Souvenirs - Chasse au trésor
Nous sommes en février. Depuis le tournoi, les cours ont repris normalement... Enfin, normalement pour Epap, ce qui signifie entrainements infernaux avec Aras, tonne de livres à lire pour rattraper mon retard, longues discussions avec Kiran. Quand j'ai du temps libre, j'essaye de le passer avec Eléa. Être avec elle m'apaise, bien qu'elle se soit mise en tête de m'apprendre tout ce qui a trait à la vie pratique, comme la monnaie des particuliers, les commerces, l'administration...
Ce matin, le soleil perce difficilement les nuages. La neige reflète ses rayons, le paysage est éblouissant au sens premier du terme. Si je ne me protégeais pas grâce à l'ischys, je n'arrêterais pas de plisser les yeux.
Ne tardant pas trop, je me rends à la cafétéria, où le groupe habituel est assis autour d'une table. Trent, Samy, Théo, Julie, Mihela, Juste et, bien sûr, Eléa. Je m'installe à côté d'elle, la discussion tourne autour de la chasse au trésor qui débute aujourd'hui. Les théories vont bon train sur ledit trésor, personne n'a la moindre idée de ce dont il s'agit.
- C'est obligé que ce soit un truc dingue, genre une pierre précieuse, ou même une kivotos (pierre permettant de se téléporter une seule fois n'importe où) !
- N'importe quoi, ils donneraient pas un objet aussi important à des élèves.
- Ah ouais ? Alors tu penses que c'est quoi, Julie ?
- Un jour de congé.
- Pff, comme si l'équipe gagnante pouvait vraiment sauter des cours.
- Ben propose autre chose alors, Samy.
- Les connaissant, y aura rien.
- Comment ça, rien ?
- Ils vont nous faire croire qu'une méga surprise nous attend, et une fois à l'arrivé, rien. Ou alors la surprise, ce sera des devoirs supplémentaires.
Trent acquiesce, tout à fait d'accord avec le vampire. La discussion continue ainsi, sans pour autant qu'une proposition se démarque des autres. Vers neuf heures et demie, nous sortons dans l'air froid du matin, rejoignant les autres qui attendent déjà dans la cour.
- Eh, mais c'est mon prof !
Un particulier petit et enrobé aux cheveux semblables à des branches d'arbres sans feuille et à la peau en partie recouverte d'écorce se tient debout sur l'estrade. Dans sa main, un document en papier. Il s'éclaircit la gorge avant de prendre la parole.
- Bonjour, bonjour. Je me présente, Alvin Laine. Les règles sont simples : Par deux, vous devrez trouver un coffre comme celui-ci.
Au-dessus de sa tête apparait un hologramme montrant une boîte tout ce qu'il y a de plus normal. L'enseignant regarde sa feuille, lisant ce qui y est écrit.
- Il vous suffira de prendre un objet chacun à l'intérieur pour être téléporté dans le hall.
Relevant la tête, il se tourne vers Valentin Grimson, qui s'avance. Levant la main, il active sa particularité sur l'ensemble des étudiants. Nous sommes tous téléportés en même temps à des endroits différents.
Noir, sensation d'étouffement, de compression. Tout s'arrête, je regarde autour de moi. La pièce qui m'entoure est relativement petite, les murs sont granuleux, en pierre. Je suis dans une cavité souterraine, sans doute dans le sous-sol de l'école. Il est vraiment énorme, sa taille ne cessera jamais de me surprendre.
Voulant utiliser mes pouvoirs pour sonder les alentours, je me rends compte que j'en suis incapable. C'est du aux murs en apotho, une pierre empêchant l'ischys de passer. Sa couleur luminescente varie en fonction de la température, je vois comme en plein jour.
Une main tape sur mon épaule, je me retourne. J'ai délibérément ignoré Théo depuis tout à l'heure, ne voulant pas me rendre à l'évidence : c'est mon duo. Je ne sais pas si les profs ont choisi au hasard ou si c'est volontaire, mais ça m'enlève toute motivation. Je dois vraiment faire équipe avec lui ?
Il me désigne un passage du doigt, puis fait mine de marcher.
- Tu sais que tu...
J'ai commencé ma phrase, sauf que je me rends vite compte que je n'entends rien. Ou alors je suis muet ? Qu'est-ce qu'il se passe, tout à coup ?
Théo fait de grands gestes pour attirer mon attention, je le regarde. S'ensuit une scène quelque peu étrange durant laquelle il enchaine des signes que je comprends à peu près, jusqu'à ce que je comprenne ce qu'il veut : que je parle. Alors je lui pose une question toute simple, je sens mes cordes vocales vibrer mais rien ne parvint à mes oreilles. Il hoche la tête, je crois qu'il m'a entendu. Ok, j'ai compris. Lui est muet et moi je suis sourd. Sinon la chasse aurait été trop facile, merci les profs !
