Chapitre 42 : Ce n'est pas mon problème

- roulements de tambour -
Nous changeons de point de vue pour ce chapitre ! Nous sommes dans la tête de...
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... Malik !

MALIK :

Tout allait bien, je passais mes journées aux corvées, j'étais pénard.

Je fais partie de l'équipe qui reste à bord, nos journées se résument à faire la bouffe et le nettoyage. Mais au moins on est tranquille. Avec un copain on s'est dit que c'était la solution de facilité et on n'a pas regretté. Nous devions juste nous lever tôt régulièrement, mais vu qu'on est vingt à rester à bord il y a des roulements et la plupart du temps on arrive à ne rien faire de la journée. Bref ma vie était cool, banale, agréable.

Enfin ça, ce paradis, c'était jusqu'au bazar d'Emily. Jusqu'au moment où je lui ai parlé dans la chambre. Depuis, certains ont deviné que c'était moi et me regardent de travers. Je les ignore.

Je ne suis pas responsable.

Emily, ce n'est plus mon problème.

Voilà ce que je me répète à longueur de journée. J'étais présent au moment de l'annonce à Thiago, j'espérais de tout cœur qu'elle choisisse d'avorter, qu'on en parle plus.

Mais deux jours après, elle a dit qu'elle choisissait de le garder. Mes espoirs se sont effondrés. Je me suis retrouvé face à la réalité, dure, violente. Mais peu importe ce n'est pas mon problème, je ne m'en occupe plus.

Mon ami avec qui je reste au vaisseau, Julien, me regarde bizarrement, il ne comprend pas mon choix. Rester avec lui devient insupportable. En me levant ce matin, je le fuis et je descends au sas. Je n'ai pas l'intention de sortir dehors, juste de me changer les idées et d'oublier un peu.

Au moment où j'entre dans le sas une équipe sort dehors. Thiago n'en fait pas partie et il reste un talkie- walkie à la main devant le hublot. Tessa à l'autre bout de la pièce lui lance des regards noirs. Depuis la réaction de Thiago pour Emily, la Dix ne lui adresse plus la parole. Je m'assois dans un coin. J'ai envie de changer, pour devenir une autre personne, quelqu'un qui n'est pas concerné par Emily, par Julien. J'attends en silence, je médite. Je sens le regard de Tessa qui se pose sur moi et je tente de prendre un air détaché. Il ne faudrait pas qu'elle devine. Mais au fond de moi, je sais qu'un jour ça se saura.

Brusquement Thiago se lève.

- L'équipe est partie explorer un peu plus loin et ils viennent de découvrir un engin !

Tessa s'approche aussitôt et Ellias fait de même.

- C'est lourd ? demande Thiago.

- Non ça va, à quatre on devrait pouvoir le porter, grésille la voix dans le talkie-walkie.

- Ramenez-le, décide le portugais.

Tessa le fusille du regard, comme à chaque fois qu'il donne un ordre. C'est vrai que Thiago est devenu assez autoritaire avec le temps. Mais moi, je n'y prête pas grande attention, je n'ai jamais été motivé par le Projet Aria. Je veux dire, je me suis entrainé mais je n'ai jamais été à fond comme certains. Mes parents par contre étaient totalement dedans. Ils m'emmenaient partout et me forçaient à faire tout un tas d'activités. Ils étaient peut-être trop présents.

Je n'ai jamais été doué pour respecter des règles et rentrer dans une case.

Une demi-heure après, l'équipe revient en portant un engin métallique qui doit faire soixante centimètres de haut et quarante centimètres de large. Le groupe se resserre autour et commence à émettre des hypothèses.

- Regardez s'écrie soudain une fille, il y a le blason de la Nasa !

Elle désigne des restes de peinture bleue. Moi je reste à l'écart, je ne m'en mêle pas vraiment.

- C'est une des sondes qui n'est pas revenue, dit Ellias.

Je m'avance légèrement, une question me trotte dans la tête depuis l'atterrissage.

