Chapitre 46 : Station

- roulements de tambour -
Nous changeons de point de vue pour ce chapitre ! Nous sommes dans la tête de...
- roulements de tambour -
... Tessa !

TESSA :

Je contemple du coin de l'œil Thiago diriger l'équipe chargée de construire la « serre » pour les plantes. Etant donné que nous manquons de bâches transparentes, nous allons utiliser un abri et ajouter simplement deux grands bacs dessous.

Le portugais m'insupporte, mais ce n'est pas nouveau, ce qui m'insupporte encore plus, c'est de voir tous les autres le suivre comme des petits toutous. En parlant de toutous, le chien de Kamilia, ma colocataire recouvre littéralement mes vêtements de poils, il a décidé de dormir tous les soirs dans ma penderie, sérieux. Kamilia est très protectrice de son petit chien et elle ne le laisse pas souvent libre, les seuls moments où je le vois c'est dans mon armoire. Je suis occupée à frotter activement mon pantalon pour enlever ses fichus poils, en observant dehors par le hublot, quand on entre dans le sas.

- Tu ne viens pas aider ? s'étonne Soña en passant avec sa chienne Neba -il me semble- dans les bras.

Ah ces animaux je n'en peux plus !

- Non merci, si c'est pour être sous la dictature de Thiago, rétorqué-je.

La polonaise lève un sourcil mais elle ne dit rien et sort.

Je la regarde disparaitre.

A l'époque, quand mon agent m'a dit que je faisais partie des Dix j'étais heureuse, j'ai toujours aimé « manager ». Mais dès le début, c'est Emma que Daniel Hunter a choisie pour parler, depuis cette date, je la déteste. J'ai toujours voulu avoir un peu d'autorité et de pouvoir mais très vite, ils se sont tous mis à écouter Thiago et pas moi. Du moins, jusqu'à mon coup d'état. J'étais à trois pour cent d'être élue et tout aurait été différent, mieux.

J'entends des cris, de la terre vole et je soupire. Je sors dehors. Les deux bacs sont achevés et ils commencent le transfert de la terre et des plantes du vaisseau dehors par un grand ascenseur rempli de bouse. Je ne lève pas le petit doigt pour les aider mais j'observe. Une fois le matériel au sol. Les plants sont transportés sous l'abri potager. Puis replantés.

Après la pause repas, les travaux reprennent, nous devons amener l'eau.

- Un groupe est en train de préparer la station d'épuration qui va être transportée, explique Thiago. Nous en avons deux dans le vaisseau, jusqu'à maintenant, les deux tournaient. Il va falloir en désactiver une, la placer sous un abri proche et la remettre en route

Je croise les bras sur ma poitrine.

- Nous allons placer la station sous le dernier abri libre, le plus proche et nous pourrons ainsi la relier à l'intérieur grâce à notre seul grand tuyau, poursuit-il.

- Mais elle servira à quoi sous l'abri ? demandé-je.

- J'y viens...Nous devrons ensuite créer des douches juste à côté sous le même abri, explique Thiago. Comme dans le protocole, je n'invente rien.

- La station fait quelle taille ? demande Jun.

- Six mètres cube, une petite pièce, indique le portugais.

- Et comment on va transporter ça ? s'écrie Jun.

- Comme les panneaux solaires, sur la plaque à roulettes.

Avec lui, tout parait simple.

- Mais comment va-t-on créer des douches ? Ce n'est pas si simple, il faut évacuer l'eau par-dessous puis la récupérer et..., dis-je.

- Les quinze douches seront surélevées et nous avons de quoi faire un système d'évacuation dessous, déclare-t-il. De plus, elles seront tout près de la station pour que l'eau puisse être facilement refiltrée.

- Il y aura assez d'eau pour les animaux et les plantes ? s'enquiert Emma, inquiète.

- Nous allons continuer comme aujourd'hui avec un système à cercle fermé. Toute l'eau est à chaque fois récupérée et réutilisée, dit calmement Thiago. Nous pourrons à la longue réussir à utiliser l'eau de pluie que l'on récupère pour être parfaitement autonomes sur Aria.

Il y a un silence.

