Chapitre 44 : Kyle
- roulements de tambour -
Nous changeons de point de vue pour ce chapitre ! Nous sommes dans la tête de...
- roulements de tambour -
... Gabriel !
GABRIEL :
- Où est Emma ? demandé-je à Kimiko qui est assise dans un coin de la pièce, perdue.
- Elle est allée avec Elina, voir l'échographie d'Emily, m'indique la japonaise.
Je fais une grimace mais monte néanmoins à l'étage médecine.
- Tu refuses toujours de savoir si c'est une fille ou garçon ? dit la voix d'Emma.
- Oui, répond ce qui me semble être la canadienne.
- A partir de maintenant, il faut que tu arrêtes les activités violentes ou brusques. Tu dois à tout prix éviter une chute, déclare Elina au moment où j'entre dans la pièce.
Emma se tourne vers moi avec un sourire.
- Tout va bien là-dedans ? demandé-je en désignant le ventre d'Emily.
Les trois filles acquiescent.
- Thiago veut qu'on installe l'électricité à l'extérieur dis-je. Vu sa tête il était plutôt pressé.
La française me rejoint aussitôt et on descend au sas.
- On va commencer par quoi ? demande-t-elle.
- Les panneaux solaires.
- Lesquels ?
- D'abord les photovoltaïques pour la lumière, dis-je. Et les panneaux thermiques pour la chaleur.
- On les met où ?
- Ça par contre, je ne sais pas, tu m'en demandes trop.
Nous sommes une vingtaine dans le sas à attendre les consignes. Je remarque Tessa dans un coin mais à sa manière de regarder Thiago, je ne pense pas qu'elle sera d'une grande aide. Depuis sa tentative d'élection ratée, elle a perdu son sourire et lance des regards mauvais à tous ceux qui ne la soutiennent pas. Moi j'ai voté pour Thiago, il tient la route et avec lui pour le moment, tout se déroule comme prévu, enfin presque comme prévu.
- Les panneaux vont être transportés sur des grandes plaques pourvues de roues, il faudra ensuite les décharger et les incliner légèrement, explique le portugais. On va laisser un mètre d'intervalle entre chaque panneau pour pouvoir circuler aisément en cas de pépin.
- Et on les place à quelle distance du vaisseau ? demande Ellias.
- Derrière l'abri le plus éloigné, il doit être à 300 mètres.
- Ah oui quand même ! soufflé-je à Emma.
Elle dit :
- On en installe combien ?
- On va en placer quinze qui captent la lumière et quinze pour la chaleur, déclare Ellias, un papier à la main. Il nous en restera en réserve dix de chaque, pour plus tard ou ailleurs.
- C'est très intelligent de la part des scientifiques de nous les avoir fournis, murmuré-je. On aurait été mal pour les fabriquer...
- On va essayer de faire vite pour ne pas être coupés par la pluie, c'est parti ! conclut Thiago.
Comme il dit « C'est parti ! ». On dépose les panneaux solaires sur les plaques qui roulent et on forme une chaine jusqu'au site qui a été préalablement « tondu » de tous ses pics. Après quelques heures, juste avant le deuxième repas de la journée, nous avons amené le matériel à trois cent mètres, et je peux vous dire que ce n'est pas rien trois cents mètres quand on se tape 30 panneaux solaires !
Au moment d'aller manger le troisième repas, je raisonne beaucoup en repas, nous avons fini d'installer les panneaux solaires photovoltaïques. Nous terminons l'installation complète juste avant le diner.
- Quelle journée, m'exclamé-je.
- Oui je suis crevée, déclare Emma.
Je lui souhaite bonne nuit et je monte dans ma chambre. Une fois allongé sur mon lit je pousse un profond soupir. Ma chambre est blanche, comme tout le vaisseau, je n'ai pas échappé à la règle. Il y a quelques photos d'Emma et moi, d'Olaf aussi que la française m'a offertes lors de mes anniversaires à bord.
Emma, c'est ce pourquoi je suis ici, j'ai l'impression de la connaître depuis toujours. Je l'ai remarqué le premier jour tous ensemble, quand elle a pris la parole après Daniel Hunter à Lisbonne. Pour elle, j'étais invisible à l'époque. Après un an à bord, on s'est mis ensemble, les premières semaines, j'avais peur qu'elle ne se lasse et qu'elle passe à autre chose. Elle parait tellement occupée, joyeuse, embarquée dans tout un tas de trucs et avec elle on ne s'ennuie jamais. Mais avec le temps, j'ai appris à la connaître, j'ai compris la sincérité de son amour, ce n'était pas juste une passade.
Le projet ARIA m'apporte la stabilité que je n'avais pas avant. La sécurité, je sais où je dors le soir et où je me lève le matin. J'ai accepté d'être l'élu de l'Islande pour avoir un réel but. Les quatre premières années de ma vie j'étais avec mes parents mais ils avaient des problèmes financiers et des problèmes apparemment graves avec la justice. Ils ont été forcés de me placer en foyer. J'ai rapidement été adopté par deux familles consécutives. Je déménageais sans arrêt et je n'ai jamais eu de chez moi, avant ici.
