Projet oXatan


« Aujourd'hui, chers élèves, vous avez la chance de pouvoir écouter le témoignage d'Aliénor. Cette jeune femme dont vous avez sûrement déjà dû entendre parler, que ce soit chez vous, dans la presse ou dans vos manuels d'histoire. Elle va vous raconter sa passionnante histoire et comment elle a réussi à prouver que nos dirigeants ne nous voulaient pas que du bien. »

Aliénor prit place en face de nous. Aucun élève n'osait parler. Nous avions tous bien trop de respect pour cette femme qui avait sauvé le monde. Elle nous fit un petit sourire et commença son histoire.

« Et surtout, ne sortez jamais du manoir, nous répétait sans cesse Miss. Pince, notre gouvernante. Vous ne devez sous aucun prétexte passer la porte du manoir. »

« Pourquoi donc ? » Demandions-nous de nos petites voix fluettes.

Elle ne répondait jamais à cette question. Au lieu de ça, elle nous faisait un petit sourire empli de tristesse. Comme nous détestions voir notre précieuse gouvernante pleurer, nous ne posions pas de questions et nous faisions juste ce sourire plein d'innocence que seul les enfants peuvent faire.

Nous vivions à cinq dans notre grande manoir : Miss. Pince, son étrange mari, Vincent et Frédéric qui étaient mes frères et moi, Aliénor. Je n'avais pas le droit sortir... mes frères non plus... Mais nous ne nous en plaignions pas : tout ce dont un enfant avait besoin était à l'intérieur de notre demeure. Seul l'étrange mari de Miss. Pince -nous n'avons jamais su son identité - avait le droit de sortir. Et encore, ses sorties étaient très rares et à chaque fois qu'il sortait, il prenait de nombreuses précautions. Il revêtait une épaisse combinaison grise et mettait un masque effrayant. Je sus plus tard que c'était un masque à gaz.

A chaque fois qu'il rentrait de ses expéditions, il ramenait de grandes malles remplies de nourriture. Il ne les ouvrait qu'une fois éloigné de la porte. Porte que nous devions, d'ailleurs, éviter à tout prix.

Mais mon enfance n'est pas la période la plus importante dans ma vie. Passons directement à mon adolescence, là où tout a commencé.

Il faisait horriblement chaud et nous rêvions d'ouvrir la fenêtre pour laisser passer le vent que nous ne connaissions que de ses descriptions dans nos livres. Nous devions, comme pour la porte, éviter les fenêtres comme le diable.

Bref, ce jour là, le mari de Miss. Pince était parti en expédition depuis plus longtemps que d'habitude. Ce qui était normal, puisqu'il allait chercher un nouvel habitant. Notre gouvernante était tout de même très inquiète et Frédéric faisait de son mieux pour la rassurer. Nous avions entendu un grand bruit venant de l'extérieur. Miss. Pince ouvra des yeux grands comme des soucoupes et, dans un murmure, m'ordonna d'aller regarder à la fenêtre. Cela m'avait fortement étonnée mais je n'avais pas protesté, trop heureuse de voir le monde extérieur.

Outre le sable rouge comme le sang qui s'étendait à perte de vue, je remarquai une masse qui semblait être un corps couché au sol.

Malgré les nombreuses protestations de Miss. Pince, je me dirigeai prestement vers la porte et l'ouvris en grand. Je m'approchai de la masse et ce que je vis m'horrifia.

Le mari de Miss. Pince. Son masque à gaz décroché. Il semblait suffoquer. Ses veines devenues noires contrastaient avec la blancheur inhabituelle de sa peau. Malgré ma peur, je le tirai jusqu'à la maison. Miss. Pince s'approcha, regarda son mari et poussa un cri d'horreur.

Elle prit le corps de son mari et le balança dehors puis ferma la porte. La vision de ses larmes coulant sur ses joues me fendait le cœur. Nous regardions, mes frères et moi, notre gouvernante sans comprendre.

Nous entendîmes une voix de garçon de l'autre côté de la porte. Il nous demandait d'ouvrir la porte et il disait qu'il n'avait pas été gazé. Je ne compris pas tout de suite ses paroles. Miss. Pince entrouvrit la porte et laissa entrer le jeune homme qui nous appelait. Il nous dévisagea longuement et se tourna vers notre gouvernante.

« Il... il faut que je vous explique, nous avait-elle dit dans un souffle. »

« Effectivement, il serait temps, lui répondit méchamment Vincent. »

Frédéric lui donna un coup dans les côtes et Miss. Pince baissa la tête.

