Chapitre 65 : Ce qui est déjà le cas
EMMA :
- Tu crois que c'est normal ? me crie Gabriel.
- J'espère que les animaux n'ont rien, dis-je. Et que ça va vite se calmer.
J'essaie de me relever, les turbulences se font plus légères. J'avance en tentant de garder mon équilibre et Gabriel me suit. On monte les étages un à un en nous cramponnant à la rampe. On fait un premier arrêt chez les animaux mais tout semble à peu près ok. Certaines poules sont déboussolées mais aucune ne semble blessée, de même pour les vaches et les autres espèces. Soulagés, on poursuit notre ascension périlleuse jusqu'à la salle de contrôle.
- Tout va bien ? demande la voix d'Ellias.
Il reçoit des réponses positives pour la plupart, Ryan et Inès de la médecine prennent en charge les petites blessures. Nous replaçons les objets tombés des étagères à leur place un peu partout dans le vaisseau en reprenant doucement nos esprits.
Nous jouions la finale et d'un coup Tessa nous a crié qu'un deuxième projectile était en approche et qu'ils avaient accepté l'accès. A partir de là, tout est parti en vrille. Le choc d'entendre le message. La panique quand nous avons compris que nous ne pouvions pas atterrir comme prévu et enfin les secousses qui nous ont mis sens dessus-dessous.
Les jours qui suivent, les turbulences ne cessent pas complètement, Ellias assure que tout semble normal et qu'à la vitesse où on va c'est évident que de changer de trajectoire provoque ce genre d'agitations.
- Il faut juste espérer que nous pourrons tous atterrir sains et saufs, dit le finlandais lors d'un repas du soir.
Avant, je pensais à l'atterrissage comme le plus merveilleux des jours, à présent j'ai toujours cette sensation étrange, d'émerveillement, d'impatience et d'euphorie à l'idée de revoir ma mère, mon père, tous, mais en plus j'ai une nouvelle impression, de stress, de panique... Je prie pour que tout se déroule comme prévu. Mais les phrases du message résonnent dans ma tête : « avant qu'il ne soit trop tard, ce qui est déjà le cas ». Et s'il avait raison ? et si c'était trop tard ?
Ah, si seulement Ellias avait accepté le premier projectile, nous ne serions sûrement pas à ce stade de panique et de précipitation.
- Plus que deux semaines, annonce Tessa.
Je me crispe. Je ne sais pas si c'est une bonne nouvelle. Elle s'apprête à dire autre chose mais elle est coupée par une secousse. Les tables tremblent, certains couverts glissent au sol.
Maya émet un petit couinement en se serrant contre sa sœur, Lilou.
- Vivement qu'on en finisse, soupire Gabriel en ramassant son verre. Ça devient insupportable.
- Pourquoi ça tremble autant ? demandé-je. La trajectoire n'est pas bien différente.
- La trajectoire est modifiée, même si ça se joue à quasi rien, vu notre vitesse, les moindres frottements provoquent des secousses, explique Ellias. Tant qu'elles ne sont pas trop violentes, tout va bien.
J'acquiesce.
Quand il ne reste qu'une semaine, nous commençons doucement à ranger tout ce qui dépasse et à nous préparer mentalement et physiquement. Je range mes albums, mes souvenirs dans un tiroir de mon bureau.
Mon appareil photo, ordinateur, et les caisses de tout ce que je dois donner aux familles dans les casiers résistants.
Deux jours avant, il ne reste plus que les animaux à harnacher et la vaisselle à protéger. Nous approchons enfin du but...
* * *
- On est reparti pour un tour, commente Gabriel en baissant son harnais qui s'éclaire aussitôt rouge.
Nous en avons pour dix heures. Avant de pouvoir sortir de ce vaisseau qui nous a accueillis toutes ces années. Dix heures.
- Tu crois que l'atterrissage va être normal ? demandé-je à Gabriel.
- Normal ? Sûrement pas, mais je suis sûr que tout va bien se passer.
- Oui, dis-je comme pour me convaincre moi-même.
On lance des films pour passer le temps, les heures s'écoulent doucement...Lorsque qu'on se met à ressentir des puissantes secousses et que je sens que le noir va m'envahir, je prie intérieurement pour retrouver ma famille heureuse et au complet. Je ne tente même pas de lutter et je me laisse engloutir par le néant.
