7. Randonnée

Ce serait bien de ne pas arriver en retard.

Je me dis ça à huit heures quarante, alors que je suis assis dans le salon avec Mihela. Elle me parle de la pluie et du beau temps, lâchant de temps en temps une information importante. J'ai appris que les cours commençaient dans une dizaine de jours, j'ai entendu pas mal de ragots sur des élèves que je ne connais pas et aussi sur des profs, comme par exemple une liaison entre le beau Sam Vinguel et la sympathique Camille Riol, qui ne le mérite pas du tout d'après Mihela. Je sais aussi qu'il existerait un passage secret qui mènerait à une salle remplie de trésor et autre. Un couloir donnerait sur des enclos, comme l'animalerie, mais rempli de créatures fantastiques. Il y aurait même un dragon. Dans le côté est d'Epap, il y aurait un noble dont le père a des relations partout dans le monde, et il serait venu avec un groupe d'élèves de son âge qui seraient ses gardes du corps. Epap formeraient chaque année une élite, capable même de tellement chauffer la Terre qu'elle se transformerait en étoile (c'est-à-dire qu'elle brillerait de sa lumière propre, comme le soleil). Etc.

Et donc, à huit heures quarante-cinq, après avoir cherché comment m'excuser auprès de Mihela sans la vexer, je me lève, lui disant que j'ai rendez-vous.

Il me faut dix minutes pour arriver aux écuries. Là-bas, je rejoins Aras Sanguello, Eléa et Sam Vinguel. Je suppose que ce dernier est son tuteur.

- Bonjour. Nous t'attendions.

Je n'ai rien le temps de dire que déjà il tourne les talons, s'éloignant vers les stalles. Eléa le suit, sans me jeter le moindre coup d'œil. Le seul qui me laisse passer, c'est Sam Vinguel, le gars à l'air jovial.

Nous rejoignons une sorte de sellerie, avec une table centrale sur laquelle sont posées quatre sacoches qui peuvent être ajoutées aux selles. Chacune d'elle contient du pain, de la viande séchée, du fromage, des sandwichs, deux gourdes d'eau, un couteau suisse, des bandages, du désinfectant, du charbon et un briquet.

Au pied de la table, des couvertures roulées sont prêtes à être transportées. Je pense que nous partons en voyage.

Sam se tourne vers Eléa. Lui fait un signe de la tête. Elle part, sans doute pour aller chercher quelque chose.

Aras me montre les affaires.

- Tu es déjà monté à cheval ?

J'acquiesce, assez vaguement. Je ne vais pas lui avouer que, l'année passée, je n'étais pas allé en cours une seule fois alors que ma mère avait eu beaucoup de peine à me faire accepter dans cette école. Personne ne l'avait mise au courant, je crois que la direction s'en fichait de ma présence. J'ai saisit cette opportunité pour passer mon temps dans un ranch à une demi-heure de marche, finissant même par loger là-bas en échange d'aider comme palefrenier. Je connais donc bien les chevaux.

Mon tuteur prend des brosses, puis va s'occuper de sa monture. Je le suis avec une boite contenant tout le matériel dont j'ai besoin, puis vais préparer le cheval que l'on m'a assigné. C'est une magnifique jument pommelée, mélangeant du brun clair au blanc, et qui parait vive. Son nom est Frise, je sens que je l'apprécie déjà.

Trente minutes plus tard, nous sommes prêts à partir, Eléa agissant un peu bizarrement, si je peux dire ça alors que je la connais à peine. On dirait qu'il y a quelque chose devant elle, posé sur le pommeau de sa selle, alors que rien n'y est. Et, juste avant de partir, elle a fait un signe à Sam, comme pour lui dire qu'elle a ce qu'elle est allée chercher. Si elle a pris quelque chose.

- Cordax, je me dirige vers la forêt, à cheval. Tu viens ?

- Ça dépend. Tu pars en voyage ?

Je souris. Puis me reprends dès que je me souviens que je suis le seul à l'entendre.

- Je ne sais pas, on ne m'a rien dit.

- Ok. Tu sais quoi ? Je vais venir, et si ça ne me plait pas, je me plaindrais jusqu'à ce que tu me ramènes ici.

- C'est d'accord.

- Qu'est-ce qu'il y a, Jasen ?

Je me tourne vers Sam, qui mène son cheval à côté du mien. Il me faut une fraction de seconde pour comprendre que je souris, encore.

- Oh, c'est rien, je pensais à quelqu'un de drôle que j'ai rencontré, il y a plusieurs mois.

