Chapitre 43 : L'enclos

EMMA :

Je soupire de soulagement. Thiago est autoritaire, c'est vrai, mais il semble tout de même moins directif que Tessa. Cette dernière a disparu. Elle a dû monter en vitesse dans sa chambre en voyant les résultats.

- Ce n'est pas plus mal que Thiago reste en charge, mais je n'aime pas trop le principe d'un seul chef, commente Gabriel.

- Tu as entendu, il veut maintenir le système tel quel, dis-je.

- Oui mais déjà qu'avant il était autoritaire, maintenant qu'il a été élu, il pourra imposer ce qu'il veut.

Je hausse les épaules et nous sortons de la pièce. Il y avait 43% de personnes contre lui, que va-t-il se passer maintenant ?

- Moi j'ai voté pour Tessa, dit Kimiko.

- Ah bon ? m'étonné-je. Pourquoi ?

- Thiago a refusé que je fasse partie de l'équipe qui est allée chercher Carlo, dit-elle en baissant la tête.

Je m'empresse de changer de sujet.

- Je vais à la piscine, tu m'accompagnes ?

Elle fait non de la tête et je n'insiste pas. Olaf me suit en trottinant et Gabriel va rejoindre Samuel. Être seule dans l'eau est étrange, ça faisait longtemps. Ça me transporte lors de la deuxième semaine de sélection en France, dans les hôtels lors des semaines d'apprentissages, dans mon club de piscine. Si on m'avait dit à cette époque qu'à 21 ans je serai dans la même position, à flotter sur l'eau mais sur une autre planète, j'aurais bien rigolé.

Hier, nous avons construit de grandes cuves chargées de récupérer l'eau de pluie et la stocker pour plus tard. Les pousses dans l'abri ont rendu de l'eau que nous avons tenté de récupérer aussi. Nous avons comme autres projets de finir de créer un enclos avec un toit pour les animaux et d'installer des panneaux solaires.

Maintenant nous n'avons plus besoin de casques et de tenues quand nous sortons à partir du moment où on reste à proximité d'un abri. Dès qu'on s'éloigne un peu plus il faut être équipés.

Kimiko se remet doucement, elle bouge de plus en plus mais elle reste fermée aux autres et personne n'ose aborder le sujet de Carlo. Je la soutiens comme je peux. Chaque soir, nous nous taisons un instant au réfectoire et on a tous une pensée pour l'italien. Je pense et j'espère que ça fait du bien à la japonaise de savoir qu'elle n'est pas seule et qu'elle ne le sera jamais.

La grossesse d'Emily se déroule très bien, elle en est à six mois selon le calendrier des États-Unis avec le format 24h. Avec le temps, cette grossesse est plutôt une bonne nouvelle, Aria est sécurisée sur un petit périmètre. Il faut avouer qu'on attend presque tous avec impatience l'arrivée du bébé. Tomber enceinte a aussi permis à la canadienne de s'intégrer dans le noyau, Elina et elle sont devenues très proches et elles passent beaucoup de temps avec nous. Emily évite par contre de multiplier les sorties dehors mais elle est très présente dans les projets. Elle pourrait savoir à ce stade si c'est une fille ou un garçon mais elle ne le souhaite pas. La seule question que l'on se pose tous en silence est : qui est le père ? Mais nous n'insistons pas en voyant sa réticence à le dire et le garçon ne se manifeste pas.

Je rejoins justement la canadienne et Elina au réfectoire après ma petite séance de piscine.

- Coucou Emma, dit Emily avec un sourire.

Je m'assois avec elles et déclare.

- Tout se passe bien ?

- Oui, répond Elina. Emily va déménager.

J'incline la tête sur le côté avec un regard interrogateur.

- Elle va prendre une chambre de deux libre, il en reste quelques-unes. Elle pourra avoir sa salle de bain et puis son bébé sera plus au calme.

Je souris.

- Quand ? demandé-je.

- Un de ses jours je pense, répond la canadienne.

- Pourquoi pas maintenant ? m'étonné-je. Je peux vous aider !

- Elle est toujours pressée celle-là... soupire Elina en se levant malgré tout. On a besoin de renfort ! Va chercher ton chéri, ajoute-t-elle.

Je leur adresse mon plus beau sourire et je file à sa recherche.

La chambre d'Emily est très simple et pas très chargée, on a rapidement tout mis dans des sacs.

