Chapitre 39 : Début des installations
EMMA :
Je descends toute endormie en pyjama. D'ordinaire, ce trajet de mon lit jusqu'au réfectoire je le fais avec Kimiko. Mais celle-ci dort encore ou fait semblant, je ne sais pas.
Quand j'entre dans la vaste pièce je me dirige par automatisme chercher mon plateau et je m'installe à la table habituelle. Thiago entre à son tour et il parait avoir quelque chose à annoncer, Ellias le suit de près. Je trempe mes lèvres dans mon café et Olaf pose sa tête sur mes cuisses. Quelques instants plus tard, Gabriel me rejoint, il s'apprête à parler mais...
- Grande nouvelle ! s'exclame Thiago. Nous allons suivre le protocole mis en place par les scientifiques. Si le lieu est sûr, ce qui est le cas mis à part la pluie, nous entamons les installations.
Il y a un grand silence et je ressens une pointe d'excitation, on ne va pas s'ennuyer aujourd'hui.
- Pour ça nous avons beaucoup de matériel, des grandes barres de fer, des tiges métalliques, des bâches...etc. Nous devons sélectionner un modèle d'abri mis à disposition et nous allons entamer sa construction.
- Tu étais au courant ? me demande Gabriel.
- Non ! Il n'avait même pas prévenu les Dix, soufflé-je.
- Il prend vraiment les commandes, constate l'Islandais.
Je fais oui de la tête, mais après tout, est-ce mal ?
- On se donne rendez-vous -pour ceux qui le veulent- dans la salle de cinéma pour décider quel modèle nous faisons, termine Thiago en retournant s'assoir avec Ellias.
Je garde un peu de mon petit déjeuner pour la japonaise et je vais lui apporter.
- On va construire un abri, dis-je. On va choisir le modèle, tu veux venir ?
Elle me regarde longuement et fais non de la tête. Déçue, je sors de la pièce et je me rends dans la salle de cinéma.
- Elle ne veut pas ? demande inutilement Gabriel.
- Non. Elle est en train de se détruire j'aimerais trouver quelque chose pour l'aider.
- Il lui faudrait un bon coup de boost, déclare Gabriel.
- Comme quoi ?
Il reste silencieux.
Thiago fait défiler les modèles d'abri que nous sommes capables de faire avec le matériel à disposition. Nous votons plusieurs fois et c'est finalement un abri grand, plat et très simple avec un toit en biais pour évacuer l'eau.
- Il nous faut une trentaine de personnes sur le chantier en même temps, dit Thiago. Je dis seulement trente car nous avons trente casques et trente vestes résistantes. Il y aura un roulement évidemment. Qui veut faire le premier ?
Gabriel et moi échangeons un infime regard et on lève le bras en même temps.
* * *
L'abri sera constitué d'abord d'une grande structure métallique que nous recouvrirons par la suite de grande bâches. L'abri fera au total 40m² et nous aurons encore du matériel. Cet arrangement satisfait tout le monde.
Nous sortons un par un à la suite de Thiago, la veste sur nos épaules et un casque accroché à la ceinture. Nous suivons le guide du modèle et nous passons trois longues heures à installer les premières tiges. Il faut avouer que les scientifiques ont bien pensé leur système. Nous rentrons ensuite manger. Certains arrêtent, de nouveaux prennent le relais et nous reprenons jusqu'au troisième repas. Je laisse ensuite ma place et je monte dans ma chambre, tous mes muscles endoloris.
Kimiko n'a presque pas bougé et je ressens un peu de colère. Je passe mes journées pour faire avancer le projet, pour mettre en place des choses. Tout le monde fait sa part de boulot, certains en restant au vaisseau et en maintenant le système de nettoyage, de nourriture et d'activités et d'autres comme moi, en étant sur le terrain alors que la japonaise reste tranquillement dans la chambre.
Je regrette aussitôt mes pensées. Kimiko est en deuil, elle sort d'une terrible épreuve, laisse-lui du temps, me dis-je.
Après une bonne douche et une petite heure de repos, je descends au sas avec mon appareil photo. Je prends des clichés à travers le hublot des travaux, de la planète, des pousses, d'Aria. Cet appareil photo à une valeur différente, c'est celui que mes parents m'ont offert. A chaque fois que je le tiens dans mes mains, je pense à eux et j'espère que tout va bien là-bas. Le soir, quand nous allons nous coucher la structure métallique est presque achevée. Nous reprendrons demain mais il faudra faire plus attention à la pluie.
* * *
Juste après le petit déjeuner, nous nous y remettons. On fait passer des bâches et on les fixe en montant sur des échafaudages.
- Qu'est-ce que c'est lourd, soupire Gabriel en portant une tige en fer.
Je lui souris en circulant dans l'autre sens, les bras chargés. L'avantage des bâches, c'est qu'elles laissent passer la lumière tout en protégeant de la pluie.
- Il faut faire un test, annonce Thiago. On va laisser une pousse dure en évidence sous la pluie. Si elle y résiste il faudra remplacer les bâches des côtés par des pousses imbriquées, ce sera plus solide et on pourra récupérer la structure métallique.
