25. Apprentissage

- Alors, comment t'expliquer ça... tu vois comment les manchots marchent ?

- Les animaux ou les personnes avec un seul bras ?

- Les deux.

- Oui, plus ou moins.

- Ben ça a rien à voir avec ce qu'on va faire maintenant.

Je dévisage Sameiden. Avant d'éclater de rire. Ça n'a aucun sens !

Reprenant mon sérieux, je lui demande ce que je dois faire. Il me dit, sans blaguer cette fois, de m'assoir en tailleur. Trent me montre l'exemple, s'installant confortablement. Ensuite, je ferme les yeux, m'attendant à recevoir de l'eau sur la tête ou je ne sais quoi.

- Détends-toi, on va rien te faire, promis. Enfin, disons plutôt qu'on va rien te faire avant d'avoir fini l'exercice, ce qui va prendre du temps.

Au fur et à mesure qu'il m'explique le principe de l'activité, mon corps se relâche. La douleur n'est plus qu'un lointain souvenir.

- Respire profondément, prends ton temps. Ce qu'on va faire, c'est une centralisation. C'est un exercice qui te permettra de faire circuler l'ischys dans tout ton corps afin de te renforcer, t'aider à guérir, mieux maitriser ta particularité, l'activer plus rapidement, etc. C'est la base de la base, là par où tous les plus grands ont commencé. Trenty, à toi.

- Ok, maintenant que tu es bien calme, continue à faire attention à ta respiration. Ralentis-là de plus en plus. Voilà, c'est ça. Continue. Inspire... expire... Remplis vraiment tes poumons à fond, le plus possible. Et là, tu bloques. Recommence. Bien. Tu sens, ce moment où tes poumons sont remplis d'air ? Fais-moi un léger signe de tête. Parfait. Continue à bien respirer lentement. Quand je te le dirai, tu inspireras à fond et bloqueras de nouveau l'air. Vas-y. Parfait. On recommence, mais cette fois imagine que de l'ischys se mélange à l'air que tu inspires. Quand tu bloqueras, l'ischys tourbillonnera dans tes poumons. C'est clair ? Vas-y. Et bloque. Maintenant, relâche lentement ta respiration. Seul l'air s'en va, l'ischys reste dans ton corps, tournant sur lui-même. Tu le vois ? Nice. Il se regroupe en un seul point lumineux, au milieu de ta poitrine. Pose ta main sur ton torse, au-dessus de ce noyau. Ferme le point, maintien le noyau dans ta paume. Et là, doucement, ouvre tes doigts. Le noyau n'est plus compact, il s'éparpille tranquillement dans tout ton corps, passant d'abord dans tes bras. Une partie descend dans ton ventre, tes jambes, jusqu'à tes pieds. Un morceau reste dans ta poitrine. Et le reste monte dans ta tête. Visualise l'ischys que tu as fait rentrer par tes poumons circuler dans tout ton corps, comme les veines, comme les nerfs, comme les os. L'ischys fait partie de toi, il est présent partout dans ton corps. À chacune de tes respirations, l'ischys entre dans tes poumons. Seul de l'air en ressort. L'ischys se diffuse délicatement, lentement, doucement dans chacun de tes membres. Recommence. Encore. Encore. Inspire à fond.

- Trenty, regarde.

- Mmh ? Oh, p*****. Maintenant, ton corps est rempli d'ischys. Laisse-le doucement s'estomper, comme si petit à petit il s'en allait, il retourne dans l'air, dans la nature. Voilà, gentiment. Continue à bien respirer. Quand tu ne visualisera plus d'ischys dans ton corps, tu pourras simplement ouvrir les yeux, à ton rythme. Pas besoin de te presser.

Le retour à la réalité est brutal. Il me faut plusieurs secondes avant que mes yeux ne s'habituent à nouveau à la lumière du jour. Le lac me semble éblouissant, les couleurs vivent. Sameiden et Trent me dévisagent, interdits. J'ai totalement raté l'exercice ? Il me semble pourtant avoir correctement visualisé ce que l'ydrovien me demandait. Et mon corps s'est réchauffé au fur et à mesure que l'ischys circulait dans mon corps, sauf si j'ai rêvé ? Peut-être que j'ai simplement imaginé cette chaleureuse et agréable sensation.

- Tu avais déjà entendu parler de la centralisation avant ?

- Non. Enfin, pas dans ce sens-là.

- Et l'ischys ? Qu'est-ce que tu sais de l'ischys ?

Leur regard est inquisiteur, insistant. Ils ne me lâchent pas des yeux.