- Plusieurs mois ?

- Oui. Enfin, peut-être moins, mais j'ai l'impression de le connaître depuis toujours.

- Et comment s'appelle-t-il ?

- Euh... C'est un nom bizarre, un peu tropical, ou plutôt asiatique ? Américain ? Africain ? (Je soupire.) Les nationalités et moi, ça fait deux.

Ou plutôt 325.

J'entrevois une forme sombre bondir dans un arbre qui borde le chemin. Discrètement, je relâche un peu les rênes de la jument, et Frise s'ébroue. Elle ne tarde pas à accélérer, tandis que je fais comme si j'étais distrait par les conifères et autres plantes. En quelques instants, elle a pris de l'avance sur Sam, et rattrape Aras, en tête de notre petit groupe. Quand sa tête arrive à la hauteur de mon tuteur, je fais mine de remarquer que Frise s'est trop avancée, m'excuse et reprends les rennes bien en main. Je la fais ralentir, jusqu'à ce que je sois dernier, suivant Eléa. Alors, discrètement, je me mets le plus possible au bord du sentier, et ouvre un pan de ma veste, rassurant Frise afin qu'elle ne réagisse pas quoi qu'il arrive. De cette manière, la forme sombre aperçue un peu plus tôt peut bondir et se glisser incognito dans une poche intérieure de ma veste.

Le soleil est levé depuis un bon moment. Quand il est au plus haut de sa course, nous nous arrêtons pour manger, prenant les sandwichs. Puis nous repartons, sans nous attarder plus que nécessaire.

Tout l'après-midi, nous montons, jusqu'à ce que le soleil soit presque couché. À ce moment-là, nous quittons le sentier, rejoignant une salle en bois, vide à l'exception d'une cheminée dans un coin.

Nous attachons les chevaux dehors, et tandis que je m'occupe de les desseller et de les brosser avec le matériel apporté par Aras, Eléa et Sam vont chercher du bois. Mon tuteur s'occupe d'aller chasser, préférant économiser ce que nous avons. Je ne remarque que quand il part que, depuis le début, il a un arc.

Nous mangeons bien, puis dormons. La nuit se passe calmement.

Un peu avant l'aube, Aras nous réveille. Nous prenons le pain, nous préparons, puis partons.

La journée se passe de la même manière que hier, le soir aussi. Le troisième jour est semblable.

Au début, je pensais que ça allait être amusant, puis j'ai changé d'opinion. Aller autant loin sans rien faire d'autre, c'est long. Ennuyant. S'il n'y avait pas Cordax, j'aurais déjà fait demi-tour. Ou je me serais endormi sur ma selle.

À un moment, je ne sais plus quand, j'ai pris un bout de bois, j'ai rajouté du graphite dedans, mélange de carbone et de CO2. Puis j'ai changé la forme d'un autre bout de bois, le rendant plus fin et clair, jusqu'à ce qu'il ressemble à une feuille. Jusqu'à ce qu'il soit une feuille. Alors, j'ai dessiné, absolument tout ce qui me passait par la tête. Un arbre, un buisson, une montagne, un sachet de thé, une fleur, un fruit, un parapluie, un nuage, une bouteille, un cheval, un ananas... Vraiment tout ce qui me passait par la tête.

Restant dernier de la colonne, j'ai eu suffisamment de temps pour utiliser cinq feuilles et un crayon entier. Ne dessinant que lorsque nous avançons, les autres ne l'ont pas remarqué. Tant mieux.

Le quatrième jour, Aras nous arrête avant la nuit. J'en comprends la raison une fois à côté de lui, découvrant la lisière de la forêt et la montagne qui se dresse devant nous. Enfin, montagne... Aucune plante ne pousse sur ses flancs, et la roche est constituée de... une formule chimique trop longue pour que je la rapporte ici. C'est devenu une habitude, chez moi, de vouloir comprendre ce qui m'entoure, et ainsi de l'analyser sans y faire attention.

- C'est un volcan.

Sam tourne la tête vers moi, et sourit.

- Bien vu. Le volcan Caburgua. Officiellement, il appartient au gouvernement chilien puisqu'il est dans leur pays et il est en apparence éteint, mais officieusement c'est Epap qui le possède.

- Et il est actif...

- Et il est actif.

- Comment se fait-il que personne n'ait des données le prouvant ? Où qu'il soit possible de le visiter sans danger ?