Mon agent était très déçu que je ne fasse pas partie des Dix, il a même porté plainte contre Daniel Hunter. Moi au contraire, j'étais soulagé, je n'ai jamais été doué pour donner des ordres. Au fil du temps, j'ai trouvé ma place. Emma m'a intégré au groupe moteur et je me sens utile. Elle m'a entrainé avec elle dans ses nombreux projets et comme je le disais, je ne m'ennuie jamais quand je suis avec elle.
Je fixe le plafond, on a vécu tellement d'étapes, mais une chose est sûre, dans cette chambre blanche je suis chez moi.
* * *
Les semaines passent, plus nous avançons et plus Aria devient à nous.
- Les panneaux solaires produisent beaucoup plus que prévu, peut-être même trop, dit Ellias. On a beaucoup d'énergie, il va falloir s'en servir.
- Donc plutôt des bonnes nouvelles, résume Thiago. Nous avons un nouveau projet.
Je lève la tête, intéressé.
- Au fond de l'eau, nous avons remarqué que le sol est très dur. Nous pensons que les couches de pousses ont fini par former de la roche.
Il s'arrête, comme s'il attendait une réponse.
- Je n'ai pas bien saisi le projet du coup, dis-je.
- Nous allons utiliser un explosif pour atteindre cette roche, puis nous creuserons et on en apprendra surement beaucoup sur le passé d'Aria.
- Là c'est tout de suite plus clair, remarqué-je.
Jun demande aussitôt quand est-ce que Thiago compte procéder et le portugais hausse les épaules.
- Maintenant, suggère Emma qui déteste attendre.
Et encore une fois « C'est parti ! » on enfile nos casques, on prend les explosifs et on sort dehors.
- On va se placer relativement loin du vaisseau, on ne sait jamais ce qu'il peut se produire, déclare Thiago sur la route.
Nous sommes tous excités. Nous choisissons une rivière profonde et on place l'explosif tout au fond de l'eau à l'aide d'une pousse séchée.
- Tout le monde s'éloigne au moins de trente mètres, ordonne Thiago tandis que nous nous exécutons.
Une fois à bonne distance, on rabat les visières de nos casques et Ellias appuie solennellement sur le bouton. Instinctivement, je ferme mes yeux, mais la détonation n'est pas si forte ni si violente. On ressent une très légère secousse et de l'eau gicle un peu partout. Après une minute d'hésitation, de suspense, nous nous approchons très prudemment du lieu.
- J'ai l'impression que ça a réduit en poussière les pousses, il va falloir creuser maintenant, dit Thiago.
- Avec toute cette eau ? demande Emma.
- Oui, ça devrait même faciliter le travail, explique-t-il.
J'ai une moue sceptique. Je ne suis pas le plus motivé pour me mouiller les pieds. Nous devons néanmoins, nous y mettre. Je décide de faire passer le matériel et de coacher à distance pour éviter de mettre les pieds dedans.
Emma m'éclabousse en entrant dans la petite rivière et Tessa fait gicler de l'eau en donnant son premier coup de pelle. Je m'écarte brusquement.
- Eh !
- Ne fais pas ta chochotte, ricane la française en faisant virevolter de petites gouttelettes.
Je prends cette remarque comme une déclaration de guerre. Très sérieusement, je m'avance à grands pas et je soulève de l'eau à l'aide de ma pelle. Sans qu'elle ne s'y attende, je renverse le contenu sur la tête de la française qui s'arrête aussitôt de rire. Elle se tourne vers moi trempée de la tête aux pieds.
- Tu vas voir toi ! menace-t-elle en sortant de la petite rivière pour me courir après.
Soudain la luminosité baisse, l'air devient plus chaud.
Instinctivement, on lève nos têtes vers le ciel et on court jusqu'à l'abri le plus proche.
- Tu t'en sors bien pour cette fois, grogne Emma, essoufflée.
- On rentre au vaisseau, indique Thiago et nous reprenons notre course.
Une fois tous dans le sas, Thiago annonce que nous reprendrons le travail demain et nous sommes libres.
- Tu es toute mouillée, dis-je à Emma en la repoussant tandis qu'elle s'approche.
- La faute à qui ? répond-t-elle avec un sourire.
- Ce n'est pas moi qui ai commencé, soupiré-je avec ma voix d'innocent.
Elle lève les yeux au ciel et file se doucher.
- Tu ferais bien d'en faire autant, commente-t-elle en quittant la pièce.
Les semaines qui suivent, nous creusons, jusqu'à atteindre de la roche pale. Avant de l'atteindre, nous évacuons une couche de petits grains gris, qui ressemblent à du sable grossier, nous le mettons de côté. Ça avance très très doucement et péniblement. Nous ne savons pas vraiment ce que nous cherchons et nos efforts paraissent vains. Mais Thiago ne se décourage pas et nous fait redoubler d'efforts chaque jour. Nous avons dégagé de la roche sur deux mètres carrés environ qui sont maintenant recouverts d'un fond d'eau.