Elle nous expliqua tout d'un coup. Elle commença par nous décrire brièvement le monde, les villes, les campagnes, la mer et les habitants de notre monde. Elle nous dit qu'il existait un certains Comité d'Éthique Mondial qui remplissait à peu près les mêmes taches qu'un gouvernement. Elle nous expliqua aussi que ce comité cachait une corporation. LA corporation. Elle avait pour but de créer un monde parfait. Et pour cela elle vendait des médicaments pour enfant composés de nombreux produits chimiques qui agissaient sur l'ADN pour rendre les petites personnes « parfaites ». Il arrivait que les produits ne fassent pas effets sur certains enfants. La corporation les utilisait alors comme cobaye pour améliorer l'efficacité des produits.

Un groupe de personne s'était révolté et avait décidé de s'isoler dans la forêt, pensant être en sécurité. Mais la corporation sait tout et voit tout. L'organisation a donc décidé d'envoyer des gaz toxiques aux rebelles. Ce gaz a pour effet de les transformer. Leurs os s'allongent, leur peau blanchit et leurs veines deviennent noires. Ils deviennent des sortes de mi- squelette, mi- ogre.

« Et mon mari est devenu l'un d'entre eux, dit Miss. Pince d'un ton grave. »

Une semaine s'était écoulée depuis que le mari de Miss. Pince nous avait « quitté ». Un soir, le nouveau, qui s'appelait Mewen, nous proposa de découvrir le monde extérieur. Nous avions longtemps protesté, trouvant cette idée bien trop audacieuse et dangereuse. Mais au bout de quelques semaines, nous avouâmes que l'idée était plutôt tentante, malgré le danger. Nous partîmes donc du manoir pour découvrir le monde et, accessoirement, le sauver.

Nous étions maintenant dehors, équipés de nos combinaisons et de nos masques à gaz. Nous marchâmes pendant plusieurs jours. Le paysage variait entre désert de sable rouge et forêt. Nous avions rencontrés de nombreux monstre mi- ogre mi- squelette mais la plupart semblaient trop épuisés pour nous attaquer. Il y en avait tout de même certains qui se montraient très agressifs à notre égard. Cependant, nous n'étions jamais très gravement blessé.

Nous finîmes par arriver jusqu'à un lac d'eau sombre. Eau qui ressemblait fortement à l'or noir. Je vis Mewen fixer le lac en fronçant les sourcils, l'air soucieux. Lorsque je lui demandai ce qu'il avait, il me répondit que le mari de Miss. Pince avait bu l'eau de ce lac lors de leur voyage. Je fis le tour du lac. Quelque chose m'intriguait : aucune plante ne poussait autour de l'étendue d'eau. J'étais tellement absorbée par ce fait que je ne remarquai pas le monstre qui avançait doucement vers moi. Lorsque je sentis son souffle sur ma nuque, il était trop tard. Il me poussa dans le lac.

La froideur de l'eau me transperça le corps. Je faisais de mon mieux pour retrouver la surface mais je ne savais pas nager. L'eau était tellement sombre que je ne voyais rien. J'atteins rapidement le fond du lac où l'eau était bien plus claire. J'aperçus des bombonnes tout autour de moi. Des bombonnes... de gaz toxique.

J'eus un déclic. Les rebelles isolés ne se font pas gazer, en tout cas pas par l'intermédiaire de l'air : ils se font empoisonner par l'eau. C'est pour ça que Mewen n'avait pas été transformé alors que le mari de Miss. Pince, si. Après avoir fait cette découverte, mon envie de sortir de cet endroit se décupla. Je sentis quelque chose me saisir le bras et me tirer sur la surface. Une fois sur la terre ferme, je me mis à trembler. J'avais du mal à respirer et ma gorge me brûlait.

C'est donc ça qu'on ressent lorsqu'on se transforme en monstre ?

Mes compagnons s'affolèrent autour de moi, me demandant ce qu'il se passait. Je n'arrivai pas à leur répondre tant ma gorge me faisait souffrir. La douleur cessa au bout de quelques minutes, à mon grand soulagement. J'expliquai du mieux que je pouvais à mes amis ce que j'avais vu dans le lac et ils en arrivèrent à la même conclusion que moi. Frédéric nous proposa de continuer notre route jusqu'à trouver des rebelles non transformés pour les mettre en garde contre les lacs noirs.

