Chapitre 62 : Projectile
EMMA :
Je respire un grand coup et je plonge sous l'eau. Je n'entends plus rien, mes cheveux flottent autour de moi. Je me sens légère tandis que je remonte d'un coup de pied à la surface. Dans un an, je retrouverai ma famille. Plus cette date approche et plus l'excitation et l'impatience me nouent le ventre. J'ai hâte de m'harnacher, de me sentir partir dans le noir pour me réveiller sur Terre, avec ma famille et tout le monde.
- Tu viens ? m'appelle Gabriel.
- Où ça ?
- Tu verras...
Je sors de l'eau et le suis dans les couloirs.
- Qu'est-ce que tu as encore fait ?
Nous nous rendons dans le réfectoire.
- On a fait un truc génial !
- On ? avec qui ? demandé-je.
- Avec quelques amis, répond-il. Maintenant ferme les yeux.
Je m'exécute et il pose ses mains sur mes paupières.
- Avance...
Nous entrons dans la cuisine et d'un coup il retire ses mains et me dit d'ouvrir les yeux. Je vois alors... des gâteaux.
- C'est vous qui les avez faits ?
- Oui, répond fièrement Gabriel. Avec l'équipe.
Il désigne d'un geste large le petit groupe.
- Ce soir nous fêterons la dernière année à bord, on veut marquer le coup, explique Katie en retirant son tablier.
- Vous aviez tous les ingrédients ? m'étonné-je.
- Alors pour certains comme ce fraisier oui, dit Katie. Mais pour d'autres on a improvisé...
- Assez papoté, passons à la dégustation, l'interrompt Gabriel. On s'installe dans le réfectoire.
Je souris en filant me changer et prendre mon appareil-photo, une belle soirée s'annonce.
- Vous croyez qu'on restera en contact sur Terre ? demande Akio. Tous ensemble.
- Sûrement ! En tous cas, on va être assaillis par les médias dès notre arrivée, commente Ryan.
- Comme des stars, renchérit Gabriel. Mais en réalité, nous sommes de stars !
Je ris. Plusieurs fois, j'ai tenté de m'imaginer notre descente du vaisseau. Je sourirai devant les caméras et je sauterai dans les bras de mes parents. Je retrouverai Anna, Edward, mes amis, je pourrai enfin tout leur raconter.
* * *
Le lendemain, le « bip » de mon réveil me vrille les tympans et me sort beaucoup trop violement d'un rêve. Je me redresse en tentant de me souvenir de la merveilleuse aventure que je vivais avant que ce fichu boîtier ne m'en sorte brusquement.
- Qu'est-c'qu'y s'passe, marmonne l'islandais à côté.
- Notre jour de cuisine.
- Mmmmhf, c'est bon, laisse encore dix minutes.
Il se tourne sur le côté et se rendort aussitôt. Je suis tentée de faire de même mais je sais que les dix minutes se transformeront en une heure, puis deux...
- Debout marmotte ! dis-je en bondissant hors de mon coin de bonheur.
Maya et Lilou, alertées par les bruits accourent aussitôt dans la pièce et se précipitent pour réclamer des caresses. Je gratouille leurs petites têtes et je marche jusqu'à la salle de bain.
Quand je reviens trois minutes plus tard, Gabriel n'a pas bougé. Je lui lance un oreiller.
- Allez !
Il soupire en me relançant le projectile.
- Je n'ai pas eu mes dix heures de sommeil pour être de bonne humeur, râle-t-il en se redressant néanmoins.
Il n'exagère pas, toute la journée, il se traîne en se plaignant.
- Tu veux travailler ton français ? proposé-je en début d'après-midi.
Il hausse les épaules.
- Si tu veux rencontrer ma famille, il faut que tu parles bien ! insisté-je.
- Je parle déjà bien, mais d'accord.
Je souris et on se rend dans mon ancienne chambre , celle que je partageais avec Kimiko. On regarde des vidéos en français qu'il s'applique à traduire, il est beaucoup moins assidu que Kimiko, mais il progresse plutôt vite.
On cuisine les trois repas et comme toujours lors de ce genre de journée, le soir venu, on tombe de fatigue.
- Vivement qu'on puisse manger au restaurant sans rien faire, soupire Gabriel.
- Bientôt ! Dans moins d'un an...
Je regarde dans le vide. Je vais passer un dernier noël ici et le prochain, ce sera avec ma famille, de même pour les anniversaires, tellement de choses vont changer.