- Les douches doivent être finies avant ce soir et la station mise en place ! s'exclame Thiago. Nous avons tous les guides pour les construire à disposition, on s'y met ! Je veux tous ceux qui ne sont pas indispensables dans le vaisseau sur le chantier dès maintenant !

Ça y est, il recommence à faire son chef et à donner les ordres, je fais demi-tour et retourne au sas mais il m'interpelle.

- Tu as entendu Tessa ? C'est parti !

Je le toise.

- Qui es-tu pour me donner des ordres ? craché-je.

- Je suis le leader, nous mettons en place l'élément le plus délicat et compliqué car nous sommes limités en temps ! Tu vas t'y mettre maintenant comme tout le monde !

Je jette un coup d'œil, des barres métalliques sont descendues par un groupe près de l'ascenseur, un autre est en train de s'organiser pour les réceptionner et un troisième lit le guide. Suis-je la seule à ne pas supporter d'obéir à ses ordres ?

- Tu vas utiliser le système toi aussi, tu es autant concernée que les autres, vas-y, insiste-t-il.

Je m'exécute en silence, bouillonnant intérieurement. Nous sommes au total une soixantaine.

Nous passons toute notre fin de journée dessus, on nous apporte à manger et peu avant la tombée de la nuit, Thiago décide d'installer la station d'épuration, les douches sont prêtes. Mon groupe est chargé de dérouler le tuyau, pendant qu'un autre fait descendre la station par l'ascenseur avec une bâche par-dessus, un peu trop petite pour couvrir six mètres cube mais c'est la plus grande qu'il restait. Au moment où la plaque d'ascenseur touche le sol, l'air s'assombrit et la température monte.

- Il va pleuvoir ! crie quelqu'un.

- Tous ceux qui ont un casque, mettez-le, les autres vous rentrez vite ! ordonne Thiago.

Heureusement pour moi, je n'ai pas pris de casque, je n'avais absolument pas prévu de rester, je lance un regard appuyé à Thiago et je rentre fièrement au sas.

Je m'assois tranquillement derrière le hublot et j'observe. Je vois les lèvres de Thiago bouger, sûrement pour donner des consignes et à cet instant je suis bien heureuse de ne pas les entendre. Ils se mettent à dix pour installer la station sur leur plaque à roulettes. Je vois l'eau commencer à tomber, ils ont seulement une veste résistante et un casque. La station est protégée par une bâche trop petite.

Ils font rouler la plaque, Emma est derrière, ça ne m'embêterait pas qu'elle se brûle celle-là. Ils doivent porter la plaque pour qu'elle passe chaque petite rivière. La pluie monte en intensité.

- Il ne devrait pas leur demander de faire ça c'est suicidaire, commenté-je pour moi-même.

- Si on ne protège pas la station d'épuration elle est foutue et nous aussi, rétorque Ellias, tendu.

Soudain, dehors les lèvres s'agitent, ils crient des paroles que nous ne pouvons entendre d'où nous sommes. Alors qu'ils enjambent une rivière je vois la station vaciller, l'eau qui s'est accumulée sur la bâche se renverse, Jun dessous, crie et lâche en se tenant le poignet. Les autres sont déséquilibrés par le poids à présent mal réparti et la station heurte le sol. Gabriel lâche à son tour pour secourir Jun, Thiago leur crie quelque chose.

Ellias à côté de moi enfile une veste et se précipite pour ouvrir la porte, de l'air chaud s'y engouffre. Gabriel entre en soutenant Jun qui crie de douleur.

- Fais quelque chose ! Va chercher Elina ! s'exclame Ellias dans ma direction.

Je sursaute et après un petit temps, je file dans les couloirs. Je monte les marches quatre à quatre et j'arrive à l'étage médecine essoufflée.

- Elinaaa ! appelé-je.

Je ne reçois pas de réponse.

- Où est-elle au pire moment ? grogné-je en redescendant jusqu'au réfectoire.

- Elina ! crié-je à nouveau.

- Que se passe-t-il ? demande une japonaise aux cheveux noirs. Je suis de la médecine.

- Jun s'est brûlé. L'eau qui était sur la station lui a coulé sur le poignet, dis-je en reprenant mon souffle.

- Accompagne-le jusqu'à une chambre de médecine, je prépare le matériel, déclare aussitôt l'asiatique.

Et me revoilà à courir.