Nous marchâmes encore pendant des semaines jusqu'à arriver à une grande prairie qui s'étendait à perte de vue. L'espace d'herbe était étrangement ordonnée : toutes les plantes étaient toutes coupées exactement à la même longueur et avaient toutes la même couleur. Nous continuâmes notre route pendant plusieurs journées, sans que le paysage ne change. Au bout de cinq jours, nous remarquâmes un grand édifice au loin. En nous rapprochant, nous pûmes constater qu'il s'agissait d'une pyramide maya.

La pyramide était gigantesque et très impressionnante. Ses marches semblaient monter jusqu'au ciel décorées de belles statues posées au pied del'escalier. Nous fîmes le tour de l'imposante pyramide.

« Plutôt jolie, cette pyramide. Vous en pensez quoi ? » Lança Vincent.

« Elle est pas moche »lui répondis-je, les yeux brillant d'admiration.

« On n'a pas le temps de se préoccuper de l'esthétique de la pyramide. On doit trouver un abri. » Avait rétorqué Frédéric d'un ton sérieux. »

« L'autorité ne te sied guère, mon cher, dit Vincent d'un ton moqueur. »

Nous montâmes les marches qui semblaient infinies pour pouvoir nous abriter.

Je vis un orage pour la première fois de ma vie. Le bruit sourd du tonnerre, les éclairs striant le ciel, les nombreux nuages sombres... tout cela m'avait impressionnée. Je ne pouvais pas détacher mon regard de se spectacle naturel. Un éclair toucha un arbre et il prit feu. Les flammes rouges étaient magnifiques. Magnifiques et envoutantes. Elle continuait de prendre de l'ampleur jusqu'à ce que la pluie arrive. Les flammes moururent grâce au rideau de pluie.

Entre temps, Frédéric et Vincent s'étaient endormis. Je suivis leur exemple et me laissa aller dans les bras de Morphée. Je fus réveillée le lendemain par des cris. J'ouvris les yeux et vis que j'étais apparemment la seule à être debout. Je me levai pour aller voir l'origine de ses cris effrayants. Je vis de nombreuses personnes avec des torches enflammées. Certaines montaient les marches de la pyramide et semblaient porter un corps qui se débâtait. Je pensai directement aux sacrifices humains que je connaissais grâce aux nombreux livres de la bibliothèque du manoir. Je me pressai pour réveiller les autres et leur expliquer la situation.

« Cachez vous dans la pièce de façon à ce qu'on ne vous voie pas de l'extérieur » dit Mewen.

Nous exécutâmes son conseil et nous attendîmes plus ou moins patiemment. Nous menions un débat en chuchotant pour savoir si nous devions intervenir. Au final, Mewen réussit, avec un stratagème tordu qu'aucun de nous n'avait compris, à échanger le corps du sacrifié avec deux de nos sacs, donnant l'illusion à tout le monde qu'un corps brûlait.

La personne qui devait être sacrifiée était une femme d'âge moyen, qui s'était évanouie sous le coup de la peur. Elle paraissait très sérieuse dans son tailleur gris –curieuse tenue lorsqu'on est censé être sacrifiée. Ses cheveux châtains étaient tirés dans un chignon strict et sa peau claire était parfaitement lisse.

Elle se réveilla quelques heures plus tard, totalement déboussolée. Frédéric lui expliqua calmement la situation. Elle fondit littéralement en larme et Vincent lui tendit un mouchoir. Les larmes coulaient de ses yeux comme d'une fontaine.

« Qui êtes-vous ? » lui demanda Mewen.

« A-Agathe... Je... je travaille pour le Comité d'Éthique Mondial » dit-elle entre deux sanglots.

Le Comité d'Éthique Mondial... le comité qui dissimulait la corporation... je ne pensai pas que cette femme travaille directement pour la corporation : elle paraissait tellement vulnérable. Mais on ne doit pas se fier aux apparences. Mewen avait apparemment les mêmes doutes que moi étant donné qu'il regardait suspicieusement la jeune femme. Frédéric gardait un sourire chaleureux, comme à son habitude, et Vincent... eh bien je pense qu'il n'avait absolument pas écouté la discution. Je le regardai avec un air de reproche qu'il ne comprit pas puisqu'il ne savait pas l'importance de la discution. Je lui fis signe d'écouter et il me répondit par une grimace.