- Une barrière a été placée tout autour. Elle protège les banos, et crée l'illusion d'un volcan qui n'est plus en activité. Quant aux données, un particulier les brouilles et les remplacent par des fausses. C'est aussi simple que ça.

Je souris, amusé de voir à quel point les gens peuvent être manipulés sans le savoir.

- Il y a une ferme à onze kilomètres trois sur la droite. On y va, Eléa passe devant.

Et c'est reparti. Pour accélérer et défouler les chevaux, le trajet se fait en bonne partie au galop. Frise est heureuse.

Un bâtiment en bois nous accueille, ainsi que les deux personnes qui vivent dedans. Nous commençons par nous occuper de nos montures, avant de rentrer, nous asseoir dans des fauteuils et faire les présentations.

- Alors, vous avez fait bonne route ?

Grand, mince, lunettes ronde qui lui glissent sur le nez, cheveux bruns plus rares sur l'arrière du crâne, Valentin Grimson est un type sympa qui connaît Aras et Sam depuis des années. Son cousin, Gregory Pogue, lui ressemble à l'exception des binocles et des cheveux blonds.

La fin de l'après-midi et la soirée se passe tranquillement, nous permettant de nous reposer et d'en apprendre plus sur cet endroit.

Il appartient aussi à Epap, permettant de surveiller le volcan. C'est également un endroit protégé. Dans le cas où il y aurait un problème, il peut accueillir jusqu'à vingt personnes, leur assurant une sécurité autant contre les banos que contre d'autres particuliers.

Les cousins sont des scientifiques, étudiant depuis plusieurs mois la montagne de feu. Ils devraient être bientôt rejoints par un homme, Victor quelque chose, ou un prénom qui ressemble. Ce gars n'a pas de formation dans la science, il sera là pour éviter tout problème avec des personnes qui seraient un peu trop curieuses.

Le bâtiment possède un laboratoire souterrain, où Valentin et Gregory font leurs recherches. Je ne sais pas en quoi ces dernières consistent, mais elles ont l'air importantes. Et je suppose que les cousins n'ont pas le droit d'en parler.

Vers vingt-deux heures, fatigués, nous allons nous reposer dans les chambres à l'étage. Je me laisse sans plus tarder aller dans les bras de Morphée.

###

Quelques rayons percent lentement la nuit. Je me réveille.

Descendant les escaliers, je remarque qu'il n'y a aucun bruit, et que personne ne semble debout. Profitant de ce moment calme, je sors.

J'ai besoin de me changer les idées. Cette nuit, j'ai fait un rêve, un rêve étrange, qui paraissait vrai. C'était perturbant, ce sentiment d'insécurité est resté. Mais tout le reste s'est évanoui avec le sommeil.

Je marche, tranquillement, simplement. La nature me calme, c'est le moyen le plus efficace pour moi de me relaxer. D'oublier. On a l'impression que rien ne peut l'ébranler, et que la paix y règne. Ce qui est totalement faux, malgré ce sentiment paisible qui m'envahit quand je suis entouré par les plantes.

Je marche. Sur le chemin, j'aperçois du bois. J'en fais deux feuilles et un crayon, ayant laissé mes affaires dans la sacoche dans la maisonnette.

Je m'arrête au bord d'un petit cours d'eau qui serpente paresseusement entre les arbres. Assis sur une pierre, je dessine. Le soleil levant, la forêt. Un oiseau perché dans une branche. Cordax. Des plumes. Du feu.

J'aime bien le feu. Toujours changeant, jaune, orange, rouge, parfois bleu, violet, quelque fois vert. Il dépend d'un combustible, et pourtant semble danser, utilisant l'espace rattaché au bois. On a l'impression que des milliers de motifs apparaissent pour disparaître aussitôt, et ainsi en former d'autres, à l'infini, tous différents.

Quelqu'un arrive. Je le sais en entendant une branche craquer non loin. Et en effet, une personne ne tarde pas à sortir du couvert des arbres.

Grand, les épaules larges, la musculature bien dessinée, les cheveux brun-roux en bataille, avec quelques touches de gris, les yeux métalliques détonant sur un visage aux traits plutôt fins, cet homme à l'allure d'un vétéran. Ça se voit qu'il sait ce qu'il fait.

Je me lève à son approche, posant mes affaires sur le sol.

- C'est une propriété privée ici, annonce de but en blanc l'inconnu. Je vous demanderais de bien vouloir vous en aller.

- Bonjour.

