Chapitre 52 : C'est officiel
EMMA :
- Pardon ? s'écrie Gabriel. A peine réveillé, il recommence à nous faire souffrir.
- De quoi ? demandé-je.
- Thiago ! s'exclame Gabriel. Thiago veut que nous reprenions notre travail pour creuser jusqu'à la roche étant donné qu'on ne touche plus au verre !
Je soupire en souvenir de toutes ses heures passées à enlever les grains de sables et les couches de pousses. Nous n'arrivions pas à comprendre le but de tout ce travail. Je vois Kimiko assise sur la chaise de médecine, elle semble épuisée mais à nouveau, je retrouve la petite étincelle dans ses yeux. Elle a l'air fatiguée, mais heureuse. Je lui souris.
- Qu'attendez-vous pour faire ce qu'il vous dit ? relance-t-elle.
J'incline la tête, elle semble changée.
- Bien, dis-je en faisant demi-tour.
- Eh ! Tu ne vas pas suivre les instructions de ce fumier ! s'écrie Gabriel.
Il se tourne vers Thiago.
- Désolé pour le vocabulaire, mais bon...
Il sort à son tour de la pièce et me suit dans le couloir.
- On ne va quand même pas aller creuser maintenant, on a bien mieux à faire, rouspète-t-il.
- Comme quoi ? demandé-je.
- Je ne sais pas, discuter du fait que Kimiko est à fond sur Thiago.
J'éclate de rire.
- Ça va lui faire du bien, affirmé-je.
* * *
- Jun était pour moi bien plus, qu'un camarade, c'était un être cher, un ami inestimable, déclare Ellias lors de la cérémonie. Nous pleurons tous ce destin tragique et bien trop violent.
Entre larmes et sourires, la soirée se termine, nous montons dans nos chambres à pas lents. Dès que je franchis la porte, des boules de poils enragées me sautent dessus.
Ils ont bien grandi et il va falloir penser à les séparer. Ils deviennent beaucoup trop envahissants. Je les caresse et je file dans ma chambre. Après cette journée douloureuse je n'ai qu'une envie, c'est de me blottir dans mon lit.
Quand j'éteins la lumière, le lit contre le mien est vide. Kimiko est restée au chevet de Thiago. Ce dernier se remet doucement, il est toujours sous antibiotiques, de même pour Lucia qui peste de ne pas pouvoir dormir dans sa chambre. Olaf se roule en boule à la place de la japonaise, aussitôt suivie des autres. Je m'endors dans un formidable concert de ronflements.
Le jour suivant, la japonaise ne bouge pas d'un poil et je lui apporte ses repas. Avec Ellias, nous poursuivons les recherches dans la roche, mais l'ambiance est étrange, Nathan et Jun nous manquent. Quand je pense au jour de la mort du français, j'ai un frisson et les larmes me piquent immédiatement les yeux. Je me remémore les cris, ses dernières paroles, son visage crispé, le sang sur le carrelage...
- Emma !
Je sors de mes rêveries.
- Regarde, s'exclament Ellias et Gabriel d'une même voix.
J'observe ce qu'ils désignent.
- Je ne vois rien, juste de la roche, dis-je.
- Mais non, ce creux lisse, insiste le finlandais.
Je m'accroupis.
- C'est quoi ? finis-je par demander, légèrement agacée.
- Un fossile ! s'écrie Gabriel les yeux brillants.
Le déclic se fait, c'est surement ça que Thiago attendait.
Il reste à savoir de quel fossile il s'agit et si il en a d'autres dans le coin.
- Tu crois que cette planète a un passé ? Il y a eu de la vie ici ? déclaré-je.
- A nous de le découvrir, répond Ellias, enthousiaste.
A l'aide d'une pointe métallique il tape tout autour du creux pour dégager le fossile. Après une demi-heure nous tenons le bout de roche marqué.
- Vous êtes sûrs que c'en est un ? dis-je sceptique. C'est peut-être tout autre chose.
- Non regarde les traits, ils sont très nets, remarque Gabriel. On va demander à Thiago.
On rentre tout fiers avec notre trouvaille. Nous passons à l'étage médecine. Quand nous entrons dans la chambre, le portugais est debout.
- On a trouvé un truc ! s'exclame Gabriel. Il lui tend de manière théâtral le bout de roche.
On lui explique les événements.
Thiago s 'assoit sur le lit et l'attrape. Il l'observe un moment puis acquiesce.
- Je pense que c'est bien un fossile en effet, mais on est loin de comprendre de quoi il s'agissait. Il y en a surement d'autres, il faut chercher !
- J'étais sûr qu'il nous demanderait d'y retourner, râle Gabriel.
- On va réussir à découvrir le passé d'Aria, murmure Thiago.
- Tu crois qu'il y a eu de la vie ? demandé-je une nouvelle fois.
- Oui, mais peut-être que les pousses rouges ont ravagé et étouffé ce qu'il restait, propose Thiago.
On se regarde, tous en train d'essayer d'imaginer à quoi avait pu ressembler la vie avant.