- Je sais que c'est un terme général pour désigner les particuliers et leur monde. Enfin, c'est ce qu'on m'a dit, mais ça parait un peu... simpliste. Et dénigrant envers les autres peuples.

- Les autres races intelligentes, oui. C'est l'énergie présente partout, l'essence même d'absolument tout ce qui existe. Et ça ne se limite pas au monde mais à l'univers dans son ensemble. Comme te l'as dit Sameiden avant, la centralisation permet de renforcer ce lien entre ton corps et l'ischys, de le faire circuler plus facilement. C'est la base qui permet après de développer sa particularité, renforcer son corps ou autre. Le processus prend du temps, c'est très visuel et ça demande énormément de concentration. Alors je vais formuler ma question différemment : comment ça se fait, alors que tu ne connais même pas la bonne définition de l'ischys, que tu arrives si facilement à le faire circuler dans ton corps ?

Je le regarde, sans savoir quoi lui répondre. Ma mère m'a déjà fait la même réflexion, pas sur l'ischys puisqu'elle n'en a jamais entendu parler, mais sur la concentration dont je suis capable. Ça vient peut-être des jeux que je faisais avec mon père, ou des projets que ma sœur lançait et sur lesquels je pouvais passer des heures sans m'arrêter, mais j'arrive facilement à focaliser toute mon attention sur un seul point. Il est déjà arrivé que ma mère rentre dans ma chambre et se fâche contre moi parce que j'avais passé toute la nuit et la matinée à lire. Je n'avais pas remarqué le changement de lumière, le son des cloches de l'église, les voitures qui klaxonnaient. Ma mère a dû venir me toucher l'épaule et mettre sa main devant mon livre pour que je me rende compte qu'elle essayait de me parler. Et il m'est arrivé plusieurs fois des événements similaires.

Revenant à l'instant présent, j'hausse les épaules à l'adresse de Trent.

- J'ai toujours facilement réussi à me concentrer.

- Là n'est pas la question. Tu peux te concentrer autant que tu veux, visualiser le plus précisément possible, sans pour autant réussir à faire une centralisation.

- Qu'est-ce qu'il faut, alors ?

Il jette un coup d'œil au vampire. Ce dernier prend la parole.

- On ne va pas rentrer dans les détails, mais Trent et moi avons eu une enfance similaire et très stricte. Nos parents, nos familles, nos tuteurs ont toujours exigé l'excellence et uniquement l'excellence de notre part – ce qui explique que je déteste l'autorité, mais bref, passons. On a développé des capacités dans tous les domaines afin d'être les meilleurs en tous points – et tu vois le résultat.

- Tu t'égares, Nightmare.

C'est le nom de famille de Sameiden ? Pas rassurant du tout.

- Ce que je veux te dire, c'est que Trenty et moi sommes capable...

Il se penche en avant, comme pour dire un secret. Je l'imite, me rapprochant de lui. Et là, dans un murmure, il déclare :

- ...de voir l'ischys.

Je fixe le vampire. C'est si incroyable que ça ? En me redressant, je lâche, nonchalamment :

- Moi aussi.

Leurs yeux s'agrandissent. Il semblerait que ce soit vraiment inhabituel. Je m'en doutais un peu quand Eléa m'a dit que sa marraine Oola en était capable, nonobstant je ne pensais pas que c'était à ce point.

- Attends, quand tu dis « moi aussi », tu veux dire que tu peux voir l'ischys ?

J'acquiesce. Ils échangent un nouveau regard.

- On veut tout savoir. Depuis quand tu en es capable ?

- Qui t'a appris ?

- Comment tu as appris ?

- Qu'est-ce que tu vois ?

- Où est-ce que tu vois l'ischys ?

Sous la cascade de questions qu'ils me posent, je me recule légèrement, me sentant un peu oppressé. Ils doivent sentir mon mal-être, car ils s'arrêtent. Ou alors ils sont juste à court d'idées.

- J'y arrive depuis... hier. C'est ça, hier. Wah, seulement hier.

Je viens de réaliser qu'il s'est passé vraiment beaucoup de choses en si peu de temps.

- Qui t'a appris ?

- Personne. Je cherchais à savoir comment une balle pouvait se déplacer seule dans l'air, je me suis concentré et, d'un coup, j'ai pu voir l'ischys tout autour de moi. Pour moi, il se constitue de centaines de milliards de petites lumières colorées. Et vous ? J'ai rencontré quelqu'un qui le voyait sous forme de volutes changeant de couleur selon les personnes, c'est pareil pour vous ?

- Oui et non, me répond Trent. Je vois aussi des volutes, mais ça ne se limite pas aux personnes. Elles sont présentes partout autour de nous, leur couleur évolue selon l'endroit, le temps, les êtres vivants. C'est un processus dynamique, en constante évolution.

