X - le drôle de poisson et sa montre hackée
La corde glisse entre mes doigts.
Elle heurte le sol avec un petit bruit étouffé et je lève les yeux pour les plonger dans deux prunelles vert sombre. Je peux y lire toute la haine que j'inspire à ce type, là, à l'instant.
Sa bouche se tord dans une grimace rageuse, alors que je lâche son foulard qui va s'échouer sur les dalles sans un seul son. Je laisse mes lèvres s'étirer en un sourire profondément sadique, narquois. D'un geste habile, je repousse quelques mèches blondes dans mon dos et les voiles de mes manches volent délicatement autour de ma fine silhouette.
— C'est vraiment dommage...
Alors que Sevastian me fusille en silence à cause du joli bâillon de tissu qui lui remplit la bouche, je m'assieds sur un fauteuil face à lui et croise les jambes, avant d'appuyer mes coudes que mes genoux et de poser mon menton sur mes paumes. J'incline doucement la tête et reprends d'une voix si suave que je ne me reconnais pas. Et c'est logique ; Eikan a disparu, ne reste que Loki...
— Tu étais presque parfait dans ton rôle de joueur solitaire venant noyer sa peine dans les bas-fonds.
Il grogne, mais ne parvient pas à articuler le moindre le mot. Un léger rire m'échappe.
— Eh oui ! Tu es tombé sur plus malin. Comme je suis gentil, je vais te donner un petit conseil : évite de ramener une élégance du Panthéon dans ce bar clandestin. Vraiment, c'est une erreur de débutant, ça se voyait à trois kilomètres... Sans parler de tes yeux bien trop translucides... Et tes traits qui, bien que masculins, restent raffinés et, comment dire... typiques.
Je peux presque voir la colère suinter de sa peau, s'élever comme un nuage rouge au-dessus de sa silhouette agenouillée. La corde, nouée par mes soins, le maintient dans cette position et mord sa peau en le forçant à garder les bras dans son dos. Vraiment, les entraînements d'Ashes portent leurs fruits. Même si, avouons-le, il ne se méfiait pas assez de moi... C'est à croire que dès que je ressemble à une femme, je deviens un être dénué de menace, incapable de lui causer des problèmes.
J'ai toujours détesté la touche féminine de mon visage et mon corps fin et svelte, mais pour cette fois, je songe sérieusement à en faire un atout.
— Bien, le boss tardera plus, en attendant je vais jeter un oeil à tes petites affaires, ça pourrait s'avérer intéressant...
Mon regard se pose sur le sac de cuir qui était auparavant accroché à la taille de l'espion. Cet accessoire est très fin et pratique, pouvant contenir plus de choses qu'on peut l'imaginer en voyant ses dimensions. J'enfile aussitôt une paire de gants noirs. Mes doigts trouvent sa fermeture et l'idée d'une sécurité m'effleure, alors je souris et contourne le prisonnier, pour venir saisir sa main et m'en servir pour ouvrir l'objet. Evidemment, il ne se laisse pas faire, mais un coup sur l'oreille le calme rapidement et le sac me livre ses secrets.
Je me rassieds en y plongeant les doigts, intrigué. J'en sors un autre masque simple, une paire de lunettes, une montre probablement coûteuse, et une petite perle immaculée. Cette dernière me rappelle un objet que j'ai déjà vu lorsque je vivotais non loin du Panthéon. Il s'agit d'une pièce d'identité. Impossible à lire sans le dispositif adéquat, elle permet de franchir certaines portes et se trouve être extrêmement précieuse. Je décide de la garder, qui sait ? Ça pourrait m'être utile, un jour. Je la glisse dans ma poche, en compagnie de mon Sentoki.
La montre retient elle aussi mon attention. J'en ai déjà vues de semblables. Elle paraît capable de se connecter à un réseau, d'afficher des hologrammes et de communiquer à distance. Je la tourne dans tous les sens et finis par trouver un petit bouton bleu sous le cadran. Perplexe, je décide d'observer la réaction de mon prisonnier. Il me fixe, l'air abattu, cependant j'ai l'impression que cet objet est important. Je songe alors à une possible fonction de mémoire...
Si je parvenais à y accéder...
Déterminé, j'écrase le petit cercle bleu. Aussitôt, un hologramme surgit devant moi, mais refuse de s'animer. Un message s'affiche, en petites lettres azurées semi-transparentes.
"Accès refusé. Mauvais utilisateur"
Je manque de soupirer, déçu. J'aurais réellement aimé savoir ce que l'on avait demandé à cet espion. Je songe alors que j'aimerais vraiment percer ce type de sécurité. Vraiment, quels secrets le sbire du Panthéon dévoilerait si je perçais ces barrières ?