- Comment une sonde peut-elle griller pour de la pluie chaude ? Elle traverse l'atmosphère à une vitesse tellement énorme qu'elle se rapproche de la vitesse de la lumière, la température est bien plus élevée.

- Pas faux, approuve une Dix qui tient une chienne blanche par la laisse.

- C'est parce qu'au moment où elle se pose, si les résultats semblent positifs, ce qui devait être le cas, elle sort ses capteurs de sa carapace avec des bras articulés. Une fois sortis, les capteurs sont vulnérables, explique Jun avec sa voix d'intello.

Je ne prends pas la peine de dire merci et je m'éloigne à nouveau. Les sondes n'étaient visiblement pas bien au point, comme beaucoup de choses dans ce projet selon moi. Je me retire et je retourne dans ma triste chambre. Les murs sont gris sombre, sobres, vides. Je m'assois sur mon lit. Je sais que je devrais être en train de nettoyer, de faire à manger ou de m'occuper des animaux, mais l'envie me manque. A quoi bon ? Quelqu'un s'en charge surement à ma place.

Au moment du deuxième repas de la journée, Thiago prend la parole.

- Aujourd'hui nous avons trouvé une sonde envoyée par la Nasa.

Il détaille ce que je sais déjà et continue.

- Nous avons maintenant trois abris dont un fait en pousses emboitées. Nous considérons qu'être dehors est maintenant sûr car nous connaissons les signes qui annoncent la pluie et nous pouvons facilement nous réfugier.

- Tu veux dire que l'accès à la planète est totalement libre ? s'étonne Kim.

- Non, mais nous pouvons considérer que sortir est sûr et plus accessible.

Tessa remplace le portugais et poursuit.

- Nous allons pouvoir commencer plus sérieusement à nous installer là-bas. Il faut beaucoup de monde sur le chantier, nous devons construire d'autres abris et d'autres « maisons ».

Il faut croire que c'est un point positif. Les semaines qui suivent, je ne me rends au chantier que deux fois seulement. Les projets avancent vite. De nouveaux abris sont construits ils apparaissent noirs, car ils sont faits de pousses séchées. On parle maintenant de sortir les panneaux solaires pour avoir un apport d'électricité. Il faut aussi construire une sorte d'enclos avec un toit fait de bâches transparentes pour les animaux. Nous apprenons chaque jour de nouvelles choses sur la planète Aria.

Demain, un repas dehors est organisé, notre premier.

J'évite Emily autant que je peux et je ne prends aucune nouvelle. Julien a laissé tomber l'affaire et il me reparle comme avant. Je fais beaucoup de sport chaque jour et j'aide un peu de temps en temps. Un nouveau mode de vie s'installe au sein du vaisseau. Aria fait petit à petit partie de notre quotidien. Nous nous sommes progressivement tous adaptés aux journées plus longues et nous le vivons très bien. Par rapport au calendrier sur Terre ça fera bientôt trois mois que nous nous sommes posés. Nous suivons les protocoles mis en place par les scientifiques.

Le repas sur la planète a donc lieu lors du deuxième repas du lendemain. Nous transportons nos plateaux jusque sous le premier abri.

- Vous pouvez vous éparpiller mais ne restez jamais loin d'un abri, indique Thiago.

- On n'est pas stupide, commente Tessa en lui passant devant.

Je rejoins Julien. L'air autour de nous est chaud. On s'installe tranquillement non loin d'une structure. Il y a un vent très faible qui nous balaie doucement le visage. Le ciel est brillant et blanc, le sol rouge. Cet environnement si différent de la Terre me plaît. C'est très calme mais en même temps ça peut vite devenir violent. Au loin, j'aperçois Emily qui m'observe, je détourne le regard. Elle me dégoute. Ma vie n'a plus rien à voir avec elle.

Nous mangeons en silence, au loin ils rient, ils se taquinent. Je me sens exclu mais je n'ai pas spécialement envie d'être intégré avec eux. J'ai toujours eu une distance avec les autres, avec le projet en général. Je me laisse porter, on verra bien.