- C'est vrai, dis-je. Comme un mur de briques !
Nous sommes rapidement relayés, beaucoup se portent volontaire et le chantier avance à toute vitesse. Deux jours plus tard, il est officiellement fini. Il se situe à une cinquantaine de mètres du vaisseau car il y avait une grande surface plane qui n'était pas sillonnée par les rivières. Alors que nous nous y rendons pour retirer les derniers échafaudages, le ciel devient plus sombre et l'air plus chaud. Nous remballons le matériel à toute vitesse et nous revenons dans le vaisseau en courant, nous ne sommes pas sûrs à 100% de l'étanchéité des bâches. Par le hublot nous voyons la pluie monter en intensité mais notre abri semble tenir le coup.
- Une équipe doit s'y rendre avec des combinaisons intégrales pour voir la réaction des pousses violettes à l'eau chaude, décide Thiago.
- Moi je peux, affirmé-je.
Gabriel s'avance à mes côtés.
- Si elle y va, j'y vais aussi.
Mais finalement Thiago sélectionne quatre autres personnes volontaires, car nous avons déjà beaucoup participé. Ils s'y rendent et constatent que les pousses dures y résistent, comme de la roche.
- Parfait ! s'exclame Thiago. On pourra monter des murs résistants.
- Il faudra être sûr de leur étanchéité, remarque Ellias.
- Nous avons déjà fait un grand progrès, l'abri tient bon et ne laisse pas passer l'eau. On pourra y entreposer du matériel, dit Guy.
- C'est vrai que c'est du beau boulot, renchérit Gabriel. On a mérité un bon repas.
Nous montons au réfectoire en discutant bruyamment, comme une bande d'amis le ferait dans les couloirs de son lycée. Nous nous sommes habitués aux journées de 16h et aux nuits de 15h, certains continuent à faire des siestes et ne dorment pas l'intégralité de la nuit mais je n'en ressens pas le réel besoin.
- Personne n'a été brulé ? s'enquiert Elina en posant son plateau à notre table.
- Dieu merci non, déclare Thiago.
- Il faudrait laisser du matériel de médecine sous l'abri, dit Elina. J'ai commencé préparer une caisse en cas d'urgence.
- Très bien comme initiative approuve Thiago.
Les joues d'Elina rosissent de plaisir.
* * *
Je plonge mon corps dans l'eau chlorée de la piscine, je sens mes muscles se détendre un à un. Ma tête se vide des soucis. Je me laisse aller, je m'imagine dans mon club à Lyon. Je vais toucher le fond et je remonte. Je fais des pirouettes et des allers retours, comme si j'avais encore 14 ans.
Je suis prise d'un élan de nostalgie et de retour dans la chambre, je ressors mes anciennes photos et mes carnets souvenirs. Je souris en me remémorant des scènes, Anna doit avoir tellement grandi et changé, tout comme moi. Elle doit sûrement être dans ses études de vétérinaire. Et mon frère ? Et Romane ? Ce serait tellement plus simple si on pouvait communiquer...
Mila et Amélie lancent un film dans le salon et je les rejoins. Nous rions devant une comédie jusqu'au dernier repas de la journée durant lequel Thiago récapitule les nouveautés. Tout le monde semble avoir accepté que c'était le chef.
Le lendemain Elina et le groupe de médecine, installent leur matériel sous l'abri. Beaucoup s'y rendent, certains décident même d'y organiser un pique-nique un de ces jours. Ellias, Thiago et Guy continuent à analyser tous les chiffres recueillis par les capteurs du vaisseau. Une nouvelle expédition est en préparation. Nous avons comme objectif de nous rendre près de là où Carlo est mort pour couper des grandes pousses dans le but de les faire sécher et durcir. Une fois notre réserve assez grande nous pourrons alors bâtir des murs.
Le soir dans mon lit je contemple la japonaise.
- Kimiko ? appelé-je.
Il y a un silence et je commence à me dire qu'elle ne me répondra pas.
- Oui, murmure-t-elle.
- Tu vas comment ?
- Je ne sais plus du tout Emma.
Une larme coule le long de sa joue.
- Au début, j'étais fâchée contre tout et tout le monde. J'en voulais au monde entier, je voulais disparaitre.
Je ne dis rien, j'attends.
- Maintenant je suis perdue.
- Je pense qu'il aurait aimé que tu sois heureuse et que tu poursuives ta belle vie, murmuré-je.
- Ah quoi bon ? Il n'est plus là.
- Mais nous sommes là, et tu es là. Nous sommes sur Aria. On a une mission, des objectifs, on a une merveilleuse aventure à vivre.
Cette fois, c'est à elle de se taire. Je me lève pour éteindre la lumière et j'allume la guirlande.
- De quoi as-tu peur ? chuchoté-je dans la semi-pénombre.
Elle met un moment à répondre.
- D'être seule.
Je me relève brusquement et je pousse mon lit jusqu'au sien. Une fois que nos matelas se touchent, je me rallonge et elle se blottit dans mes bras grands ouverts.
- Tu ne seras jamais seule.
- Emma ? dit-elle contre mon épaule.
- Oui ?
- Merci.
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