- Pour moi ce sont des fils, très nombreux et allant dans tous les sens. Sans doute parce que je suis plus fin que Trenty, surtout niveau arrière-train, si tu vois ce que je veux dire.

Il me fait un clin d'œil. N'importe quoi.

- En quoi c'est un secret ? Je veux dire, tout le monde peut y arriver, vu que c'est un talent appris.

- Hé ben, t'es vraiment à la ramasse. Trenty, tu me passes la pelle ? On va lui déverser toutes nos connaissances dessus.

- Avec plaisir, Nightmare. Prêt, le nouveau ?

- Je m'appelle Jasen.

- On sait, le nouveau. Ouvre bien grand tes oreilles, c'est l'heure de l'histoire.

Je lève les yeux au ciel, tout en ne pouvant retenir un sourire. C'est si facile de discuter avec eux, je me sens vraiment à l'aise.

Durant les heures qui suivent, j'apprends des tonnes de choses sur le monde de l'ischys. Ils me parlent des talents appris, des particularités, des exercices de base visant à développer ses compétences, de célèbres protecteurs ayant accomplis des exploits, des pouvoirs les plus rares et puissants, mais aussi de leur peuple respectif, des différentes cultures qui existent, des races intelligentes en général. Dans un moment plus sérieux, ils me parlent d'eux, de leur vie, de leurs problèmes, de la discrimination dont tout le monde fait preuve envers eux juste parce que ce sont des sang-mêlé. Ils me montrent leur particularité, la manipulation de n'importe quel liquide pour Trent et la métamorphose pour Sameiden. Comme ils ne sont qu'à moitié particuliers, ils ont également d'autres capacités innés liées à leur deuxième race (je ne sais pas si c'est politiquement correct de le dire comme ça, mais on fera avec). Par exemple, les vampires sont plus puissants la nuit. Ils ont rapidement des coups de soleil et la lumière du jour les fatigue. Par contre, ils ne boivent pas de sang, mais peuvent, dans une certaine mesure, contrôler le leur et leur guérison est rapide. Quant aux ydroviens, il s'agit d'un peuple vivant au fond de l'océan, ce qui veut dire qu'ils sont capables de supporter d'énormes pressions, des températures très froides et que leur vision nocturne est surdéveloppée.

Je suis tellement absorbé par ce qu'ils m'apprennent que je ne vois pas le temps passer. C'est seulement quand Trent dit que le repas du soir doit être servi que je jette un coup d'œil à mon débit. Montre-moi l'heure. 18h03.

- Nightmare, on va à la cafet' pour une fois ?

- Mouais, pourquoi pas.

Le vampire pose sa main sur l'épaule de l'ydrovien et ferme les yeux. Sentant que quelque chose va se passer, je regarde l'ischys présent autour d'eux. Sameiden active sa particularité, des centaines de lumières se précipitent vers lui. Leur teinte s'unifie, elles passent par son bras, rejoignent le bas du corps de Trent, l'enveloppant dans un halo lumineux. La queue de dauphin se sépare en deux, s'amincit, change complètement de forme. Puis ça s'arrête, et je découvre, sans vraiment y croire, que l'ydrovien a maintenant deux jambes humaines. C'est... incroyable. Impressionnant. Stupéfiant. Il se lève, comme si de rien n'était.

- Tu viens, le nouveau ?

- C'est Jasen. Vous faites souvent ça ? Je croyais que tu ne pouvais métamorphoser que toi-même, Sameiden.

- Ça fait un moment que je voulais te le dire, mais tu peux m'appeler Samy, c'est plus court. Et pourquoi ma particularité se limiterait à mon corps ?

Il n'attend pas de réponse, se dirigeant simplement vers le bâtiment principal au toit vert pâle. Trent lui emboîte le pas, je les rattrape, ne souhaitant pas être à la traîne.

- Tu m'as dit qu'avant c'était Sam Vinguel ton tuteur, Trent. Pourquoi tu as changé ?

- Bah il était c*****. Et hautain. Et strict. Genre pour lui je devais être parfait, m'entrainer dur, travailler pour tout et sur tout, ne jamais me plaindre, ni parler d'ailleurs. Il a pas le sens de l'humour et me laissait jamais me reposer en paix.

Sur ces mots, il lâche un pet, ce qui fait rire Samy.

- Rappelez-moi votre âge ? leur lancé-je en soupirant, ce qui les fait redoubler de rire.