- Jun, une fille de médecine t'attend à l'étage, elle prépare le matériel, indiqué-je à Jun.

Ce dernier s'y dirige.

- Merci Tessa, me dit Ellias.

En regardant par le hublot nous voyons quinze personnes qui tentent maladroitement d'ajuster la bâche qui recouvre la station et ils ne tardent pas à rentrer.

- Nous ne finissons pas de la déplacer, s'étonne Ellias.

- Elle est bouillante, de l'eau s'est infiltrée dedans, indique Thiago la mine grave.

- La station est morte ? s'exclame Ellias catastrophé.

- Peut-être pas morte mais elle ne remarchera pas de sitôt, dit Emma en s'épongeant le front après avoir retiré son casque.

Thiago passe nerveusement sa main dans ses cheveux.

- Nous sommes obligés de la remettre en route rapidement sinon on ne peut plus arroser les plantes et l'eau va manquer.

On reste silencieux. Par le hublot je vois le bloc posé en biais entre les pousses et partiellement recouvert d'une bâche claire.

- On ne peut pas y retourner ? s'enquiert Kim qui faisait partie du groupe.

- Non la pluie est devenue extrêmement violente et nous n'avons que six combinaisons intégrales, à six, on n'y arrivera pas, dit Thiago.

- Remarque, ça nous éviterait d'avoir à nous doucher ce soir on économiserait de l'eau, plaisante Gabriel.

Emma lève les yeux au ciel.

- Ce n'est pas trop le moment de rire, dit-elle. Je vais voir Jun.

L'islandais la regarde sortir en haussant les sourcils.

- J'ai dit quelque chose de mal ? demande-t-il.

- Elle est à cran, déclare Kim.

- Comme nous tous, complète Thiago.

Gabriel pousse un profond soupir et sort à son tour la rejoindre. Un silence s'installe. Je finis par m'en aller, il n'y a plus rien à faire tant qu'il pleut ainsi. Alors si c'est pour écouter Thiago nous dire que tout est fichu, non merci.

Je vais me coucher, le soleil est déjà bas et cette journée était épuisante.

- L'heure est grave, comme vous le savez sûrement, Jun a été gravement blessé au poignet gauche et la station est endommagée, dit Thiago au petit déjeuner.

Les conversations se stoppent aussitôt.

- Nous allons rapidement devoir arroser les plantes mais la seule eau disponible à l'extérieur est celle que nous récupérons de la pluie. Elle contient beaucoup d'acide Clyrique et on ne sait pas la réaction qu'auront les plantes.

Il reprend

- Le temps que nous trouvions de nouveaux composants qui peuvent remplacer les pièces brulées de la station, nous devons apporter de l'eau aux plantes et aux animaux.

- Et bien donnons l'eau que l'on récupère de la pluie, dit Izabella. C'est la seule option.

Emma fait une grimace et fait remarquer qu'il faut faire des tests sur quelques plantes avant de tout arroser.

- Il faudrait d'abord finir d'amener la station sous l'abri, dis-je.

- Ça a été fait ce matin tôt, réplique Thiago.

Je ne réponds pas, je dormais et alors ?

Cette fois, je ne vais pas au sas comme la veille, je me dirige vers les cuisines et je propose innocemment mon aide. Thiago ne viendra pas me donner des ordres ici. Je passe ma matinée à cuisiner ou plutôt à être dans la même pièce que des gens qui cuisinent. Je ne suis pas dérangée par la pagaille extérieure et j'en viens presque à oublier tous ces problèmes d'eau et de plantes. Malik nous rejoint un moment puis repart, il semble un peu perdu. Je ne m'en préoccupe pas.

Avant je ne m'ennuyais jamais comme je suis en train de le faire. Je participais à tous les projets et toutes les discussions importantes. Ma vie a changé si vite. Une part de moi a envie de retourner en arrière de redevenir la Tessa d'avant mais c'est trop tard, j'ai franchi trop de barrières pour faire demi-tour.

Le soir lors du dernier repas, l'équipe de choc qui est tout le temps présente sur le chantier prend la parole.

- Nous avons des mauvaises nouvelles, annonce Thiago. Les dix plants que nous avons arrosés avec l'eau de pluie ce matin sont morts.

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