Nous enchaînons, les cours de français, les matchs, les jours de cuisines, les tours vers les animaux et les moments de détente. Nous avons presque les mêmes occupations que 12 ans auparavant, alors que nous terminions notre vol aller. Nous avons grandi, muri aussi, malgré tout, nous nous occupons presque de la même manière, il faut avouer que les possibilités sont réduites.
- Je vais à la salle de sport, annonce Gabriel en sortant du salon.
Je hoche la tête en me rendant dans la chambre. J'attrape mes albums photos et m'installe sur le canapé. Je tourne les précieuses pages. Je ne compte même pas le nombre de fois que j'ai posé mes yeux dessus, je les connais par cœur. Certaines risquent de se détacher mais j'en prends soin.
Mon bracelet argenté est toujours là. Il s'est cassé mais heureusement nous avons réussi à le réparer il y a quelques années. La petite Terre a perdu de son brillant néanmoins, elle est toujours à mes côtés.
Dans mon bureau, Kimiko m'avait glissé un dessin de lever du soleil avec un message : « Emma je n'aurais jamais espéré trouver une amie comme toi dans le monde, tu es unique. Kimiko ». Depuis, je l'ai accroché en haut du mur. Est-elle en train de peindre ? Peut-être qu'elle...
- Emma, il s'est passé un truc bizarre ! s'exclame Ellias en passant dans le couloir accompagné de d'autres.
Je bondis de mon canapé et je le rattrape.
- Quoi ?
- Un projectile étrange n'est pas passé loin du vaisseau, dit-il en continuant de marcher.
- Comment ? m'écrié-je.
- Il a voulu se fixer à la place des anciennes capsules, mais il faut une autorisation à bord.
- Et tu l'as donnée ?
Il fait non de la tête.
- Je ne le sentais pas ce truc, ça ressemblait à une capsule en...différent...
- Pourquoi, qu'est-ce que tu croyais ? demandé-je mais soudain j'ai un éclair. Tu crois que c'est une arme ? Pour nous détruire ?
Il hausse les épaules mais sa façon de frotter sa barbe en dit long.
- On va prévenir, tout le monde, ça peut être très grave si quelqu'un nous vise...
Il descend en bas et regroupe du monde dans le réfectoire.
- Un projectile inconnu a tenté de se fixer à nous, j'ai refusé l'accès, on ne savait pas ce que c'était.
Des visages intrigués sont tournés vers lui.
- Il est possible que ce projectile soit là dans le but de nous détruire ou de nous nuire.
Il y a un silence.
- Peut-être qu'au contraire, c'est pour nous aider, propose quelqu'un.
- On n'en sait rien, déclare un autre.
Ellias leur demande.
- J'aurais dû accepter l'accès selon vous ?
- Non pas forcément, mais tu aurais dû nous en parler pour qu'on décide ensemble, réplique Tessa.
- C'est vrai... Mais j'ai un peu paniqué.
Il baisse la tête et je demande.
- Et si ça se reproduit, on fait quoi ?
Nouveau silence.
- On va simplement espérer que ça ne se reproduise pas, souffle le finlandais.
Ellias semble vraiment perturbé par les derniers évènements et un peu sonné, chacun reprend ses occupations. Je reste dans le réfectoire.
- Tu crois qu'on est menacés ? demandé-je.
- Peut-être, mais c'est possible que ce ne soit pas méchant juste... en fait je ne vois pas d'autres raisons de la part de la Nasa d'envoyer quelque chose. Nous ne manquons de rien, nous fonctionnons parfaitement.
- Peut-être que c'est pour prévenir de quelque chose, proposé-je.
- Oui, mais de quoi ? rétorque-t-il.
Je ne réponds pas. Ce n'est pas logique, mais il y a forcément une explication.
Je finis par retourner dans la chambre à mes albums photos et mes souvenirs en compagnie de Maya et Lilou. La journée se termine plus ou moins normalement
Le lendemain, il y un instant de flottement, comme si tout le monde s'attendait à ce qu'un nouveau projectile arrive, mais non. Rien. La routine.
Au bout de deux semaines de tension, tout est redevenu comme avant. Nous nous rapprochons doucement de la date tant attendue, la vie a repris son cours. Pour combien de temps ?
Le prochain chapitre a un point de vue original, j'espère qu'il vous plaira !
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