Chapitre 61 : Ascenseur émotionnel
- roulements de tambour -
Nous changeons de point de vue pour ce chapitre ! Nous sommes dans la tête de...
- roulements de tambour -
... Anna ! (et oui, j'espère que vous êtes contents de la retrouver )
ANNA :
En arrivant sur le palier, je sonne en lissant ma jupe du plat de la main. Pas de réponse. Je tente une deuxième fois. Toujours rien. Je presse encore mon doigt sur la sonnette. Nada.
Hésitante, j'actionne la poignée et je pousse la porte. Je fais volontairement un maximum de bruit pour prévenir de mon arrivée.
- Ah ! Anna, te voilà, on t'attendait, m'accueille le père d'Emma.
Je souris poliment, la mère d'Emma derrière me serre elle aussi dans ses bras.
Il y a quelques temps, nous avons appris qu'elle souffrait d'un cancer du sein, depuis, elle se préserve plus et est régulièrement à l'hôpital. John est déjà installé sur le canapé avec Romane et Mattéo, les frères et sœurs d'Emma.
- Vous ne m'avez pas entendue, j'ai sonné... remarqué-je.
- La sonnette est cassée, à chaque fois qu'on a des invités je me dis qu'il faut que je la répare, dit le père d'Emma en souriant.
- Oui ou juste mettre un petit mot pour prévenir, marmonné-je.
Ses parents ont l'air ravis de me voir, ça faisait un bon bout de temps que je n'étais pas venue dans cette maison qui était autrefois mon deuxième chez moi. Je venais voir Emma pratiquement tous les jours. Au début, j'ai continué mais avec le temps, mon travail, mon couple, ma vie d'adulte en fait, les visites se sont progressivement espacées.
Les revoir me fait du bien.
- Mes parents, ne devraient plus tarder, ils étaient chez le coiffeur aux dernières nouvelles, dis-je.
Une fois au complet, nous nous réunissons dans le salon. Tout comme nous nous étions réunis lors de l'annonce des sélectionnés. La seule petite différence, c'est John : mon mari, c'est l'absence d'Emma, ce sont nos âges, la nouvelle télé, la peinture du salon... Néanmoins, on se serre tous ensemble sur le canapé et on allume l'émission.
Aujourd'hui la Nasa a réceptionné en fin de matinée la deuxième capsule. La capsule tant attendue. Ils l'ont envoyée il y a cinq ans, quand pour eux, il ne restait plus que deux ans sur la planète. Aujourd'hui, j'espère qu'Emma vole vers nous. J'espère qu'elle va bien.
Les parents d'Emma appellent comme la dernière fois la famille de Nathan en Skype. Il y a quatre ans, nous étions les mêmes réunis et nous avons découvert les premières lettres, aujourd'hui, nous attendons la deuxième. Nous nous mettons aussi en liaison avec Edward et Gilles, leurs deux agents.
Pour nous, c'est un moment primordial, on espère avoir dans cette lettre, la réponse à notre question : « Vont-ils rentrer ? ». Dans la précédente lettre elle a affirmé que oui, mais son avis a peut-être changé.
L'écran s'illumine, c'est parti ! Je souris en acceptant un thé et je reporte mon attention sur l'écran. Nous voyons les images de l'atterrissage de cette deuxième capsule.
- Voici quelques-unes des plus magnifiques photos d'Aria, annonce la présentatrice après une longue introduction.
Nous observons des séries de clichés de pousses, d'eau, de jet aussi, du vaisseau au loin. Au bout d'un gros quart d'heure, nous sommes coupés par une pub et le visage de la présentatrice réapparaît.
- Nous allons nous concentrer sur la lettre écrite par Emma Keller, française.
Je fronce les sourcils. La lettre ? Une seule ? Et celle de Nathan ?
Sur l'ordinateur, le visage pixélisé de la mère de Nathan semble se poser la même question.
- Peut-être qu'on en parlera juste après, propose Gilles.
Je hoche la tête, peut-être.
- La lettre commence par « Chers famille et tout le monde au passage ! Je sais qu'au moment où j'écris ces mots, vous n'avez pas encore reçu mon premier message mais bientôt. Beaucoup de choses ont changé depuis... »
Je l'écoute parler. Emma raconte sa vie dehors, qu'Olaf a des petits, que Kyle a grandi et que d'autres bébés arrivent. Tout semble aller pour le mieux et j'en suis extrêmement soulagée. Elle parle de fossiles et d'un jet... Enfin, pour notre plus grand bonheur, la présentatrice lit :
- « ...dans un tout petit peu plus de deux ans, je m'envole à nouveau... »
La mère de mon amie crie de joie, imitée par d'autres. Elle va revenir ! On rit et on se sourit, mais brusquement, l'euphorie laisse place au désarroi. Alors que je serre John dans mes bras, j'entends cette phrase fatale :
- « ... Nous avons malheureusement dû essuyer la mort de Jun et Nathan à cause d'une infection pulmonaire, provoquée par des bactéries. »
Mes bras retombent, je plaque ma main contre ma bouche. Sur le Skype la mère de Nathan se fige, puis raccroche. On se regarde, décontenancés.
La présentatrice poursuit sa lecture, Emma nous dit qu'elle pleure sa mort. Qu'elle nous aime et que la prochaine fois qu'on se parlera, ce sera en vrai.