Finalement nous décidâmes de la garder avec nous, sans lui dire que nous connaissions l'existence de la corporation. Elle nous accompagna jusqu'à une petite ville et nous proposa, pour nous remercier, de nous héberger dans l'un des immeubles du Comité. Elle nous expliqua que le Comité ne pouvait pas se permettre que leurs précieux employés soient mis en danger donc ils étaient logés dans un grand immeuble sécurisé. Le Comité accepta de nous héberger pour nous remercier d'avoir sauvé l'un de leurs employés. Durant les cinq ans où nous habitions là-bas, nous réussîmes à gagner peu à peu la confiance du Comité, du moins juste assez pour avoir un travail au sein de l'immeuble. Mewen travaillait comme informaticien, Frédéric dans la garderie des enfants d'employé, Vincent s'occupait de la surveillance vidéo et moi j'aidais les cuisinières à faire les repas pour les locataires.

Pendant toute la durée de notre séjour, nous cherchions un moyen de rendre nos découvertes publiques. Vincent trouva rapidement un moyen de mettre en garde tout le monde grâce à son poste. En effet, le Comité avait une émission qu'il diffusait en direct 24h/24. Les sujets de cette émission étaient principalement sur des mises en garde contre la différence qui, d'après le Comité, est nuisible pour notre société. Nous avions décidé d'enregistrer mon témoignage qui expliquerait la situation. Vincent avait fait en sorte que la sécurité ne se rendre compte de rien et c'était Frédéric qui était censé faire le présentateur de la chaine. Apparemment son charisme et son doux sourire avaient séduits le directeur.

L'émission commença et le nombre d'auditeur était déjà très important. Cette émission était diffusée dans le monde entier. Et le monde entier allait pouvoir entendre notre message.

La voix de Frédéric résonna dans le micro.

« Bonsoir cher téléspectateur. Je m'appelle Frédéric et je suis un nouvel employé dans le Comité d'Éthique Mondial, commença-t-il, parfaitement à l'aise. »

Je regardai sur l'écran de l'ordinateur portable. Je vis que tout le monde commentait les moindres faits et gestes de Frédéric via les réseaux sociaux.

« Aujourd'hui, nous faisons un programme un peu spécial : nous allons vous passer un message de la plus haute importance. »

Le nombre d'écoute augmentait à une vitesse fulgurante. Bientôt, toute la population mondiale, s'élevant tout de même à 20 milliards d'individus, entendra notre message.

« Nous pouvons vous assurer, les employés du Comité d'Éthique Mondial et moi-même, que tout ce qui est dit lors de cette émission n'est que la stricte vérité. »

J'entendais les coups que donnaient les gardes dans la porte. Ils voulaient rentrer dans le studio pour stopper l'enregistrement mais, malheureusement pour eux, leur prudence se retournait contre eux : les portes étaient bien trop épaisse et solide pour qu'ils puissent rentrer.

« Je vais vous passer l'enregistrement d'un témoignage, poursuivit Frédéric, imperturbable. »

Ce témoignage, c'est moi qui l'avais fait. Rien que le souvenir de ma chute dans le lac noire me suffit à avoir des frissons. Je jetai un œil sur l'ordinateur pour voir la réaction du monde. Plus aucun commentaire. Je vis le nombre d'auditeur baisser doucement. Il ne fallait pas que ça arrive. Tout le monde devait entendre. Tout le monde devait comprendre.

Mewen, qui avait l'air aussi soucieux que moi, commença à pianoter frénétiquement sur son ordinateur. Après cela, le nombre d'auditeur remonta en pic. Je regardai à l'écran qui nous montrait l'émission telle que les téléspectateurs la voyaient. Des images du lac noir s'affichaient à l'écran. Comment Mewen avait fait pour avoir ses photos ?

« Je les ai eu grâce à mon emploi d'informaticien, m'expliqua-t-il. »

Sa réponse me semblait un peu étrange.

Finalement, le message fut entendu par le monde entier. La suite vous la connaissez : les révoltes contre le Comité, l'épuration des lacs et l'interdiction des ventes des médicaments nuisibles aux enfants.

Ce que nous sommes devenus après ? Eh bien je ne suis pas censée vous le dire... mais faisons une exception.

Frédéric, Vincent et moi-même travaillons maintenant pour la police. Mewen, lui, c'est plus compliqué. Il est maintenant en prison. Et son emprisonnement est lié à cette étrange réponse. Mais je ne peux pas vous en dire plus, c'est un secret d'État.


Voili voilou !

C'est la fin de cette mini mini histoire ! Pour ceux que ça intéresse (c'est-à-dire très peu...) j'ai 20/20 à ce devoir. #tropfière

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