est le dernier chapitre avant l'épilogue... Je les aime trop tous les deux !
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