On se regarde. Qui est-il pour me dire de partir ? Ce serait plutôt à lui de revenir d'où il vient. Après tout, il n'y a que les deux scientifiques qui sont dans cette zone à long terme. Ils font des recherches, et pour éviter les fouineurs, il leur suffit de...

- Vous êtes Victor ? Ou quelque chose de ressemblant ?

Je le vois foncer les sourcils, puis me toiser de la tête aux pieds. Je continue de le regarder fixement, ne bougeant pas lorsqu'il fait un pas en avant.

- Qui es-tu ?

- Ce serait plutôt à moi de vous poser la question. Sauf si avez une bonne raison d'être là, par exemple pour aller sur votre lieu de travail. Si vous êtes venu observer le volcan éteint, je dois vous faire quitter cette propriété, que vous avez vous-même qualifiée de privé.

J'ai insisté sur le mot éteint. L'homme sourit, et se détend.

- Étudiant d'Epap ouest, je suppose. Je me nomme Hector.

- Enchanté. Jasen.

Nous nous serons la main, puis je ramasse mes affaires et nous allons à l'habitation en bois.

Sur le chemin, nous faisons plus ample connaissance. J'apprends entre autres qu'Hector est pêcheur de métier, qu'il a étudié à Epap, qu'il est ici parce qu'il a fait partie pendant une dizaine d'années de 3P (Protection Pour Particuliers, s'occupe d'aider les particuliers dans le besoin, et de cacher tout ce qui pourrait nous mettre en danger. Ils s'occupent aussi de tenir les scientifiques, les militaires et les politiciens banos à l'écart), et parce qu'ils avaient besoin de quelqu'un de compétent. Quant à moi, je lui raconte mon arrivé ici, ainsi que deux-trois évènements marrants qui me sont arrivés (principalement la réaction de personnes que j'ai prises au dépourvu). Puis nous arrivons.

Aras est dehors, occupé à entretenir son arc. En nous voyant, il ne réagit pas, ne nous salue même pas. C'est tout juste s'il ne nous tourne pas le dos.

Un coup d'œil à Hector m'apprend que lui aussi l'ignore. Cette journée s'annonce tendue.

Dans le salon, je retrouve Valentin couché sur un canapé, en train de dormir. Gregory aide Sam à préparer le déjeuner, dans la cuisine. À notre arrivé, il salue poliment Hector, mais pas plus. Le scientifique, à l'inverse, lui sert chaleureusement la main. Puis il nous indique la salle à manger, et nous y allons.

Je tiens compagnie à Hector, lui expliquant le peu que je sais sur cet endroit. Et me demandant où est passé Eléa.

- Vas-y, je sais que tu en as envie.

Je le regarde, interrogateur. Puis je souris.

- Quelle est ta particularité ?

C'est à son tour de sourire.

- Devine.

- Tu es pêcheur, donc un métier qui va avec l'eau, ou les animaux aquatiques. Mais ils t'ont appelé ici, ce qui veut dire que c'est une particularité qui peut aussi être utilisée sur le sol, et même à côté d'un volcan. Ça pourrait être la glace, ou la vapeur, mais je ne vois pas le rapport avec ton métier. Donc, je dirais... quelque chose en quantité suffisante dans l'eau... Ça pourrait être le sel, si tu habites près d'une mer ou d'un océan. Il y a aussi la possibilité que ce soit quelque chose avec la taille, qui te permettrait de communiquer ou de contrôler tout ce qui est microscopique, comme le plancton pour l'eau ou les insectes et autres pour la terre.

Il éclate de rire, visiblement ravi par ce que j'ai dit, même si je ne sais pas vraiment quoi. Nous nous asseyons.

- Excellent ! J'aime ta façon de penser ! En effet, ma particularité est le sel, elle se nomme alati, soit sel en grec. J'en ai toujours en permanence près de moi, ce qui me permet de pouvoir me défendre en cas de besoin.

- C'est pour ça qu'il y a autant de particules de sel dans l'air ?

Il a l'air surpris, et marque une pause. Je pense que l'arrivée des autres à table y joue un rôle. Ceux-ci se placent à côté de nous, laissant l'extrémité où nous sommes libres. Je remarque aussi qu'ils ne parlent pas, semblant préférer nous écouter.

- Oui, effectivement. Comment tu le sais ?

- Essaye de deviner.

Je souris. Il prend un air espiègle.

- Alors... les atomes et les ions sont nanoscopiques, si ce n'est plus. Je dirais donc que tu peux les voir et donc que soit ta vue est vraiment perçante, soit tu peux zoomer à volonté, suffisamment pour voir la matière. C'est ça ?