* * *
Mes paupières papillonnent, la mise au point se fait. J'ai encore l'impression de tanguer.
- Emma, appelle Gabriel. Tu vas bien ?
- Oui, mais j'ai la tête qui tourne...
- Moi aussi, j'ai l'impression de bouger encore, ce n'est peut-être pas notre tête qui tourne mais le vaisseau...
- Quoi ? Non, on a atterri là, dis-je d'une voix pâteuse. On va sortir d'ici, et retrouver nos proches.
Autour de moi, les gens se lèvent, tout aussi étourdis et perdus que moi. Je suis la première à descendre les marches jusqu'à la porte. Pas besoin de désharnacher les animaux maintenant, l'équipe de Daniel Hunter s'en chargera, je n'ai qu'une hâte, retrouver mes parents.
- C'est moi où on n'est pas immobiles ? demande Kim en fronçant les sourcils.
- Mais si ! Ce n'est qu'une impression, répond Max.
- Quelque chose ne tourne pas rond, dit Ellias Mon bip d'alerte de la salle de contrôle est rouge, je dois aller voir !
Il sort aussitôt de la pièce en courant.
- On n'a qu'à ouvrir le sas et sortir, c'est tout ! s'exclama Matéo.
Nous sortons prudemment de la pièce.
- Vous êtes sûrs qu'on n'attend pas le retour d'Ellias, ? questionné-je.
- Non on y va, insiste Matéo en se dirigeant vers le sas. On verra bien ce qu'il se passe une fois dehors.
Gabriel me retient par le bras.
- Je ne le sens pas bien du tout, me souffle-t-il. On doit attendre Ellias, il y a un souci à la salle de contrôle.
- On n'a qu'à accompagner le groupe au sas, mais on ne sort pas, on regarde juste et je garde mon téléphone allumé pour que Ellias puisse nous joindre.
L'islandais acquiesce un peu à contre cœur et on rejoint le groupe dans les escaliers. Mon cœur bat vite, on attend ce moment depuis si longtemps. J'ai la même sensation que le matin de noël, juste avant d'aller sous le sapin, cette euphorie, cette impatience...
Une fois massés dans le sas, Matéo s'avance.
A présent le vaisseau remue doucement, très légèrement.
- Faites-vous beaux pour la sortie en triomphe, clame-t-il.
- Attends ! l'interrompt Gabriel. Juste, on appelle Ellias et on lui demande si tout est ok. Imagine qu'il y ait, je ne sais pas, de la radioactivité dans l'air.
- Mais non ! Notre trajectoire a changé !
- Ça ne nous coûte rien, on n'est pas à une minute près, insiste l'islandais. Ça fait des années qu'on attend !
Je sors mon téléphone et j'appelle donc le finlandais sous les regards exaspérés de certains.
- Ellias ? L'air a de la radioactivité ou quelque chose ? demandé-je.
- J'arrive tout juste dans la salle, je regarde... non c'est bon, l'aire est propre... attends je dois...
J'écarte le téléphone de mon oreille.
- L'air n'est pas contaminé, dis-je au groupe. Il regarde autre chose.
- Donc c'est bon, on sort, déclare Matéo.
Dans le groupe, personne ne parle, on le regarde s'approcher du cadran, Gabriel se crispe.
- Je ne le sens pas, répète-t-il.
Je lui prends la main.
Le doigt de Matéo se pose sur la petite plaque noire et nous entendons les pchhh habituels.
- Emma ? Tu m'entends ? Ne sortez surtout pas ! me crie Ellias dans le téléphone.
Je me fige.
- Non ! crié-je vers le groupe. Il ne faut pas ouvrir...
C'est trop tard, le pan commencer à s'élever et soudain, il semble se bomber et il vole en éclat. De l'eau s'abat violemment sur nous. Nous sommes immergés, je lâche mon téléphone et je suis propulsée au fond de la pièce.
Je tente de faire des brasses et de remonter à la surface mais le courant est trop violent. Mon bras heurte quelque chose, je ne ressens pas la douleur. Je manque d'air.
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