Je soupire, enfin je crois. C'est étrange, maintenant que je m'en suis rendu compte j'ai l'impression de rêver. Parfaitement conscient de ce qui m'entoure, capable d'interagir avec mon environnement mais incapable d'en entendre les conséquences. Je me sens tellement vulnérable, c'est un sentiment très désagréable. Vivement qu'on sorte d'ici.
Nous empruntons le petit passage, obligés d'avancer sur le côté. Après une vingtaine de pas latéraux, nous arrivons dans un couloir d'une teinte plus fraiche. Je me tourne vers Théo, lui demandant (enfin, je crois avoir réussi à lui demander) dans quelle direction on part. Il me fait signe de me taire puis me pousse dans la faille, avant de s'y cacher aussi. Je sens mes habits frotter contre les parois, ils ne font pourtant aucun bruit pour moi. C'est vraiment étrange, j'ai l'impression de vivre un vieux film muet.
Par-dessus l'épaule de Théo, je vois un groupe passer. Ils ont les poignets attachés ensemble et paraissent discuter normalement, en tout cas je vois leurs lèvres bouger. Ils s'éloignent, nous attendons quelques secondes avant de prendre la direction inverse.
« Pourquoi on s'est caché ? »
Il hausse les épaules.
« Tu as une idée de comment faire pour trouver le trésor ? »
Nouveau haussement. Ça va être très long.
Tournant suivant, droite. Embranchement, tout droit. C'est assez contradictoire, parce que j'ai l'impression d'être très bruyant en marchant sans rien entendre, comme un enfant qui se croirait silencieux alors qu'il fait énormément de bruit.
« J'ai entendu dire qu'il fallait toujours prendre à droite ou à gauche pour trouver la sortie. On pourrait faire ça. »
Il m'ignore, continuant d'avancer. Wah, j'en ai déjà marre.
Les murs changent, la lumière se fait plus chaude. Commençant à transpirer, j'enlève ma veste, l'accrochant à ma taille. Quelques pas plus loin, Théo m'imite. En fait, pourquoi c'est lui devant ?
Nous tombons sur une grande salle au haut plafond constellé de formes en tout genre. Le sol est lisse et glissant, j'aperçois de nombreuses ouvertures dans les murs, certaines en hauteur. Marquant un temps d'arrêt, je prends le temps de tout observer, me demandant si un indice ne serait pas caché ici.
« Dis, tu penses que ces formes veulent dire un truc ? »
Théo me fait signe de me taire avant de porter sa main à son oreille. Il me désigne ensuite l'autre bout de la pièce, où trois groupes se sont rejoints. Lui désignant une petite corniche, je lui fais comprendre que je vais y monter. Il hoche la tête, me fait la courte échelle. Je grimpe rapidement avant de lui tendre la main, il me rejoint. De là, nous avons vu sur l'ensemble du lieu. Je remarque alors que les formes se reflètent dans le sol, formant des chiffres et des lettres. 4D 5G 2 1G 2D 8G 3 1D 3 9G 2D 1 1G 1D 1G 1D 2G. C'est vraiment long, je prends le temps de tout mémoriser, au cas où. Théo, de son côté, fronce les sourcils. Il est concentré.
Je ferme les yeux, me répète trois fois l'ensemble. Quand je suis sûr de tout avoir, je me tourne vers Théo. Il forme un D avec ses mains, lève son bras droit, puis un G et son bras gauche. Formant une croix, il me fait comprendre qu'il s'agit de tout droit. Ça me semble logique, j'acquiesce pour lui signifier que j'ai compris. Chuchotant (en tout cas j'essaye), je lui demande par quel chemin on part, lui précisant que j'ai mémorisé le parcours. S'ensuit plusieurs minutes durant lesquelles on observe chaque détail de la pièce, à la recherche de la moindre indication sur le passage à prendre. Des groupes vont et viennent, ne s'attardant que peu dans ce lieu. Quelques rares duos prennent le temps de regarder le plafond, mais ils finissent par secouer la tête et repartirent.
Deux tapes sur mon bras, je me concentre. Théo enchaine différents signes, je ne comprends pas, il recommence. Qu'est-ce que ça veut dire, t-shirt, pantalon, chaussures, cheveux, mur ? Son air dépité me fait penser que c'est une évidence, mais je n'arrive pas à cerner son message. Réfléchissant, il me montre à nouveau le mur, imite ensuite un frisson, puis essuie une sueur invisible sur son front. La température, la paroi... La pierre qui change de couleur...
« Les couleurs ? »
Son visage est éloquent, Enfin ! s'exclame-t-il. En même temps c'était pas clair.
« Quoi, les couleurs ? »
Son doigt pointe vers le sol, je regarde les chiffres et les lettres. Non, il faut que je me concentre sur les couleurs. Soudain, j'écarquille les yeux, me rendant compte que le vert, le rouge et le bleu forme trois flèches pointant toutes dans une direction différente.