Nous arrivons devant la baie vitrée bordant tout un côté de la grande et si bruyante pièce. Je remarque que plusieurs fenêtres sont ouvertes, et des tables ont été installées à l'extérieur. Il est à peine 18 heures 05, pourtant je ne vois aucune place de libre.

- Jasy, ouh-ouh ! Par ici !

Reconnaissant la voix de Mihela, je me retourne, la cherchant du regard. Elle me fait de grands signes, debout près d'une grande table pouvant accueillir une dizaine de personnes. Sans surprise, je vois qu'Eléa, Théo et Julie sont déjà assis.

- On les rejoint ?

- Yep. On te suit.

Alors qu'on se rapproche de leur table, Jonathan, Julien et Samuel arrivent avec des plateaux flottant devant eux. Me demandant si c'est l'un d'entre eux qui les dirige, je découvre qu'en effet, Samuel utilise sa particularité pour contrôler une fine couche d'eau soutenant les plateaux. Ils s'asseyent, me saluant au passage. Il reste trois chaises de libre, Samy, Trent et moi nous y installons.

- Ah, vous voulez manger quoi ?

- T'inquiètes pas, le nouveau, on a un régime particulier. Va chercher pour toi, on se débrouille.

Samy me fait un petit geste de la main, comme pour me chasser mais gentiment. Avant de me diriger vers les cuisines, je fais les présentations. Eléa connaissait déjà le vampire, ils ont passé quelques semaines ensemble avec Sam Vinguel comme tuteur. Je m'éloigne, slalomant entre les tables jusqu'à atteindre le buffet.

- Bonjour, qu'est-ce que vous prenez ?

- Bonjour, un sandwich. Ils sont au fond, c'est bien juste ?

- Oui. Bon appétit !

- Merci, Claire.

Tiens, c'est la cuisinière qui m'a indiqué où se trouvaient les sandwichs, la première fois que je suis venu.

Je tends la main vers une baguette au thon, la dernière, mais quelqu'un d'autre essaye de la prendre aussi. Nos doigts se touchent, je me retire tout en me tournant vers la personne. Elle est petit, a des cheveux bruns au carré, des lunettes rectangles et... deux oreilles. Pas des oreilles humaines, mais deux grandes oreilles d'animal.

- Excuse-moi...

- Pas de problème, tu peux le prendre si tu veux.

Elle me regarde avec ses grands yeux orange.

- Je peux te poser une question ?

Sa seule réponse consiste en un léger hochement de tête. Elle est si timide, c'est mignon.

- Je viens d'arriver, et je n'ai encore jamais rencontré quelqu'un comme toi. Ce sont bien des oreilles d'animal que tu as ? Tu serais d'accord de me dire lequel, ou c'est malpoli de ma part de te demander ça ?

- Bouge-toi, t'es au chemin.

Un gars bouscule brusquement la jeune fille, qui perd l'équilibre. Je la rattrape en mettant mon bras derrière ses épaules, puis je me tourne vers le type et le fusille du regard.

- T'as un problème ?

Alors que je vais répondre, la fille tire légèrement sur mon t-shirt. Elle me fait non de la tête, me signifiant par là que ce n'est pas grave, qu'il faut que je laisse tomber. Réprimant à grand-peine mon envie d'en mettre une au malfrat, je me détourne, sans pouvoir m'empêcher de lui jouer un mauvais tour. Il ne s'en rendra compte que ce soir, quand il voudra enlever ses chaussures et qu'il verra que ses semelles, ses chaussettes et son pantalon sont collés entre eux.

- Désolée.

- Tu n'as pas à t'excuser, c'est entièrement sa faute.

Elle est gênée.

- ... renarde.

- Pardon ?

- J'ai des attributs de renarde.

- Ah, pour tes oreilles.

- Et ma queue, et mes griffes.

Maintenant qu'elle le dit, je vois une queue touffue terminée par une touche de blanc se balancer derrière elle.

- Tes griffes ? Je ne les ai pas remarquées.

Elle me tend sa main, et de longues griffes recourbées viennent recouvrir ses ongles.

- Je peux les rentrer.

- C'est plus pratique.

Je lui souris. Timidement, elle me le rend.

- Au fait, je m'appelle Jasen. Et toi ?

Elle hésite, son regard fuyant le mien. Après un petit moment, elle me fait face.

- Sereleane. Sereleane Gengxin.

- Enchanté, Sereleane. Tu es en quelle classe ?

- ... la spéciale.

Ça me dit quelque chose. Ah, oui, c'est la fameuse classe pour ceux qui ont plus de peine.

- Qui est ton prof principal ?

- Aras Sanguello. Le prof flippant.

Je souris devant sa description si simple et directe.

- C'est mon tuteur.