Mais inutile de rêver, je n'ai pas les moyens de franchir cette sécurité de moi-même. Elles sont faites par des experts afin d'éviter les hackers...
Pourtant, une intuition me saisit et je fronce les sourcils. Là. C'est... Oui. Je dois faire ça.
Mes doigts pressent les côtés de l'instrument simultanément et les réglages de l'appareil s'affichent à leur tour. Les yeux rivés sur les lettres, je les vois alors bouger et clignoter. Tout à coup, c'est comme si tout était limpide, comme si je voyais le chemin pour outrepasser les barrières.
Les codes défilent sous mes yeux, changent incessamment, et des pensées qui ne m'appartiennent pas se diffusent dans mon esprit, comme si elles commandaient à cette technologie. La conscience de mon environnement, de cette pièce, disparait comme de la fumée soufflée par le vent. Je ne suis que moi, un esprit, qui voyage dans une mer d'étranges pixels luisants et les déplace par une simple pensée. C'est comme si je savais ce que je faisais, mais en même temps, que cette faculté ne m'appartenait pas totalement.
Et, soudain, je vois une silhouette. Un hologramme. Bleu, translucide, qui se met en marche sur une simple volonté. L'homme paraît d'âge moyen, engoncé dans une blouse de scientifique, une paire de lunettes sur le nez. Ses mèches blondes et ses yeux clairs m'informent qu'il vient effectivement du Panthéon.
Bonjour, S. Vous avez une mission de type A-2, dans l'endroit dont les coordonnées GPS vous parviendront. Vous devez infiltrer des joueurs de Skehrr et débusquer l'un d'eux. Nous avons eu des alertes, concernant une possible rébellion en formation. Arrêtez ses agissements et ramenez-le au Panthéon par le chemin B-4. Voici la description : jeune, se fait appeler Okami et porte des vêtements noirs ainsi que des bracelets métalliques. Terminé.
L'hologramme se fige et le message arrive à son terme. Mon souffle paraît se couper, même si je ne suis plus qu'un esprit, aussi étrange que cela puisse paraître. On parle bien de moi, dans ce message ? Mais... une rébellion... Je ne fais rien de tel !
Brutalement, je suis expulsé du système de la montre et réintègre mon corps. L'objet s'échappe de mes doigts gantés et heurte le sol, dans un silence surnaturel. Sevastian me fixe, les yeux écarquillés, alors que je ne comprends pas plus la situation. J'ai... intégré... le système d'une montre du Panthéon... et il m'obéissait ?
Mon souffle s'est accéléré. Je suis clairement désarçonné. Comment ? Pourquoi ? Est-ce seulement possible, ou n'était-ce qu'une simple hallucination ? Y avait-il une drogue dans ce fichu sac ?
Je secoue la tête et me force au calme. Je m'interrogerai plus tard sur cette étrange anomalie, pour l'instant il est urgent que je remette de l'ordre dans ma tête avant l'arrivée de Storm. Il va débarquer d'un instant à l'autre. Dois-je lui dire pour l'avis de recherche ? Cela pourrait mettre en danger les Warriors au complet, non ? Mais ils ne me connaissent pas... Si je reste Loki, est-ce que ça me sortira de cette impasse ?
Je pince les lèvres, agacé. Non, ça ne changera rien, d'autant que je dois participer au show dans quelques dizaines de minutes. Et sous le masque d'Okami.
Cette situation est inextricable !
Je finis par me lever et jeter un regard à Sevastian, qui me fixe toujours. Il paraît réfléchir à toute vitesse. Juste pour donner l'illusion que je maîtrise parfaitement la situation, je lui fais un clin d'oeil et tourne les talons pour aller entrebâiller la porte. Le bar est plein à craquer et je distingue une haute silhouette masquée de noir et jaune se frayer un chemin en tapant sur les épaules de diverses connaissances. Lorsqu'il arrive à ma hauteur, Storm m'interroge à voix basse.
— Alors ?
— Un poisson de ferré.
— Ok, va te préparer, je m'en charge.
Je hoche la tête et me décale pour le laisser entrer, alors que je me faufile discrètement hors de la salle, dont la porte reste habilement dissimulée dans l'ombre et voilée par des rideaux décoratifs. Je rejoins l'ambiance festive du bar, alors que mon état intérieur en est le parfait opposé : je suis en proie à une immense incompréhension... J'ai l'impression que les événements m'échappent. Me voilà recherché par le Panthéon, qui prend la peine d'envoyer des espions, et capable d'un étrange phénomène m'ayant permis d'accéder à des fichiers protégés par le même Panthéon.
Un frisson m'hérisse l'échine, parfait contraste avec la chaleur du bar.
Cela fait beaucoup trop de fois "Panthéon".
Tout s'accélère... hâte de savoir ce que vous pensez de tout cela... ;) <3
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