- Je ne vois pas l'intérêt de tout ce bazar, dis-je un soir.
- Moi non plus, marmonne Jun.
- Nous espérons découvrir des choses, et puis c'est toujours utile, c'est un lieu sûr, on peut s'en servir de coffre-fort en cas de secousse, dit Thiago.
Je pousse un profond soupir.
Après deux semaines de travail acharné, un événement vient perturber la routine. Tôt le matin, j'entends quelqu'un qui frappe à la porte de l'appartement.
- Emma, qu'est-ce que tu fais là ? marmonné-je ne lui ouvrant.
- C'est Emily ! s'écrie-t-elle, vêtue de son pyjama Lama.
- Quoi Emily ? demandé-je totalement endormi.
Soudain le lien se fait : Emily plus enceinte depuis huit mois et demi égal bébé !
- Ah j'arrive tout de suite ! m'exclamé-je.
La française fait demi-tour dans le couloir et elle file à l'étage médecine. Je me rends dans la salle de bain, je passe un peu d'eau sur mon visage pour me réveiller et j'enfile un gros sweat car il ne fait pas encore très chaud à cette heure-là.
- Qu'est-ce qu'il se passe ? grogne Samuel en sortant de la chambre à côté de la mienne.
- C'est Emily, dis-je.
Comme moi, il a un petit temps de réaction puis ses yeux s'éclairent.
Je sors à mon tour. Ça fait trois semaines que la canadienne a ordre de rester couchée à l'étage médecine. Les filles se relayaient pour lui tenir compagnie. Elina disait qu'il valait mieux mettre toutes les chances de son coté.
Quand j'arrive sur place, il y a déjà un petit attroupement devant une salle. Emma s'approche de moi.
- J'espère que tout va bien se passer murmure-t-elle.
- Qui s'en charge dans le groupe de médecine ? demandé-je.
- Elina, Inès et Kimiko.
J'hausse un sourcil au dernier prénom.
- Oui c'est cool, hein ? dit la française. Ça va lui faire du bien.
- Emily est entre de bonnes mains, affirmé-je.
Les premières minutes, on attend plantés comme des idiots. Puis Elina sort la tête et nous lance.
- Vous n'allez pas rester là, allez attendre au réfectoire je vous tiendrai au courant.
Nous descendons et je finis par m'assoir, je n'ai pas terminé ma nuit moi ! Emma se cale contre moi et nous sommes rapidement imités par le groupe. Je m'assoupis plusieurs fois et je somnole le reste du temps. C'est un moment tellement important. Thiago nous rejoint avec les cheveux en pagaille, d'autres font de même et nous devons être une quarantaine assis. Quel drôle de spectacle !
- Tu aurais dû prendre ton appareil photo pour...
- Oh oui ! me coupe Emma en se levant. Je vais le chercher !
Elle revient quelques minutes plus tard et on passe le temps en faisant défiler les photos de sa pellicule.
Voilà bientôt trois heures que nous sommes devant. Toutes les trente minutes Elina passe nous voir pour nous affirmer que tout se passe bien. Paulina a l'autorisation d'entrer, mais c'est la seule. Personne n'a pris en charge le repas, nous sommes tous sur le qui-vive.
- Je vais m'habiller, dis-je ne me levant.
Les couloirs sont silencieux, les gens sont soit à l'étage médecine, soit dans le réfectoire à attendre une bonne nouvelle. Certains sont dehors aussi. J'enfile un survêtement et je passe à la cuisine. J'attrape les petits pains qui ont été faits hier soir et je remonte à l'étage médecine. Nous grignotons tous ensemble, cette ambiance, on commence à la connaitre, celle où l'on souhaite tous la même chose, on ne forme qu'une seule et même famille. Ici, c'est comme si nous étions tous cousins ou frères, on est la famille Aria. Et aujourd'hui, c'est un événement, comme dans toutes les lignées, le premier bébé.
- Tu veux que ce soit une fille ou un garçon ? demandé-je à Emma.
- Peu-importe tant qu'il ou elle est en bonne santé, répond-elle.
- Tu n'as pas tort, c'est plus important... Mais je préfèrerais un petit gars quand même...Elle pourrait l'appeler Gabi !
Elle pousse un soupir mais me sourit.
- En accouchant ça devient carrément officiel, elle ne rentrera pas sur Terre, dit-elle. Aucun enfant ne rentre.
- C'est vrai, commenté-je. Tu veux rentrer toi ?
- Bien-sûr ! s'exclame-t-elle. Je me suis toujours dis que mon objectif était de rentrer.
Elle se redresse.
- Pas toi ?
- Si bien-sûr, si tu rentres je rentre, affirmé-je. Je ne te quitte pas d'une semelle.
Elle s'apprête à répondre mais soudain, il y a de l'agitation.
- Ça y est ! s'écrie le visage souriant mais épuisé d'Elina qui entre dans la pièce. C'est un petit garçon, il s'appelle Kyle !
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