Sur notre canapé, on ne parle plus, on ne bouge plus, on ne cligne même plus des yeux. Je viens de vivre un incroyable ascenseur émotionnel... dans le mauvais sens.
Moi-même, je ne connaissais pas vraiment Nathan, je lui ai parlé quand il s'entrainait avec Emma et ça avait vraiment l'air d'être quelqu'un de bien. Je me demande comment Emma l'a vécu. Mal surement. Mais le pire, c'est pour ses parents et sa famille. Je n'ose même pas imaginer ma réaction si ça avait été l'inverse : Emma qui était morte.
- Dans les nombreuses données reçues, il s'avère que Nathan travaillait le verre et brûlait des bactéries noires pour récupérer des cendres. Celles-ci étaient apparemment toxiques et ce sont elles qui ont tué le jeune français, explique la voix de la présentatrice.
Nous avons le droit à une nouvelle page de pub, mais personne ne prononce le moindre mot.
Edward et Gilles ne disent rien, comme nous, ils sont sous le choc. Nous recevons ensuite une foule d'informations que je ne suis pas vraiment et l'écran s'éteint à nouveau. Je me redresse sur le canapé. Une bonne odeur flotte dans l'air. La mère d'Emma nous a fait des lasagnes saumon-épinard et nous partageons un repas.
Dans deux petites années, Emma sera peut-être assise à cette table.
Je n'arrive pas à chasser le visage désemparé de la mère de Nathan sur le Skype. Que fait-elle à cet instant ? J'ai envie de lui caresser le dos et de la soutenir, mais elle reste injoignable. Cette nouvelle a gâché l'ambiance et a fait chuter mon moral... Malgré ça, je tente de rester focalisée sur le positif de cette soirée, Emma va bien et elle rentre dans deux ans.
Nous rentrons chez nous vers vingt-trois heures, l'estomac plein. John et moi nous nous rendons dans notre maison, que nous avons achetée il y a deux ans maintenant. Nous possédons un petit jardin pour mon plus grand bonheur et le bonheur de notre chien, un Jack-russel adorable.
Je ne travaille plus au sein des mêmes associations mais mon métier et mes journées restent globalement les mêmes. John et deux de ses amis ont monté une petite boite près de Lyon, tout va pour le mieux. Malheureusement, Mélanie mon amie a déménagé il y a un an à Toulouse, nous nous voyons beaucoup moins souvent, c'est dommage. Cet été elle devrait monter nous voir.
Un mois après cette soirée particulière. John et moi posons nos congés et nous nous envolons vers la Grèce. J'ai toujours rêvé de faire un voyage là-bas.
- Regarde, la piscine est magnifique, dis-je en la montrant du doigt.
Après une semaine de détente dans l'hôtel et au bord de la mer, un évènement coupe notre petite routine de vacances.
Tôt le matin, je reçois un coup de téléphone.
- Oui ?
- Anna, c'est Edward ! Tu as vu ça ?
Je m'assois sur le lit en répondant à la négative.
- Une centrale nucléaire a explosé aux États-Unis, indique-t-il.
- Merde ! Mais pourquoi tu viens me le dire en particulier ? demandé-je.
- Le site où le décollage et l'atterrissage des capsules ont eu lieu est ravagé. Ils ne pourront pas atterrir, il y a de la radioactivité, explique-t-il.
Je commence à comprendre où il veut en venir.
- Que vont-ils faire ? questionné-je.
- Je n'en sais rien...
J'ai un frisson, l'atterrissage est prévu dans un tout petit peu plus d'un an.
Après avoir raccroché, j'allume la télé de l'hôtel. Toutes les chaînes sont grecques mais le pays a deux de ses candidats dans le projet Aria. Nous voyons les images des lieux ravagés, les gens fuient, c'est une véritable catastrophe qui aura sûrement des conséquences irréparables. Heureusement, il y a très peu d'habitants et de bâtiments dans la zone.
- La question que tout le monde se pose, comment les sélectionnés du projet vont-ils atterrir ? conclut la journaliste en anglais.
J'éteins le poste avec une drôle de sensation. Comment est-ce possible ? Juste pile à l'endroit où ils devaient atterrir ? Est-ce une simple coïncidence ?
Tandis que je range mes vêtements dans ma valise, je retourne ces questions dans ma tête. John semble faire de même. Une fois de retour en France, nous reprenons le travail et la routine. Daniel Hunter passe régulièrement à la radio et la télé et assure qu'ils font leur possible pour trouver une solution. Ils tentent de prévenir par tous les moyens le vaisseau pour le faire changer de direction. Mais le temps presse et c'est clairement une question de vie ou de mort pour les passagers.
Certains disent que ce n'est pas grave et qu'une poignée de gens ne méritent pas de telles dépenses et de telles sacrifices.
- C'est scandaleux ! s'exclame le père d'Emma lors d'un repas. Ils veulent les laisser mourir, après tout ce qu'ils ont fait pour leur pays !
- Daniel Hunter ne lâche pas l'affaire apparemment, il continue à soutenir qu'il faut les prévenir quelque-soit le coût, dis-je.
- En voilà un qui a la tête sur les épaules, pas comme ces incapables !
La mère d'Emma soupire.
- Mais il faut encore qu'il y arrive...
Son visage semble fatigué, ses traits sont tirés. Je n'ose pas poser de question sur son cancer et je préfère changer de sujet.
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