Elle écarquille les yeux, avant de plaquer sa main sur sa bouche, comme si elle venait de dire une bêtise. Je me penche vers elle et lui chuchote :

- Ne t'en fais pas, je le trouve aussi un peu flippant.

Elle se détend.

- Mon tuteur, c'est Borthe Vinguel.

- Le mort-vivant ?

Elle retient un rire tout en acquiesçant.

- Je me demandais ce qui te prenais autant de temps, mais je vois que je n'avais pas à m'inquiéter.

Je me retourne. Eléa me toise, les bras croisés sur sa poitrine. Son visage est fermé, je n'arrive pas à savoir ce qu'elle pense.

- Je discute avec Sereleane, c'est la première fois que je rencontre une semi-renarde. Euh, j'espère que je ne t'ai pas offusquée en disant semi-renarde ? ajouté-je rapidement en la regardant. Elle me fait signe que non.

- Bon, on t'attend. Sauf si tu préfères manger avec ta nouvelle amie ?

Je n'aime pas la manière dont elle a prononcé ces mots. Pourquoi elle est autant agressive envers Sereleane alors qu'elle ne lui a même pas parlé ?

- Bon, je vais te laisser. Bon appétit, et à la prochaine !

Après un petit signe de la main, j'attrape le premier sandwich qui vient et emboîte le pas à ma paire. Nous regagnons notre table, il manque une place. Demandant une chaise à une table voisine, je m'installe au bout, entre Sameiden et Théo.

- T'en as mis du temps, pour aller chercher un sandwich.

Je préfère ignorer Théo, me tournant vers Samy.

- Au fait, à quoi ressemble ton proche ?

- J'en ai pas, je suis toujours libre comme l'air !

- Nightmare, il ne va pas comprendre si tu ne lui expliques pas.

- M'expliquer quoi, Trent ?

- Que les hybrides gardent tout leur pouvoir pour eux et ne le partage en aucun cas avec un proche. On est donc plus complet que vous, les particuliers. Et toc !

- Comment ça ?

- Au moment de former un lien avec un proche, commence Trent, ton ischys personnel se mélange avec celui de l'animal et une petite partie reste en lui, dans la marque, tout comme une petite partie de l'ischys personnel de ton proche reste dans ton corps. Plus ta marque est grande, plus l'échange d'ischys l'est aussi et plus ton lien est fort.

- Comment ça se fait que tu en saches autant alors que tu n'as pas de marque ?

- Trenty adore lire, encore plus que jouer dans l'eau.

Samy a à peine terminé sa phrase que le contenu de son verre atteint sa tête. Il se retrouve trempé sous les rires.

- Tu vas le regretter, Trenty !

- Ne me cherche pas, Nightmare.

Tous les deux s'affrontent du regard, une lueur amusée dans les yeux. Ils sont pourtant plus âgés que moi, non ? Et pourtant, ils se comportent vraiment comme des enfants.

Le reste du repas se passe dans la bonne humeur, on discute tranquillement, Eléa m'évite, des gens viennent nous saluer, repartent un peu plus tard. C'est vivant, dynamique.

Une main se pose sur mon épaule, je lève la tête vers la personne qui vient d'arriver. C'est Aras Sanguello.

- Suis-moi.

Il repart comme il est arrivé, silencieusement. Jetant un regard à Samy et Trent, je les vois me faire signe d'y aller. Sans attendre plus longtemps, je me lève et rattrape mon tuteur, qui s'enfonce dans la nuit, ne se retournant pas pour vérifier que je sois bien là. Qu'est-ce qu'il peut bien vouloir me montrer ?

Nous marchons ainsi, sans bruit, pendant plusieurs minutes. Il finit par s'arrêter dans une clairière, au nord d'Epap.

- On va travailler ta télépathie.

- Maintenant ?

Il me jette un regard froid. La réponse est évidente.

- On va tester tes limites, les repousser, et ce jusqu'à ce que l'utilisation de la télépathie te vienne naturellement, sans restriction. Tu as un débit ?

- Oui.

- Depuis quand ?

- Hier soir.

- Met ça.

Il me lance un petit objet. Je l'attrape, il s'agit d'une pierre noire attachée à une chaîne argentée. Je la passe autour de mon cou, avant m'adresser à mon poignet (c'est toujours autant bizarre). Montre-moi l'heure. Il ne se passe rien du tout.

- C'est un stamatìsei empêchant l'utilisation du débit. Reste debout, concentre-toi, on y va.

- Je peux vous poser une question avant ?

Il me regarde. Je prends ça pour un oui.

- Ça va prendre combien de temps ? Parce que, d'habitude, je me repose.

- Toute la nuit. 

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