- Où est Kimiko ? questionné-je.
- Elle est partie se reposer, sinon je ne serais pas debout ! Elle m'interdit de cligner des yeux...
- Vous êtes bien mignons en tout cas, commente Gabriel avec sa voix d'innocent.
Les joues du portugais virent aussitôt au rouge.
* * *
- Je ne peux plus garder cinq chiots, dis-je tandis que nous sortons de la pièce. Ils deviennent trop gros. Je pense qu'il est temps de les donner.
- Ils ont quel âge ?
- Selon le calendrier des Etats-Unis, ils vont sur leur trois mois.
Je les câline une dernière fois tous ensemble puis j'emmène, Oural et Bonnie avec moi. Inès est absolument ravie et elle sourit en attrapant Oural qui lui donne un coup de langue sur la joue. Et Elina est attendrie par la petite bouille de Bonnie. Je ne suis pas triste, je sais qu'ils seront très heureux mais j'ai quand même un petit pincement au cœur. Il reste Tobby à donner à Kimiko mais pour le moment, tant qu'elle vit avec moi, le chiot reste avec nous. Maya court devant nous, aussitôt suivie de Lilou sa compère. Olaf, elle, reste près de nous calmement. Elle s'est assagie, elle a vieilli aussi.
Le lendemain, je passe voir Kimiko, qui est assise aux côtés de Thiago.
- Quoi de neuf ? demandé-je.
- Il se remet bien, me répond-elle avec un petit sourire.
Voilà près d'une semaine qu'elle est à son chevet.
- Tu vas rester à ses côtés aujourd'hui ? dis-je.
- Oui, affirme-t-elle. Emma, je pense que je vais rester auprès de lui-même quand il sera sur pieds.
Je fais un petit saut.
- Je suis très très contente pour toi Kimiko !
- Suis-je en train de rater quelque chose ? demande Gabriel en arrivant.
Je hausse les sourcils vers la japonaise.
- C'est officiel ? chuchoté-je.
Elle hausse les épaules en rougissant.
- Thiago et elle sont ensemble, je réponds.
- Ah, rien de nouveau quoi, dit Gabriel.
Je ris, les yeux de Kimiko sont aussi brillants qu'avant. Mon amie est revenue, et j'en ai les larmes aux yeux.
- Qu'ont donné les études du fossile ? demande Thiago derrière.
- Pour le moment rien, explique Gabriel. Mais Ellias a bon espoir.
Le portugais acquiesce et nous les laissons.
En descendant au réfectoire, nous tombons sur Emily et Kyle. Ce dernier a bien grandi et il tient debout sur les genoux de sa mère, ses deux petites mains posées sur les épaules d'Emily. Je croise Malik qui regarde d'un air mélancolique le petit garçon.
- Que veux-tu faire ? demandé-je à Gabriel.
- Déménager ?
Je soupire. Néanmoins, Kimiko souhaite rester aux côtés de Thiago. Plus rien ne me retient à bord. Mais bizarrement, je n'ai pas envie de quitter ma chambre.
- Pourquoi pas, finis-je par lâcher.
Le visage de Gabriel s'éclaire.
- Pour de vrai ?
Je hoche la tête.
L'islandais semble réellement heureux.
- Il faut que l'on trouve notre maison déjà ! s'exclame-t-il. Il en reste quelques-unes de libres !
Il m'entraîne dehors avec un tel enthousiasme qu'un sourire arrive à se frayer un chemin sur mes lèvres.
- Celle-ci ? propose-t-il en en désignant une.
- Elle est proche des douches, je me mettrais bien plus à l'écart, contré-je.
- Alors elle !
On passe en revue tous les habitats libres et on finit par en choisir une légèrement éloignée des autres mais très accessible.
- La peinture dedans maintenant ! poursuit Gabriel. Blanche ?
- Oui, ou rose pale, proposé-je.
- Beurk, grimace-t-il.
Nous passons la première couche sur les deux pièces et en attendant que ça sèche, il vient dans ma chambre m'aider à faire du tri.
- Ah ces filles, qu'est-ce que vous pouvez accumuler du bazar ! soupire-t-il.
En fin de journée, j'ai rangé mes affaires et la peinture est sèche.
- On fait la deuxième couche ce soir pour pouvoir emménager demain ?
Je fais oui de la tête.
* * *
Je regarde le plafond éclairé par la guirlande lumineuse. Demain soir, je ne serai pas ici. Je contemple les murs de ma chambre. Ils vont me manquer. J'ai passé des milliers de nuits entre ces quatre murs. Kimiko est assoupie à côté de moi et Olaf, Maya, Tobby et Lilou ronflent sur le tapis qui devient beaucoup trop petit. Je me souviens de toutes ces nuits, les premières ou je pleurais, les quelques-unes que j'ai passées seule à la mort de Carlo, celles où je m'endormais en caressant Olaf, celles où on discutait tard dans la nuit avec la japonaise. Je finis par éteindre la guirlande, plongeant la pièce dans le noir.
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