Je reste silencieux, réprimant un rire. J'attends qu'il reprenne la parole, avec un soupir.

- C'est autre chose, mais je ne sais absolument pas quoi. Ou alors, c'est vraiment ta vue, et tu veux me faire croire que c'est autre chose. Cette fois, j'ai raison ?

- Oui. C'est vrai qu'il y a quelque chose avec ma vue, mais ce n'est pas vraiment ça ma particularité. Pour commencer, elle se nomme altération. Je suis capable de comprendre la matière, ou plutôt de voir sa composition, et également de l'altérer. Je peux transformer les particules, changeant les éléments au niveau de leur identité même.

Il me regarde, ahuri. Ne semble pas me croire. Puis parait se demander si j'essaye de lui faire croire quelque chose d'aussi improbable.

Je regarde Hector. Le sel autour de lui, NaCl, et je le change en sucre, C6H12O6. Il écarquille les yeux, comprenant à l'instant même où je le fais ce que ça implique. Alors j'inverse le processus, lui rendant son contrôle, remarquant au passage le sourire des autres. Et l'air vraiment intéressé des deux scientifiques.

- Incroyable ! Et dans la forêt, les feuilles que tu avais pour dessiner, ainsi que le crayon, tu les as faits toi-même ? Non, attends, ça ne joue pas, les feuilles proviennent du bois, et donc il faudrait changer la forme, et non pas la matière.

Il sourit, content d'en être arrivé là. C'est vraiment un adulte ?

- Comment ça, les feuilles et le crayon ?

Je me tourne vers Sam Vinguel, vois son air interrogateur et comprends ce que ça implique un peu trop tard. Je vais devoir m'expliquer.

Face à moi, Hector suit mon regard, et fait un sourire contrit que je sais adressé à moi, même s'il ne me regarde pas. À la place, ses yeux restent fixés sur l'entrée de la salle à manger, où se tient, appuyée contre le chambranle, Eléa. Elle lui rend son regard, puis avance gentiment à sa rencontre. Hector se lève, va vers elle, et la prend dans ses bras, sans un mot. Je reste figé, ne comprenant pas la raison de ce geste.

Ils se séparent, et Hector reprend sa place, tandis qu'Eléa s'installe à côté de lui. Je remarque que je ne suis pas le seul à me demander ce qui vient de se passer.

- Explications, s'il vous plaît.

Le nouveau venu se tourne vers Sam, qui a posé la question, puis vers moi. Il me sourit. Et là, je remarque ses yeux, et surtout ses cheveux. Les premiers sont mystérieux, les seconds bruns-roux en bataille. Avec un sourire, je me tourne vers Sam, ainsi que les autres personnes assises.

- Franchement, c'est incroyable, on ne peut vraiment pas échapper à sa famille...

Gregory rigole, légèrement. Valentin comprend en même temps, même s'il ne le montre pas. Sam ainsi qu'Aras mettent une fraction de secondes de plus, et le tuteur d'Eléa lui tape amicalement sur l'épaule.

Le repas reprend dans la bonne humeur, et se déroule plutôt silencieusement. Une fois rassasiés, tout le monde aide à ranger, puis les deux scientifiques retournent à leurs recherches, tandis que les profs nous entrainent à l'extérieur. Hector vient avec nous, discutant activement avec sa fille. Nous commençons l'ascension du volcan.

À midi, nous mangeons du pain avec du fromage et de la viande séchée que mon tuteur transportait. Il en donne presqu'à regrets à Hector. Puis nous continuons à gravir la pente.

Nous atteignons le sommet alors que l'après-midi est déjà bien entamé. Je découvre le cratère bouillonnant, comprenant que sans le vent frais qui nous entoure, nous n'aurions pas pu arriver si haut si rapidement. Tiens, je pense que je viens de découvrir la particularité d'un des profs...

Observant la lave rougeoyante, j'ouvre les pans de ma veste, comme si j'avais chaud. Je permets de cette manière à Cordax de jeter un coup d'œil au paysage.

- Alors, satisfait ?

- Mouais. J'aurais mieux fait de rester en bas.

- Je me demandais aussi pourquoi tu es venu.

- Je me suis dit que ce serait moins ennuyant ici, mais visiblement, je me suis trompé.

Je me tais. En me retournant vers les autres, je remarque qu'Eléa a posé son sac par terre et en a sorti un oiseau rose, qui n'a presque plus de plumes.

Elle le caresse doucement. Puis le lance dans le volcan.

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