- Bon il est où Gabriel ? s'impatiente Elina au bout d'une demi-heure.

- Il a dit qu'il arrivait, il ne devrait plus tarder, indiqué-je.

Pile à ce moment-là, la porte s'ouvre et l'islandais entre avec un gros caddie.

- Regardez ce que je vous ramène ! s'exclame-t-il. J'ai déniché ça dans le matériel.

- Il est lent, mais pas si con, commente Elina.

On s'empresse de charger les sacs dedans et on file vers l'ascenseur qui émet son « ding-dong » habituel. Je me souviendrai toujours d'Edward me disant de ne pas utiliser les ascenseurs du vaisseau car toutes les opportunités pour garder la forme sont bonnes. Je respecte sa volonté la plupart du temps, sauf évidemment quand on transporte un caddie.

- Tu vas être à l'étage des garçons, constate Gabriel.

- Fait attention à l'odeur, prévient Elina, ce qui fait rire la canadienne et soupirer Gabriel.

On fait plusieurs aller-retours mais quand vient le moment d'emmener les meubles, on attend l'arrivée des amis de Gabriel pour nous prêter main forte. En fin de journée, tout y est et on réaménage. J'imprime quelques photos pour rajouter un peu de gaité à son décor et le tour est joué.

- Merci les filles, souffle Emily. Même si Paulina va me manquer, je serais mieux et je les dérangerai beaucoup moins.

J'ai toujours aimé décorer et aménager un espace.

- Nous aussi on pourrait déménager, suggère Gabriel sur le trajet du retour.

Je le regarde.

- Tous les deux, dit-il.

- C'est vrai, réponds-je.

* * *

Les semaines qui suivent, la construction de l'enclos s'achève.

- Je veux assister à la sortie de Bousette, décrète Gabriel.

- Oh tu ne vas pas seulement y assister, tu vas y participer ! m'exclamé-je. En enfilant mon blaser.

Mon groupe de travail se retrouve rapidement au complet dans le sas. La moitié monte à l'étage des animaux et l'autre reste avec moi au sas. Nous sortons un par un. Le long du vaisseau, il y a comme un grand ascenseur à ciel ouvert de 4m carré avec des barrières qui l'entourent. Nous passons des heures à descendre les vaches une par une.

Heureusement elles se laissent faire et une fois au sol on les traîne jusqu'à leur nouvel enclos où des mangeoires ont été installées hier. Nous descendons cinq vaches dont Bousette. Une petite partie de l'enclos est dédié aux poules et nous lâchons quelques-unes d'entre elles et leurs poussins.

L'opération aurait pu être mignonne et amusante si nous n'étions pas littéralement recouverts de bouse. Car il s'avère que le stress chez l'animal peut provoquer de nombreuses déjections. Il faut croire que les vaches étaient très stressées.

- Je n'en peux plus ! s'écrie Nina.

Nous contemplons les vaches explorer leur nouveau chez elle. L'espace est très grand pour elles cinq et elles semblent apprécier.

- On va finir par rater le dernier repas de la journée, commente Agathe en s'épongeant le front.

- Surtout qu'on ne peut pas débarquer comme ça au réfectoire, renchérit Gabriel.

Une fois notre repas avalé, nous sommes une dizaine de mon groupe de travail ainsi que Gabriel à retourner dehors.

- Elles ont l'air bien, constaté-je en observant l'enclos.

Il fait plus sombre, le soleil se couche mais l'air est toujours aussi chaud. Je porte un tee-shirt gris clair et un short en jean, mes cheveux sont lâchés dans mon dos.

- Tu es belle, dit Gabriel.

Je m'apprête à le remercier mais il ajoute.

- Même si Bousette reste la plus jolie de toutes !

- Eh ! Tu es en train de me comparer à une vache, m'exclamé-je.

- Pas à n'importe quelle vache ! Tu peux prendre la comparaison comme un compliment.

Je soupire, il me fatigue. Nous nous asseyons sur les petits pics rouges.

- J'aimerais bien qu'on emménage ensemble, dit-il une nouvelle fois.

- C'est vrai que ce serait cool, réponds-je. Mais ce n'est pas le moment de laisser Kimiko seule.

- Je comprends.

Je scrute son visage, il ne semble pas vexé, peut-être un peu déçu.

- Bientôt, affirmé-je en lui attrapant la main.

Il m'embrasse en guise de réponse.

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