Les jours qui suivent, certains taillent des pousses pour essayer d'en faire des lames pour mieux couper les pics. Je crois qu'ils sont aussi en train de fabriquer des roues. De petits abris de 9m² sont construits pour créer des chambres dehors. Le paysage ne ressemble plus du tout à celui de départ. Le sol est recouvert de petits pics rouges, des constructions noires poussent un peu partout et un enclos recouvert de bâches transparentes est en cours.

Dès que l'air devient plus chaud et plus sombre, nous courons nous réfugier au vaisseau ou sous un abri, c'est un automatisme. Voilà cinq mois que nous sommes posés, les journées se raccourcissent et les nuits s'allongent légèrement. Nous avons encore des milliers de choses à découvrir sur cette planète mais on commence doucement à se l'approprier.

- Qui a décidé que tu étais le chef ? crie Tessa à une vingtaine de mètres.

- Je ne dis pas que je suis le chef, juste qu'il faut que tu me laisses gérer, rétorque Thiago.

- Explique-moi la différence, réplique Tessa.

Un attroupement se forme.

- Tu es dans quel camp toi ? me demande Julien.

- Comment ça ? Moi je ne m'en mêle pas, je ne suis pas concerné, dis-je.

- Tu n'es concerné par rien ! s'agace-t-il. Moi je suis pour Thiago, Emily n'aurait jamais dû tomber enceinte...

Il me lance un regard appuyé que j'ignore.

Malheureusement ce n'est pas le seul qui décide de prendre parti pour Thiago ou Emily.

Je reste silencieux, mais les jours qui suivent, les « camps » se séparent... Les tensions montent. Moi je trouve que la société roulait très bien avec Thiago comme chef, mais certains contestent son autorité.

- Il faut faire un vote et savoir si tu restes le chef ou non, décide Tessa un soir.

- C'est n'importe quoi, commente Thiago.

- On verra ça, demain on vote.

- On vote pour quoi et qui ? intervient quelqu'un.

- On vote soit pour Thiago, soit pour d'autres personnes qui ont jusqu'à demain pour se décider, ou bien pour moi, explique Tessa.

- Là c'est toi qui es autoritaire, lance Thiago en lui lançant un regard mauvais.

A la fin de l'annonce je monte à pas lents dans ma chambre et je m'écroule sur mon lit. Le vote a lieu demain matin et pour être honnête je m'en contrefiche. Le système m'allait très bien.

* * *

- Les Dix sont maintenus ? demande Nina.

- Plus vraiment, dit Tessa. Ils auront un rôle un peu plus important, mais plus primordial...

- Avec moi, les Dix sont maintenus, le système est maintenu ! s'exclame Thiago. Sauf les Dix qui refusent de travailler avec moi bien-sûr...

- Thiago a privé Emily de sa liberté...

- Quelle liberté ? s'exclame Thiago.

- Laisse-moi finir, nous étions sensés garder les Dix mais Thiago a pris le dessus...

- C'est toi qui veux supprimer les Dix pas moi, commente le portugais.

Tessa soupire bruyamment et termine.

- Si vous voulez rétablir l'équilibre, votez pour moi !

On se tourne instinctivement vers Thiago pour qu'il fasse le même genre de discours, mais il hausse simplement les épaules et dit.

- Tout allait bien, la société tournait, je ne vois pas l'intérêt de tout ce cirque...

- Nous allons procéder au vote si personne d'autre ne compte se présenter...reprend Tessa. Ouvrez vos applications ! Vert pour Thiago, rose pour moi. C'est parti.

Julien à côté de moi vote immédiatement pour Thiago, moi j'hésite. Mais le portugais a raison. Quel est l'intérêt de tout ce cirque ? Ça se passait très bien, non ? Mon doigt se pose sur le carré vert.

L'écran de cinéma s'allume, les résultats vont s'afficher, 47% à 53%. Thiago semble serein, Tessa sourit. Après une éternelle seconde des couleurs viennent compléter le schéma.

Nous savons qui est élu dirigeant d'Aria.

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