« Comment on fait pour savoir laquelle est la bonne ? »
Il hausse les épaules avant de me faire comprendre que c'est à moi de trouver. Sur ce, il s'adosse à la pierre et ferme les yeux. Merci, Théo, ça fait vraiment plaisir.
Je pensais passer encore un long moment à chercher, mais je trouve rapidement l'indice qu'il nous manquait. Toute la pièce est éclairée d'une lumière rougeâtre. Un sourire nait sur mes lèvres, ça parait tellement évident. Je secoue Théo, lui explique à mi-voix ce que j'ai découvert. Il acquiesce, nous sommes repartis.
La suite est simple bien que très ennuyeuse. On prend quatre fois à droite, cinq à gauche, deux tout droit, une à gauche, et ainsi de suite. À un moment donné, on croise Julien et Jonathan, l'un sur des rollers et l'autre sur des petits skis. Je me dis de plus en plus que les équipes sont injustes, comment ça se fait que ces deux-là, inséparables, se retrouvent encore une fois ensemble alors que je dois me coltiner Théo ?
Ne sachant pas trop si je parle fort ou pas, je fais du mieux que je peux pour leur expliquer qu'on avance au hasard, moi sourd et lui muet. Il ne faut pas abuser, on ne va pas leur dire qu'on a une piste sérieuse. Ils n'ont qu'à chercher un peu, déjà qu'ils ont un bon duo, ça ne peut pas leur faire de mal. Ils disent un truc, Théo acquiesce, souriant. Juju et Jojo s'éloignent sur un dernier signe de la main, nous continuons notre chemin. Je vois Théo grimacer, il me désigne ses oreilles et me mime des skis. C'est vrai que ça doit faire un boucan pas possible, d'un coup j'apprécie de ne pas entendre.
Une fois à droite, une à gauche, une à droite et, finalement, deux à gauche. Nous arrivons dans une impasse, je commence à regarder partout, cherchant un indice ou un mécanisme quelconque. C'est Théo qui le trouve involontairement en s'appuyant contre le mur, un air ennuyé sur le visage. Son épaule s'enfonce dans la paroi, il s'écarte brusquement, surpris. Je sens le sol vibrer, nous reculons tous les deux. Sous nos yeux, la pierre s'enfonce pour former un escalier qui descend encore plus bas. Un regard plus tard, nous l'empruntons. Je compte les marches, il y en a plus de deux cents. Après de longues minutes de descente tout ce qu'il y a de plus ennuyeux et répétitif, nous arrivons au bas de l'escalier. Je reste interdit devant la cascade qui plonge face à moi, finissant dans un bassin entourant une plateforme surélevée. Vous avez déjà vu une cascade ? Vous savez le bruit que ça fait ? Eh bien moi je n'entends absolument rien, comme si je contemplais une photo et que je ne la voyais pas en vrai, sauf que l'eau bouge, éclabousse le sol, humidifie l'air. J'ai l'impression de n'être pas vraiment là tout en étant physiquement présent, c'est vraiment très étrange. Ah, vivement que je retrouve l'ouïe ! (Le sens, hein, pas la personne).
Au centre, un coffre en bois nous attend. Théo s'en approche et l'ouvre sans hésitation, rien ne se passe. Je m'attendais à un piège final ou un truc du genre, il faut croire que je me suis trompé. Le rejoignant, je m'accroupis à sa droite, découvrant milles et une babioles toutes plus inutiles les unes que les autres. À croire que les enseignants se sont débarrassés des objets qu'ils ne voulaient plus. Quelle générosité de leur part, vraiment. Théo se saisit d'un mini parapluie, il disparait instantanément. Je ne me prends pas la tête et m'empare du premier bibelot qui vient, en l'occurrence un rouleau à pâtisserie carré. Expliquez-moi l'utilité, je vous prie.
Sensation détestée d'étouffement, de compression, me voilà de retour dans le hall. Je vais m'annoncer à l'enseignant qui attend derrière un bureau, il note mon nom sur une feuille et me dit bien que je peux garder le rouleau. Ça fait du bien de pouvoir à nouveau entendre normalement, j'ai quand même l'impression que tous les sons sont amplifiés. Franchement, respect à toutes les personnes sourdes et muettes au monde. Elles sont vraiment courageuses.
Une idée en tête, je me rends à l'animalerie. Échangeant quelques mots avec Elstine, la responsable, je finis par lui remettre le trésor. Ça fera un bon jouet pour les chiens.
La neige s'est mise à tomber. Je reste à l'intérieur, bien au chaud, attendant le retour de mes amis. Mes pensées s'égarent, je finis par m'endormir. Ah, ma journée aura été relativement reposante.
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